SEANCE DU 2 DECEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° II-29 rectifié, MM. Blanc, André, Bizet, Dejoie, Gérard,
Francis Giraud, Le Grand, Murat et de Richemont proposent d'insérer, après
l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication est ainsi modifié :
« A. - Les premier et deuxième alinéas du III sont supprimés.
« B. - Le V est supprimé.
« C. - En conséquence, les mentions : "VI" et "VII" sont remplacées par les
mentions : "V" et "VI".
« D. - Au VII, la mention : "VI" est remplacée par la mention : "V".
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par amendement n° II-33, MM. Joyandet, de Broissia et Trégouët proposent
d'insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... sont exonérés de la redevance applicable aux appareils récepteurs de
télévision de première catégorie les foyers qui, situés en zone d'ombre, ne
reçoivent pas les chaînes publiques.
« II. - Nonobstant le V de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986
précitée, la perte de recettes est compensée à due concurrence par une
augmentation du taux de la redevance applicable aux postes récepteurs couleur.
»
La parole est à M. Blanc, pour présenter l'amendement n° II-29 rectifié.
M. Paul Blanc.
La présentation de cet amendement va peut-être paraître incongrue.
Mme Danièle Pourtaud.
Oui !
M. Paul Blanc.
C'est pourquoi je souhaite donner au Sénat quelques explications.
M. Henri Weber.
Il en faut !
M. Paul Blanc.
Le 9 mars dernier, alors qu'il était question de la découverte d'une cagnotte
de 30 milliards de francs, j'avais demandé au secrétaire d'Etat au budget de
l'époque, M. Sautter, si, à l'occasion de l'affectation de cette cagnotte, on
ne pourrait pas tout simplement supprimer la redevance et la compenser de façon
à ce que l'audiovisuel public puisse bénéficier du financement nécessaire à son
fonctionnement.
Par ailleurs, comme, dans le monde rural, il est question de supprimer de
nombreux postes de perception, et donc d'agents du Trésor, j'avais proposé, à
l'époque, que les postes des 1 442 agents actuellement chargés du recouvrement
de la taxe sur l'audiovisuel puissent être redistribués de façon à maintenir en
milieu rural toutes ces perceptions.
Je regrette que le débat qui s'est engagé à cette époque ait un peu dérapé. On
m'a reproché de vouloir, en supprimant la redevance qui alimente l'audiovisuel
public, supprimer le financement du service public. Telle n'était pas du tout
mon intention.
M. Henri Weber.
C'est pourtant le résultat !
M. Paul Blanc.
Je ne vous ai pas interrompu, tout à l'heure, monsieur Weber !
Je continue à penser que la suppression de la redevance audiovisuelle peut
être compensée par l'Etat, d'où cet amendement.
Quand le Gouvernement a décidé de supprimer la vignette, je ne pense pas qu'il
ait été dans ses intentions de priver les conseils généraux des revenus qui y
étaient liés. Le Gouvernement s'est alors engagé à compenser, au franc le
franc, ce que les conseils généraux ne percevraient plus de ce fait.
Et si l'on s'est beaucoup préoccupé des 1 442 agents qui assurent le
recouvrement de la redevance, on s'est beaucoup moins préoccupé des 142 000
buralistes qui vendaient la vignette et qui ont, d'ailleurs, alerté le public
sur les conséquences de la décision du Gouvernement.
Aussi, il m'avait semblé tout naturel de supprimer la redevance. Tous les
intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont
fait état de la complexité de son recouvrement et de la difficulté de faire
accepter quelques exonérations. En définitive, le seul fait de la percevoir
coûte cher et revient - vous l'avez dit vous-même, monsieur Weber - à près de 1
milliard de francs.
M. Henri Weber.
Il faut la percevoir autrement !
M. Paul Blanc.
Pour toutes ces raisons, je considérais que la suppression de la redevance
était une simplification. En définitive, cette redevance aurait très bien pu
être compensée par des engagements de l'Etat sur des recettes sûres, par
exemple la taxe sur les jeux. On aurait donc pu assurer ainsi à l'audiovisuel
des ressources qui me paraissent nécessaires. Sur ce point, il existe un
consensus.
Cependant, et je m'en rends bien compte, si je maintiens cet amendement, ce
sera un combat perdu. Je vous ai tous entendus. J'ai noté dans vos propos,
madame la ministre, un désir de réexaminer ce problème.
Par ailleurs, je m'étais réjoui, quelques semaines après avoir posé ma
question orale, d'entendre le rapporteur général de la commission des finances
de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, émettre, lui aussi, l'hypothèse
d'une suppression de la redevance. J'ai alors pensé que la proposition d'un
sénateur de base, élu d'un milieu rural, n'était pas aussi farfelue qu'elle
pouvait sembler l'être.
Compte tenu des propos que j'ai entendus, je retire bien sûr mon amendement.
Quand on fait de la politique, de la vraie politique, c'est-à-dire quand on
essaye de prévoir l'avenir et d'organiser la société, il n'est pas bon d'avoir
raison trop tôt. Aussi, à mes yeux, le retrait de cet amendement n'est pas une
défaite. Cela prépare peut-être une victoire pour demain.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° II-29 rectifié est retiré.
La parole est à M. de Broissia, pour défendre l'amendement n° II-33.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, cet amendement ayant été déposé également par mes collègues
MM. Joyandet et Trégouët, je ne lui réserverai pas le sort qui a été réservé à
l'amendement précédent.
Vous l'avez entendu, madame la ministre, je suis favorable au maintien de la
redevance. Je l'ai défendue et je n'ai d'ailleurs de mérite que celui de la
cohérence. Comme je l'ai dit à votre collègue Florence Parly à propos de la
suppression de la vignette, je crois à l'impôt d'usage, l'usage d'une route
départementale ou nationale comme l'usage du domaine hertzien, ou, demain, du
domaine numérique. Je considère également que c'est un lien indispensable entre
le service public de l'audiovisuel et le citoyen.
Cela étant, que puis-je dire au citoyen qui ne reçoit pas France 3 régions, sa
région ? D'ailleurs, je suis dans cette situation. Je reçois deux régions
voisines : Champagne-Ardenne - c'est charmant - et la Franche-Comté - c'est
adorable - qui est ma région d'origine, mais pas la région où j'habite. Je dis
à ceux qui sont dans cette situation : payez la redevance et rouspétez !
Doit-on aller devant le tribunal administratif ou au Conseil d'Etat pour
constater ce droit à un usage qui n'existe pas ?
A l'évidence, il en va de même pour Arte et La Cinquième, que nous ne pouvons
pas non plus recevoir.
A une époque, on a beaucoup parlé - et M. le Président de la Répubique avait
raison - d'une fracture sociale. Madame la ministre, à force d'éluder cette
question qui revient de façon récurrente lors de chacune de nos discussions, je
crains que nous ne finissions par évacuer définitivement le problème de la
fracture territoriale. Ce sera l'un des thèmes majeurs du développement de la
télévision française et de la télévision publique. Je crois que nous nous
honorerions à prendre, enfin, une mesure qui, du coup, conforterait la
redevance dans son ensemble, et qui montrerait l'existence d'une certaine
justice dans cette redevance !
Tel est l'objet de cet amendement, que je défends au nom de mes collègues MM.
Joyandet et Trégouët.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Sagesse plutôt favorable.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Visant le même objectif que notre collègue M. de
Broissia mais avec d'autres arguments, je demande à nos collègues d'émettre un
avis favorable sur cet amendement, tout en précisant que la redevance est une
réponse au service public, et pas nécessairement au service rendu.
Cela étant dit, le service public comporte, selon moi, l'universalité de la
desserte. Or elle n'est pas, aujourd'hui, assurée. C'est parce que le service
public n'est pas à la hauteur que je suis favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
savez, comme moi, que la redevance qui est due en raison de la détention d'un
téléviseur vise à assurer un financement indépendant des chaînes de service
public.
Je déplore, comme vous, que tous nos concitoyens ne puissent recevoir dans
leur foyer l'intégralité des chaînes publiques. Le service public s'efforce
constamment d'améliorer les conditions de réception de ses programmes ;
toutefois, si France 2 et France 3 sont reçues de façon quasi générale, il est
des zones, notamment frontalières, où le cinquième réseau n'est pas accessible,
faute de fréquence disponible.
Un effort particulier pour ce réseau est en cours, avec l'installation en 2001
de nouveaux émetteurs. Le pourcentage de la population couverte n'en sera
toutefois que partiellement augmenté, puisqu'il s'agit surtout de zones de
faible densité démographique.
Les réseaux câblés, après des débuts difficiles, connaissent depuis deux ans
un fort développement. Ils touchent aujourd'hui près de 3 millions de foyers,
et de nouveaux sites sont en construction. Dans un avenir proche, le
développement du numérique hertzien améliorera considérablement l'accès à Arte
et à La Cinquième. Je reconnais qu'il y a là un manque de service public, dont
nos concitoyens peuvent légitimement s'émouvoir.
J'émets cependant un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-33.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement. J'aurais même préféré aller
beaucoup plus loin, je l'ai dit tout à l'heure.
Je suis chargé de quarante-sept communes au sein d'un syndicat de télévision
qui possède dix-sept relais payés par les collectivités locales. Pourtant, il y
a encore dans nos vallées pyrénéennes des zones d'ombre, où des personnes ne
reçoivent pas la télévision.
Quand, de surcroît, on demande aux contribuables de participer, à travers une
cotisation à un syndicat de télévision, au financement de relais de télévision
alors qu'ils ne reçoivent rien, on comprend qu'ils expriment un véritable
courroux.
De plus, et je ne suis pas du tout d'accord avec vous, madame la ministre,
cette situation sera encore aggravée par le numérique hertzien. Lorsque l'on
examine la carte présentée par TDF sur les relais qui seront équipés en
numérique hertzien, que constate-t-on ?
Pour le Languedoc-Roussillon, et notamment dans le département des
Pyrénées-Orientales, on voit que seulement deux relais sont prévus : le pic de
Nore, qui arrose une partie de l'Aude et une partie des Pyrénées-Orientales, et
le Néoulous, qui arrose Perpignan et sa zone périphérique. En revanche, tous
les autres relais, qui sont pourtant des relais officiels, tels ceux du pic de
Baou et de Fontfroide, ne font l'objet d'aucune prévision d'équipement en
numérique hertzien. Il est donc clair que, à l'avenir, on fera encore appel aux
collectivités locales pour équiper ces relais en numérique hertzien. De
surcroît, le nombre de personnes qui paieront la redevance, à qui elle sera
imposée et qui n'auront pas accès au numérique hertzien, sera encore plus
important.
Je suis bien sûr favorable à cet amendement. Ce sera un pis-aller en attendant
que les collectivités locales puissent s'engager et faire mieux.
M. Pierre Laffitte.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Je suis favorable à cet amendement pour les raisons qui viennent d'être
exprimées. Je rappelle que la situation est la même pour les licences UMTS, qui
ne couvriront que 40 % du territoire.
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Pierre Laffitte.
Il y a là un problème. C'est la raison pour laquelle j'avais demandé, madame
la ministre, indépendamment des problèmes financiers, qu'un débat soit
organisé. Le problème que nous évoquons est un problème de justice sociale pour
l'ensemble des territoires français. Je crois qu'il y a là une nécessité
absolue. Pour marquer le besoin d'aller plus avant - parce que ce n'est tout de
même pas TDF qui doit définir la politique de couverture de la France - il est
nécessaire que le Gouvernement et le Parlement puissent en débattre de façon à
étudier les avantages et les inconvénients ainsi que la façon dont on peut
compenser.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je voterai cet amendement pour deux raisons.
La première, c'est le problème spécifique qui est posé par cet amendement
s'agissant des zones d'ombre. C'est encore un problème de ruralité mal traité
qui, par conséquent, ne peut qu'appeler notre sympathie.
Seconde raison, je considère cet amendement comme un amendement d'appel sur le
problème de la redevance. J'ai beaucoup apprécié la déclaration pleine de bon
sens et empreinte de noblesse de M. Paul Blanc quand il a renoncé à défendre
son amendement. Il est certain que ce débat sur la redevance est biaisé. En
effet, deux éléments sont mêlés. D'une part, il faut porter un jugement sur le
mécanisme fiscal qu'est la redevance. D'autre part, se pose la question
suivante : est-on pour le service public ou pas ? Par conséquent, tout
amendement de suppression peut être pris par la télévision publique comme un
acte de guerre. Je n'aurais pas voulu que le Sénat apparaisse comme celui qui
aurait déclaré la guerre à la télévision publique.
Cela étant, sur le plan fiscal et d'un point de vue technique, ce mécanisme de
la redevance apparaît obsolète et coûteux. Cette situation appelle
véritablement une réflexion sur la manière dont l'Etat manage son système de
recouvrement, qui est assez mauvais dans notre pays.
A cet égard, cet amendement montre que la redevance présente des défauts
évidents, notamment celui qui a été mis en lumière par M. de Broissia.
Je voterai donc cet amendement car il pose un problème pratique et invite le
Gouvernement à réfléchir et à mettre enfin sur la table ce problème de la
redevance en tant que modalité spécifique de recouvrement d'une taxe qui est de
plus en plus contestée.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Je vais expliquer pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
Si nous le votons pas, ce n'est pas parce que nous ne considérerions pas qu'il
n'est pas nécessaire d'assurer un égal accès de tous nos concitoyens à tous les
services publics, qu'il s'agisse de la télévision ou des licences de téléphonie
mobile de nouvelle génération, les licences UMTS. A cet égard, je dirai
seulement à M. Laffitte que le secrétaire d'Etat M. Christian Pierret s'est
préoccupé de ce problème et que les cahiers des charges des opérateurs seront
revus afin que la couverture soit largement supérieure au pourcentage qu'il a
évoqué voilà un instant.
Je ne voterai donc pas cet amendement car, en fait, une fois de plus, on le
voit bien, c'est un moyen détourné pour faire le procès de la redevance. Je
dirai à mes collègues qui n'ont pas voulu maintenir leur amendement mais qui
ont néanmoins exposé leurs arguments que, pour moi, la redevance est un outil
indispensable pour assurer l'indépendance du service public. Aujourd'hui,
l'indépendance du service public est liée à la fois à l'existence du CSA et à
l'existence de la redevance.
Vous nous dites qu'il est possible de remplacer la redevance par des crédits
publics. Bien sûr, on le peut, et si c'était le gouvernement de Lionel Jospin
qui nous faisait cette proposition, je lui ferais confiance, car je sais à quel
point le gouvernement actuel est attaché au service public.
(M. de Broissia s'exclame.)
Mais, mes chers collègues, j'ai en mémoire des budgets qui nous ont été
présentés dans cet hémicycle par des gouvernements que je ne soutenais pas et
qui, à court de crédits publics, nous proposaient assez facilement des
régulations sur le budget de l'audiovisuel public. Dans ces cas-là,
l'audiovisuel public n'était plus du tout une priorité ! J'ai donné les
chiffres tout à l'heure. J'ajoute qu'à ces moments-là on trouvait assez souvent
sur les travées de la majorité sénatoriale des sénateurs qui non seulement
votaient ces budgets, mais, de plus, proposaient assez rapidement de trouver
une solution à l'insuffisance des crédits publics pour l'audiovisuel public en
privatisant France 2 !
Je répète donc que, pour nous, la redevance est la garantie de l'existence et
de l'indépendance du service public. Peut-être devons-nous néanmoins
collectivement réfléchir à la mise en place d'une ressource complémentaire plus
dynamique. Et si cette dernière offre les mêmes garanties de sécurité et de
pérennité, nous verrons ensuite si nous pouvons la substituer à la redevance.
Mais nous ne devons en aucun cas lâcher la proie pour l'ombre !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, nous discutons de plusieurs
amendements à la fois, et nous en venons à nous interroger sur la question
posée !
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Le groupe de travail que j'ai eu l'honneur de
présider sur l'audiovisuel public a beaucoup travaillé. Il a longuement débattu
de la nature, de l'essence de l'audiovisuel public et de la redevance. Ce
groupe, réunissant les différentes composantes de cette assemblée, a estimé à
l'unanimité qu'il était indispensable de donner des moyens significatifs à
l'audiovisuel public, et il n'a pas trouvé, pour ce faire, autre chose que la
redevance. La redevance française est l'une des plus faibles d'Europe - c'est
un fait objectif, et tous les Etats européens, toutes les grandes démocraties à
l'exception d'un ou deux pays, ont décidé de maintenir le principe d'une
recette affectée,...
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
... en général une redevance.
En Grande-Bretagne, la redevance s'élève à plus de 100 livres par an, avec une
augmentation programmée systématique sur une période assez longue de 1,5 % par
an. Cela signifie donc que lorsque l'on veut disposer d'un audiovisuel public,
qui est un bien d'une nature particulière, il faut sans doute le payer.
M. Henri Weber.
Très bien !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Voilà la conclusion à laquelle le groupe de travail,
à l'unanimité, est parvenue.
M. Paul Blanc.
Il faut une recette affectée !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Par ailleurs, quelques-uns d'entre nous, dont Mme
Beaudeau et moi-même, sont allés faire du contrôle sur place au service de la
redevance de Rennes. Depuis, j'ai reçu longuement le chef du service de
l'inspection générale des finances et l'inspecteur des finances qui ont procédé
précisément à l'analyse de l'opération « redevance ». Permettez-moi de vous
livrer nos impressions.
Tout d'abord, il s'agit d'un commando très motivé qui a réalisé des gains de
productivité considérables depuis quelques années, et j'ai le sentiment que ces
personnes font leur travail et qu'elles le font plutôt bien.
Par ailleurs, je voudrais dire que, pour un impôt dont, par définition, le
recouvrement moyen est de 751 francs, il faut souvent déployer le même effort
que pour un impôt important, et parfois même envoyer beaucoup plus de courrier.
Par conséquent, il suffirait de doubler la redevance pour faire tomber
immédiatement le pourcentage de quelque 7 % à 3,5 %. Je crois qu'il faut être
sérieux dans ce domaine. Il s'agit de relever des produits qui sont de faible
importance.
Il y a peut-être d'autres solutions. Et si le pouvoir exécutif en trouve
d'autres qui soient efficaces, nous les examinerons. Mais je voudrais quand
même rappeler que la Haute Assemblée a toujours soutenu la redevance, et
qu'elle a fait ce qu'il fallait pour la rendre plus productive. C'est en effet
un amdement du Sénat, qui, voilà cinq ans seulement, a permis le recoupement
des fichiers de la taxe d'habitation et de ceux de la redevance, ce qui a fait
passer le produit de cette dernière de quelque 8 milliards de francs à 13
milliards de francs en peu de temps. Cela a été la cause essentielle de
l'amélioration de la situation.
Par ailleurs, compte tenu de l'état du droit, il est vraisemblable que les
bases de la redevance ne pourront pas beaucoup augmenter, ou alors on change de
société et l'on s'intéresse de très près aux résidence secondaires, à la limite
de ce que peut tolérer notre société. Il faudra donc engager dans les plus
brefs délais une réflexion sur la nature de la redevance. Internet posera
également problème, car nos concitoyens pourront recevoir la télévision par ce
moyen. Il est certain qu'il faudra, dans les années à venir, étudier
sérieusement cette question.
Mais, dans l'état actuel des choses et tant que nous n'avons pas une solution
plus efficace, je crois infondé le débat sur le coût excessif du produit. Et ce
n'est pas sans conséquence. En effet, il est toujours facile d'ouvrir un débat
de cette nature, mais, quand on le fait, on soulève des problèmes. Aujourd'hui,
les agents du service de la redevance reçoivent des dizaines de milliers de
lettres de personnes demandant à ne payer qu'un prorata de la redevance dans la
mesure où cette dernière doit être supprimée à compter du 1er janvier 2001 !
Nous devons donc être prudents dans nos propos. Les médias font leur métier, et
ensuite on complique la tâche de ceux qui font plutôt bien leur travail !
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
M. le rapporteur spécial est passé, si j'ai bien compris, de la sagesse
favorable à la sagesse défavorable...
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Non !
M. Ivan Renar.
Je rejoins son propos sur les amendements n°s II-29 rectifié et II-33, qui
sont en discussion.
M. le président.
Seul l'amendement n° II-33 est en discussion, mon cher collègue !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Nous débattons dans la confusion !
M. Ivan Renar.
C'est une confusion, mais aussi une non-confusion ! Sur le fond, aujourd'hui,
c'est le sort de la redevance pour les années à venir qui est en jeu. Sur ce
point, nous avons intérêt à clarifier la situation.
Je pense que la redevance n'est pas seulement une recette fiscale ; c'est
aussi un lien social qui unit le téléspectateur au service public de
l'audiovisuel. Comparons-le au spectateur de cinéma : dans le prix de sa place
figure notamment l'avance sur recettes. De ce fait, il participe au financement
de la production cinématographique dans son pays. Si l'on supprime ces formes
de recettes, le service public est mort.
A mon avis, ce n'est pas au débotté que l'on doit discuter et voter ce type de
mesure. Cela mérite un grand débat contradictoire, préparé suffisamment
longtemps à l'avance, qui fixera les nouvelles règles du financement du secteur
de l'audiovisuel public. Je suis globalement hostile à tout vote qui viserait à
supprimer ou à diminuer la redevance de télévision.
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Cette explication de vote m'apparaît d'autant plus nécessaire que je crois que
nous sommes en train de refaire la guerre de 1914-1918,...
M. Ivan Renar.
Même celle de 1870 !
M. Louis de Broissia.
... puisque l'un des deux amendements a été retiré. La responsabilité en
revient à Mme Pourtaud, qui est revenue sur la discussion de l'amendement
précédent.
Mme Danièle Pourtaud.
Je répondais à M. Gaillard !
M. Louis de Broissia.
Permettez-moi, madame Pourtaud, de vous le dire ! L'amendement n° 29 rectifié
a été retiré, et nous n'en avons alors plus discuté.
Mme Danièle Pourtaud.
Si, M. Gaillard en a parlé !
M. Louis de Broissia.
Je suis d'accord avec Mme Pourtaud, avec M. le rapporteur spécial et avec M.
Renar. L'amendement n° II-33 que je défends, le seul qui reste en discussion,
tient compte d'un lien social important, d'un lien civique avec la télévision
publique et, aussi, d'un lien territorial. Comment demander une redevance à
quelqu'un qui n'a pas les moyens de ce lien civique ? C'est la seule question
que vise à traiter cet amendement, et je me réjouis que M. Laffitte ait bien
voulu dire qu'après la fracture territoriale de la télévision il y aura la
fracture territoriale d'Internet à moyen et à haut débit. C'est clair !
M. Paul Blanc.
Bien sûr !
M. Louis de Broissia.
Il y a déjà la fracture territoriale de la téléphonie mobile ; c'est la même
fracture ! Alors, madame Pourtaud, il vous arrive de sortir des arrondissements
parisiens ! Venez à vingt kilomètres de Dijon : ce n'est pas une zone de haute
montagne, et nous ne recevons pourtant rien ! Comment expliquer à mes
concitoyens qu'ils doivent quand même payer pour tout ? C'est le but de mon
amendement, et c'est le seul.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-33, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 46.
Je suis saisi de trois amendements, présentés par MM. Blanc, André, Bizet,
Dejoie, Gérard, Francis Giraud, Le Grand, Murat et de Richemont.
L'amendement n° II-30 vise à insérer, après l'article 46, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 94, 95 et 96 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la
communication audiovisuelle sont abrogés.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
L'amendement n° II-31 tend à insérer, après l'article 46, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 281
nonies
du code général des impôts est abrogé.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
L'amendement n° II-32 vise à insérer, après l'article 46, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'avant-dernier alinéa (18°) de l'article 257 du code général des
impôts est supprimé.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par suite du retrait de l'amendement n° II-29 rectifié, ces trois amendements
n'ont plus d'objet.
Par amendement n° II-36 rectifié, MM. Laffitte, Valley, Joly et de Montesquiou
proposent d'insérer, après l'article 46, un article additionnel rédigé comme
suit :
« Il est institué un fonds alimenté par une partie des recettes qui seront
tirées de la cession des licences d'attribution des fréquences hertziennes
rendues disponibles par le processus de numérisation des bandes de fréquences
UHF et VHF.
« Ce fonds a pour objet de financer le développement de recherches
industrielles dans le domaine du multimédia, ainsi que la numérisation des
chaînes et des logiciels associés. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Cet amendement va dans un sens différent puisqu'il vise à donner au service
public de la télévision la possibilité d'un financement supplémentaire,
important le cas échéant.
Il s'agit tout simplement d'instituer un fonds alimenté par une partie des
recettes, et notamment par celles qui seront tirées de la cession des licences
d'attribution des fréquences hertziennes rendues disponibles par le processus
de numérisation des bandes de fréquences UHF et VHF.
Ce fonds aura pour objet de financer le développement des recherches
industrielles dans le domaine du multimédia ainsi que la numérisation des
chaînes et des logiciels associés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
La commission des finances a voté contre l'article
23, qui portait sur les produits de l'UMTS. Par conséquent, le rapporteur
spécial ne peut pas soutenir cet amendement qui crée un prélèvement de même
nature.
M. Pierre Laffitte.
Ce n'est pas l'UMTS !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, en
ce qui concerne la réorganisation du spectre des fréquences, je crois, avec
vous, qu'il nous faut réfléchir à cette question ensemble, sur la base d'études
solides réalisées à mesure que les technologies numériques se seront
stabilisées et qu'elles auront commencé à trouver leurs usages. C'est
d'ailleurs ce que je disais tout à l'heure dans mon propos.
Le moment ne me semble pas encore tout à fait venu. Aujourd'hui, le décret du
6 décembre 1996 dispose « que les fréquences attribuées à la radiodiffusion
audiovisuelle sont exemptées de toute rémunération de la part des chaînes ».
Vous savez que, par convention passée avec le CSA, les chaînes s'engagent à un
grand nombre d'obligations, notamment en faveur de la diversité, de la
contribution à la production, de la diffusion de programmes et de la mise en
oeuvre d'un certain nombre de missions.
La loi du 1er août 2000 a maintenu sur les réseaux terrestres numériques un
régime d'obligations assez contraignant en faveur de l'intérêt général. Je ne
crois pas que le temps soit venu de modifier ces équilibres que nous avons
évalués avec la représentation nationale au profit d'équilibres à venir que
nous pouvons, dans le meilleur des cas seulement, commencer à étudier et à
distinguer.
J'entends votre souci de soutenir les jeunes pousses du multimédia et la
recherche, l'innovation, dans ce domaine. C'est pourquoi je mettrai en place,
avec mes collègues de la recherche et de l'industrie, dès le début de l'année
2001, un nouveau réseau de recherche et d'innovation pour l'audiovisuel et le
multimédia. Il devrait permettre, avec toute la neutralité et l'objectivité que
permet ce type de crédit, d'inciter et de suivre la vitalité du secteur.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n°
II-36 rectifié.
M. le président.
Monsieur Laffitte, l'amendement n° II-36 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte.
Compte tenu de l'opposition simultanée de la commission des finances et du
Gouvernement, je retire mon amendement.
Toutefois, je précise, madame la ministre, qu'il ne s'agissait pas de revenus
provenant de la cession de fréquences affectées à l'audiovisuel. Mon amendement
visait le cas très probable où la fréquence serait attribuée à d'autres
opérateurs. Par conséquent, il y aurait eu là une possibilité, et c'est sur
cette dernière que je voulais insister. En effet, je crois véritablement qu'un
financement important sera nécessaire pour que le service public de
l'audiovisuel puisse effectivement développer les opérations de numérisation,
comme il a commencé à le faire, notamment avec la banque de programmes de La
Cinquième.
M. le président.
L'amendement n° II-36 est retiré.
Nous allons maintenant examiner les lignes 40 et 41 de l'état E annexé à
l'article 42.
Ligne 40 de l'état E