SEANCE DU 30 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, auteur de la question n° 967, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Thierry Foucaud.
Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre attention sur la mise
en oeuvre de la réforme de l'insertion par l'activité économique, plus
particulièrement sur les modifications qu'elle a apportées en matière d'aide de
l'Etat aux entreprises d'insertion.
Ces entreprises bénéficiaient auparavant d'une aide forfaitaire - « aide au
poste » - attribuée par la direction départementale du travail, de l'emploi et
de la formation professionnelle, ainsi que d'une aide globale de la direction
des affaires sociales.
A titre d'illustration, une entreprise d'insertion de la Seine-Maritime, Aspic
Abbey, recevait environ 38 000 francs de la direction départementale de
l'action sanitaire et sociale et 38 000 francs de la direction départementale
du travail par poste d'insertion.
La nécessité de renforcer l'accompagnement des salariés en insertion a été
reconnue par la loi relative à la lutte contre les exclusions, ce qui est bien,
mais il reste quelques problèmes à résoudre.
Les associations intermédiaires, les entreprises de travail temporaire et les
entreprises d'insertion sont soumises à une procédure de conventionnement,
lequel ouvre droit à l'aide de l'Etat. Elles doivent préciser dans ce cadre
leur projet social et les mesures d'accompagnement qu'il comporte.
Or la loi relative à la lutte contre les exclusions, qui prévoyait le
doublement de l'offre en matière d'insertion par l'activité économique, a
modifié les modalités du soutien financier de l'Etat. Ainsi, depuis 1999, les
entreprises d'insertion se voient attribuer, en principe, une seule aide au
poste, forfaitaire, de surcroît non indexée, ce qui génère des difficultés
supplémentaires en cas d'augmentation du salaire minimum interprofessionnel de
croissance, le SMIC. Son montant était de 50 000 francs en 1999 et 2000.
Cette aide finance à la fois l'accompagnement social, l'encadrement et la
moindre productivité des salariés en insertion.
Les directions départementales de l'action sanitaire et sociale, qui disposent
de crédits en faveur de l'insertion par l'activité économique, peuvent, quant à
elles, fournir, exceptionnellement, un soutien financier dans la mesure où
l'entreprise d'insertion intervient auprès de publics spécifiques tels que les
personnes en état de dépendance alcoolique ou toxicologique.
Par ailleurs, il ressort d'une récente étude menée par les services du
ministère du travail que, parmi les acteurs de l'insertion par l'activité
économique, les entreprises d'insertion rassemblent les personnes qui
connaissent le plus de difficultés et dont l'accès à la qualification et à
l'emploi impose un encadrement fort. C'est d'autant plus vrai avec la reprise
économique !
En outre, ces entreprises interviennent dans des secteurs variés : le bâtiment
et les travaux publics, l'environnement et les services rendus aux entreprises.
Les besoins d'encadrement sont, bien entendu, différents d'un secteur à
l'autre. Mais ils le sont aussi à l'intérieur d'un même secteur selon les corps
de métiers. C'est là que réside le problème dans la mesure où l'attribution
d'une aide au poste forfaitaire non indexée ne prend pas en compte ces
réalités.
Il en va de même pour les entreprises de travail temporaire d'insertion, qui,
en tant que dernière étape d'insertion, ont, elles aussi, à assurer le
changement de nature des difficultés sociales et professionnelles des salariés
en insertion.
Cette nouvelle donne sociale, ainsi que le nouveau contexte économique lié à
la réduction du temps de travail dans les entreprises où sont envoyés les
salariés en insertion impliquent une revalorisation de l'aide à
l'accompagnement social et son indexation sur l'évolution du salaire minimum
interprofessionnel de croissance.
C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures
vous envisagez de prendre pour que l'accompagnement des salariés en insertion
dans les entreprises d'insertion et de travail temporaire soit assuré dans les
meilleures conditions.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur l'aide aux postes
d'insertion dont bénéficient les entreprises ainsi que sur l'accompagnement des
salariés en insertion.
Les ressources des entreprises d'insertion qui se situent dans l'économie
marchande proviennent essentiellement de la vente sur le marché des biens ou
services qu'elles produisent. Toutefois, les aides de l'Etat viennent compenser
l'effort spécifique que ces entreprises consentent pour l'embauche de personnes
en difficulté, embauche qui nécessite un investissement particulier en matière
d'encadrement et d'accompagnement.
La loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les
exclusions a réformé le système de financement des entreprises d'insertion afin
de le simplifier et de le rendre plus lisible.
Ainsi, l'aide aux postes des entreprises d'insertion, désormais prélevée sur
le budget du ministère de l'emploi, a été portée à 50 000 francs par an et par
équivalent temps plein en 1999, en contrepartie de la suppression du
financement de la direction de l'action sociale.
Parallèlement, l'exonération de charges patronales de sécurité sociale sur les
rémunérations des salariés en insertion est passée de 50 % à 100 %, dans la
limite du SMIC.
L'Etat a donc fourni, depuis 1999, un effort important en direction des
entreprises d'insertion et des entreprises de travail temporaire d'insertion.
Le budget consacré aux aides directes à ces entreprises est ainsi passé de 363
millions de francs en 1999 à 527 millions de francs en 2001, auxquels il faut
ajouter 170 millions de francs provenant du Fonds social européen, ce qui a
permis un développement important de l'offre d'insertion pour les personnes en
grande difficulté d'emploi.
Par ailleurs, pour les entreprises d'insertion qui appliquent, conformément à
la loi du 19 janvier 2000, un accord négocié de réduction du temps de travail,
l'aide au poste a été portée à 58 500 francs. Grâce à la reprise économique et
à la décrue du chômage, des personnes que certains qualifiaient encore tout
récemment d'« inemployables » retrouvent du travail dans le secteur dit «
classique » ; ce sont donc maintenant des personnes en très grande difficulté
que nous trouvons dans les structures d'insertion. C'est pourquoi l'encadrement
technique doit y être renforcé et l'accompagnement social systématisé et
approfondi.
Je vous rappelle que Martine Aubry a, le 13 septembre dernier, dressé un bilan
des deux années de lutte contre les exclusions à l'occasion d'une communication
en conseil des ministres. Elisabeth Guigou a souhaité poursuivre ce programme
de lutte, et elle le fera en cohérence avec la nouvelle stratégie européenne de
lutte contre les exclusions adoptée à Nice, sous la présidence française, qui
invite l'ensemble des Etats membres à présenter un plan national avant le 1er
juin prochain.
A cet égard, la situation des personnes en difficulté d'insertion sociale et
professionnelle doit être placée au centre de l'action publique afin que le
nouveau contexte économique et la reprise puissent profiter à tous, notamment
aux personnes qui sont le plus en difficulté. C'est pourquoi Elisabeth Guigou
souhaite que l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi soit
renforcé. La déclinaison de cet objectif pour les entreprises d'insertion sera
réalisée en collaboration avec les réseaux et le centre national d'insertion
par l'activité économique.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Madame la secrétaire d'Etat, je constate, certes, qu'il y a, en la matière,
une volonté gouvernementale et j'ai bien enregistré que l'aide par poste avait
été portée à 50 000 francs. Cependant, j'ai donné tout à l'heure l'exemple
d'une entreprise d'insertion qui, auparavant, percevait 38 000 francs de la
direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle, d'une part, et 38 000 francs de la direction des affaires
sociales, d'autre part. Il y a donc eu une baisse qui est tout de même de 26
000 francs !
Aujourd'hui, les entreprises d'insertion souhaitent recevoir au moins un
montant équivalent à celui qu'elle recevait auparavant et sortir du forfait, de
manière que soient pris en compte les différents métiers.
Désormais, les DDASS n'apportent plus qu'une aide logistique. Or il est
essentiel que soit conservé le double ancrage : par le travail et par le
social.
J'ajoute qu'en France il y avait 800 entreprises d'insertion à la fin de 1998
et qu'il n'y en avait plus que 753 à la fin de 1999.
Actuellement, malgré la reprise économique, nombreux sont ceux qui demeurent
en situation de précarité, qui sont laissés sur le bord de la route. Cela
mérite qu'on y réfléchisse, qu'on en discute, en associant à la discussion les
intéressés et les entreprises d'insertion.
Pour que la politique que, vous et moi, madame la secrétaire d'Etat, nous
appelons de nos voeux soit effectivement mise en oeuvre, il convient que les
moyens dégagés soient au moins égaux à ceux qui l'étaient antérieurement.
Sinon, les entreprises d'insertion disparaîtront, ce qui sera très
dommageable.
Enfin, le poste afférent à l'encadrement de la personne en insertion n'est
plus financé aujourd'hui, alors qu'il l'était hier. Là encore, c'est une menace
qui pèse sur le maintien des entreprises d'insertion existantes et sur le
développement de cette action, alors que, dans notre pays, les besoins en la
matière restent élevés.
POLITIQUE FAMILIALE