SEANCE DU 11 JANVIER 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Marest, pour explication de vote.
M. Max Marest. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement pour la République avait, en première lecture, suivi le raisonnement de notre excellent rapporteur qui avait l'ambition de donner plus de poids à la nouvelle agence française de sécurité sanitaire environnementale en la dotant d'un noyau dur constitué à partir de deux établissements publics existants, l'INERIS et l'OPRI.
A l'heure où les Français sont de plus en plus sensibles à la qualité de leur environnement, qu'il soit naturel, professionnel ou domestique, il nous semblait essentiel de donner à cette agence des moyens et des financements appropriés à la hauteur de sa tâche.
Or, la majorité plurielle à l'Assemblée nationale a repoussé les dispositions que le Sénat avait adoptées optant pour une agence d'objectifs privée tant de moyens que de financement. Il était ainsi prévu que des établissements publics seraient désignés pour apporter leur concours de manière permanente selon des conventions à négocier. Nous le regrettons.
Le groupe du RPR approuve donc les propositions de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales de garantir de nouveau l'intégration de l'INERIS dans l'agence, tout en préservant le statut des personnels, de préciser l'intitulé de l'agence concernant ses compétences en matière de prévention des risques industriels et chimiques et de donner des compétences d'évaluation et d'expertise à l'agence.
Quant à la création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, résultat de la fusion de l'OPRI et de l'IPSN, introduite en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, on ne peut que regretter la procédure employée.
Le Gouvernement met ainsi en place la première étape du projet de réforme du système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité sanitaire annoncé voilà quelques mois dans un texte qui concerne un tout autre débat. Cette méthode - je tiens à le souligner - est tout à fait contestable sur la forme.
Sur le fond, la précipitation du Gouvernement a engendré une grande confusion dans la rédaction du dispositif. Celui-ci était imprécis et ambigu.
Le débat que nous venons d'avoir a permis d'améliorer considérablement le texte en excluant notamment les activités de recherche du nouvel établissement et en précisant la nature des tutelles qui auront vocation à s'exercer sur cet établissement.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera ce projet de loi tel que modifié par les travaux de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. A l'issue de ce débat sur la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale, on mesure la complexité d'un dossier dont l'enjeu principal est de se doter d'instruments adaptés, indépendants des pouvoirs tant économiques que politiques, afin d'assurer la meilleure pertinence possible des choix politiques opérés en la matière.
L'exercice demeure encore plus délicat dès lors que de nombreux et prestigieux organismes de recherche et d'expertise existent et qu'il convient de fédérer les travaux et investigations de ces derniers.
J'ai eu l'occasion, lors de mes interventions, d'exprimer certaines réserves quant à la nature du texte, tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale.
En effet, tout en ne souhaitant pas exclure le nucléaire d'un débat sur la sécurité sanitaire environnementale, peut-on se satisfaire de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat une réorganisation complète de nos unités de recherche en matière nucléaire ?
Peut-on espérer la transparence de cette nouvelle agence dès lors que son périmètre s'élabore dans une relative opacité, au moins pour ce qui concerne le Parlement ?
La précipitation dans laquelle la majorité sénatoriale transfère l'INERIS à la future agence française de sécurité sanitaire environnementale ne va pas non plus sans nous poser des problèmes au regard de l'ensemble des missions et de la cohérence de cet institut.
Compte tenu de ces réflexions, le groupe communiste républicain et citoyen, comme en première lecture, s'abstiendra sur le texte issu de nos travaux.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Au terme de la deuxième lecture de cette proposition de loi qui m'a personnellement beaucoup passionné, permettez-moi de rappeler les conditions dans lesquelles le Sénat avait largement contribué à créer les autres agences. Ce rappel se fonde sur un constat sur lequel, je le pense, madame la ministre, nous pouvons être d'accord. En effet, le constat que nous avions dressé à l'unanimité, me semble-t-il, par le biais d'une mission de la commission des affaires sociales, était le suivant : en matière de sécurité sanitaire, il existe une multiplicité d'organismes, de structures, de commissions, de directions, de subdivisions et de comités au sein desquels les compétences ne manquent pas. Mais cette multiplicité nuit à la lisibilité et à l'efficacité, d'autant plus que bon nombre de ces organismes sont cloisonnés.
Le constat en matière de sécurité environnementale est de même nature : les organismes ne manquent pas et sont sans doute trop nombreux et trop cloisonnés.
Ce qui me gêne, c'est que le climat politique dans lequel le Sénat avait pu aboutir à un résultat tout à fait satisfaisant en créant deux agences et l'Institut de veille sanitaire semble aujourd'hui différent. En effet, lorsque nous avons conçu le dispositif de sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, sa conception générale a été acceptée par des gouvernements et des majorités différents. Or, aujourd'hui, il semble que des positions prédéterminées politiquement aient influé sur tel ou tel d'entre nous, comme si la majorité plurielle éprouvait ces temps-ci la nécessité de « resserrer les boulons », allant à l'encontre d'une certaine liberté d'expression qui avait marqué les travaux parlementaires ayant abouti à la création des deux agences. Une telle attitude me paraît regrettable.
Je terminerai mon propos en évoquant dans ce rappel historique l'origine des structures existantes.
L'Institut de veille sanitaire, dont nous avons parlé, procède du réseau national de santé publique ; l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé procède de l'Agence du médicament ; l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments procède du CNEVA.
L'expérience que nous avons de ces agences, attestée par les directeurs généraux et les usagers, montre bien que la voie que nous avons suivie était la bonne, puisqu'elle aboutit à un résultat que, sans parti pris, nous pouvons considérer comme satisfaisant. Cela - vous le comprenez, madame la ministre - ne fait qu'accroître mes regrets de voir qu'aujourd'hui le résultat que nous aurions pu espérer atteindre ensemble est largement compromis.
Il appartiendra, certes, à la commission mixte paritaire de trancher. Soyez assurée que nous ferons tout pour que, dans l'intérêt même des Français, pour répondre à leurs inquiétudes quant à leur propre santé après les drames que l'environnement a pu connaître, un progrès puisse être accompli, car c'est au moins un objectif commun sur lequel nous avons toutes chances de pouvoir nous retrouver. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire, le groupe socialiste approuve la démarche du Gouvernement. Je n'y reviens donc pas.
Mais, si nous sommes tout à fait d'accord sur le principe de la création de cette Agence de sécurité sanitaire environnementale, sur sa nécessité, sur son urgence, les conditions de sa mise en oeuvre telles qu'elles découlent du texte adopté par la majorité sénatoriale ne nous satisfont pas, et c'est la raison pour laquelle nous serons conduits à nous abstenir.
Pour faire écho au propos que vient de tenir M. le rapporteur, je dirai qu'aucun préjugé politique n'a influé sur les conditions dans lesquelles le groupe socialiste a été amené à se déterminer. Je le répète, nous avons simplement pris conscience que le sujet sur lequel porte notre débat d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'environnement, était éminemment complexe.
M. le rapporteur a rappelé que les autres agences procédaient d'un organisme. Il est bien évident qu'en matière d'environnement une agence de sécurité environnementale ne peut pas procéder d'un organisme, que ce soit l'INERIS, l'INRS, le BRGM ou l'Institut de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER. Par conséquent, nous sommes bien obligés d'utiliser une méthode différente de celle que nous avons utilisée pour les autres agences.
Dans ces conditions, la présente agence est-elle comparable à celles que nous avons déjà créées ? Le fait que le sujet soit plus vaste et plus hétérogène ne conduit-il pas à constater qu'il s'agit d'une agence originale ? Le terme même d'« agence » ne devient-il pas impropre ? Autant de questions que nous pouvons nous poser et que la commission mixte paritaire devra peut-être aborder !
En tout cas, je forme le voeu, en ce début d'année, que, malgré les divergences qui sont apparues sur ces travées, la commission mixte paritaire parvienne à un accord, car il serait dommage que, sur un sujet aussi important, qui dépasse les clivages politiques tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, nous ne trouvions pas un compromis.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En écoutant votre rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'avais le sentiment que, dussions-nous disposer de quinze lectures, nous pourrions être amenés à répéter nos arguments, mais que ceux-ci ne devraient pas occulter l'essentiel, à savoir la diversité, la complexité, l'importance des sujets qu'aura à traiter la future agence.
L'attente du public, les besoins exprimés par les pouvoirs publics sont tels que nous devons réunir les conditions permettant la mise en place effective de l'agence au cours de cette année 2001.
Je souhaite en tout cas vous convaincre, monsieur le rapporteur, que, pour ce qui me concerne, je n'ai pas de position personnelle à défendre, je n'ai pas d'ego hypertrophié à satisfaire. J'espère de tout coeur que l'on arrivera à dégager une solution qui, quelle qu'elle soit, permettra cette mise en place de l'agence dans les meilleurs délais.
Nous avons besoin d'un outil pragmatique, opérationnel, qui puisse se mettre à travailler dans les meilleurs délais. Voilà ce que le grand public nous demande, voilà ce que mes collègues du Gouvernement, comme l'ensemble des parlementaires, attendent !
J'espère donc de tout coeur que nous saurons réunir les conditions d'une décision rapide.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. François Autain. Le groupe socialiste également.

(La proposition de loi est adoptée.)

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