SEANCE DU 18 JANVIER 2001
M. le président.
« Art. 21. - Après l'article L. 1621-1 du code général des collectivités
territoriales, il est inséré un article L. 1621-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 1621-4.
- L'élu local qui a cessé d'exercer un mandat
électoral ou une fonction élective donnant droit à une indemnité de fonction en
application du présent code et qui ne perçoit pas d'indemnités de fonction pour
l'exercice d'un autre mandat ou d'une autre fonction, s'il avait interrompu son
activité professionnelle pour l'exercice de son mandat, bénéficie, pendant une
durée au plus égale à six mois, d'une compensation des indemnités de fonction
qu'il percevait au titre de son dernier mandat ou de sa dernière fonction, s'il
se trouve dans l'une des situations suivantes :
« - être inscrit à l'Agence nationale pour l'emploi conformément aux
dispositions de l'article L. 311-2 du code du travail ;
« - avoir repris une activité professionnelle, indépendante ou salariée, lui
procurant des revenus inférieurs aux indemnités de fonction qu'il percevait au
titre de son dernier mandat ou de sa dernière fonction.
« En aucun cas, l'élu ne peut percevoir, au titre du présent article, une
compensation d'un montant supérieur à la différence entre, d'une part, les
indemnités de fonction qu'il percevait au titre de son dernier mandat ou de sa
dernière fonction et, d'autre part, les gains résultant de son activité
professionnelle ou les prestations qu'il perçoit au titre de
l'assurance-chômage.
« Les conditions d'application du présent article et, en particulier celles de
son financement par les collectivités territoriales concernées, sont fixées par
décret. »
Par amendement n° 1, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par cet
article pour l'article L. 1621-4 du code des collectivités territoriales :
« Le financement de ce dispositif est assuré par les cotisations des élus
concernés dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous avons déjà examiné ce matin le problème de la réinsertion professionnelle
des élus à la fin de leur mandat. Nous sommes convenus qu'ils puissent pendant
six mois, comme cela a été fait notamment pour les parlementaires, bénéficier
d'une indemnité différentielle, qui, bien entendu, sera à la charge de la
collectivité.
Mais il existe des situations très différentes. Dans une grande ville, si
quatre adjoints sont susceptibles de bénéficier de cette indemnité, il faudra
financer quatre indemnités, ce qui est lourd. Dans une autre commune, si les
élus retrouvent un emploi le lendemain, s'ils sont retraités ou s'ils sont
fonctionnaires, la commune concernée n'aura pas les mêmes charges.
Par conséquent, il est apparu nécessaire d'envisager une mutualisation. Les
termes « élus concernés » qui figurent dans cet amendement ont été mal compris.
Ils ne visent pas, comme on l'a cru, les élus qui seraient dans cette
situation, car on ne peut pas le savoir à l'avance. Cette charge sera donc
supportée par catégorie de collectivités territoriales, à savoir les élus
municipaux, les élus régionaux ou les élus départementaux. Tel est le sens de
cet amendement n° 1 du groupe de l'Union centriste.
Il nous paraît indispensable de prévoir que les dispositions relatives à la
réinsertion professionnelle à l'issue d'un mandat seront financées par les
cotisations de l'ensemble des élus ou des collectivités qui permettraient le
paiement de ces indemnités, cela afin que ne s'établisse pas un déséquilibre
entre les collectivités.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
La commission des lois a retenu dans ses conclusions
l'institution d'une indemnité de retour à la vie professionnelle à l'issue d'un
mandat électif.
Tout à l'heure, notre collègue Alain Vasselle a très clairement exprimé le
désarroi dans lequel peuvent se trouver un certain nombre d'élus lorsqu'ils
perdent leur mandat, et il a souligné qu'il convenait de réfléchir à leurs
capacités de réinsertion professionnelle.
Dans sa propre proposition de loi, notre collègue avait prévu une compensation
de perte de revenu, disposition que la commission des lois n'a pas retenue, car
elle a estimé qu'il n'appartenait pas à la collectivité locale de garantir une
assurance de revenus à l'élu.
A contrario,
elle a estimé que M. Vasselle avait raison d'attirer
l'attention sur le fait que, lorsqu'un élu perd son mandat - il a évoqué tout à
l'heure le drame d'un médecin généraliste -, toutes les mesures nécessaires
doivent être prises pour faciliter son retour à la vie professionnelle. A cet
effet, la loi relative à l'emploi précaire dans la fonction publique a donné
aux anciens élus la possibilité de se prévaloir de leur expérience pour
intégrer la fonction publique.
Nous avons donc très clairement affiché ce principe de l'octroi d'une
indemnité de retour à l'emploi, principe qui, je crois, recueille l'assentiment
de tous.
Sur le financement, nous avons souhaité qu'un débat s'ouvre, compte tenu de la
proposition de loi de Jean Arthuis, qui soulevait le problème de l'inégalité
des collectivités locales par rapport au risque potentiel lié à la composition
de leur corps électoral.
Partant du principe qu'une collectivité locale dont les élus ne seraient ni
fonctionnaires ni retraités aurait, en cas d'alternance, une charge financière
très lourde à supporter, il posait la question de la solidarité et proposait
l'institution d'un fonds de la démocratie locale qui, financé non pas
uniquement par les élus concernés, mais par la totalité des élus, créerait un
prélèvement sur la totalité des indemnités afin de constituer une sorte
d'assurance.
Nous n'avons pas suivi cette démarche, même si nous souhaitons que la
réflexion se poursuive. Nous estimons, pour notre part, qu'une collectivité
locale doit assumer la responsabilité de ses choix et donc supporter les
charges de la solidarité à manifester à l'égard de ses anciens élus. C'est la
raison pour laquelle, la commission des lois a retenu le principe d'un
financement de la collectivité locale.
En tout cas, nous remercions M. Arthuis et le groupe de l'Union centriste
d'avoir ouvert une réflexion sur le sujet, même si, aujourd'hui, la commission
émet un avis défavorable sur l'amendement.
Je tiens à souligner cependant l'intérêt majeur de cet article 21, qui vise à
créer une indemnité de fin de mandat permettant à celles et à ceux qui prennent
les risques évoqués par notre collègue Alain Vasselle de pouvoir compter sur la
solidarité de leur collectivité locale.
Il s'agirait bien évidemment d'une indemnité différentielle qui ne pourrait
être délivrée que lorsque le revenu de la personne concernée serait inférieur à
l'indemnité qu'elle percevait pendant l'exercice de ses fonctions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
L'instauration d'une garantie de ressources à la fin
du mandat pour des élus ayant interrompu leur activité professionnelle -
instauration proposée, d'ailleurs, par la commission Pierre Mauroy - doit être,
en effet, l'un des objectifs de tout texte portant sur les conditions
d'exercice des mandats locaux. C'est bien l'un des éléments clés, peut-être
même l'élément clé, de la sécurisation du mandat local. Cette garantie de
ressources est en effet considérée par le Gouvernement comme une priorité pour
qu'il soit plus facile d'intégrer l'exercice d'un mandat local dans un parcours
professionnel.
Le Premier ministre a confirmé que, dans le texte actuellement préparé par le
Gouvernement, il sera bien fait mention d'une allocation de fin de mandat.
Demeure, bien sûr, le problème des modalités de financement de cette garantie
de ressources.
L'article 21, y compris avec l'amendement qui y est joint, ne paraît pas
répondre complètement aux questions qui sont posées, et notamment à la question
essentielle du financement, puisqu'il établit un principe sans en décrire le
financement, ce qui conduirait à faire peser le poids de la mesure directement
sur chaque commune, quelle que soit sa taille ou sa situation financière - les
parlementaires ici présents seront sans doute sensibles à cet argument.
Même si un mécanisme de cotisations devait être envisagé, encore faudrait-il
en préciser le contenu et la portée.
Dans la mesure où ces questions restent sans réponse en l'état, le
Gouvernement n'a pas trouvé opportun de retenir cette mesure dans la rédaction
qui nous est proposée aujourd'hui en faisant l'économie d'un véritable débat,
débat que M. le rapporteur a également souhaité. En particulier, il importerait
de définir très précisément les conditions d'instauration d'un véritable
mécanisme de mutualisation de manière à aboutir à un dispositif pleinement
opérationnel.
Le Gouvernement ne peut donc émettre un avis favorable ni sur l'article 21 ni
sur l'amendement n° 1.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Pour ma part, je suis assez sensible à cet amendement, et je suis prêt à y
adhérer d'autant plus volontiers que j'avais envisagé d'introduire dans la
proposition de loi sur laquelle a travaillé la commission des lois un article 6
qui prévoyait la création d'un fonds mutualisé et qui avait pour objectif de
financer l'allocation de fin de mandat.
Vous avez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, développé les arguments
qui plaident en faveur de la constitution de ce fonds.
En effet, on ne peut pas imaginer qu'une collectivité ait à supporter seule le
financement de cette allocation de fin de mandat, quelles que soient ses
ressources et quelles que soient les situations auxquelles elle aura à faire
face, suivant l'activité professionnelle qu'aura exercée le maire, l'adjoint ou
le président de conseil général.
Un autre argument vient à l'appui du présent amendement.
Les élus connaissent bien la situation des fonctionnaires de la fonction
publique territoriale privés d'emploi. Lorsqu'un tel fonctionnaire perd son
emploi pour les raisons diverses et variées prévues dans les textes régissant
la fonction publique territoriale, il a la garantie de recevoir son revenu,
même s'il perd, au passage, quelques primes ou quelques avantages, sur
lesquels, d'ailleurs, des dispositions ont été prises dans le projet de loi
relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique.
Comment peut-on imaginer que ce qui a été accordé aux fonctionnaires - cette
situation pourrait d'ailleurs être considérée par nos concitoyens comme
privilégiée - ne le soit pas aux élus locaux, même si étant pour ceux-ci, ce ne
serait que pour une durée très limitée dans le temps ?
Le financement d'un tel système ne pourrait, bien entendu, être assuré que par
une mutualisation. L'indemnisation des fonctionnaires privés d'emploi est en
effet financée soit par le centre national de la fonction publique
territoriale, le CNFPT, s'il s'agit de fonctionnaires du cadre A, soit par des
centres de gestion pour tous les autres agents, ce qui fait protester parfois
certaines collectivités dans la mesure où elles voient leurs cotisations
profiter à un certain nombre de fonctionnaires privés d'emploi.
Il y a là une véritable réflexion à mener à son terme si l'on considère que
tel n'est pas encore le cas. Permettez-moi d'ailleurs de m'étonner, monsieur le
secrétaire d'Etat, que, M. le Premier ministre ayant annoncé à l'Assemblée
nationale le dépôt d'un texte pour le printemps prochain, vous ne soyez pas,
aujourd'hui, en mesure d'apporter une appréciation définitive sur des
dispositions que nous avons, de notre côté, mûrement réfléchies.
On pourrait en déduire que vous ne faites qu'amorcer votre réflexion sur le
sujet, que vous êtes loin d'être prêt, contrairement à ce que vous dites. Vous
donneriez par là raison au Sénat de ne pas avoir attendu le fruit de votre
réflexion, puisque celle-ci n'aboutira, en tout état de cause, qu'après les
élections municipales. Nombre de candidats éventuels ont besoin de connaître
les conditions dans lesquelles ils vont être appelés à travailler pour savoir
s'ils vont se présenter ou non. Et nous, Grand conseil des communes de France,
nous sommes dans notre rôle quand nous exprimons la volonté du Parlement
d'offrir aux élus des conditions d'exercice de leur mandat qui puissent leur
apporter, demain, un minimum de garanties.
Si nombre d'élus se posent actuellement la question de savoir s'ils vont se
représenter ou non, c'est bien parce qu'il n'existe pas de véritable statut de
l'élu. Il faudrait bien que vous l'admettiez.
Par conséquent, ne faites pas procès au Sénat d'avoir pris cette initiative -
je crois qu'elle est heureuse - et approuvez au moins les dispositions que nous
proposons, d'autant que vous avez approuvé celles qu'a présentées le groupe
communiste à l'Assemblée nationale.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je crois n'avoir fait cet
après-midi aucun procès au Sénat. Je me suis même exprimé plutôt favorablement
; je m'en suis en tout cas remis à la sagesse de la Haute Assemblée sur un
certain nombre de dispositions.
Pour ce qui est de rassurer les candidats aux élections locales, permettez-moi
de penser, monsieur le sénateur, que l'ensemble des dispositions qui ont été
annoncées hier par M. le Premier ministre sont de nature à rasséréner nombre
d'entre eux.
Encore une fois, le texte que nous examinons cet après-midi n'est pas, sauf
erreur de ma part, celui du Gouvernement ; c'est bien sur celui qui a été
déposé par vous-même et plusieurs de vos collègues que j'ai été amené tout à
l'heure à exprimer un avis défavorable, sans me distinguer grandement en cela
de M. le rapporteur, qui demandait, pour sa part, que le débat soit un peu plus
long et argumenté.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Je dois avouer, monsieur le secrétaire d'Etat, que, lorsque
j'ai écouté le discours du Premier ministre, j'ai été ravi de constater
qu'avaient été reprises un certain nombre de propositions avancées par
l'Association des maires de France, ainsi que certaines des conclusions de la
commission des lois du Sénat.
Il s'agit maintenant de savoir si c'est le Premier ministre qui a inspiré nos
propositions ou si c'est nous qui avons inspiré les siennes ! En tout cas, je
pense que les réflexions qui sont menées depuis un certain nombre d'années,
depuis le rapport Debarge jusqu'aux travaux conduits par l'Association des
maires de France, ont permis d'enrichir un débat sur lequel le Gouvernement a
pris un certain nombre de positions.
J'attire l'attention de M. Vasselle sur le fait que la commission des lois a
très clairement repris la proposition qu'il avait faite d'instituer une
indemnité de fin de mandat. Tel était l'objet qu'il visait non pas pour
instituer une assurance, mais pour faire jouer une légitime solidarité envers
celles et ceux qui, en se consacrant à la collectivité locale, risquent, à la
fin de leur mandat, de se retrouver dans une situation particulièrement
difficile. Sur ce point, je crois qu'il y a un accord général.
En revanche, notre interrogation porte sur le financement de ce dispositif. Si
nous avons émis un avis défavorable sur la proposition du groupe centriste,
tout en soulignant l'intérêt du débat ainsi ouvert, c'est parce que je pose la
question de savoir si l'indemnité sera financée par les élus ou par les
collectivités.
Sans vouloir trahir la pensée du groupe centriste et la vôtre, monsieur
Arthuis, je crois que vous avez souhaité soulever un débat, de manière à nous
inciter à réfléchir sur ces questions.
La commission des lois a fait une proposition de clarté.
Nous disons aujourd'hui - mais notre pensée peut encore évoluer - que, pour
apporter la sécurisation maximale, nous entendons faire assumer par la
collectivité locale cette indemnité différentielle, dans la mesure où elle est,
par définition, proportionnelle à la taille de la commune, du département ou de
la région.
Notre dispositif a l'avantage d'être clair, cohérent, sécurisant et
immédiatement opérationnel.
Bien sûr, cela ne nous interdit nullement d'améliorer par la suite ce système
de financement et de réfléchir, comme le souhaitent MM. Vasselle et Hyest, à
une solidarité entre toutes les collectivités locales, auxquelles j'ajoute les
EPCI, et cela permet d'entrevoir la complexité de l'entreprise. Il conviendrait
donc de réfléchir à la possibilité d'opérer un prélèvement sur la totalité des
indemnités ; d'où la nécessité d'évaluer également les risques. Il faudrait en
outre déterminer qui aurait à gérer ce capital et avec quelles contraintes ?
Devrions-nous confier cette mission à une banque ou à une société d'assurance.
Je l'ignore. L'objectif est clairement affiché. Il nous faut réfléchir aux
modalités. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité
soutenir la proposition de M. Vasselle, appuyée, me semble-t-il, par l'ensemble
du Sénat. Ainsi, l'indemnité de fin de mandat doit être, c'est clair, financée
par les collectivités locales, mais une réflexion est nécessaire pour dégager
les moyens d'améliorer les modalités de son financement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, ainsi modifié.
(L'article 21 est adopté.)
TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 22