SEANCE DU 30 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Nogrix, auteur de la question n° 987, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Philippe Nogrix.
Madame la secrétaire d'Etat, une campagne de dépistage du cancer du sein est
effectuée dans trente-deux départements français. Dans mon département,
l'Ille-et-Vilaine, je constate qu'elle est efficace en termes de santé publique
et appréciée de la population féminine.
Vous avez annoncé une prochaine extension à l'ensemble du pays de ce dépistage
de masse gratuit et de qualité, ce dont chacun dans cette enceinte peut se
féliciter. Toutefois, j'estime que sa généralisation tarde à entrer en
application. Ce retard non seulement est dommageable pour les femmes des
soixante-cinq départements qui ne peuvent en bénéficier, mais risque surtout de
gravement perturber les campagnes en cours dans les trente-deux départements
pionniers ; c'est du moins ce que je constate dans mon propre département.
Pourtant, entre 1995 et 1997, deux cent quatre-vingt-dix cancers ont pu être
détectés en phase initiale et donc soignés et guéris dans le seul département
de l'Ille-et-Vilaine. On estime donc que chaque année d'interruption du
dépistage crée un risque de développement de cancer du sein chez près de cent
jeunes femmes !
La direction générale de la santé, pour se conformer aux recommandations
scientifiques, a préconisé aux radiologues qui participent à ce dépistage de
réaliser, pour chaque femme, non plus une mais deux incidences par sein, ce qui
revient à doubler l'examen en clichés, en temps, en consommables et en usure de
matériel. La CNAMTS a décidé de fixer la rémunération des radiologues à 280
francs pour ces deux radiographies, alors que le tarif était précédemment de
250 francs pour une radiographie.
Cette évolution tarifaire, qui est extrêmement faible alors que les exigences
techniques ont pratiquement doublé, est ressentie par les professionnels comme
une véritable provocation, d'autant qu'elle a été fixée sans la moindre
concertation avec les intéressés.
Il faut signaler que, dans les trente-deux départements concernés, les
radiologues s'étaient réellement investis dans cette opération de santé
publique qui, financièrement, n'était pourtant pas très intéressante pour eux
puisque, dans le même temps, une mammographie complète est tarifée environ 434
francs. Ces départements connaissent donc une situation de crise et de blocage
qui risque de ruiner les campagnes en cours.
La solution serait, bien entendu, la généralisation du dépistage du cancer du
sein à la France entière, avec la fixation d'un tarif raisonnable. Pouvez-vous,
madame la secrétaire d'Etat, nous indiquer à quelle date interviendra une telle
généralisation ? Vous est-il possible de hâter les choses afin que toutes les
femmes de France puissent en bénéficier et que la situation ne se détériore pas
trop dans les départements où ce dépistage est déjà pratiqué ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, le dépistage de masse organisé du cancer du sein a été
mis en oeuvre expérimentalement, vous l'avez rappelé, dans trente-deux
départements, sur la base d'un cahier des charges datant de 1994 et prévoyant
la réalisation d'une seule incidence mammographique.
L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, a
publié, en mars 1999, une étude d'évaluation technologique portant sur le
dépistage du cancer du sein par mammographie dans la population générale. Ce
document indique qu'un dépistage systématique de qualité nécessite - vous
l'avez également rappelé - la réalisation de deux incidences mammographiques.
Cette recommandation a fait l'objet d'une circulaire d'application du
secrétariat d'Etat à la santé pour le dépistage organisé dans les trente-deux
départements précités en juillet 2000.
Lorsque le dépistage est réalisé conformément aux recommandations de l'ANAES,
la Caisse nationale d'assurance maladie a fixé la rémunération de l'acte de
mammographie à 280 francs au lieu de 250 francs. Cela aussi, monsieur le
sénateur, vous l'avez noté.
S'agissant de la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein à
l'ensemble des départements, un arrêté va être publié, fixant la convention
type entre les organismes d'assurance maladie et les professionnels de santé. A
la convention type seront annexés les cahiers des charges de l'organisation des
structures de gestion et des professionnels chargés de mettre en oeuvre le
dépistage. Les discussions sur la convention type engagées entre l'assurance
maladie et la Fédération nationale des médecins radiologues sont en voie
d'aboutir, et les cahiers des charges sont en cours de validation. Grâce à la
négociation tarifaire en cours, une solution satisfaisant l'ensemble des
acteurs devrait être trouvée très rapidement.
Vous me permettrez, monsieur le sénateur, en tant que secrétaire d'Etat aux
droits des femmes, d'ajouter un mot un peu plus personnel : vous avez parlé de
provocation par rapport au coût actuel. Certes, 280 francs, ce n'est pas le
double de 250 francs. J'espère donc que cette négociation tarifaire aboutira
dans de bonnes conditions pour l'ensemble des parties, étant donné que le
dépistage des cancers du sein reste une préoccupation de santé publique
majeure. Je sais bien que l'ensemble du milieu médical s'inquiète du nombre de
ces cancers.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Est-il besoin d'insister, madame la secrétaire d'Etat ? C'est un véritable cri
d'alarme que je me permets de lancer, car nous ne savons pas faire de
prévention !
Alors que le coût d'une mammographie est de 434 francs, le radiologue ne
percevra, pour deux mammographies faites à l'occasion d'un dépistage
systématique, que 280 francs ! Les discussions font prendre du retard et,
pendant ce temps, des femmes sont atteintes de cancers qui pourraient être
guéris s'ils étaient décelés à temps, alors qu'il sera trop tard par la
suite.
De plus, tous les rapports publiés montrent que 20 % des cancers apparaissent
avant l'âge de quarante-cinq ans. Or les campagnes de dépistage ne concernent
que les femmes de cinquante à soixante-neuf ans. Pourquoi ne pas en tenir
compte ? L'étude de cette réforme et de ses conditions techniques ne
serait-elle pas l'occasion de décider que le dépistage s'opérera dès l'âge de
quarante ans ? Compte tenu du traumatisme que provoque un tel cancer chez les
femmes qui en sont atteintes, il est grand temps de prendre des mesures
nécessaires sur l'ensemble du territoire.
DIFFICULTÉS DE L'HOSPITALISATION PRIVÉE