SEANCE DU 7 DECEMBRE 2000
M. le président.
Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant
l'agriculture et la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Revet.
M. Charles Revet.
Monsieur le ministre, à partir de la situation dans laquelle est plongée
l'agriculture, en particulier la filière bovine, et qui a été évoquée par la
plupart des intervenants, je souhaite formuler quelques réflexions et surtout
poser quelques questions.
Quel est le constat ? La crise de l'ESB a eu pour première conséquence une
diminution importante de la consommation de viande bovine. Si l'inquiétude de
nos concitoyens, même si elle est compréhensible, paraît injustifiée, selon les
scientifiques ; il n'en demeure pas moins que les conséquences sont dramatiques
pour nombreux de producteurs concernés et mettent en grande difficulté
l'ensemble de la filière. Voilà qui justifie des mesures fortes d'autant que
nous ne pouvons pas connaître la durée de cette crise.
La France, fort justement, a décidé de supprimer l'utilisation des farines
carnées dans l'alimentation animale. La Commission européenne vient de
reprendre à son compte cette disposition en l'étendant à tous les pays de
l'Union européenne suite au constat de cas d'ESB en Espagne et en Allemagne.
L'interdiction des farines carnées pose le problème de l'approvisionnement en
protéines dont la France et l'Europe sont largement déficitaires. N'est-il pas
temps, monsieur le ministre, de poser à nouveau le problème de cette filière
?
Si la capacité de développement de la culture du soja ne permettra pas de
répondre aux besoins, il existe des possibilités de production à travers
d'autres oléagineux, des protéagineux, et des légumineuses qui pourraient être
autant de substituts qui, par ailleurs, auraient d'autres effets bénéfiques.
J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, d'évoquer à plusieurs reprises les
graves problèmes que nous avons connus en France ces derniers mois, en
Seine-Maritime en particulier.
Je vous rappelle que, dans mon département, plusieurs personnes sont décédées
à la suite des inondations provoquées par les intempéries. Si je me garderai
bien de laisser entendre que l'agriculture en est la cause principale - il y en
a d'autres - la suppression des prairies accentue ou, pour le moins, contribue
à aggraver la situation.
Je me suis laissé dire, voilà quelques jours, monsieur le ministre, que 13 000
hectares de prairies en Seine-Maritime étaient encore potentiellement
susceptibles d'être mis en culture du fait du dispositif actuel d'attribution
des primes. Bien entendu, la plupart de ces surfaces se situent dans les
bassins versants qui sont les causes principales des inondations.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas revoir ces dispositifs aux effets
pervers ? Pourquoi ne pas proposer des modifications du système des aides, qui
favorisent le maintien et le développement des surfaces en herbe, en incitant
les productions d'oléagineux, de protéagineux, de légumineuses.
Peut-être allez-vous évoquer les contrats territoriaux d'exploitation, les
CTE. Vous savez comme moi que, pour des raisons diverses - lourdeur,
insuffisance des financements, notamment - cette politique ne peut pas répondre
aux besoins.
Monsieur le ministre, mes questions seront simples.
En raison de l'inquiétude, de la gravité de la situation et des préoccupations
tout à fait légitimes des agriculteurs, qui sont confrontés à des échéances
immédiates, quelles mesures complémentaires entendez-vous mettre en place pour
venir en aide aux producteurs et à l'ensemble des acteurs de la filière de la
viande ?
S'agissant de la systématisation des tests de dépistage à l'abattage, quand
serons-nous opérationnels ?
Par ailleurs, puisque certains départements sont demandeurs et peuvent
intervenir dès aujourd'hui, quand les autoriserez-vous à procéder au dépistage
systématique que prévoit la Commission ?
Monsieur le ministre, lors des questions d'actualité au Gouvernement - c'était
il y a quelques semaines, et non aujourd'hui, vous êtes pourtant beaucoup
intervenu - vous avez indiqué que vous entendiez profiter de la présidence
française de l'Union européenne pour faire prendre des orientations qui
tiennent compte de la situation nouvelle à laquelle nous sommes confrontés.
Quelles évolutions pensez-vous suggérer ? Envisagez-vous de revoir le système
des cultures primables ? Envisagez-vous en particulier de prendre dès
maintenant des mesures qui favorisent le maintien et le développement des
surfaces en herbe et la production d'oléagineux, de protéagineux, de
légumineuses ?
La situation actuelle impose une remise en cause en profondeur. Etes-vous
disposé, monsieur le ministre, à engager les actions qui seraient de nature
tout à la fois à redonner confiance aux consommateurs qui s'interrogent, mais
aussi aux producteurs qui, aujourd'hui, s'inquiètent fort justement pour leur
avenir ?
Quand on contrarie la nature, elle se rebelle. Monsieur le ministre,
pouvez-vous faire passer ce message à celles et ceux qui définissent la
politique agricole ? Comme dans d'autres domaines, les solutions de bon sens
sont souvent les plus simples et toujours les meilleures.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune.
Après la remarquable intervention, ce matin, de notre collègue Jean-Marc
Pastor, à laquelle je m'associe pleinement, mon propos portera principalement
sur les contrats territoriaux d'exploitation, qui, compte tenu des problèmes
actuels, vont être amenés à jouer un rôle primordial.
Cet instrument novateur, créé par la loi d'orientation agricole, vise à
reconnaître le caractère multifonctionnel du métier d'agriculteur. Le CTE est
un contrat signé entre l'agriculteur et les pouvoirs publics qui permet de
rémunérer les engagements en faveur de démarches de qualité, de préservation de
l'environnement ou de gestion de l'espace et de création d'emplois.
Le nombre de CTE conclus à ce jour est inférieur à ce que nous avions espéré.
Toutefois, une accélération semble se dessiner ces dernières semaines.
Il ne s'agit pas d'un échec, comme certains aiment à le présenter, d'un échec
qu'ils souhaiteraient sans doute afin de ne pas avoir à admettre, l'idée ne
venant pas d'eux, qu'il s'agit d'une innovation intéressante.
Cette lenteur au démarrage ne doit absolument pas remettre en cause ce
formidable outil de développement au service de l'agriculture. Les raisons de
cette lenteur, nous les connaissons. Il s'agit, d'une part, du temps pris par
la négociation du plan national de développement rural, qui n'a pu être adopté
qu'en septembre et, d'autre part, de la complexité du dispositif.
Cela ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, puisque vous avez engagé un
travail de simplification et d'orientation. Nous vous en savons gré et nous
souhaitons que vos efforts en ce sens aboutissent.
La dotation du fonds de financement des CTE pour 2000 n'a été, de ce fait, que
partiellement consommée. Le projet de budget qui nous est proposé ajuste donc
cette dotation, qui s'élève à 400 millions de francs pour 2001 contre 950
millions de francs en 2000.
Vous nous avez assurés que les crédits non consommés en 2000 seraient
intégralement reportés sur 2001. Cela permettra de conserver cette enveloppe à
l'agriculture et de poursuivre la tâche entreprise dans de bonnes
conditions.
Aujourd'hui, les projets collectifs avancent et un grand nombre sont sur le
point de se traduire en contrat-type.
Dans mon département, où nous avions eu le plaisir de vous accueillir pour la
signature des premiers contrats, le nombre de CTE conclus vient de tripler ces
derniers jours !
La modulation va permettre de distribuer des aides financières aux
agriculteurs selon des critères qualitatifs et non pas seulement
productivistes. Cette mesure va dans le bon sens.
Le système de production privilégiant la recherche de la productivité et du
profit au détriment de l'environnement et de la sécurité des consommateurs,
système qui a trop souvent prévalu et que nous n'avions pas manqué de dénoncer,
doit être remis en cause.
Les éleveurs qui pratiquent l'élevage extensif doivent être plus que jamais
encouragés. Ils sont très sensibles à l'avenir de la prime au maintien des
systèmes d'élevages extensifs, dite prime à l'herbe, que nous devons défendre
en veillant à ce que les montants à l'hectare soient revalorisés.
Aujourd'hui, les agriculteurs sont inquiets pour l'avenir de leur profession.
Quant aux consommateurs, ils s'inquiètent du contenu de leurs assiettes et
demandent des produits de qualité plus proches du terroir et plus facilement
identifiables. Il est impératif de favoriser la transparence afin de redonner
confiance aux uns et aux autres et d'éviter que chaque crise sanitaire ne
prenne des proportions considérables.
En rémunérant l'ensemble des fonctions qu'accomplissent les agriculteurs, les
CTE permettront la mutation de l'agriculture française vers une agriculture
plus durable et ils démontreront sa capacité d'adaptation aux nouvelles
attentes de notre société. C'est en effet un formidable outil de
diversification qui, en assurant la promotion de la recherche de la qualité
devrait être un élément déterminant pour sortir de la crise actuelle.
La mobilisation de tous les acteurs est indispensable pour assurer la réussite
de ce projet. En ce qui nous concerne, vous pouvez être assuré de notre total
soutien et de tous nos encouragements, monsieur le ministre : bien entendu,
nous voterons votre budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong.
Monsieur le ministre, le langage que je vais tenir ne sera pas celui d'un
ancien élève de l'Ecole nationale d'administration, il sera plus proche de
celui d'un paysan du Danube.
J'ai l'impression qu'après le poisson, avec arêtes, et le rôti, avec os, qui
vous ont été abondamment servis au cours de la matinée, il m'appartient de vous
servir la salade, c'est-à-dire la forêt !
(Sourires.)
Les tempêtes de 1999 ont des conséquences financières importantes pour les
communes forestières. Lorsque les dégâts excèdent deux ou trois années de
récolte, il s'ensuit une remise en cause des budgets communaux. Or, dans un
certain nombre de communes, ces dégâts atteignent quinze années de récolte.
Les engagements pris publiquement par M. le Premier ministre, le 12 janvier
2000, dans le feu de l'action, n'ont pas varié, mais ils doivent être
profondément remaniés en ce qui concerne leur mise en oeuvre.
Il est indispensable de mettre en place des palliatifs pour faire face à une
véritable détresse. En effet, en dépit des aides importantes prévues par le
Gouvernement mais qui se révèlent, comme toujours, très insuffisantes, les
communes devront reconstituer leur patrimoine forestier et devront à cette fin
apporter un autofinancement minimum de 20 % sur un total qui peut être évalué à
environ 2,5 milliards de francs sur une dizaine d'années.
Les circulaires interministérielles précisant les critères d'éligibilité à la
subvention d'équilibre ont été publiées. Les commissions départementales ont
été mises en place et ont fonctionné correctement en 2000.
Le ministère de l'intérieur, qui a mesuré l'ampleur du désastre financier pour
les budgets des communes forestières, a accordé une dotation de 200 millions de
francs au titre des subventions d'équilibre pour les années 2000 et 2001. Or la
vente de la majeure partie des chablis durant l'année 2000, en dépit de la
forte baisse de leur valeur marchande, a procuré des recettes souvent
supérieures à la recette moyenne des trois dernières années. Ainsi, seule une
faible partie des communes forestières bénéficie d'une subvention d'équilibre
en 2000.
On connaît maintenant avec une précision acceptable le montant total de ces
subventions pour l'exercice en cours : il atteindra 100 millions de francs.
Mais il se révèle déjà très insuffisant. En revanche, la baisse sensible des
recettes de ventes de bois en 2001 rendra éligible à la subvention d'équilibre
un nombre de communes beaucoup plus important, et ce nombre sera encore plus
important en 2002 et les années suivantes.
D'ores et déjà, d'après les estimations de la Fédération des communes
forestières de France, on peut affirmer qu'une somme minimum de 350 millions de
francs sera nécessaire en 2001 pour venir en aide aux communes forestières,
sachant que la subvention d'équilibre ne constitue qu'une compensation
partielle des pertes subies et en aucun cas une indemnisation.
Le 23 novembre dernier, la Fédération des communes forestières a demandé à M.
le ministre de l'intérieur d'engager une étude destinée à évaluer le plus
objectivement possible les pertes subies par chacune des communes forestières.
Ce travail définirait l'évaluation des pertes subies, mais aussi la perspective
à moyen terme qui, seule, peut permettre à la fois de déterminer les besoins
nécessaires, d'appliquer de manière équitable les circulaires mentionnées et
d'amorcer progressivement le redressement des finances des communes
sinistrées.
Cependant, le ministre de l'agriculture et de la pêche est notre autorité
normale. C'est donc à lui que nous demandons de coordonner l'action de ses
collègues ou de stimuler leur inaction.
Depuis le printemps de cette année, les élus des communes forestières
s'interrogent sur le phénomène météorologique que représente la tempête du mois
de décembre 1999, qui fut extraordinaire par sa violence et par son étendue.
Comme leurs administrés, les maires se demandent si ce phénomène risque d'être
récurrent. Ils se demandent également comment il est possible de rendre les
peuplements forestiers plus résistants.
Notre fédération a entrepris une réflexion approfondie avec les experts du
ministère de l'agriculture et de la pêche et avec l'Office national des forêts
pour essayer d'identifier les causes et les conséquences des dégâts occasionnés
par la tempête aux forêts communales.
Nous sommes bien obligés d'admettre que la nature reste le grand maître de la
forêt, car jamais l'homme ne pourra implanter ou réimplanter des massifs
forestiers à même de résister à des vents dont la vitesse excède cent cinquante
kilomètres à l'heure.
On doit faire preuve d'humilité quand on pratique la sylviculture. On doit
faire preuve de patience aussi, les échéances sont à quatre-vingts ans, voire à
deux cent-cinquante ans. Le rôle de l'homme consiste, en forêt, à imiter la
nature et à hâter son oeuvre.
Le 6 octobre 2000, lors du colloque d'Epinal, la fédération des communes
forestières a énoncé un certain nombre de principes qu'elle entend voir mis en
oeuvre lors de la reconstitution des forêts. Au mois de janvier 2001, en commun
avec l'Office national des forêts, elle éditera une plaquette qui sera
présentée à la presse et diffusée dans le grand public.
Ne pouvant entrer, faute de temps, dans le détail des mesures, je peux
dévoiler à cette tribune que les méthodes de sylviculture, qui sont
nécessairement variées dans une forêt française déjà très diversifiée, ne
seront pas radicalement remises en cause. Néanmoins, un certain nombre
d'ajustements, de précautions et de pratiques devraient permettre, à l'avenir,
de limiter, au moins en partie, certains risques.
Bien entendu, il sera fait appel à la régénération naturelle là où elle est
possible et souhaitable, ainsi qu'à la constitution de peuplements mélangés.
Je tiens à souligner ici que la régénération naturelle est déjà largement mise
en oeuvre par l'ONF dans les forêts communales et que, dans le renouvellement
des peuplements arrivés à maturité, les plantations artificielles occupent une
place très limitée. Au demeurant, elles sont nécessaires pour pallier des
régénérations naturelles insuffisantes et pour diversifier les essences,
notamment les essences précieuses comme le merisier, l'alisier ou le frêne.
Les modalités de reconstitution des forêts font actuellement l'objet d'une
concertation avec l'ONF. Elles seront formalisées dans les mois à venir dans
une charte commune à la fédération nationale des communes forestières de France
et à l'ONF. Le principal obstacle à un débouché pratique est la méconnaissance
profonde de l'évolution climatique des cent prochaines années.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, le mot « savant » s'applique au petit
bonheur et les déclarations des experts en climatologie ne sauraient nous
rassurer, tant elles sont à la fois pessimistes et contradictoires. Où est la
vérité ? En fait, nul ne le sait. Elle n'est pas, en tout cas, au fond d'un
puits de carbone !
Faute de pouvoir influencer les humeurs de la météorologie, les communes
forestières ont affirmé à différentes reprises leur volonté et la possibilité
qu'elles ont de prendre leur part à la lutte contre l'effet de serre.
Si les acteurs de la vie économique, et même tous les Français, doivent
contribuer à la diminution des pollutions de toute nature, les communes
forestières proposent, par une politique dynamique de renouvellement des forêts
communales, d'enrichissement des taillis sous futaie pauvres et de reboisement
de terrains en déprise agricole, de créer des « geysers d'oxygène »,
improprement dénommés « puits de carbone », sur une surface de un million
d'hectares en quinze ans. La Fédération nationale des communes forestières de
France entend ainsi, avec l'aide de l'Etat, contribuer efficacement, de manière
ingénieuse et peu coûteuse, à la fixation du dioxyde de carbone. Il s'agit là
d'un service majeur que seule la forêt peut rendre à la société.
Afin que soient financées de façon pérenne toutes les actions déjà engagées ou
à engager en forêt publique, ainsi que les services non marchands que rendent
ces forêts, notamment les forêts communales, la Fédération nationale des
communes forestières de France demande instamment à M. le Premier ministre que
le produit de l'écotaxe soit affecté à la forêt à hauteur des besoins réels,
soit au minimum 2 milliards de francs par an.
Monsieur le ministre, je suis sûr que vous suivez le déroulement de la réunion
sur l'effet de serre d'Ottawa.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
De très près !
M. Jacques-Richard Delong.
J'espère que la France saura défendre le rôle majeur de la forêt dans la lutte
contre l'effet de serre.
(M. le ministre fait un signe
d'approbation.)
En conclusion, monsieur le ministre, je voterai votre budget sans
arrière-pensées. Mais, bien entendu, nous comptons sur vous !
(Applaudissements sur les travées du RPR. - M. Piras applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le ministre, le 14 novembre dernier, vous présentiez un plan général
de lutte contre l'ESB, dont la principale mesure concerne la mise en place d'un
moratoire sur l'utilisation des farines de viande et d'os dans l'alimentation
de tous les animaux d'élevage.
Au regard du développement récent de la crise de la « vache folle » et de
l'inquiétude sans précédent des consommateurs, les mesures annoncées vont dans
le bon sens. Leur efficacité reste toutefois à démontrer. Je ne souhaite pas,
faute de temps de parole, parler des mesures prises ou en cours de décision,
d'autres collègues l'ont fait ou le feront.
Vos explications rassurantes, souvent courageuses, celles du Gouvernement
depuis le début de la crise, n'ont pas suffi à arrêter le déferlement
incontrôlé de déclarations irresponsables et trop médiatisées concernant les
causes et surtout les conséquences de ce que l'on appelle maintenant dans un
jargon employé par tous : la crise de la vache folle.
C'est une situation très grave que connaît le premier secteur économique de
l'agriculture française. Il faudra plusieurs années pour revenir à un équilibre
de la filière, mais rien ne sera plus véritablement comme avant.
La légitime aspiration des consommateurs à la transparence - qui doit être la
conséquence d'une compréhension réciproque - ne se relâchera pas. Entre
partenaires modernes et évolués d'une grande filière économique, il est normal
qu'il en soit ainsi. Les pouvoirs publics étant un partenaire majeur, il vous
appartient donc, monsieur le ministre, à vous et à quelques autres de vos
collègues, de contribuer à rétablir le climat de confiance réciproque en
l'absence duquel rien ne pourra être fait pour cette filière.
Le climat est détérioré. Paradoxalement, il s'est détérioré au moment où l'on
commençait à prendre des mesures concrètes qui porteront progressivement leurs
fruits.
Le phénomène s'est accru avec l'annonce que vous avez faite voilà trois
semaines du chiffre de 3,2 milliards de francs, chiffre qui a circulé et que
les médias ont repris et amplifié, sans chercher ni à l'analyser ni même à le
comprendre.
Ainsi, depuis plusieurs semaines, la situation est incroyable : deux blocs de
Français se regardent sans bien se comprendre. D'un côté, les consommateurs se
rappellent qu'ils sont aussi contribuables ; de l'autre, les opérateurs
économiques de la filière « viande » se demandent où sont ces 3,2 milliards de
francs dont ils n'ont pas encore vu la couleur. Monsieur le ministre, il faut
faire cesser ce climat, qui est malsain.
Ce chiffre de 3,2 milliards de francs est faux, c'est évident. Mais encore
faut-il le dire et montrer le chemin de la vérité, qui redonne confiance. Il
est faux car, dans la précipitation, on mélange allégrement, dans l'addition,
des aides publiques nouvelles - il y en a peu -, des prêts bonifiés, des
reports de paiements - sous conditions non précisées -, des crédits déjà
programmés que l'on repasse une nouvelle fois, des aides financières et des
aides européennes !
Tout cela contribue à un manque de crédibilité de l'ensemble des mesures
prises ou à prendre. Monsieur le ministre, puisque ce chiffre est troublant, il
faut en parler.
Si l'on analyse, point par point, l'ensemble des mesures qui constituent ce
plan financier, on ne peut qu'être déçu par le volume des crédits prévus.
Ainsi, le report des cotisations sociales, estimé à 1,24 milliard de francs,
ne coûtera à l'Etat que les avances de trésorerie consenties à la Mutualité
sociale agricole car, au bout de trois années, ce sont bien les éleveurs
concernés qui devront régler cette somme. C'est d'ailleurs en 1999 que les
éleveurs ont remboursé les reports obtenus en 1996.
Quant aux 400 millions de francs du fonds d'allégement des charges, le
Gouvernement mobilise les crédits des budgets 2000 et 2001, qui étaient déjà
programmés pour résoudre les crises des marchés agricoles quelles qu'elles
soient !
Le même recyclage budgétaire prévaut pour les soutiens financiers au plan «
protéines végétales ». Il s'agit là du dispositif 2000, qui concerne les primes
au soja de qualité et au tournesol, ainsi que la mesure en faveur du diester
qui a déjà été obtenue lors de négociations qui ont abouti le 9 septembre
dernier.
La filière industrielle bénéficie, pour sa part, de mesures sociales et
financières qui se précisent ces jours-ci, mais qui ne sont toujours pas
adaptées. Le compte n'y est pas et les bonnes procédures ne sont pas encore
trouvées.
S'agissant de toutes les autres mesures annoncées, il faut faire la part des
effets d'annonce et des moyens nouveaux réellement dégagés.
Lorsque l'on soustrait de son montant les simples avances de trésorerie et le
redéploiement des crédits, il apparaît que le plan de soutien en faveur des
éleveurs bovins et de la filière manque d'ambition. Où sont donc les 3,2
milliards de francs annoncés ?
L'absence de mesures immédiates de dégagement des marchés et d'aides d'urgence
aux éleveurs nous porte à croire que le Gouvernement n'avait pas, voilà trois
semaines, pris la réelle mesure de la gravité de la crise. Les dispositifs sont
trop lents à se mettre en place. Il faut accélérer, monsieur le ministre. Vous
avez une audience que je n'ai pas. Je compte sur votre autorité pour rétablir
la vérité des chiffres. Il faut redonner l'espoir aux éleveurs et créer les
conditions d'un dialogue avec les partenaires industriels de la filière pour
parler de sa nécessaire restructuration.
Cette filière comporte une forte surcapacité d'équipements industriels qui se
chiffre aujourd'hui entre 20 % et 35 % suivant les métiers et qui est la
conséquence d'un passé trop marqué par l'action combinée des pouvoirs publics,
des collectivités locales et d'opérateurs privés qui n'ont pas toujours bien
mesuré les évolutions prévisibles du marché, le niveau de la concurrence et le
besoin de gestion qualitative. Ainsi, 70 000 emplois sont fragilisés. Combien
resteront ? Combien disparaîtront ? Cela dépendra des prochaines décisions en
cours de discussion avec les pouvoirs publics et des « souplesses » sociales
qui seront accordées. Cela se jouera dans les semaines qui viennent.
Côté élevage, il faut repenser tous nos équilibres entre troupeau allaitant et
troupeau laitier, entre troupeau allaitant et aménagement du territoire, et
s'adapter aux demandes du marché en matière de volumes produits.
Avec la crise que nous traversons, le devoir de rétablir la rentabilité de la
filière s'impose à tous. Ce sera long et difficile. Il faudra beaucoup de
courage à tous les décideurs publics et privés.
Monsieur le ministre, je souhaite que la proximité des échéances électorales
ne soit pas, pour les décideurs publics ou politiques, le prétexte à une
absence de rigueur au moment où il faudra prendre des décisions. Ce serait une
occasion manquée que nous aurions à payer plus tard.
En plus de ce que j'avais préparé sur la « vache folle », je tiens à vous
faire part de la dépêche que m'a apportée un collègue au moment où je montais à
la tribune, et qui nécessite une réponse de votre part, monsieur le
ministre.
Selon le quotidien économique
Handelsblatt,
le Gouvernement allemand
veut empêcher que de nouvelles subventions ne soient attribuées aux
agriculteurs victimes de la crise de la « vache folle » lors du sommet européen
de Nice, qui s'est ouvert aujourd'hui.
Toujours selon le quotidien, qui cite le ministère des finances, en 1999,
l'Allemagne a versé plus d'euros dans les caisses de l'Union européenne qu'elle
n'en a reçu en retour. L'objectif de l'Allemagne est de continuer à réduire le
différentiel.
Il est prévu de discuter à Nice des aides aux agriculteurs pour leur permettre
de produire différemment, notamment après la décision européenne de suspendre
pour six mois l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation de tous les
animaux d'élevage.
Voilà la teneur de cette dépêche, monsieur le ministre. Je ne sais pas si vous
en avez eu connaissance. De quelle manière pouvons-nous contrer cette décision
? Elle nécessite en tout cas que vous nous indiquiez ce que vous en pensez et
ce qu'en pensent les Français présents au sommet de Nice.
J'évoquerai rapidement deux sujets ponctuels : l'avenir du sucre et de son
règlement, et le sucre et les pays les moins avancés.
S'agissant du premier point, une émotion s'est installée après les
déclarations publiques d'un commissaire à Bruxelles voilà quelques semaines.
Vous avez obtenu des assurances sur le non-abandon du calendrier, ce qui vous a
permis de rassurer les opérateurs de la filière sucre. Je vous remercie pour
cette action. Il n'y a aucune raison de remettre en cause l'organisation d'une
filière qui est exemplaire sur le plan des marchés agricoles.
S'agissant du second point, M. Lamy s'est fait récemment l'écho d'une action
possible en faveur des PMA, à savoir l'ouverture d'un droit d'accès pour un
million de tonnes de sucre. Pour ceux qui ne connaissent pas le sujet, je
précise que un million de tonnes de sucre nécessitaient 120 000 hectares de
betteraves voilà dix ans, 80 000 hectares aujourd'hui, c'est-à-dire
sensiblement le cinquième de la production française. Ces chiffres sont
effrayants !
Il est nécessaire de conduire des actions en faveur des pays les moins
avancés. Mais, de grâce ! qu'elles soient réfléchies et progressives, afin de
ne pas démolir cette filière dont la construction a demandé soixante-dix ans !
Monsieur le ministre, vous devez obtenir que ces actions s'incrivent dans un
plan d'ensemble. Mais les négociations de l'OMC ne sont toujours pas
ouvertes.
Je terminerai par le budget et ses priorités.
Je ne relèverai qu'un point : l'effort encore insuffisant pour la recherche.
Je sais que deux ministères de tutelle sont concernés.
L'INRA prépare un plan sur quatre ans. Il faut le faire. Aujourd'hui, une
convention avec l'ACTIA va être signée ; elle va dans le sens d'un
rapprochement avec les professionnels, ce qui est bien.
Toutefois - je tiens à le dire publiquement -, on ne fait pas assez état des
résultats exemplaires qui sont obtenus par les 11 000 personnes - si l'on
compte les stagiaires - qui travaillent à l'INRA.
Il en est de même pour le CEMAGREF et quelques autres petits organismes de
recherche qui dépendent de votre ministère.
On souhaite que l'on fasse plus pour les industries alimentaires et non
alimentaires, car c'est là que se crée la valeur ajoutée de la filière
agricole.
Si nous obtenions pour la filière viande les mêmes résultats que ceux que nous
avons obtenus en trente ans pour le lait, l'avenir serait plus ouvert et les
raisons d'espérer plus apparentes.
En période de crise, c'est le moment d'innover, d'autant plus que l'avenir, ça
se contruit et c'est aussi un problème de volonté politique !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le
cadre de cet examen du budget de l'agriculture et de la pêche, je vais
intervenir maintenant sur l'avenir du secteur agricole par le biais de
l'enseignement agricole, pour tout à l'heure, lors de l'examen du BAPSA,
évoquer la légitime solidarité que nous devons démontrer à l'intention des
anciennes générations.
Je suis particulièrement satisfait que le budget réservé à l'enseignement
agricole - ce « fier alezan », selon l'expression que vous avez utilisée il y a
quelques instants, monsieur le ministre - et les efforts qui sont poursuivis en
matière de retraites agricoles marquent incontestablement le caractère
prioritaire qu'accorde à ces sujets le gouvernement actuel.
L'intérêt affiché pour l'enseignement agricole n'est pas simplement un effet
d'annonce, les chiffres sont là pour le prouver : les crédits s'élèvent pour
2001 à 7 521,28 millions de francs, en progression à structure constante de
2,46 %, alors que l'ensemble du budget du ministère de l'agriculture et de la
pêche ne progresse que de 0,6 %.
J'ai lu et entendu que, malgré cette évolution indéniablement positive,
certains voyaient un ralentissement dans l'effort engagé en faveur de
l'enseignement agricole.
Pour ma part, j'estime que l'appréciation portée sur le budget de
l'enseignement agricole doit l'être sur plusieurs exercices. Je rappelle donc
les efforts des années précédentes : ce budget a connu une progression de 3,58
% en 2000, de 6,21 % en 1999 et de 4,64 % en 1998.
Cette vision plus globale nous permet de constater que, depuis quatre ans,
l'enseignement agricole est une priorité pour nos gouvernements, ce dont je me
félicite. Il faut tout de même préciser que, si un tel effort a été consenti et
doit se poursuivre, c'est qu'il s'avérait nécessaire, voire indispensable, nous
en sommes tous conscients.
Au-delà de cette appréciation générale, je souhaiterais articuler mon
intervention autour de deux points, le premier portant sur une analyse plutôt
comptable, le second sur une approche plus philosophique et prospective de
l'enseignement agricole.
L'enseignement agricole est soumis à des maux profonds et structurels qui
méritent, et même qui exigent, que les pouvoirs publics s'en saisisssent, la
situation de l'emploi étant sans doute le plus marquant.
Il est donc nécessaire de créer des emplois et de résorber l'emploi précaire,
ces deux aspects étant d'ailleurs intimement liés puisque la carence en
création d'emplois a conduit au développement de l'emploi précaire. C'est ainsi
que l'inspection générale de l'agriculture a calculé que la part des
non-titulaires atteignait le taux record de 25 % dans l'enseignement agricole,
alors que ce taux n'est « que » de 6 % dans l'éducation nationale.
Pour remédier à cette situation, le projet de loi de finances pour 2001
contient de très importantes dispositions tant en matière de création nette
d'emplois qu'en matière de résorption de la précarité.
Pour ce qui est du premier point, 200 postes sont créés, la répartition étant
la suivante : 120 emplois d'enseignant, qui s'ajoutent aux 158 emplois créés en
2000 et aux 150 emplois créés en 1999 ; quatorze emplois dans l'enseignement
supérieur, ce qui marque une rupture avec le passé ; soixante postes de
personnel non enseignant, qui s'ajoutent aux soixante emplois créés en 2000 et
aux quarante emplois créés en 1999 ; six postes de personnel non enseignant
dans l'enseignement supérieur.
En ce qui concerne le problème de la précarité, au-delà du projet de loi
relatif à la réduction de l'emploi précaire dans la fonction publique, le
projet de loi de finances pour 2001 prévoit, pour la quatrième année
consécutive, des créations d'emplois par transformation de crédits de vacations
et d'heures supplémentaires. Pour cette dernière mesure, près de 400 emplois
sont créés qui se répartissent ainsi : 260 emplois pour le personnel enseignant
du second degré et 137 emplois pour le personnel non enseignant.
Ces mesures concernant les créations de postes et la déprécarisation devraient
conforter la situation des enseignants et des élèves de l'enseignement
agricole. Ce rattrapage, s'il doit être loué, doit non pas se ralentir, mais
bien au contraire se poursuivre.
J'aborderai très brièvement trois questions qui méritent des précisions de
votre part, monsieur le ministre.
La première porte sur le constat fait par certains du ralentissement du rythme
de progression des subventions de fonctionnement des établissements publics et
privés. Il est évident que, dans un budget, des choix doivent être faits ;
celui qui nous est soumis privilégie les effectifs. Néanmoins, il faut rester
vigilant et s'assurer que la qualité de la pédagogie dans l'enseignement
agricole soit préservée, car elle est unanimement reconnue.
Par ailleurs, et cela fera l'objet de ma deuxième remarque, il est regrettable
que le fonds social lycéen soit simplement reconduit en francs courants à
hauteur de la dotation inscrite en 2000.
Enfin, je voudrais évoquer, monsieur le ministre, le mécanisme du régime
temporaire de retraite de l'enseignement privé, le RETREP, lequel est étendu
aux contractuels de l'enseignement privé sous contrat relevant de l'éducation
nationale, ce qui leur permettra de bénéficier d'une retraite à taux plein dès
soixante ans. A ce sujet, avec mes collègues, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Marc
Pastor, Yolande Boyer et dix-huit autres membres du groupe socialiste, nous
avons déposé un amendement afin que, dès 2001, le personnel de l'enseignement
privé agricole sous contrat bénéficie des mêmes dispositions que le personnel
de l'enseignement public général.
Au-delà de cette analyse comptable, qui démontre que la politique poursuivie
par ce gouvernement depuis plusieurs années répond en grande partie aux
problèmes de l'enseignement agricole, une analyse plus qualitative de cet
enseignement s'avère nécessaire.
Que ce soit en 1999 ou en 2000, dans mes interventions sur l'enseignement
agricole lors de l'examen des lois de finances, j'ai évoqué la nécessité, dans
la définition du contenu de cet enseignement, de prendre en considération le
rôle multifonctionnel de l'agriculture affirmé par l'article 1er de la loi
d'orientation du 10 juillet 1999.
L'actualité, à l'occasion de la crise de l'ESB et des farines animales, crise
qui devrait d'ailleurs nous inciter à appréhender le problème des OGM d'une
manière encore plus vigilante, vient confirmer l'obligation de remettre en
cause la philosophie productiviste qui a guidé la prise de décisions en matière
de politique agricole depuis des décennies.
Je rappellerai à ceux de nos collègues qui, malheureusement, n'étaient pas
présents lors de l'examen de la loi d'orientation agricole la fameuse règle des
80 % - 20 %, que j'ai d'ailleurs répétée une vingtaine de fois dans cet
hémicycle, c'est-à-dire la règle selon laquelle 80 % des subventions vont à 20
% des agriculteurs.
L'aspect multifonctionnel de notre agriculture doit se traduire dans
l'enseignement agricole, objet de mon intervention. Jusqu'à présent, la mission
principale, et je dirai même unique en caricaturant un peu, qui a été confiée à
l'agriculture a été de produire une quantité maximale de denrées alimentaires à
un coût minimal.
Je ne suis pas totalement naïf et je sais très bien que le productivisme a été
guidé par la concurrence rencontrée sur les marchés mondiaux. Mais, désormais,
l'agriculture est au centre de nombreux autres enjeux : le respect de
l'environnement, l'aménagement cohérent du territoire, la qualité sanitaire des
produits, la commercialisation même de ces produits...
Conscient de ce problème, monsieur le ministre, vous avez souhaité l'émergence
d'un projet pour un service public d'enseignement agricole, soit, dans le
jargon du ministère, PROSPEA. L'idée mais également la procédure de
concertation suivie doivent être louées car notre enseignement agricole, au
même titre que notre agriculture, est à un tournant de son histoire, et je le
dis de la manière la plus solennelle.
La réflexion que vous avez engagée est vaste, mais, dans votre intervention du
14 juin dernier, vous avez précisé qu'il s'agissait notamment de réfléchir au
contenu de l'enseignement, et ce au regard des enjeux posés à l'agriculture en
matière de multifonctionnalité. Quelle place voulons-nous donner à
l'enseignement agricole au regard de ces enjeux émergents mais affirmés ?
Cette vision productiviste a laissé place à une approche multifonctionnelle de
l'agriculture, laquelle n'est plus isolée dans le monde rural mais en fait
partie intégrante. La France est, à mon avis, en avance dans cette approche
globale du monde rural.
Votre volonté, monsieur le ministre, de voir émerger un nouveau projet pour
notre enseignement agricole est l'occasion que ce dernier intègre, par la
spécialisation et la diversification de ses formations, la mission
multifonctionnelle de l'agriculture de demain, laquelle a un rôle primordial à
jouer dans l'animation du monde rural et l'aménagement de notre territoire.
Le défaut d'anticipation sur les effectifs dans l'enseignement agricole, qui
nous oblige aujourd'hui à de douloureux rattrapages, ne doit pas se renouveler
sur le contenu des formations dispensées. L'enseignement agricole doit savoir
s'adapter, accompagner la mutation indispensable de la politique agricole menée
et répondre ainsi aux enjeux de société et aux objectifs clairs et légitimes de
la dernière loi d'orientation agricole.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M.
Jacques-Richard Delong nous a parlé forêt. La forêt fait partie de la ruralité,
et il ne peut y avoir de ruralité sans agriculture. Or notre agriculture est
inquiète.
La Ve République a donné deux fondements à l'indépendance économique de la
France : l'autosuffisance alimentaire et l'énergie nucléaire. Ce n'est pas un
hasard si nous voyons les mêmes forces de désagrégation s'attaquer aujourd'hui
à l'une et à l'autre.
MM. Jacques-Richard Delong et Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Yann Gaillard.
Pour nous en tenir à l'agriculture, un contrat a été passé entre l'Etat et les
paysans, à l'époque de la première loi d'orientation, de la loi complémentaire
et des grands règlements de marché. C'était le temps de Chombart de Lauwe, de
Debatisse et, à Bruxelles, de Mansholt, sans oublier Debré, Pisani et Edgar
Faure.
Avec leur aide, les paysans ont doté notre pays d'une puissante industrie de
la terre, capable de tenir tête à l'Amérique. Ils ont aussi maintenu la vie et
la beauté de notre paysage. Or ils sont aujourd'hui l'objet de tous les procès
: au nom de la consommation et de la sécurité alimentaire ; au nom de
l'environnement. Prenez l'article de M. André Chandernagor, personnalité que je
respecte par ailleurs, paru dans
le Monde
du 5 décembre et intitulé
Santé et environnement d'abord.
Tout y est passé : « les veaux aux
hormones, les porcs aux antibiotiques, le poulet à la dioxine, la « vache folle
», l'air que nous respirons, l'eau de nos sources et de nos rivières ». Qui
nous vaut d'encourir ces terribles dangers ? Le « lobby productiviste agricole
». D'où, monsieur le ministre, le démantèlement recommandé de votre ministère,
jugé trop docile.
Certes, emportée par l'élan, l'agriculture a pu commettre des excès. Qui n'en
commet pas ? Mais elle bat sa coulpe bien volontiers. Le chef naturel de ce «
lobby », le président de la FNSEA, M. Luc Guyau, dans son dernier ouvrage
Le
Défi paysan,
qui mérite d'être médité, écrit - cela figure à la page 13 : «
Nous ne pouvons plus admettre de réduire nos activités à la simple production
de volumes. Nous avons aussi à préserver nos ressources naturelles et notre
environnement, à assurer la qualité sanitaire de nos produits, à nous ouvrir
aux nouveaux marchés, à consolider une Europe agricole qui tend à s'étoffer.
Pour fonder cette « agriculture innovante et citoyenne », il préconise même un
« serment d'Hippocrate de l'agriculteur ». La pensée de Bertrand Hervieu, qui
est proche de vous, monsieur le ministre, n'est guère différente, si j'en juge
par ses récents ouvrages.
Des mots, direz-vous ! Mais, sous la plume de celui qui les écrit, ils valent
engagement.
La profession organisée a mené avec l'Etat la première révolution agricole ;
elle est prête à engager la seconde. Elle a déjà commencé à le faire. Elle est
composée d'hommes et de femmes modernes, véritables chefs d'entreprise, qui
maîtrisent la technique et la gestion et à qui la révolution informatique n'est
en rien étrangère. Etant moi-même étranger à ce milieu et ancien élève de
l'ENA, mon cher collègue Delong, je suis heureux de lui rendre cet hommage.
Qu'attend la profession de l'Etat, et donc de vous, monsieur le ministre ? Que
vous vous mettiez au travail avec elle et prépariez ce nouveau contrat « entre
les agriculteurs et leurs concitoyens ».
D'abord, commencez par maintenir intact le potentiel de renouvellement de
cette agriculture. Je pense, bien sûr, à l'installation des jeunes, mais aussi
à cet enseignement agricole, public et privé, dont vous êtes le tuteur. L'heure
n'est pas à tenter d'opposer public et privé ni à afficher une volonté de se
séparer de certaines formations pour les confier à l'éducation nationale, qui a
déjà suffisamment à faire avec ses propres problèmes.
Je n'insiste pas davantage sur cette question que plusieurs orateurs,
excellents, ont traitée avant moi.
Faites fond aussi sur la production agricole non alimentaire : les fibres
textiles, comme le chanvre ; la chimie du lait ou de l'amidon de blé ; les
carburants végétaux ; et, bien sûr, le bois.
Le bois, ... j'y reviens ! Il en est tombé beaucoup dans cette fameuse tempête
de décembre 1999. M. Jacques-Richard Delong, président de la Fédération
nationale des communes forestières de France, l'a dit avec l'autorité et la
passion qu'on lui connaît. Je veux compléter son propos en ce qui concerne
l'Office national des forêts.
Avec 20 millions de mètres cubes à terre, l'Etat, premier propriétaire
forestier de France, est donc le premier touché, ce qui emporte des
conséquences graves pour l'équilibre financier de l'Office.
Le rapport Bianco, excellent document, préconisait de mettre fin à un excédent
constaté de bois sur pied, sorte de surcapitalisation technique, par une
mobilisation accrue de 10 millions de mètres cubes pendant dix ans. Les
recettes supplémentaires auraient permis de faire face, entre autres, à
l'insuffisance chronique du versement compensateur.
Recettes en moins, charges en plus, la tempête creuse un trou de 250 millions
de francs dans les finances de l'Office. Inutile de compter sur la provision
pour variation de conjoncture, qui n'a été que trop ponctionnée.
Les communes forestières de France sont préoccupées par la fragilité
financière de leur gestionnaire, sur qui elles veulent pouvoir compter pour
mener à bien le programme de reconstitution de leurs forêts annoncé par le
Premier ministre.
Nous demandons donc avec insistance que, après un premier acompte de 100
millions de franc, un second versement de 150 millions de francs soit effectué
en faveur de l'établissement. Et l'opération devra sans aucun doute être
renouvelée en 2002. Mais une recapitalisation financière par l'Etat serait
certainement le meilleur moyen de remettre l'Office sur pied et de redonner
confiance aux communes, ainsi qu'à l'ensemble de la filière.
Monsieur le ministre, l'avenir de notre agriculture et celui de notre forêt ne
se séparent pas. Ils sont l'un et l'autre entre vos mains !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes
collègues du groupe de l'Union centriste ayant longuement évoqué la crise de la
maladie de la « vache folle » et la situation dramatique des éleveurs qui s'est
ensuivie, je me bornerai à parler du problème de la traçabilité et de
l'étiquetage.
Puisque l'interdiction des farines animales est aujourd'hui une réalité dans
l'ensemble de l'Europe, avez-vous l'intention, monsieur le ministre, de
relancer le plus rapidement possible la production de cultures végétales,
notamment d'oléoprotéagineux, la France et l'Europe ne couvrant pas,
aujourd'hui, leurs besoins en ce domaine ?
Afin d'assurer une véritable transparence concernant la filière alimentaire,
notamment, il s'avère nécessaire que tous les produits soient étiquetés dans le
cas où ils contiendraient des OGM ou des dérivés d'OGM.
Toutefois, aujourd'hui, l'étiquetage et la traçabilité ne sont que très peu
développés en Europe et encore moins dans le reste du monde. Les règles
communautaires doivent être complétées et clarifiées afin de permettre une
véritable information du consommateur. C'est dans cette optique que la
directive 90/220/CEE va être révisée.
Il convient surtout d'être particulièrement vigilant à l'égard des céréales
provenant des Etats-Unis, notamment le maïs grain ou les fèves de soja. Le
dispositif communautaire en matière d'étiquetage porte aujourd'hui, d'une part,
sur les semences et, d'autre part, sur les produits finis. En revanche, entre
les deux extrémités de la filière, il n'y a pas d'obligation réglementaire
quant à la mention : « génétiquement modifié ».
Du fait de ces lacunes, les fabricants de produits alimentaires ont des
difficultés à disposer d'une information précise quant au caractère « OGM » des
ingrédients qui leur sont livrés et, par conséquent, à appliquer un étiquetage
fiable des produits finis.
Etiquetage et traçabilité sont liés, mais les dispositifs en vigueur sont
insuffisants, même s'ils ont le mérite d'exister. La traçabilité, notion assez
récente en ce domaine, n'est pas sérieusement assurée de bout en bout de la
chaîne alimentaire.
En s'appuyant sur le principe de précaution, la France peut montrer l'exemple,
car les directives européennes, malgré leur précision habituelle, sont en la
matière incomplètes, insuffisamment rigoureuses et partielles.
S'agissant, par ailleurs, de la situation des exploitations agricoles, il faut
reconnaître qu'elle est particulièrement préoccupante. En effet,
l'alourdissement des charges menace nombre d'entre elles. La maîtrise des
charges est à nouveau une priorité.
Les efforts individuels ne seront pas suffisants, surtout si la concurrence,
au sein de l'Union européenne, ne peut pas s'exercer pleinement entre les
fournisseurs. En outre, à ces charges s'ajoute l'ensemble du dispositif de
taxes mis en place par le Gouvernement ; je pense notamment à la TGAP, dont
nous avons demandé la suppression. S'ajoute encore la modulation,
essentiellement supportée par les céréaliers pour financer les CTE.
Il est donc urgent de prendre des mesures fiscales fortes pour compenser le
nouvel appauvrissement de la « ferme France », lié à la baisse des prix de
soutien. Depuis un certain temps déjà, le Gouvernement fait miroiter un plan
d'aménagement de la fiscalité agricole, mais il est dommage que des mesures ne
soient proposées que sous la pression.
Le poids des impôts et des prélèvements sociaux varie d'un pays européen à
l'autre. Si je prends l'exemple du revenu net imposable, le calcul n'est pas le
même partout : un agriculteur néerlandais et un agriculteur français ayant des
exploitations laitières similaires - mêmes quotas laitiers, même quantité de
lait produite - ont un revenu imposable différent ; entre autres raisons, le
quota laitier est amortissable aux Pays-Bas, alors qu'il ne l'est pas en
France. Et ce n'est là qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.
Monsieur le ministre, il est temps de mettre en place un véritable plan de
réduction des charges sociales et fiscales qui pèsent sur le secteur
agricole.
Avec la crise sans précédent que connaissent les éleveurs, le métier
d'agriculteur est un métier aujourd'hui très compromis.
Le recul des installations en est une preuve supplémentaire : elles ont chuté
de plus de 30 % en trois ans. Or une agriculture qui ne se renouvelle plus est
une agriculture qui n'a plus confiance en son avenir.
Que fait le Gouvernement pour y remédier dans le budget de l'agriculture pour
2001 ? Il se contente de reconduire à l'identique la dotation à l'installation
votée en 2000. Si aucun effort particulier n'est réalisé en ce domaine, on ne
peut parler de priorité à l'installation.
Je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer, en ma qualité de
représentant du département de la Meuse, la situation des exploitants
forestiers.
Vous avez décidé d'augmenter de 33 % les crédits alloués pour 2001 à la forêt.
Le plan national pour la forêt contient des mesures pour mobiliser les bois
abattus, les stocker et les valoriser, reconstituer les forêts sinistrées,
soutenir les communes forestières. A ce propos, je souligne la modestie des
aides qui sont réellement versées aux communes et qui ne correspondent pas à
leurs attentes.
Où en sont les exploitants forestiers aujourd'hui ? Ils ont passé une année
effroyable à attendre des aides pour tenter de sauver leur activité.
Nous appelons de tous nos voeux un très ambitieux projet de loi d'orientation
sur la forêt, à l'examen duquel nous ne manquerons pas d'apporter la plus
grande vigilance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, le projet de
budget pour 2001 du ministère de l'agriculture s'inscrit dans un contexte à la
fois national et européen bien particulier.
Lundi dernier, à Bruxelles, le conseil européen de l'agriculture, sous votre
présidence, monsieur le ministre, a réexaminé le dossier de la « vache folle ».
Je me félicite que les principes et les mesures nationales que vous défendiez
voilà quelques jours devant nos partenaires européens aient enfin pu être
repris à l'échelon européen.
J'espère que les mesures communautaires ainsi mises en place apporteront aux
consommateurs toutes les garanties de sécurité sur la viande bovine, à la fois
par l'interdiction totale des farines animales et par l'extension des tests de
dépistage de l'ESB à tous les bovins de plus de trente mois.
En outre, la Commission s'est engagée à intervenir également afin de rétablir
le bon fonctionnement de la filière, la situation des éleveurs étant
profondément affectée par l'état actuel du marché.
Votre engagement, monsieur le ministre - je pourrais même parler d'un
marathon, entamé voilà plusieurs mois -, ainsi que les décisions nationales
d'interdiction, de contrôle intensif et de vigilance prises par le Gouvernement
ont montré la détermination de la France face à ses partenaires et votre
volonté constante - que vous partagez avec tout le Gouvernement - d'agir sur la
base du principe de précaution, des recommandations des scientifiques de
l'AFSSA, tout en prenant la mesure de toutes les conséquences de ces
décisions.
Au-delà du cadre communautaire qui se met en place et qui renforce le
dispositif sanitaire national, que beaucoup d'experts ou d'observateurs
reconnaissent comme le plus complet en Europe, deux grandes questions
préoccupent nos concitoyens et nos éleveurs. Comment rassurer les
consommateurs, retrouver leur confiance ? Comment sauver l'élevage bovin et
répondre aux attentes des producteurs face à une crise à la fois morale et
économique, la deuxième en cinq ans ?
Au-delà des mesures conjoncturelles d'ordre sanitaire qui ont été annoncées
dans votre plan, le projet de budget pour 2001 y répond également.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, confirme les objectifs définis
dans la loi d'orientation en matière de soutien aux agriculteurs et à
l'ensemble des secteurs de l'agriculture. Ainsi, l'action de l'Etat au service
d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée, dynamique, performante et
sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y vivent bénéficiera de 29,6
milliards de francs, avec une progression de 2 %.
Tous ces soutiens sont utiles alors que se multiplient les problèmes et les
défis : exigences croissantes et légitimes des consommateurs quant à la
qualité, notamment sur le plan sanitaire ; compétition mondiale accrue ; dégâts
subis par la forêt française en décembre 1999 ; inégalités des revenus ;
désertification de certains territoires ruraux.
Les priorités clairement affichées dans votre précédent budget sont
réaffirmées dans ce projet : effort soutenu en faveur de l'enseignement
agricole, de la formation et de la recherche, auxquels sont consacrés 7,5
milliards de francs, soit 5,5 % de plus par rapport à 2000 ; effort en faveur
de l'installation des jeunes agriculteurs, maintenu au niveau de 2000, avec 490
millions de francs.
Je voudrais dire, à ce propos, que l'on nous fait souvent un mauvais procès
quant à la diminution, aujourd'hui effective, de l'installation des jeunes
agriculteurs. Je constate sur le terrain que ce sont souvent les agriculteurs
en place qui empêchent les jeunes de s'installer en offrant des prix
exorbitants pour reprendre des terres disponibles. J'ai pu constater que des
exploitants étaient prêts à payer 20 000, 30 000, 40 000, voire 50 000 francs
l'hectare pour des reprises, empêchant par là même des jeunes de s'aligner sur
ces prix et donc de s'installer.
Faut-il, de ce point de vue, empêcher les agriculteurs de reprendre les terres
pour s'agrandir ? La question doit être posée.
Une autre de vos priorités est le renforcement de la sécurité sanitaire, à la
suite de la crise de l'ESB, bien sûr, mais aussi pour répondre au souci des
consommateurs quant à la qualité des aliments, à leur origine, à leur
traçabilité et aux questions soulevées par les OGM. Les dotations consacrées à
ce volet de l'action du ministère progressent de 14 %.
Quant à la forêt, qui constitue une grande richesse nationale, elle bénéficie
de crédits en forte progression : 11 %.
Vous réaffirmez également une grande ambition pour notre agriculture en
soutenant son rôle économique et sa contribution majeure au développement rural
et à l'aménagement du territoire. Je note avec satisfaction, dans ce domaine,
l'augmentation de 14 % des crédits finançant la part nationale de la prime à la
vache allaitante, qui atteignent 903 millions de francs.
J'insisterai également sur trois points qui me tiennent particulièrement à
coeur, et d'abord celui de la lutte contre les pollutions.
La mise aux normes du bâtiment d'élevage participe à une indispensable
reconquête de la qualité de l'eau. Les besoins dans ce domaine sont importants
et un effort considérable a déjà été entrepris à partir de 1993. En 2001, il
sera nécessaire de le soutenir.
Je suis régulièrement interpellé, comme mes collègues, par les éleveurs de ma
région concernant l'évolution des PMPOA.
D'une part, je m'inquiète des capacités du secteur de l'élevage à concrétiser
les engagements au titre du PMPOA, alors que ce secteur est aujourd'hui frappé
de plein fouet par la crise de l'ESB, et cela malgré le soutien continu des
collectivités territoriales.
D'autre part, compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu, et sur la base d'un
rapport d'évaluation technique, économique et financière, le Gouvernement a
souhaité faire des propositions pour réformer le PMPOA et le rendre plus
performant.
Beaucoup de professionnels sont légitimement préoccupés par le contenu de
cette réforme. Il est difficilement acceptable que la volonté de maîtrise des
coûts de ce programme puisse se traduire par une baisse des taux de subvention
et une plus grande sélectivité des élevages éligibles.
L'importance des moyens à mobiliser exige un examen d'étape, afin de recadrer
la hauteur des investissements et nos interventions vers les zones sensibles et
prioritaires.
Par ailleurs, j'ai personnellement suivi la mise en place des mesures
agro-environnementales dont le CTE prend aujourd'hui le relais. Je peux
témoigner, en tant que président du parc naturel régional de l'Avesnois, région
de bocage, de leur succès et de leur efficacité. Malgré l'accord tardif de
l'Europe sur le plan national de développement rural, je suis confiant dans la
mise en oeuvre de cette politique.
La réussite des CTE s'appuiera sur leurs réelles capacités à prendre en compte
l'ensemble des problématiques agricoles qui existent à travers les territoires
composant la France. Mais il y faudra beaucoup de temps, du fait de la
diversité du monde agricole. Un véritable travail de dentelle est sans doute
nécessaire, mais c'est effectivement la meilleure des solutions.
Enfin, je me permettrai de recommander avec insistance une mesure qui
prendrait aujourd'hui tout son sens : la revalorisation de la prime à
l'herbe.
Une alternative simple s'offre aux agriculteurs de régions traditionnelles
d'élevage comme les territoires de bocage : la qualité, pour ne pas dire le
bonheur est dans le pré. Or ce système d'exploitation est aujourd'hui souvent
abandonné au profit de cultures fourragères plus avantageuses que des primes et
destructrices sur le plan paysager.
La profession réclame une reconnaissance spécifique de ces zones d'élevage, un
assouplissement des critères de chargement et une revalorisation sensible et
suffisamment incitative du montant de la prime à l'herbe pour atteindre 1 000
francs. Satisfaire cette revendication permettrait de préserver la prairie et
de maintenir la qualité d'une production tout en limitant nos importations de
soja. C'est une proposition que je vous invite à examiner attentivement. Il
nous faut tout faire pour retrouver rapidement une consommation proche de la
normale.
Pour conclure, notre groupe, monsieur le ministre, a pris la mesure des
efforts considérables qui sont ainsi accomplis. Nous apporterons un ferme
soutien aux orientations et engagements définis, qui illustrent avec force les
priorités nouvelles et conjoncturelles de la politique agricole tout en
confirmant les efforts conduits précédemment. Nous voterons votre projet de
budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai
qu'un grand nombre de réponses aux problèmes agricoles dépendent d'un règlement
sur le plan international ou communautaire. En revanche, d'autres mesures
relèvent d'une politique nationale, et l'interdépendance internationale ne doit
pas servir d'alibi à la carence d'une vraie stratégie agricole française.
Alors, puisque vous êtes au Sénat pour un débat qui, je l'espère, ne sera pas
tronqué, monsieur le ministre, et s'agissant de l'un des principaux budgets
dont soit dotée la nation dans un contexte assez exceptionnel, parlons des
vrais problèmes qui préoccupent au premier chef nos communes et nos
départements ruraux, loin des débats politiciens sur l'inversion du calendrier
électoral, par exemple, dont nos citoyens sont bien éloignés.
La Basse-Normandie - je la prendrai comme référence - a le triste privilège de
cumuler sur la même aire géographique la totalité des avanies et des sinistres
qu'a connus la France au cours de l'année qui vient de s'écouler, et qui est
bien une année noire : tempête, marée noire ou plutôt chimique, listeria, ESB
et son cortège de drames.
En ce qui concerne les suites de la tempête de décembre dernier, la région de
Basse-Normandie, plus particulièrement touchée, a été contrainte de conclure,
dans le cadre du contrat de Plan Etat-région, un avenant de 222 millions de
francs consacré non seulement au solde des réparations, mais aussi à la mise en
place d'actions de prévention. Cet avenant a été signé le 17 octobre dernier.
Autant dire qu'il reste beaucoup à faire !
Si vous parcourez le bocage normand, vous verrez, par exemple à Mantilly - je
choisis cette commune parmi d'autres, car les sinistres qu'elle a subis sont
très représentatifs - que 60 % à 70 % des arbres fruitiers ont été détruits
sans que les réparations ne soient encore effectives.
Bien que la filière cidricole ait été gravement touchée, les producteurs ont
décidé de réagir non pas seulement en réclamant des indemnisations, mais
également en faisant preuve d'obstination, de solidarité et d'ouverture
d'esprit. C'est ainsi que sont nées l'AOC de Pays d'Auge et celle des Cidres
des vergers du Pays d'Auge. Quant aux AOC Pommeau de Normandie, Calvados et
Poiré du Bocage, elles ont dû faire face à tous ces sinistres qui avaient mis à
mal leur production.
Il faut donc souligner que les efforts de cette filière cidricole, l'un des
fleurons des productions normandes, et de l'association régionale pour le
développement de l'économie cidricole de Basse-Normandie, sont sans
précédent.
La tempête ayant ruiné trois années de production, la filière bois mettra des
décennies avant de retrouver le rythme normal de son exploitation forestière et
des industries de transformation qui en découlent.
En ce qui concerne l'enseignement agricole, en tant que membre de conseils
d'administration de certains établissements, je veux vous dire, monsieur le
ministre, que l'argent consacré à cet enseignement est un argent bien placé
!
Malgré nos difficultés d'adaptation et d'évolution permanente, nous sommes
très fiers de notre formation agricole, qui regroupe en Basse-Normandie près de
huit mille élèves dans les établissements privés ou publics. D'ailleurs,
beaucoup de pays étrangers ne s'y trompent pas et s'inspirent de la qualité de
notre formation et de nos méthodes.
Si j'approuve le projet de budget de cette année, qui marque, sur ce point,
une augmentation significative, laquelle doit servir à la création de deux
cents emplois et à la titularisation de quatre cents emplois précaires,
j'espère qu'il ne s'agit pas seulement d'une louable intention.
L'originalité et la réussite de cet enseignement sont dues, nous le savons
tous, à quatre composantes : l'enseignement public, l'enseignement privé,
l'enseignement confessionnel et l'enseignement associatif, et surtout celui en
alternance des maisons familiales rurales, ainsi que l'enseignement
professionnel des compagnies consulaires.
Dans le cadre du plan régional des formations professionnelles, je souhaite
vous dire que nous assurons, quant à nous, l'adéquation de la formation des
jeunes avec les besoins du marché de l'emploi, ce qui explique le succès de cet
enseignement qui n'a pas connu, contrairement à l'enseignement traditionnel, de
baisses d'effectifs.
L'ouverture de cet enseignement vers les métiers périphériques de
l'agriculture, les services ou la production, c'est-à-dire le tourisme rural,
les métiers de l'eau et de l'environnement, les industries agroalimentaires,
l'aide à domicile, les services aux retraités, constitue un facteur de vitalité
de cette branche.
Les huit mille élèves et leurs enseignants contribuent d'ailleurs à limiter
les effets de la désertification de nos campagnes. Si notre département ne
garde pas tous ses jeunes, il garde encore, grâce à ce type d'établissements,
ses jeunes agriculteurs.
J'en viens maintenant aux maisons familiales rurales ; on y a déjà fait
allusion cet après-midi.
Ce genre de formation en alternance et en apprentissage, qui concerne 180 000
élèves en France, doit être soutenu. Or il semble que des menaces pèsent sur
cette filière.
Les délibérations du Conseil national de l'enseignement agricole, le 30
novembre dernier, ont donné lieu à des réactions et à des inquiétudes quant à
une volonté affichée de se séparer de certaines formations ou d'en exclure les
maisons familiales et rurales. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner
des assurances sur l'avenir de ce type d'enseignement, car parents, professeurs
et élèves attendent votre position sans équivoque ?
En ce qui concerne la fiscalité des agriculteurs, j'aurais beaucoup à dire sur
la question des retraites des agriculteurs. En effet, pas une semaine ne se
passe sans que les aînés ruraux nous interpellent sur cette question. Oui ou
non pourrons-nous, un jour, leur assurer une retraite décente qu'ils ont bien
méritée ?
La question essentielle concerne toutefois le revenu agricole, dont la baisse
- moins 8,3 % en Basse-Normandie - m'avait conduit à solliciter quelques
explications à l'occasion d'une question écrite en juillet 2000. En toute
hypothèse, une vaste concertation s'impose non seulement avec la représentation
nationale, mais encore avec les représentants des milieux agricoles actifs et
retraités.
S'agissant du dossier de la sécurité alimentaire et de l'ESB, vous comprendrez
qu'un élu de Normandie puisse aussi vous poser un certain nombre de questions à
cet égard.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, j'ai fait
adopter un amendement pour que les indemnisations versées au titre de l'ESB ne
soient pas considérées come un revenu et qu'elles ne soient donc pas intégrées
à l'assiette de l'impôt.
Il faut que cette disposition soit soutenue par le ministre de l'agriculture.
Cette mesure de simple justice sociale doit être votée par l'Assemblée
nationale et vous devez, monsieur le ministre, donner votre feu vert. Vous avez
vous-même déclaré que votre plan n'était pas pour solde de tout compte. Voici
le bon moment et le bon sujet, monsieur le ministre, pour transformer vos
intentions en actes.
La crise de la filière bovine occupe une grande partie de votre temps et le
nôtre aussi et nos efforts doivent converger vers la recherche d'une solution
qui passe en priorité, tout le monde le dit, par une réconciliation du
consommateur et du producteur.
La communication en matière de sécurité alimentaire ne se satisfait ni de
slogans ni de dogmes. C'est vrai, il faut rassurer le consommateur, mais
surtout il faut organiser une communication cohérente en matière de sécurité
alimentaire. Le public est gavé et repu de mesures qui ne sont que des effets
d'annonce.
Le consommateur vient d'« essuyer » successivement le sang contaminé, la
dioxine, la listeria, les hormones, les OGM.
Nombreux sont les commentateurs de la vie politique qui ont, à juste titre me
semble-t-il, considéré que cette crise de la « vache folle » était plutôt une
crise de confiance dans le discours politique et, surtout, dans ceux qui le
véhiculent.
A cet égard, nous sommes tous concernés. Je veux dire que chaque homme
politique est concerné. La gestion du risque et de ses effets est une question
autant politique que scientifique.
Il fallait prévoir qu'avec l'organisation d'une campagne de tests dans le
Grand Ouest, par exemple, nous trouverions des cas de « vache folle ». Pourquoi
n'avoir pas écouté ou entendu les responsables de la filière bovine et
recherché un minimum de concertation avec les dirigeants ?
Nous avons en Normandie, comme dans d'autres régions d'ailleurs, des élevages
de qualité labélisés : la race Normand, la Normandie-Maine. Ces dernières
années, les professionnels ont fait de réels efforts pour tendre vers cette
agriculture raisonnée, prônée par tous, dans un environnement de qualité !
C'est ainsi, par exemple, que sous l'égide de l'agence de l'eau
Seine-Normandie, des agriculteurs d'un petit village de mon département, dans
le sous-bassin de la Rouvre, mènent des actions significatives pour réduire
l'utilisation de pesticides et nombreuses sont dans le département les
expériences similaires, celle-là étant la plus récente.
Ces actions doivent être encouragées et soutenues, monsieur le ministre.
Face à cette volonté de maintenir vivaces et crédibles le secteur agricole et
la ruralité, face aux efforts consentis pour investir dans des outils de
production plus performants, les mises aux normes de sécurité, quoiqu'onéreuses
dans les recherches génétiques d'amélioration des races, dans le sens d'une
plus grande sécurité sanitaire des productions et de leur lisibilité, face à
une agriculture normande qui est sans doute l'une des plus saines d'Europe, je
considère comme dramatique, irresponsable et criminelle l'absence
d'anticipation des conséquences d'une médiatisation anarchique de la crise de
l'ESB.
Dans l'Orne, les personnels des abattoirs sont au chômage technique, ceux des
sociétés d'équarissage aussi, ainsi que ceux des industries agro-alimentaires
qui travaillent la viande et sont pourtant réputées.
Alors, monsieur le ministre, qu'avez-vous prévu pour la suite, je veux dire
pour la communication de ces prochaines semaines lorsque tous les résultats des
14 000 tests pratiqués seront rendus publics ?
Une autre erreur de communication tuerait à coup sûr une filière aujourd'hui
moribonde.
Quant aux tests, leur généralisation, voire leur systématisation, est une
nécessité, car le public est dans les mêmes dispositions d'esprit que dans
l'affaire du sang contaminé et il souhaite s'en remettre à la science pour être
rassuré.
Quels moyens avez-vous mis en oeuvre pour activer la recherche sur les animaux
vivants ? Combien avez-vous recruté de vétérinaires et d'agents de contrôle des
filières agroalimentaires ? Trop peu, nous semble-t-il. En effet, alors que 430
emplois sont créés dans les services administratifs, 50 emplois seulement
concernent les services de contrôles vétérinaires.
Dès lors, comment comptez-vous pouvoir effectuer les 48 000 prélèvements qui
doivent être réalisés dans le Grand Ouest dans le cadre de la campagne de
dépistage ?
Les missions de contrôles alimentaires sont prioritaires, monsieur le
ministre. Vous avez, comme nous tous, été alerté par le syndicat des
vétérinaires inspecteurs. Plutôt que de se lancer dans une campagne de
communication aléatoire et onéreuse de réhabilitation de l'image nécessaire et
prioritaire, qui doit être en grande partie confiée à la filière elle-même, ne
croyez-vous pas que le budget devrait marquer la volonté du Gouvernementt de
rassurer les Français sur leur alimentation ?
En conclusion, il est grand temps que nos compatriotes puissent reprendre le
chemin des boucheries pour consommer de la viande produite dans les filières
les plus sûres d'Europe.
C'est sous cette condition, et cette seule condition, que vous sauverez une
filière dont les acteurs aujourd'hui sont aussi inquiets qu'interrogatifs,
aussi déprimés qu'anéantis, aussi désabusés que lassés. Ils attendent que,
d'urgence, soient prises des mesures de désengorgement du marché, faute de quoi
la colère va bientôt céder la place à la révolte. En effet, les éleveurs n'ont
plus rien à perdre et, comme le disait un célèbre politicien, il ne faut pas «
désespérer Billancourt »
(Exclamations sur les travées socialistes.)
A mon tour, je vous dis et je vous supplie de ne pas désespérer plus encore
les acteurs de la filière bovine et ses milliers de salariés de la
transformation : il sont plus de trente mille en Normandie à s'interroger, à
juste titre, sur leur avenir.
(Applaudissements sur les travées RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
vingt-septième orateur inscrit après la présentation des rapporteurs, une Haute
Assemblée qui attend l'intervention du ministre, un ministre sans nul doute
pressé de répondre aux diverses questions qui lui ont été posées, vous
comprendrez dès lors que je concentre mes propos autour de quelques points que
j'évoquerai rapidement : l'ambiance dans le monde rural, la fiscalité,
l'enseignement, les retraites et la pêche.
Pour ce qui est de l'ambiance dans le monde rural, nous discutons, monsieur le
ministre, des crédits qui sont alloués à votre ministère à un moment où règne
au sein du monde agricole un climat de morosité, de désespoir rarement atteint.
Ce climat est dû aux effets de la crise de l'ESB - on en a beaucoup parlé - à
la baisse des revenus agricoles dans certaines filières - et à la hausse des
coûts de production.
Toutefois, la vulnérabilité de l'agriculture, à la fois conjoncturelle et
parfois structurelle, a aussi des incidences très lourdes, qui ne sont pas
toutes nécessairement chiffrables, dans le monde rural.
Sentiment d'abandon, complexe de culpabilité, perte de confiance dans
l'avenir, désaffection pour la profession, monsieur le ministre, élus nationaux
et élus locaux, nous nous sentons, comme vous, très concernés par cette
ambiance qu'il faut contribuer à changer.
S'agissant de la fiscalité, nous parlons souvent ici du rapport dont vous
aviez chargé nos collègues députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, sur la
fiscalité agricole. On y évalue les adaptations qu'il conviendrait d'apporter à
la fiscalité des exploitations agricoles et au mode de calcul de leurs
cotisations sociales.
Vous vous en êtes déjà inspiré puisque, dès ce projet de loi de finances, on
trouve des mesures positives pour les agriculteurs. Je citerai la baisse de
l'impôt sur le revenu, la baisse de l'impôt sur les sociétés, la baisse de la
CSG, le tout représentant un allégement de charges fiscales et sociales loin
d'être négligeable.
Mais certaines mesures restent attendues, en particulier l'imposition
spécifique des revenus exceptionnels, la fiscalité de la transmission des
exploitations, la fiscalité concernant l'installation des jeunes agriculteurs,
mesures qui sont souvent évoquées devant nous.
Je suis sûr que vous voudrez bien nous dire quelles sont les grandes
orientations que vous comptez privilégier afin de susciter, en faveur de la
profession agricole, une plus grande attractivité.
S'agissant de l'enseignement, qui est l'une de vos priorités, mon collègue et
ami Bernard Piras, grand spécialiste de la question, a tout à l'heure montré
combien nous avions là un bon budget. Pour la troisième année consécutive, en
effet, les crédits consacrés à l'enseignement connaissent un rattrapage, qui
était nécessaire.
Ce débat est l'occasion pour nous d'évoquer un dossier que vous connaissez
bien : le fameux RETREP, le régime temporaire de retraite de l'enseignement
privé.
Je continue à penser que le fait de permettre aux personnels contractuels de
l'enseignement agricole privé sous contrat de bénéficier des mêmes conditions
d'accès à la retraite que les contractuels de l'enseignement général privé est
une mesure d'équité.
Nous sommes quelques sénateurs à présenter un amendement qui, je l'espère,
recevra un accueil favorable de votre part comme de celle de la Haute
Assemblée.
Les retraites agricoles sont aussi l'une des priorités de votre budget. Nous
savons tout le retard qu'il faut rattraper dans ce domaine. Le gouvernement de
Lionel Jospin a lancé un programme pluriannuel.
Nous entrons dans la quatrième année de ce plan, avec un coût induit
supplémentaire de 1,6 milliard de francs.
Cet effort était nécessaire, car les retraites agricoles sont très faibles,
les plus faibles du système social français.
Cela étant, même revalorisées, ces retraites agricoles restent faibles et un
certain nombre de mesures devraient pouvoir soutenir la mise à niveau
indispensable que nous appelons tous de nos voeux. C'est ce que propose le
député Germinal Peiro dans un rapport que nous évoquons régulièrement.
Deux mesures proposées dans ce rapport mériteraient d'entrer rapidement dans
notre dispositif social.
Il s'agit, d'une part, de la mensualisation, car le paiement trimestriel des
retraites accroît les difficultés des personnes les plus défavorisées.
Je sais, monsieur le ministre, que vous souhaitez avancer sur ce dossier.
Elément nouveau, la direction de la MSA a fait savoir qu'elle était prête à
assurer la trésorerie de cette mesure au moyen d'un emprunt et avec la
participation de l'Etat. Quel échéancier vous donnez-vous pour essayer de
finaliser cette proposition intéressante ?
Il s'agit, d'autre part, de l'instauration d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire par répartition.
Là encore, je sais que vous êtes favorable au principe d'un tel régime et que
vous attendez les propositions des professionnels. Pouvez-vous nous communiquer
le calendrier que vous vous fixez ?
Enfin, je n'oublie pas, monsieur le ministre, que je suis parlementaire
breton, élu d'un département qui a trois cent cinquante kilomètres de côtes, et
que vous, ministre de la pêche, vous aimez la mer, les marins et les marins
pêcheurs. Vous l'avez encore montré tout récemment encore, en passant une nuit
en mer sur un chalutier de Roscoff, il est plus difficile de tenir debout sur
un pont que sur les moquettes du ministère ou du Sénat !
(Rires.)
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est vrai !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Je voulais vous dire combien ont été appréciées les mesures que vous venez de
prendre afin de permettre aux entreprises travaillant à la pêche de faire face
à la hausse du prix du gazole.
Bien sûr, on attend désormais dans les ports de pêche que les mesures prises
puissent se prolonger tant que les coûts d'exploitation restent à un niveau
insupportable. Songez, mes chers collègues, qu'un chalutier consomme 12 000
litres de carburant par semaine !
Pour terminer, je souhaite aborder très rapidement un sujet qui me tient à
coeur, celui de la formation maritime et aquacole.
Celle-ci relève de la compétence du ministère des transports, ce que je
regrette pour la filière pêche et l'aquaculture.
En dépit des efforts financiers liés à une réforme statutaire qui était
nécessaire, la rentrée scolaire 2000 a été extrêmement difficile. La prochaine
rentrée risque, nous dit-on, d'être encore marquée par certains
dysfonctionnements.
Je souhaite qu'avec votre collègue Jean-Claude Gayssot vous mettiez tout en
oeuvre pour que les jeunes qui se destinent au noble métier de marin pêcheur
puissent être accueillis dans des établissements dotés normalement en
personnels.
Monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir su écouter avec une attention
soutenue cette longue suite d'interventions. Continuez de vous battre comme
vous le faites pour l'agriculture et pour la pêche ; nous sommes à vos côtés.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'adresserai tout d'abord mes remerciements
les plus vifs à M. Bourdin, rapporteur spécial, ainsi qu'à MM. les rapporteurs
pour avis, M. César, pour l'agriculture, M. Gérard, pour la pêche, M. Revol,
pour le développement rural, M. Dussaut, pour les industries agricoles et
alimentaires, et M. Vecten, pour l'enseignement agricole.
Avant d'en venir aux grandes lignes de ce budget, il me paraît indispensable
de faire le point sur deux sujets d'actualité majeurs : la sécurité
alimentaire, qui a, si j'ose dire, « alimenté » l'essentiel de nos débats, et
la présidence française.
Cette présidence ne s'achève pas avec le Conseil européen de Nice, qui réunit
actuellement les chefs d'Etat et de gouvernement, elle se prolongera encore
quelques semaines. Elle me donnera notamment l'occasion de présider encore un
conseil de l'agriculture et un conseil de la pêche. Nous approchons malgré tout
de la fin, et le bilan est possible.
En matière agricole, ce bilan est très positif. Nous avons, en juillet, réglé
plusieurs dossiers lourds hérités de la présidence portugaise. Je pense à
l'organisation commune des marchés du lin et du chanvre, au dossier difficile
du lait dans les écoles, au « paquet prix », qui traînait depuis plusieurs
mois. Donc, nous avons pu solder, dès juillet, nombre de dossiers qui étaient
en souffrance.
En outre, nous avons avancé sur des sujets horizontaux. Je pense ici à
l'élargissement de l'Europe, dont le cadrage a été opéré pour le volet agricole
lors du conseil d'octobre. Je pense également à la simplification
administrative de la PAC, priorité française sur laquelle nous avons, en
octobre également, obtenu un engagement fort de la Commission et un programme
de travail comportant un échéancier de dizaines de mesures à l'examen. Je
pense, enfin, à l'organisation mondiale du commerce, sujet pour moi
fondamental. Lors du conseil de l'agriculture du mois de novembre, nous avons
pu arrêter un mandat de négociation agricole pour l'OMC et pour la Commission ;
nous en sortons renforcés, puisque ce mandat se fonde sur des idées proches de
celles de la France. Par conséquent, sur ces sujet horizontaux, de nombreux
points positifs sont à relever.
Il en va de même pour les organisations communes de marchés. La principale
organisation, celle des fruits et légumes, a été réformée, avec succès, mais
cela est passé à peu près inaperçu, compte tenu de la crise de l'ESB. Cette
réforme était très attendue par les professionnels ; nous y avons beaucoup
travaillé, mais nous avons remporté un vrai succès, salué par les intéressés.
Ces derniers ont notamment reconnu le travail effectué avec nos amis espagnols,
grecs, italiens et portugais pour sinon rééquilibrer du moins promouvoir les
soutiens en faveur des productions méditerranéennes. Nous avons fait un pas non
négligeable sous présidence française, ce dont je me réjouis.
Sur la réforme de l'OCM ovine, je rappelle que, lors d'un colloque fructueux
qui a réuni, à Bruxelles, le 20 novembre dernier, tous les ministres concernés,
nous avons lancé un travail de réflexion en exerçant une salutaire pression sur
la Commission ; ce travail devra déboucher dans les mois qui viennent.
En revanche, la réforme de l'organisation commune des marchés du sucre connaît
certaines péripéties qui sont liées à l'attitude de la Commission. La position
française, très ferme, d'autant plus qu'elle est soutenue par une majorité
assez large au sein du conseil de l'agriculture, nous permet de faire pression
pour la faire évoluer.
Ma position à moi, et celle du Gouvernement français, est simple : quand une
OCM fonctionne et ne coûte rien - en tout cas, très peu - il est absurde de
remettre en cause ses fondements et peut-être encore plus absurde de faire des
concessions inutiles avant le début des négociations.
J'en viens au dossier de la sécurité alimentaire et à la gestion de la crise
de l'ESB. Quelques remarques de bon sens, d'abord : il est encore difficile de
dresser un bilan d'une crise dont nous ne sommes toujours pas sortis.
Comme vous, je m'interroge sur ce qui a pu provoquer cette flambée de défiance
à l'égard de la consommation de viande bovine alors qu'aucun fait nouveau - au
moins en France - aucun événement particulier n'est venu l'accréditer.
D'ailleurs, je profite de l'occasion pour répondre à M. du Luart, qui, en
aparté, s'inquiétait du cas d'un bovin contaminé dans le Calvados. Non,
monsieur le sénateur, soyez rassuré, aucune viande contaminée n'est entrée, par
cet abattoir, dans la chaîne alimentaire.
M. Roland du Luart.
La traçabilité a bien fonctionné !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
En effet, les services de
contrôle ont très bien réagi. Simplement, nous avons voulu aller au bout du
principe de précaution, qui préconise l'abattage de l'ensemble du troupeau.
Nous avons donc recherché ces bêtes sans préjuger le moins du monde de leur
contamination. D'ailleurs, elles avaient, au contraire, passé avec succès, les
épreuves de contrôle
ante mortem
à l'entrée de l'abattoir.
Rien n'est donc venu conforter cette défiance, sinon, peut-être, certaines
déclarations médiatiques de journalistes pas assez scrupuleux. Surtout, la
France a payé le prix de son courage. A partir du moment où, en effet, nous
étions les premiers en Europe à nous lancer dans ce programme de dépistage - je
vous rappelle qu'il s'agit de 48 000 tests, c'est-à-dire d'une opération à
grande échelle - nous avons effectivement pris un risque, le risque, en
cherchant des cas, d'en trouver et en trouvant, de provoquer des réactions dans
l'opinion. C'est une réalité objective qu'il faut bien garder à l'esprit.
Cela étant, je suis persuadé que l'on ne restaurera pas la confiance par des
artifices ou des subterfuges, et encore moins en cachant des vérités. La
confiance reviendra quand on sera allé au bout de l'opération de vérité...
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... c'est-à-dire au-delà même
de ce programme de tests, dont il faudra tirer les conclusions, pour arriver au
dépistage systématique.
M. Charles Revet.
Il faut aller très vite !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mais personne ne va plus vite
que le gouvernement français, monsieur le sénateur !
Nous avons pris un certain nombre de mesures.
Il y a eu d'abord, les mesures, arrêtées et annoncées par le Premier ministre
en matière de précaution sanitaire et de sécurité alimentaire, avec la décision
française d'interdire les farines carnées, plus un certain nombre d'autres
décisions, notamment la montée en régime du programme de tests, ainsi que des
moyens complémentaires pour la sécurité alimentaire, notamment pour le budget
de l'agriculture.
Ensuite, est intervenu le plan de soutien à la filière bovine, que j'ai
annoncé.
Enfin, après des atermoiements européens, il y a eu les décisions que nous
avons arrêtées au Conseil de l'agriculture du 4 décembre, qui ont permis de
parachever le dispositif.
Je n'ai jamais dit que les mesures franco-françaises étaient suffisantes. Dès
le début, aussi bien sur le volet sanitaire que sur le volet du soutien à la
filière, j'ai toujours affirmé que le dispositif ne serait complet que lorsque
l'Europe viendrait le renforcer et que bien des aspects du dossier dépendaient
de l'Europe.
L'Europe a bougé. Il s'agit de savoir pourquoi et comment.
Pourquoi ? Vous le savez bien. Certains pays nous assuraient mordicus, depuis
des mois et des années, qu'ils étaient totalement épargnés par l'ESB je pense à
l'Allemagne et à l'Espagne et, dans une certaine mesure, à l'Italie et à
l'Autriche, qui se préparent à nous rejoindre et qui ont donc été plus
sensibles que d'autres à la prise de conscience européenne. En gros, tous ces
pays nous reprochaient nos mesures de précaution, nous accusaient d'en faire
trop en se vantant d'être, eux, absolument indemnes.
Les mêmes pays ont, depuis, découvert des cas d'ESB et ont changé brutalement
d'attitude. Tant mieux ! Je ne me réjouis pas que les cheptels de nos voisins
et amis soient touchés par l'ESB, je me réjouis que la vérité progresse. En
effet, quand la vérité progresse, c'est la lucidité des gouvernements qui
progresse. Or quand la lucidité des gouvernements progresse, je l'ai déjà dit,
c'est l'Europe qui peut progresser, ce qu'elle a fait.
Comment l'Europe a-t-elle progressé ? Elle a progressé avec un plan en deux
volets : un volet sanitaire et un volet de soutien à la filière.
S'agissant du volet sanitaire, elle a arrêté quelques grandes mesures : la
communautarisation de l'interdiction des farines animales, que la France
souhaitait et qui est un bon aboutissement, même si c'est une suspension pour
six mois, car personne, en tout cas pas moi, je le dis comme je le pense, ne
peut imaginer que dans six mois on reviendra en arrière. Il s'agit d'une mesure
lourde de conséquences mais qui est très importante.
Elle a également progressé sur le plan sanitaire en procédant à de nouveaux
retraits de matériaux à risques spécifiés, à l'incitation de la France. Je
pense à l'interdiction de l'utilisation des intestins de bovins, que nous
avions déjà instaurée dans notre pays pour la charcuterie et qui est désormais
communautarisée.
L'Europe a également envisagé d'instaurer des procédures visant à retirer des
nouveaux matériaux à risques spécifiés, à l'instigation de la France. Elle ne
les a pas encore établies, mais elle a mis en place une procédure pour
soumettre ces mesures au comité scientifique directeur. Je pense à
l'interdiction des colonnes vertébrales, de la rate, du thymus, des graisses
animales et au changement de découpe de T-bone. Ces mesures seront soumises au
comité scientifique directeur avant le 15 janvier, et j'espère que nous
tirerons les leçons en communautarisant ces retraits.
Enfin, sur le plan de la protection, elle a mis en place ce programme de tests
généralisés et systématiques pour les bovins de plus de trente mois non
abattus, dans le cadre d'une procédure d'achat-destruction.
L'Europe a donc fait des pas en avant considérables en matière de sécurité
alimentaire, même si je considère que ce n'est jamais fini.
S'agissant du second volet, le soutien à la filière, elle a mis en place un
système d'abattage-destruction, qui nous permettra de dégager des marchés pour
les bovins de plus de trente mois. Pour ces bovins, nous aurons le choix, soit
de les abattre et de les détruire, soit de les tester systématiquement pour les
faire entrer dans la chaîne alimentaire, soit de les maintenir dans les
élevages, pour, plus tard, les abattre et les détruire ou les tester. Le
dispositif est donc cohérent.
Nous avons, en outre, des décisions de soutien à la filière par l'intervention
publique - le stockage public financé par l'Union européenne - et par des
mesures d'avance de trésorerie s'agissant des primes pour les éleveurs de
bovins. Le taux de ces primes passera de 60 % à 80 %. C'est une décision
communautaire - et elles seront avancées dans le temps, au tout début du mois
de janvier. C'est une décision nationale. Le dispositif est lourd de
conséquences.
M. Deneux me disait : vous avez dit 3,2 milliards de francs, ou en tout cas
cela a été dit, mais moi je regarde de près, je vois que ce n'est pas cela,
qu'il ne s'agit pas d'aides directes, et donc que le compte n'y est pas. De mon
point de vue, ces 3,2 milliards de francs - et c'est une explication sur
laquelle nous pourrons nous entendre - ce sont non seulement des aides aux
éleveurs mais également des aides aux entreprises de l'aval. Il s'agit d'aides
directes ou de reports de charges sociales ou financières. C'est un ensemble de
mesures sur lequel j'ai fait mon devoir, plus que d'autres à une certaine
époque, mais peu importe. J'ai toujours dit que ce soutien européen était
nécessaire. Nous avons de quoi agir.
Je ferai maintenant trois réflexions pour en terminer sur ce point.
Premièrement, ces dispositions européennes sont financées. J'entends dire : il
faut qu'à Nice les chefs d'Etat et de gouvernement se saisissent de ce dossier
pour dégager les moyens financiers permettant d'appliquer le plan arrêté par
les ministres européens de l'agriculture, afin que l'on aide enfin directement
les agriculteurs qui connaissent des difficultés. Ce que feront en plus les
chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Nice sera le bienvenu, s'ils ont le
temps de le faire car leur cahier des charges est déjà très lourd !
L'ensemble des mesures que je viens d'énoncer sont financées par le conseil «
agriculture » de lundi. Les ministres européens de l'agriculture et le
commissaire européen chargé de l'agriculture n'ont pas été irresponsables au
point de prendre des mesures sans les financer. Elles sont financées par une
ouverture de crédits de 800 millions d'euros, soit plus de 4,5 milliards de
francs, dans le cadre des perspectives financières et budgétaires ouvertes à
Berlin, lors de l'Agenda 2000. Donc, les choses sont très claires au sein de
l'Union européenne.
M. Roland du Luart.
Cela suffira-t-il ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Pour l'instant, monsieur le
sénateur. En effet, qui peut dire ce que va devenir cette crise, et si nous
allons en sortir dans un mois, deux mois, trois mois, six mois ou deux ans ?
J'ai le sentiment que ce ne sera pas par un coup de baguette magique, d'ici à
quelques jours. En tout cas, nous avons de quoi agir dans la durée, notamment
pour faire les dégagements de marché les plus importants qui sont espérés en
urgence. Donc, nous avons financé ce dispositif.
J'en viens à ma deuxième réflexion. Nous allons tirer les leçons de ces
décisions pour les mettre en oeuvre. De ce point de vue, comme je l'ai dit tout
à l'heure lors des questions d'actualité au Gouvernement, nous avons deux
rendez-vous. Le premier, c'est celui du lundi 11 décembre 2000, jour où
l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments nous rendra son avis sur
les leçons qu'elle tite des 15 000 premiers tests effectués en France. Nous ne
faisons pas des tests pour le plaisir, nous les faisons pour comprendre et
mieux connaître cette épizootie, d'un point de vue tant qualitatif que
quantitatif. Où ? Dans quelles régions ? Sur quelles classes d'âge des bovins ?
Pour quelles races ou quelle qualité de bétail ?
Nous le saurons. De cette connaissance améliorée de l'épizootie dans notre
cheptel, nous tirerons des conséquences, notamment pour gérer le dispositif, à
savoir abattage ou tests systématiques. Nous pourrons donc, à partir de lundi
prochain, monter concrètement ce dispositif.
Je souhaite répondre plus précisément à quelques-unes de vos questions. Vous
dites que certaines de ces mesures exigeront des moyens. Bien sûr. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement proposera plusieurs
amendements au projet de loi de finances. Cela permettra d'abonder les crédits,
et rendra donc caduques un certain nombre de réflexions relatives au montant
des crédits et aux pourcentages.
Il faut en effet abonder ces crédits. Le Gouvernement a prévu, en particulier,
de créer, et c'est un engagement du Premier ministre, 300 postes de vétérinaire
inspecteur, notamment, mais également des postes pour ceux qui seront chargés
de la montée en régime du programme de tests, lesquels sont indispensables.
En Europe, nous sommes le premier pays à avoir fait des tests. A ce jour,
entre 15 000 et 20 000 tests ont été effectués. On en dénombrera 48 000 à la
fin de cette expérimentation, dans quelques semaines. Nous devrons faire
effectuer plusieurs centaines de milliers de tests en 2001, peut-être même plus
de un million.
Cela exigera des personnels supplémentaires, mais aussi des moyens
supplémentaires. Je commence d'ailleurs à vous en demander et je pense que vous
les voterez.
Cela exigera également des laboratoires supplémentaires et nous devrons en
agréer de nouveaux. Pour l'instant, nous en avons agréé treize, il en faudra
davantage. D'ailleurs, je compte m'adresser dans les prochains jours, peut-être
même dans les toutes prochaines heures, aux présidents de conseil général qui
ont des laboratoires départementaux pour leur demander dans quelles conditions
ils sont prêts à jouer le jeu s'agissant de cet agrément. Je sais que nombre
d'entre eux sont prêts, qu'ils le souhaitent et me le demandent avec
insistance. Tant mieux !
M. Roland du Luart.
On vous l'a proposé !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je le sais. Je dis d'entrée de
jeu, ici, que l'Etat est bien sûr prêt à s'engager dans cette coopération.
Le second rendez-vous, c'est la réunion du mardi 12 décembre prochain, qui
sera consacrée au soutien à la filière bovine. Ce jour-là, à l'échelon
européen, un comité de gestion de l'OCM bovine se réunira à la demande de la
France et en urgence, car nous ne voulions pas attendre trop longtemps. Ce
comité indiquera concrètement les modalités de mise en oeuvre des mesures,
qu'il s'agisse de l'abattage, des interventions publiques ou des avances de
trésorerie.
Ainsi, lundi et mardi prochains, nous disposerons donc de tous les éléments
permettant non pas de sortir de la crise, mais d'en gérer la suite.
Pour terminer sur ce long point - nous y reviendrons peut-être tout à l'heure
- nous voulons tous dire dans cette enceinte - et là je réponds notamment à Mme
Terrade - notre solidarité à l'égard des éleveurs de bovins. Ils sont bien sûr
dans une situation très critique. Il s'agit d'un véritable désastre. Cela exige
de l'ensemble de la représentation nationale, des pouvoirs publics, l'exercice
de la solidarité nationale. Nous mettons en oeuvre cette solidarité avec le
plan national et le plan européen.
Je veux aussi dire ma solidarité à l'égard des salariés des entreprises de
l'aval,...
M. Roland du Luart.
C'est très important !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... qu'il s'agisse des
abattoirs ou des entreprises de transformation.
M. Roland du Luart.
On est d'accord !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Certains sont en chômage
technique. D'autres ont été licenciés. Ils sont dans une situation précaire, et
connaissent de grandes difficultés. Je veux dire mon engagement total, à la
fois pour aider ces entreprises et leurs salariés, et pour accélérer la mise en
oeuvre des mesures que nous avons mises en place dans un dialogue tripartite
entre l'Etat, les entreprises et les organisations de salariés, car cela me
paraît important et indispensable. En tout cas, je voulais l'affirmer ici,
devant votre assemblée.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Pour en terminer sur la crise
alimentaire on pourrait encore en parler des heures et en réponse à plusieurs
d'entre vous, en particulier à M. Le Cam, j'évoquerai le plan « protéines ».
Comme je l'ai dit tout à l'heure, en réponse à une question d'actualité,
l'interdiction des farines animales va accroître notre besoin en protéines
végétales. De ce point de vue, je souhaiterais faire trois observations.
Premièrement, nous ne sommes plus bloqués par les accords de Blair House. En
effet, il s'agissait d'un engagement à double sens dans lequel l'Europe s'était
auto-limitée en productions de protéines végétales, en oléoprotéagineux, en
échange d'un droit qu'elle s'était accordé de « surprimer », de donner des
primes supérieures à celles qu'elle accorde aux céréaliers pour la production
d'oléoprotéagineux.
A partir du moment où, à Berlin, l'Europe a décidé à la majorité, contre
l'avis de la France, de baisser les surprimes qu'elle accorde pour la
production d'oléoprotéagineux afin que les primes soient ramenées au niveau de
celles qui sont versées pour les céréales, automatiquement, car d'un malheur il
faut tirer un bienfait, nous nous libérons des engagements de Blair House. Nous
n'avons plus de surprime, nous ne pouvons pas, en plus, avoir la contrainte de
l'autolimitation. C'est mon analyse, c'est celle du gouvernement français et,
je le dis avec satisfaction, c'est aussi celle de la Commission européenne, qui
se considérera comme libérée de cette contrainte le jour où nous aurons achevé
notre programme de réduction des surprimes concernant les productions
d'oléoprotéagineux.
Deuxièmement, nous devons, à l'évidence, nous engager dans un programme
ambitieux de relance des productions d'oléoprotéagineux. Le conseil «
agriculture » de lundi dernier en a pris acte, en a passé commande à la
Commission. Dans notre relevé de décisions de lundi dernier figure bien la
commande passée à la Commission de faire un bilan et des propositions concrètes
dans ce sens, et un engagement de la Commission devrait donc intervenir assez
vite.
Troisièmement, en attendant que les accords de Blair House soit remisés dans
le passé, en attendant que la Commission fasse cette proposition, nous pouvons
agir sur le plan national.
L'année dernière, le Gouvernement a mis en place deux mesures d'encouragement
sur la base d'engagements agri-environnementaux : les mesures « tournesol » et
les mesures « soja de pays ». A cet égard, il faut une montée en régime en
2001. Nous avons le moyen de le faire. En effet, ces cultures
d'oléoprotéagineux sont, de plus, des cultures propres, très économes en
nitrates. D'un point de vue agronomique, elles nettoient le sol. Nous pouvons
donc encourager leur production en termes agri-environnementaux.
Après avoir dressé ce bilan rapide de la crise alimentaire, j'en viens au
budget de l'agriculture, même si, à travers ce plan que j'ai évoqué, j'ai déjà
dit beaucoup de choses sur ledit budget. Bien avant la crise de l'ESB, ce
budget était déjà marqué du sceau de la sécurité alimentaire dont nous avons
considérablement accru les moyens.
Je dirai d'abord quelques mots de la partie « recettes » de ce budget. Je
souhaite rappeler, après avoir entendu certains intervenants, que la baisse des
charges est effective pour les agriculteurs. Les agriculteurs s'inscrivent
totalement dans la baisse des impôts et des charges que le Gouvernement a
souhaité mettre en place pour l'ensemble des Français. Ils n'en sont absolument
pas exclus.
Je cite pour mémoire : 2,2 milliards de francs d'allégements de recettes
fiscales bénéficient aux agriculteurs, grâce aux mesures concernant la
contribution sociale généralisée - désormais les deux tiers des agriculteurs
vont être exonérés de cette contribution - la baisse de l'impôt sur le revenu
et la baisse de l'impôt sur les sociétés puisque 8 000 sociétés agricoles vont
en bénéficier.
S'y ajoutent certaines mesures spécifiques aux agriculteurs, qui vont être
mises en place. Il s'agit de 200 millions de francs d'allégements fiscaux
recommandés dans le rapport de Mme Béatrice Marre, auxquels votre rapporteur a
su, si j'ai bien compris, vous convaincre d'ajouter de nouvelles dispositions,
et de 138 millions de francs d'allégements sociaux préconisés par M. Jérôme
Cahuzac.
C'est aussi le cas des 480 millions de francs de baisse de la taxe sur le
fioul domestique, que seuls les agriculteurs peuvent utiliser à des fins
professionnelles. Grâce à cette mesure rétroactive au 1er janvier 2000, c'est
un milliard de francs au total que la ferme France récupère.
Si l'on additionne les 2,2 milliards de francs de mesures fiscales, le
milliard de francs sur la TIPP, les 200 millions de francs de la mesure Marre
et les 138 millions de francs sur les mesures Cahuzac, on obtient 3,5 milliards
de francs d'allégements de charges sociales et fiscales pour les agriculteurs.
C'est tout sauf rien !
Je l'affirme ici pour que les choses soient très claires, les agriculteurs
bénéficient donc à plein - et c'est légitime et normal - de l'allégement des
impôts et des charges que le Gouvernement a souhaité accorder à l'ensemble des
Français.
En réponse à une remarque de M. Jean-Marc Pastor, qui m'interrogeait sur la
fiscalité de l'indemnisation de l'ESB, j'indique très clairement que le
Gouvernement - M. Laurent Fabius et Mme Florence Parly ont fait connaître cette
décision par voie de circulaire à leurs services - a décidé que l'indemnisation
des troupeaux serait fiscalement neutre. Cela allait sans dire, mais cela va
mieux en le disant ! Je tiens donc à rassurer à cet égard les agriculteurs qui,
voyant leur troupeau abattu à la suite de la découverte d'un cas ESB,
subissaient un double traumatisme, le second, de nature fiscale, étant lié à
une sur-recette qui n'est que passagère.
J'en viens aux dépenses.
Ce budget progresse de 2 %, soit 0,6 % à périmètre constant, ce qui est un peu
supérieur à l'objectif assigné au budget général de l'Etat.
Il s'agit d'un budget sérieux, construit autour de certains besoins et des
attentes de la société.
Compte tenu des amendements que le Gouvernement proposera cet après-midi afin
d'abonder les crédits pour plusieurs centaines de millions de francs, ce budget
progressera toutefois de 3,1 % à structure constante. C'est beaucoup plus que
ce que certains ont dit, mais je ne peux leur en faire grief : pour répondre à
la crise, le Gouvernement a déposé des amendements budgétaires qui augmentent à
due proportion ce budget.
J'aborderai maintenant trois grands domaines et, d'abord, le développement
rural, avec notamment le plan de développement rural national qui a été, enfin,
validé par la Commission européenne au mois de juillet dernier et qui se
traduira par 13 milliards de francs d'aides, dont 5,2 milliards de francs des
crédits communautaires. Cet effort est sans précédent !
J'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt les propositions
agri-environnementales formulées par M. Raoult, et auxquelles je souscris. Je
lui répondrai d'ailleurs plus en détail ultérieurement.
Vous avez évoqué, les uns et les autres, deux dossiers particuliers : les CTE
et les ICHN.
A MM. Pastor, Piras et Lejeune, qui m'ont dit de tenir bon sur le CTE alors
que d'autres me demandaient plutôt de lâcher prise, je répondrai que je tiens
bon. Pourquoi ? Parce que je crois profondément que le contrat territorial
d'exploitation correspond à une exigence et à un besoin de l'agriculture
française.
M. Gérard Delfau.
Oui !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Permettez-moi, à cet égard, un
petit retour sur la crise de l'ESB.
Sans se livrer à une critique systématique, on ne peut contester l'idée que,
sans doute, nous sommes allés un peu trop loin dans une certaine forme de
productivisme avec les farines animales.
M. Gérard Delfau.
Tout à fait !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Pour que les laitières
produisent plus de dix mille litres de lait par an, il fallait de
l'alimentation enrichie en protéines, et ce à tout prix.
Certains sénateurs de l'opposition nationale - ou de la majorité sénatoriale -
me demandaient pourquoi l'on ne revenait pas à la bonne herbe. J'y souscris
!
M. Hilaire Flandre.
Mon oeil !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ainsi, mesdames, messieurs les
sénateurs, pourquoi ne pas envisager un petit CTE très simple qui prônerait
dans son volet économique l'encouragement aux filières de qualité, dans son
volet économique la traçabilité, la transparence, la qualité, la labellisation,
et dans son volet environnemental le recours à l'herbe ?
M. Hilaire Flandre.
On le fait !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je suis sûr que, si je vous
propose un tel CTE - je suis en train d'y travailler et je suis à deux doigts
d'aboutir - vous allez en signer des milliers dans vos départements ! A ce
moment-là, vous allez découvrir les vertus du CTE ! Chiche ! J'en prends le
pari !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Daniel Goulet.
C'est trop compliqué !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
En tout cas, le CTE est un
véritable besoin pour un retour à la qualité de l'environnement, à la qualité
des pratiques, à la qualité de l'emploi, à la qualité des paysages, à la
qualité des produits. Je pense que c'est un besoin incontournable et qu'il faut
l'encourager.
On dit que c'est un échec...
M. Hilaire Flandre.
C'est vrai !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je reconnais que l'objectif que
je m'étais fixé - 100 000 CTE à la fin de la législature - est tel que vous ne
pouvez pas encore y croire. Moi, j'y crois toujours, et vous verrez ! Car,
aujourd'hui, si seuls 3 600 ou 3 700 CTE ont été agréés en commission
départementale d'orientation de l'agriculture - c'est plus, en tout cas, que
certains le disent - il ne faut cependant pas oublier qu'à l'heure actuelle 70
000 agriculteurs travaillent sur un projet de CTE. Par conséquent, les CTE vont
monter en puissance.
Au demeurant, permettez-moi de vous dire les choses clairement. Sans doute
avons-nous été confrontés à des difficultés dans la mise en oeuvre de ce
dispositif,...
M. Daniel Goulet.
Eh oui ! C'est trop compliqué !
M. Rémi Herment.
Il y a trop de paperasse !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... et sans doute certains
ont-ils compliqué le dispositif. Je ne veux pas faire de procès d'intention
particulier, mais peut-être mon administration...
M. Hilaire Flandre.
Vous pouvez le dire !
M. Daniel Goulet.
Il faut y remédier !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... et sûrement aussi les
organisations professionnelles agricoles en ont rajouté, parce qu'il fallait
inventer toujours plus de mesures nouvelles. Disons en tout cas que nous nous
sommes bien répartis la tâche : nous, les Français, nous aimons compliquer les
choses.
M. Roland du Luart.
C'est bien vrai !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Pour ma part, je souhaite les
simplifier pour que ce dispositif soit opérationnel. Et il le sera, car c'est
un véritable besoin.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
Les crédits - j'y reviens - sont en baisse de 400 millions de francs, parce
qu'il faut bien tenir compte de la non-consommation de 900 millions de francs
de crédits l'année dernière. Mais j'ai pu obtenir du Premier ministre - et donc
du ministre des finances - le report intégral des crédits non consommés. Si
bien qu'aux crédits déjà consommés, 150 millions ou 200 millions de francs à la
fin de cette année, s'ajouteront 700 millions de francs de report, plus 400
millions de francs nouveaux. Avec 1 100 millions de francs en 2001, nous aurons
de quoi financer la montée en puissance des CTE.
Quoi qu'il en soit, je tiens bon, et je suis en train de prendre des
dispositions pour accélérer le rythme. Je suis donc confiant, même si je mesure
que l'ampleur de la tâche est encore considérable.
M. Daniel Goulet.
Sinon, nous retournons à Bruxelles ! Rendez-vous l'année prochaine !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Non ! C'est plus compliqué que
cela, parce que le CTE est financé par des crédits européens - mais, ceux-là,
je ne les compte pas dans mon budget - et ce sont des crédits nationaux qui
retourneraient dans le budget de l'Etat. C'est pourquoi je me bats pour qu'ils
restent à l'agriculture.
M. Daniel Goulet.
C'est bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je suis sûr que vous allez
m'aider pour qu'ils ne retournent pas dans la cagnotte du ministère de
l'économie et des finances ! Donc, aidez-moi !
J'en viens à l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicap naturel, dont nous
avons eu l'occasion de parler à plusieurs reprises ici même au cours de ces
derniers mois.
Sachez que, sur ce sujet, j'ai été très troublé et très meurtri. Ma volonté,
en ma qualité d'élu d'un département de montagne, était d'accentuer la
politique de la montagne et de l'enrichir, y compris en lui accordant 500
millions de francs supplémentaires par an pour renforcer l'aide que nous lui
apportons. En effet, cette politique est indispensable, d'autant que
l'agriculture de montagne est très engagée dans des filières de qualité, dans
l'aménagement du territoire, dans l'aménagement de nos paysages et dans la
structure de l'emploi dans des zones très reculées. Or cette volonté de
stimuler cette politique s'est trouvée à un moment non pas contredite mais
freinée, contrebattue par des positions prises par la Commission européenne
dans le cadre de nos discussions sur le plan de développement rural
national.
Nous avons ainsi dû refuser la proposition de la Commission qui consistait à
exiger en contrepartie de ces ICHN de bonnes pratiques agricoles - cela, ça
allait encore se mesurant - et là, ça n'allait plus ! - en taux de chargement,
excluant de fait les moins de 0,2 UGB et les plus de 2 UGB à l'hectare...
Ce dernier point était d'autant plus inacceptable que, comme j'ai eu
l'occasion de le dire, les conséquences de ce plan étaient telles que le
département le plus touché par cette proposition de la Commission - je dis
clairement les choses - aurait été le département des Hautes-Pyrénées, dont je
me sens encore un peu l'élu - ne serait-ce que pour cette raison, cette
proposition m'est apparue comme une provocation inacceptable - avant les
Pyrénées-Atlantiques, le Cantal et le Lot...
Cette proposition de la Commission était inadmissible compte tenu de son
caractère d'exclusion à l'égard de certains agriculteurs de montagne. Donc, je
redis ici que la politique des ICHN ne sera pas amputée, mais qu'elle sera, au
contraire, amplifiée.
S'agissant de l'installation, une DJA à 490 millions de francs nous permet de
financer huit mille installations. C'est une préoccupation constante du
Gouvernement : ainsi, à Etalans, dans le Doubs, le 15 mai dernier, j'ai
participé à une réunion de travail organisée par le CNJA sur ce dossier de
l'installation ; on m'a proposé vingt et une mesures, que j'ai acceptées et
prises en compte et qui sont en cours de mise en oeuvre. Ensuite, le 24
octobre, nous avons fait passer l'exonération partielle de charges sociales de
trois ans à cinq ans, et nous avons accordé une préretraite aux titulaires de
CTE-transmission.
Je voudrais surtout vous dire ma conviction sincère que le problème de
l'installation en France ne se réduit pas à un problème d'argent. La preuve en
est que nous ne consommons pas tous nos crédits chaque année.
Ce n'est pas forcément un problème de mesures réglementaires ou législatives,
puisque, chaque fois que l'on m'en demande, je les prends et que, d'une
certaine manière, cela ne change rien. Au demeurant, je me demande si l'on ne
prend pas trop de mesures, au point de rigidifier l'entrée dans la profession
agricole et l'installation.
Mais il y a aussi des problèmes de discours dominant. Ainsi, quand je
rencontre des organisations professionnelles agricoles qui me disent, dans un
discours public enflammé, que tout va mal à cause de moi - évidemment, c'est
toujours à cause de moi ! - que les revenus s'effondrent, que l'on ne peut plus
vendre les produits, que l'on n'arrête pas d'embêter les gens avec le respect
de l'environnement, que l'on suradministre l'agriculture, que la vie d'un
agriculteur est épouvantable et sans avenir, je me demande comment on peut,
dans ces conditions, convaincre un jeune de s'installer ! Disons-lui plutôt que
c'est un beau métier, un métier qui répond à une attente de la société, à une
grande tradition.
M. Hilaire Flandre.
Oui : l'agriculture d'hier !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est encore le cas
aujourd'hui, monsieur le sénateur ! Vous aussi, vous partagez cette volonté de
tout peindre en noir ? Moi, je dis que cela reste un beau métier, plein
d'avenir, pour peu que l'on ait conscience de répondre aux attentes de la
société.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Il ne faut pas non plus tomber dans la méthode
Coué !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Non, je ne tombe pas dans la
méthode Coué, et je peux vous dire que, çà et là, en signant des CTE, je
rencontre des agriculteurs qui s'engagent dans un démarche pluriannuelle de
qualité, répondant ainsi aux attentes de la société. Ceux-là sont en train de
réunir de bonnes conditions de vie et de réussite pour l'avenir !
Je crois donc que, plutôt que de tout peindre en noir, il y a aussi la place
pour un discours positif, pour inciter les jeunes à s'installer.
M. Gérard Delfau.
Il a raison !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Permettez-moi un mot sur la
politique de soutien aux filières.
La reconduction des crédits des offices se situe à presque 3 milliards de
francs, ce qui montre l'effort de l'Etat en faveur des activités protectrices
de l'environnement. C'est le cas, notamment, avec les crédits de paiement qui
financent les bâtiments d'élevage et le programme de maintien des pollutions
d'origine agricole, le PM POA.
Je réponds ici aux préoccupations de M. Raoult, mais je n'oublie pas MM.
Courteau et Delfau, qui m'ont interrogé à propos de la filière viti-vinicole.
Avec l'ensemble des représentants de la filière, nous avons eu une réunion de
travail hier, tard dans la soirée, pour arrêter des mesures, et notamment des
mesures conjoncturelles de distillation que je ne peux pas décider tout seul
dans mon coin mais que je présenterai - la mesure est déjà inscrite à l'ordre
du jour - au Conseil européen du 19 décembre prochain.
Je me battrai pour obtenir un million d'hectolitres à 24,30 francs le litre,
mais, je veux le dire de manière très claire, cette mesure conjoncturelle n'a
de sens que si elle est accompagnée de mesures structurelles pour que nous ne
soyons pas confrontés année après année à de nouveaux problèmes.
L'ensemble des représentants de la profession sont d'accord, notamment ceux de
la belle région de Languedoc-Roussillon qui, depuis vingt ans, ont fait des
efforts considérables pour restructurer leur vignoble en termes de qualité,
pour poursuivre dans ce sens. En effet, les beaux succès qui ont été remportés
ne sont pas suffisants, il faut leur redonner vigueur pour aller jusqu'au bout
de cette restructuration et de cette démarche de qualité. Mais je pense que les
professionnels en sont tout à fait conscients.
S'agissant de la forêt et des suites des terribles tempêtes de décembre 1999,
et avant le dépôt du projet de loi de modernisation forestière sur le bureau du
Sénat très prochainement, je répondrai à M. Delong, qui est un éminent
représentant des communes forestières et qui sait mieux que personne les dégâts
qu'elles ont subis, que ces communes sont éligibles au plan « chablis » à la
fois par l'autorisation de placement des ressources exceptionnelles qu'elles
peuvent toucher, par l'accès aux prêts bonifiés - pour celles, en tout cas, qui
ont gelé leurs coupes - par les subventions d'équilibre, même si je ne
méconnais pas la difficulté que M. Delong a exposée, et par le bénéfice de la
circulaire sur la reconstitution qui est sortie fin août, comme j'en avais pris
l'engagement, et qui est créditée de 600 millions de francs par an pendant dix
ans, soit 6 milliards de francs.
Cela nous a permis d'achever le dispositif de traitement de cette crise, qui,
grosso modo
, aura fonctionné. Je faisais, hier, le point avec la
Fédération nationale du bois ; en cette fin d'année 2000, nous aurons
globalement traité 50 % des chablis. Franchement, ceux qui, dans les premiers
jours de l'année 2000, auraient avancé ce chiffre seraient passés pour des fous
ou des optimistes délirants !
J'ajoute que ce n'est pas fini : les dispositions du plan chablis restent
ouvertes pour les semaines et les mois qui viennent, puisqu'il y a encore des
bois de qualité qui sont récupérables. Nous allons donc pouvoir achever ce
plan.
Les crédits pour la forêt augmentent de 31 %, dans le budget de 2001. En
particulier, les autorisations de programme s'accroissent de 392 millions de
francs, soit de 95 %.
Monsieur Gaillard, le versement compensatoire à l'ONF est maintenu à son
niveau de 2000, soit 957 millions de francs, mais l'Etat a déjà abondé le
budget de cet organisme de 100 millions de francs dans le collectif de
printemps et il fera de même dans le collectif de fin d'année, c'est-à-dire
dans quelques jours.
Concernant l'enseignement agricole, je préciserai d'abord, comme je l'ai déjà
fait tout à l'heure, lors des réponses aux questions d'actualité, que personne
ne rallume je ne sais quelle guerre scolaire. Je note d'ailleurs que, s'il y a
eu des guerres scolaires, c'est toujours la gauche qui les a éteintes, qu'elle
ne les a jamais allumées.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Chacun écrit l'histoire à sa
façon !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
On doit la loi de 1984 à Michel
Rocard !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Et les millions de Français dans
la rue ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ça, c'était en janvier 1994,
contre la loi Falloux !
S'agissant du dernier conseil national de l'enseignement agricole, ce qu'a dit
le directeur général de l'enseignement et de la recherche m'engage totalement,
et ce d'autant plus qu'il n'a pas dit du tout ce que vous lui avez fait
dire.
M. Hilaire Flandre.
Il faut décrypter !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je vais décrypter devant vous,
pour que les choses soient claires, pour que vous soyez rassurés parce que je
vous vois très inquiets, angoissés même, et cela m'ennuie beaucoup. Je ne
voudrais pas que vous retourniez dans votre département dans un état pareil !
(Sourires.)
Mon souci, ce sont les équilibres fixés par la loi de 1984, c'est toute la
loi, rien que la loi ! Aussi, je défie quiconque de prouver qu'à travers les
dispositions que nous prenons nous dérogeons à ces équilibres.
Intrigué par certains courriers, par certains fax, par des communiqués de
certaines organisations professionnelles à la suite de cette séance du conseil
national de l'enseignement agricole, j'ai comparé - j'aurais pu prendre
d'autres exemples - les ouvertures de classes à la rentrée prochaine :
quarante-sept ouvertures de classes dans le public, quarante-six dans le privé.
Si la parité n'est pas totalement respectée, j'en conviens, reconnaissez que
l'équilibre général l'est.
Il n'y a donc aucune volonté de ma part de rallumer de quelque façon que ce
soit une guerre scolaire qui n'aurait pas de sens. Simplement, nous faisons le
nécessaire pour que les choses aillent dans le bon sens.
Comme l'indiquait notamment M. Bernard Piras, le budget de l'enseignement
agricole est un bon budget. C'est objectivement le meilleur depuis vingt ans en
termes de créations de postes comme au regard de l'évolution des crédits.
La preuve en est, si j'ose dire, que, pour la première fois depuis des années,
il n'y a pas eu de grève le jour de la rentrée scolaire. C'était pour moi non
pas un miracle, car je n'y crois pas, mais en tout cas une bonne surprise.
Pour ce qui est des personnels, nous avons créé 600 postes, 400 par voie de «
déprécarisation » et 200 par création d'emplois nouveaux, dont 60 d'ATOS. En
outre, tous les professeurs des lycées professionnels, qu'ils soient de
l'enseignement public ou de l'enseignement privé, bénéficieront de la réduction
de leur horaire légal de 23 heures à 18 heures, ce qui représente un effort
tout à fait remarquable.
J'en viens aux crédits de la pêche.
Mme Yolande Boyer, M. Pierre-Yvon Trémel et les rapporteurs ont bien décrit
les difficultés de ce secteur et les solutions possibles.
Les deux rapports dont nous discutons, l'un sur la pêche côtière, l'autre sur
les ports de pêche, sont désormais publics. Ils ont été présentés au CSO pêche.
Nous avons engagé la concertation en vue d'une application concrète. Je ne
souhaite pas qu'ils rejoignent, comme beaucoup d'autres, des étagères et qu'il
se couvrent petit à petit de poussière. J'ai souhaité que l'on puisse très vite
en tirer des leçons et des mesures concrètes.
Le « coup est parti ». Ces rapports font l'objet de concertation entre
l'administration et les organisations professionnelles de pêcheurs. Cela nous
permettra de les appliquer le plus rapidement possible.
La politique commune de la pêche ne viendra à échéance qu'en 2002. Mais j'ai
souhaité que, sous la présidence française, elle fasse l'objet de débats
d'orientation. Cela a été le cas à deux reprises. Cela a permis de cerner les
choses, de préciser notamment que la politique des totaux admissibles de
captures, des TAC et quotas devait redevenir le pilier central de la politique
commune de pêche.
L'idée que les programmes d'orientation pluriannuels, les plans de maîtrise de
nos flottes doivent être remis à leur juste place, qu'ils ne doivent pas être
le b a-ba de la politique commune de pêche a, je crois, beaucoup progressé au
sein du Conseil « pêche », au niveau communautaire. Ces débats d'orientation
que nous avons pu organiser nous ont donc permis d'aller dans le bon sens.
Il reste que le conseil « TAC et quotas » du mois de décembre ne se présente
pas très bien. Je le dis ici clairement. Les inquiétudes des professionnels
sont fondées. Les évaluations scientifiques faites sur les ressources sont
inquiétantes pour plusieurs espèces, notamment pour le merlu.
Cela va sans doute nous conduire à décider des réductions assez draconiennes,
même si comme je m'y étais engagé, j'ai souhaité engager la Commission et le
Conseil européen sur la voie d'une gestion pluriannuelle des TAC at quotas. Ce
point commence à être discuté. Il le sera encore lors de notre prochain Conseil
« pêche », mais la gestion ne pourra pas être opérationnelle dès cette
année.
Donc, nous aurons un conseil « TAC et quotas » difficile, en raison des
évaluations scientifiques.
Cela étant, je rappelle que, cette année, avant même le projet de loi de
finances pour 2001, l'Etat avait déjà dégagé 450 millions de francs
supplémentaires, soit un effort de grande ampleur, pour réparer les effets des
tempêtes et du naufrage de l'
Erika
, et pour contribuer à atténuer la
hausse du carburant, et que, dans le projet de loi de finances pour 2001, les
dépenses ordinaires de la pêche progressent de presque 8 %, ce qui montre que
notre préoccupation pour ce secteur reste vive et que notre souci de le
soutenir est entier.
Je pense avoir ainsi répondu à peu près à toutes les questions. Si tel n'était
pas le cas, je me tiens à la disposition du Sénat pour le faire par écrit.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de l'agriculture et de la pêche, et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 718 988 243 francs. »