SEANCE DU 11 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
La communauté des soldats français et leurs familles s'inquiètent. Afin de
dissiper le sentiment de psychose qui gagne une génération du feu qui s'est
illustrée sur de nombreux théâtres d'opérations extérieures depuis une dizaine
d'années, ma question concerne les possibles effets liés à l'utilisation de
munitions à uranium appauvri par les troupes de l'OTAN en ex-Yougoslavie et
dans le Golfe.
La découverte de plusieurs cas de leucémies et de formes de cancers parmi les
vétérans de l'ex-Yougoslavie rend légitime le fait que l'on s'interroge sur une
éventuelle corrélation entre l'exposition de nos troupes et des populations
civiles à des munitions à uranium appauvri et l'existence de ce qui semble être
un processus leucémique.
La question se pose avec d'autant plus de force qu'elle témoigne d'une
certaine forme de cynisme de la part des Etats-Unis à l'égard des Européens.
Comment, en effet, ne pas réagir au vu de la discrimination des zones
potentiellement touchées par le « syndrome des Balkans », lequel affecte tous
les secteurs, sauf celui des troupes américaines ?
Ce qui semble être une volonté délibérée de non-divulgation des informations
relatives à l'utilisation de ces armes marque ainsi une volonté dilatoire de
freiner la mise en place effective d'une Europe de la défense et de la sécurité
autonome et forte, que la présidence française de l'Union aura largement
contribué à faire avancer.
Monsieur le ministre, vous avez confirmé, pas plus tard qu'hier à l'Assemblée
nationale, la volonté de la France, qui dispose de ce type de munitions, de ne
pas utiliser ces dernières ; nous ne pouvons que nous en réjouir.
Ce dossier mérite que nous adoptions une position de fermeté tant vis-à-vis du
mutisme que semble vouloir opposer l'OTAN qu'au sujet de la mise en place d'un
moratoire tardif sur l'utilisation des munitions à uranium appauvri.
La mémoire des dix-neufs soldats décédés, la stabilité future de l'Europe du
Sud-Est ainsi que la confiance que les populations locales ont placée dans les
opérations de maintien de la paix en Bosnie et au Kosovo nous incitent à une
exigence de vérité et de transparence exemplaire. Le trouble - et même
l'angoisse - que partagent nos compatriotes et nos voisins gravement touchés,
trouble né de la rareté des explications, du double langage et des
contradictions de l'Alliance qu'une récente mission d'information parlementaire
a mises à jour, doit être dissipé, ce qui m'amène à vous demander de faire part
à la représentation nationale des éléments d'information les plus récents et
les plus précis dont vous disposez.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, les connaissances dont nous
disposons aujourd'hui sur ce sujet - que la France n'ignore pas, car elle a
développé pour ses chars, en quantité limitée, des munitions à uranium appauvri
- font apparaître que l'impact sanitaire de celles-ci est plutôt comparable à
celui des métaux lourds en général, c'est-à-dire que leur effet est bien
distinct des effets de la radioactivité. La radioactivité inhérente à ces
munitions est du même ordre que la radioactivité du milieu naturel.
Les connaissances médicales actuelles font apparaître des fixations de
poussières fines de fragments de ce métal dans l'organisme qui provoquent des
maladies rénales et, dans quelques cas, des maladies pulmonaires, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas eu - les échanges sur le plan scientifique entre pays
détenteurs de ces armes le confirment - d'identification de processus de nature
cancéreuse.
La recherche doit se poursuivre. Il faut également que les nations concernées
fassent preuve de concertation et de transparence.
La fréquence des cas de leucémie qui ont été relevés ces dernières années chez
les militaires français - quatre, cinq ou sept cas par an, ils sont peu
nombreux mais, hélas ! toujours dramatiques - est du même ordre de grandeur que
celle qui est constatée dans la population civile adulte. Nous avons donc un
travail de recherche supplémentaire à faire, et c'est la première priorité que
nous avons retenue.
Il faut d'abord renforcer le suivi médical des personnels ayant servi en
Bosnie et au Kosovo pour dépister des indices d'affection anormale, car ceux
que nous pourrions être amenés à détecter pourraient avoir une origine autre
que celle de l'uranium appauvri. Il ne faut pas oublier, en effet, que cette
partie de l'Europe a été frappée par des pollutions endémiques d'origine
civile, nous l'avons constaté l'été dernier en prenant possession d'une usine
de plomb présentant des caractéristiques hallucinantes !
Nous devons, ensuite, c'est vrai, renforcer l'analyse des cas de leucémie qui
ont été décelés chez les militaires français. On constate avec soulagement - je
tiens à le souligner - que la plupart des personnels concernés guérissent ou
connaissent des rémissions de longue durée, la majorité des cas de leucémie
n'étant pas mortels.
Enfin, tous les pays qui ont des militaires engagés dans cette région doivent
mettre en commun les données médicales dont ils disposent. Cela va d'ailleurs
plus loin que l'Alliance.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je conclus, monsieur le président !
Quant aux relations entre les alliés sur ce sujet, des progrès doivent
effectivement être accomplis en matière de transparence. Nous avons obtenu des
informations qui nous étaient utiles pour la sécurité de nos soldats de notre
côté, nous les diffusons. La France s'abstiendra, dans les opérations où elle
est engagée, à utiliser ce type d'armes.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
POUVOIR D'ACHAT