SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
M. le secrétaire d'Etat, n'étant pas
intervenu à l'occasion du débat sur le projet de loi d'orientation relatif à
l'outre-mer, je n'avais pas encore eu l'occasion de vous féliciter. C'est
maintenant chose faite.
J'en profite également pour saluer votre prédécesseur, qui nous laisse ici un
bon souvenir.
Je présenterai tout d'abord deux remarques destinées à mettre en perspective
les montants sur lesquels nous nous prononcerons tout à l'heure.
Première remarque : depuis plusieurs années, l'écart entre le montant du
budget que nous votons et le montant réel des dépenses de secrétariat d'Etat à
l'outre-mer est d'environ 1 milliard de francs, soit près de 20 % de ce
budget.
Cet écart ne résulte pas principalement de fonds de concours ou d'ouvertures
de crédits nouveaux en collectif budgétaire ; il découle plutôt de reports de
crédits : le secrétariat d'Etat ne parvient pas à dépenser tous ses crédits.
Les principaux postes de report sont les chapitres consacrés aux
investissements, mais aussi les emplois-jeunes. Il y a donc des difficultés
pour créer des emplois-jeunes outre-mer ! Nous aimerions vous entendre sur ce
point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Seconde remarque : les deux chapitres « réservoir » de ce budget de
l'outre-mer brouillent sa lisibilité.
Ainsi, dans le budget que nous avons voté en 1999, les crédits du titre IV
représentaient 51 % des crédits, et ceux du titre VI, 29 %. Après répartition
de ces deux chapitres « réservoir », la teneur des titres IV et VI a été
profondément modifiée. Cela ne contribue pas, vous en conviendrez, à la clarté
du débat budgétaire. La Cour des comptes s'est d'ailleurs manifestée sur ce
point.
Après ces considérations d'ordre technique, j'en viens à l'examen du budget
que vous nous proposez pour 2001.
Il augmente d'environ 6 %. Contrairement à l'année dernière, cette
augmentation est une augmentation réelle, et non le résultat de changements de
structures.
Ce budget est un budget en faveur de l'emploi certes, mais surtout un budget
en faveur de l'emploi aidé.
Les aides à l'emploi, regroupées au sein du FEDOM, le fonds pour l'emploi dans
les départements d'outre-mer, augmentent de 588 millions de francs. C'est plus
que le montant total de l'augmentation du budget du secrétariat d'Etat - 393
millions de francs - à structure constante. La priorité en faveur des aides à
l'emploi se traduit donc par la diminution des crédits consacrés à d'autres
actions en faveur de l'outre-mer.
Au sein des aides à l'emploi, ce sont les emplois-jeunes qui se taillent la
part du lion. Ils bénéficient de 214 millions de francs supplémentaires, soit
plus de la moitié de l'augmentation totale des moyens du secrétariat d'Etat.
Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Sénat n'a jamais été un
partisan enthousiaste des emplois-jeunes. Mais, au-delà de cette remarque de
principe, je constate que les crédits en faveur des emplois-jeunes n'ont
jusqu'ici pas été totalement consommés et qu'ils ont donné lieu à des reports
sur l'exercice suivant. En 1999, 100 millions de francs affectés à ce domaine
ont même été annulés.
Dès lors, aviez-vous vraiment besoin de consacrer autant d'argent aux
emplois-jeunes ? Prévoyez-vous une augmentation sensible de la demande dans ce
domaine ? Telle est ma première question !
Deuxième question : pourquoi ne pas avoir, dans le projet de budget pour 2001,
procédé de la même façon que l'année dernière ? En 2000, vous avez financé les
emplois-jeunes par rédéploiement. Pourquoi les financer en 2001 par une
augmentation nette de moyens que vous n'êtes pas du tout certain d'utiliser
?
Outre un coût croissant et très élevé des emplois-jeunes, ce qui frappe dans
votre budget, ce sont les problèmes de consommation des crédits des fonds
d'investissement d'outre-mer : le FIDOM, le fonds d'investissement des
départements d'outre-mer, et le FIDES, le fonds d'investissement pour le
développement économique et social des départements d'outre-mer.
Ces reports de crédits signifient que les actions ne sont pas réalisées aussi
vite que prévu. Il faut donc y regarder de plus près et, notamment, étudier
pourquoi les cofinanceurs locaux ont du mal à mettre en place leur part des
financements.
Il est surprenant de constater que les dépenses de ces fonds sont très
largement contractualisées. Je m'interroge donc : lorsque l'Etat signe des
contrats, s'assure-t-il que les actions inscrites dans ces contrats sont
réalisables dans des délais normaux ?
Je voudrais également signaler, en passant, que le fonctionnement de ces fonds
ne correspond plus du tout à leur vocation initiale. Les textes précisent
qu'ils sont gérés par des comités de gestion. En réalité, près des neuf
dixièmes des actions financées par les fonds ne sont même pas discutées par le
comité, soit, pour l'immense majorité, qu'elles aient été contractualisées,
soit qu'elles aient été directement décidées par le cabinet du Premier
ministre.
Je voudrais maintenant traiter de trois dispositions de la loi d'orientation
qui devraient entrer en vigueur en 2001.
Si j'en crois le chiffre cité par le rapport Fragonard, l'Etat consacre chaque
année plus de 8 milliards de francs à la sur-rémunération des fonctionnaires en
poste outre-mer. Huit milliards de francs, c'est plus que le budget total de
votre secrétariat d'Etat !
Je ne reprends pas ici la démonstration des inconvénients de ces
sur-rémunérations, je vous renvoie une fois encore au rapport Fragonard. Je me
bornerai à me féliciter que le Parlement ait pris l'initiative de réduire ces
surrémunérations. Si la loi d'orientation est appliquée, les indemnités
d'éloignement devraient être supprimées dès le printemps 2001.
Le 7 novembre dernier, au Sénat, vous avez évoqué, monsieur le secrétaire
d'Etat, la suppression des primes d'éloignement « dans la forme que l'on
connaît aujourd'hui ». Je voudrais vous dire que nous serions contrariés si
vous supprimiez les primes actuelles pour les recréer sous une autre forme !
Je voudrais aussi rappeler à nos collègues que ces primes ne représentent
qu'une faible part des sur-rémunérations, environ quatre fois moins que les
majorations de traitement dont bénéficient également les fonctionnaires
d'outre-mer.
La deuxième disposition de la loi d'orientation qui a retenu notre attention
est l'alignement en trois ans du RMI.
Comme beaucoup de mes collègues, je suis assez réservé sur l'opportunité de
cette mesure. Je ne suis pas insensible à l'objectif d'égalité entre tous les
citoyens, quel que soit l'endroit où ils résident. Je sais également que le
niveau du RMI de métropole est déjà faible et que la majoration du RMI
outre-mer, pour ses bénéficiaires, « ne sera pas du luxe », si j'ose dire.
Néanmoins, dans des économies où l'objectif principal de la politique de
l'emploi est d'encourager le retour à l'activité des personnes au chômage, je
ne suis pas sûr que des revalorisations sensibles du RMI aillent dans le sens
de l'objectif visé.
En outre, j'observe que les conséquences de cette décision pour le budget de
l'Etat ne seront pas neutres. Si j'ai bien compris, l'Etat va payer deux fois :
une fois pour financer l'alignement du RMI et une seconde fois en ne faisant
pas disparaître la créance de proratisation. L'alignement du RMI, dans les
trois ans, pourrait donc se traduire par une augmentation des dépenses
publiques d'environ 800 millions de francs.
De surcroît, les départements, du fait de la loi, devront payer. En effet, si
le montant du RMI augmente, le montant des crédits que les départements sont
obligés de consacrer au volet « insertion » augmenteront eux aussi,
mécaniquement. Or, à ce jour, et malgré les initiatives de la commission des
affaires sociales au moment de l'examen par le Sénat de la loi d'orientation,
rien n'est prévu pour leur compenser cette augmentation de dépenses. Ma
question est donc la suivante, et elle est claire : y aura-t-il un jour une
compensation ?
Puisque nous parlons des collectivités locales, il me semble également
nécessaire de rappeler, mes chers collègues, que la loi d'orientation prévoit
que la solidarité en faveur des communes d'outre-mer sera financée par ponction
sur les ressources des communes défavorisées de métropole, je m'exprime là en
tant que sénateur représentant aussi bien les collectivités territoriales
d'outre-mer que celles de métropole.
Je m'explique : la majoration de la dotation forfaitaire des communes
d'outre-mer sera financée par un relèvement sur la dotation d'aménagement de la
DGF des communes de métropole, donc sur la dotation de solidarité urbaine et
sur la dotation de solidarité rurale.
Quarante millions de francs, ce n'est pas beaucoup au regard des quelque 80
milliards de francs que représente la DGF des communes ; mais c'est beaucoup
pour la seule dotation d'aménagement, compte tenu des tensions actuelles pesant
sur la répartition de la DGF. Pour fixer des ordres de grandeur, j'indiquerai
simplement que, en 2000, la dotation d'aménagement a progressé de moins de 100
millions de francs et qu'elle avait augmenté de moins de 200 millions de francs
en 1999.
Mais je voudrais poursuivre sur un constat positif cette fois.
Je me félicite que le Gouvernement se soit converti à la logique des aides
fiscales à l'embauche et à l'investissement et ait finalement décidé de ne pas
remettre en cause les dispositifs mis en place par les précédentes
majorités.
Le projet de loi d'orientation reprend les exonérations de charges sociales de
l'ancienne loi Perben et, constatons-le, les étend très largement, puisque les
salariés concernés seront non pas 43 000, mais plus de 100 000.
L'article 12 du projet de loi de finances pour 2001, quant à lui, reconduit,
en le corrigeant des dérives constatées et des dérives possibles, le dispositif
d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. J'y vois la traduction d'un
dialogue constructif s'agissant des mesures à mettre en oeuvre pour favoriser
le développement de l'outre-mer.
Autre signe d'échange constructif : vous semblez - à moins que je ne m'abuse,
monsieur le secrétaire d'Etat - vous êtes rallié à une proposition qui fut à
l'origine celle du Sénat s'agissant de la bidépartementalisation de la Réunion.
Ce ralliement n'est-il que provisoire ? C'est la question que nous nous
posons.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous indiquer
que j'ai proposé à la commission des finances du Sénat d'adopter les crédits de
l'outre-mer. Toutefois, je ne puis m'empêcher de me poser beaucoup de
questions.
Le budget est lui-même en sensible augmentation, ce qui peut apparaître comme
un élément positif. Mais pensez-vous que soient véritablement réunies les
conditions d'un développement harmonieux et durable de l'outre-mer ? En effet,
à une économie déjà sous perfusion vous proposez d'intensifier la perfusion par
les emplois-jeunes, les emplois aidés et la défiscalisation confirmée.
Pensez-vous que tous les efforts consentis soient adaptés à l'ampleur des
problèmes posés : immigration, démographie, taux de chômage sans commune mesure
avec celui de la métropole ?
Sur ces sujets de fond, nous sommes disposés à engager avec vous un dialogue
en dehors des traditionnels débats budgétaires ou discussions
institutionnelles.
Cela étant dit, et sous le bénéfice des observations que j'ai formulées, je
vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de l'outre-mer qui
sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen des crédits destinés au ministère de l'outre-mer pour 2001 est
l'occasion pour nous de mesurer les efforts du Gouvernement en faveur de ces
départements et territoires ultramarins.
Avec un budget nettement en hausse - 6,81 milliards de francs en moyens de
paiement, en progression de 6,94 % au lieu de 1,8 % de l'an dernier - le
Gouvernement complète, il faut s'en féliciter, une panoplie de mesures et
d'outils destinés à relancer la croissance outre-mer. Le Gouvernement honore
ainsi les promesses qu'il nous avait faites l'an dernier.
S'il faut toutefois signaler quelques lacunes et imperfections - dont nous
espérons qu'elles pourront être améliorées dans le futur - disons, pour le
moment, que nous pouvons être globalement satisfaits.
En effet, l'année 2000 voit l'adoption et la mise en place de plusieurs
dispositifs qui rendent le terrain propice à une reprise forte de la
croissance.
Tout d'abord a été adoptée une loi d'orientation comportant un volet
économique et social notable, dont les premiers financements sont déjà intégrés
dans le projet de budget pour 2001.
L'effort majeur pour les aides à l'emploi - 290 millions de francs - devrait
renforcer les dispositifs emplois-jeunes, les contrats d'accès à l'emploi, les
contrats emploi-solidarité et les contrats d'insertion par l'activité.
Le dispositif pérenne d'exonérations et d'allégements des cotisations
patronales, qui s'élève à 3,5 milliards de francs, succédera, à compter du 1er
janvier 2001, au dispositif Perben, mis en place en 1994.
Le Gouvernement s'engage également, à travers les contrats de plan
Etat-région, à hauteur de 5,6 milliards de francs pour la période 2000-2006,
dont 1,36 milliard de francs est à la charge de votre ministère.
Cela constitue le volet français des engagements européens, qui ont doublé par
rapport à la période précédente et atteindront un peu plus de 21 milliards de
francs dans le cadre de l'objectif 1.
Enfin, l'article 12 du projet de loi de finances pour 2001 met en place pour
six ans un mécanisme d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer plus
équilibré et orienté vers le soutien à l'investissement productif, ce dont il
faut se réjouir.
Le mécanisme du crédit d'impôt rend ce dispositif plus attractif pour
l'ensemble des contribuables. Surtout, des mesures spécifiques sont mises en
place pour les petites entreprises à travers un crédit d'impôt reportable et
éventuellement remboursable
in fine,
encourageant l'épargne de
l'outre-mer à s'investir outre-mer. Il est également très opportun d'encourager
la rénovation des hôtels existants. Mais il ne faudra pas oublier que ce
dispositif ne facilite pas la construction d'hôtels neufs haut de gamme, en
nombre encore insuffisant dans les départements français d'Amérique, plus
particulièrement à la Martinique.
Pour rattraper leur retard de développement, les départements d'outre-mer ont
besoin d'investissements lourds, tant privés que publics, très supérieurs à
leurs moyens propres de financement.
Ainsi, pour être véritablement performant, ne conviendrait-il pas de mettre en
oeuvre toute une série d'instruments financiers pour accompagner les
entreprises ? Je pense au fonds de garantie et aux sociétés de capital-risque.
Pourquoi ne pas lancer en métropole un fonds pour le développement de
l'outre-mer ouvert aux petits porteurs et permettant de financer de manière
durable et solidaire les besoins financiers considérables de ces territoires
?
Plus généralement, il faut savoir que beaucoup reste à faire pour surmonter
les handicaps structurels de l'outre-mer, dont certains sont reconnus comme
handicaps permanents par l'Europe : éloignement, insularité, étroitesse des
marchés...
Une croissance conjoncturelle, seule, ne résoudra rien, ne serait-ce que sur
le plan du chômage. C'est tout le système qu'il faut réformer et les
évaluations doivent être poussées afin de trouver des solutions susceptibles de
nous faire rattraper sur le plan économique le niveau moyen des régions de
l'Union européenne.
En effet, nos économies restent sous-capitalisées, ce qui justifie très
largement qu'elles restent éligibles à l'objectif 1, le PIB moyen des
départements d'outre-mer ne représentant en gros que 55 % du PIB moyen des
régions européennes.
Les départements d'outre-mer présentent encore les caractéristiques de régions
mal développées. Le décalage demeure entre une demande de consommation soutenue
par les surrémunérations des fonctionnaires et la croissance des transferts
sociaux, et une offre faible, freinée par une production de biens et de
services insuffisante. Il n'y a pas eu accumulation du capital dans ces pays,
qui sortent à peine du système de plantations post-colonial.
Ajoutons la persistance d'un coût du crédit plus élevé qu'en métropole, 2 à 3
points de plus en moyenne, qui constitue indéniablement un frein
supplémentaire, même si le différentiel s'est atténué depuis 1996. L'impact
psychologique du taux de base bancaire demeure ; il était encore, au 1er mars
2000, de 7,09 % à la Réunion et de 9,18 % en Martinique contre 6,30 % en
métropole. Le coût du crédit est encore aggravé par la situation déséquilibrée
des entreprises et par la fragilité des établissements de crédit. La mise en
place de moyens spécifiques permettant de renforcer les fonds propres des
entreprises serait donc souhaitable.
Enfin, en dehors des problèmes financiers que nous avons à résoudre, il nous
faut aussi poursuivre dans la voie des réformes de structure pour adapter le
droit commun aux spécificités de ces départements.
Ainsi la réforme administrative constitue-t-elle une ardente nécessité :
l'autorité de l'Etat n'est pas suffisamment déconcentrée et les contraintes
qu'entraîne la multiplicité des services extérieurs débilite toute initiative
locale et freine l'adoption de tout projet d'une certaine envergure.
Par exemple, la méthode de programmation des sommes allouées au titre des
fonds structurels européens à travers l'allocation de la réserve de performance
et l'évaluation à mi-parcours suivie d'une adaptation éventuelle des documents
de programmation entend privilégier les projets qui sont performants et qui
aboutissent.
Ce sont les Etats membres qui restent les interlocuteurs de la Commission au
niveau européen : il faudrait donc que les services de l'Etat - ce qui n'est
pas toujours le cas - se mobilisent rapidement pour aider et soutenir les
projets pouvant être financés sur les fonds européens. Il serait souhaitable,
par ailleurs, que les collectivités territoriales puissent être secondées par
des bureaux d'ingénierie spécialisés.
Il faut avoir à l'esprit que, pour rattraper ces retards structurels,
l'outre-mer a besoin de la mise en oeuvre de plans à long terme, sur vingt ans,
comme pour les autres régions ultrapériphériques de l'Europe.
Mes chers collègues, je terminerai par une remarque personnelle. L'Union
européenne a autorisé l'élaboration d'un cadre juridique spécifique pour les
régions ultrapériphériques ; c'est l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Reste
à inventer, sur le plan national, des potentialités identiques pour les DOM
dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.
Compte tenu de ces observations, monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a donné un
avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'outre-mer.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects
sociaux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, année après année, le budget de l'outre-mer tend à se transformer en
un budget d'intervention sociale ; 2001 n'échappe pas à la règle. Le projet de
budget qui nous est aujourd'hui soumis se révèle en effet être la simple
traduction budgétaire de la loi d'orientation pour l'outre-mer, qui comportait,
elle aussi, un important volet social.
Le budget augmentera donc, à structure constante, de 6,2 % pour atteindre 6,8
milliards de francs. J'observe que, sur les 393 millions de francs de crédits
supplémentaires, 325 millions de francs sont justement inscrits pour permettre
la mise en oeuvre de la loi d'orientation.
Pourquoi inscrire dès le mois de septembre dans des documents budgétaires les
crédits correspondant à un projet de loi qui n'est toujours pas entré en
vigueur ? On aurait pu facilement y déceler une certaine désinvolture vis-à-vis
du Parlement. Pourtant, telle n'est pas notre analyse, monsieur le secrétaire
d'Etat. Au contraire, la commission des affaires sociales se félicite de cette
inscription, qui permettra, je l'espère, une application rapide de la loi -
cela vous évitera de prendre des notes pour me répondre !
(Sourires.)
Une action rapide est plus que jamais nécessaire devant la dégradation
continue de la situation sociale de l'outre-mer. Les DOM n'ont que peu
bénéficié de la reprise de l'emploi. Le taux de chômage se stabilise à des
niveaux très élevés, de l'ordre de 30 % en Martinique et en Guadeloupe, 22 % en
Guyane et 35 % à la Réunion, cela malgré les fortes créations d'emplois
générées par les économies ultramarines, puisque le secteur privé a créé plus 5
% par rapport à 1999.
Parallèlement, la montée de l'exclusion se confirme. Fin 1999, le nombre
d'allocataires du RMI atteignait 127 000, soit une progression de 7 % en un an.
Une telle évolution est d'autant plus inquiétante qu'elle s'est poursuivie, au
premier semestre 2000, à un rythme de 3,1 %, alors que le nombre d'allocataires
diminuait parallèlement de 1,4 % en métropole. Le décrochage avec la métropole
ne fait donc que s'accentuer. On estime que 16,4 % de la population des
départements d'outre-mer vit du RMI, contre moins de 3 % pour la métropole,
donc cinq fois moins.
Quel impact aura le budget qui nous est proposé sur cette situation ?
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Aucun !
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires sociales, qui aurait
souhaité une loi d'orientation plus ambitieuse en matière sociale, ne peut être
qu'inquiète.
S'agissant de l'emploi, les crédits du FEDOM augmentent certes de 25 %, mais
cet effort ne doit pas faire illusion.
D'une part, la loi d'orientaiton se traduira par une multiplication des
dispositifs financés par le FEDOM. Trois nouvelles mesures viennent s'ajouter
aux sept déjà existantes. On peut espérer, bien sûr, que cela permettra à la
politique de l'emploi de s'adapter à la diversité des situations. Mais on peut
surtout craindre que cela ne se traduise par une faible lisibilité du
dispositif et un saupoudrage des aides. Le Sénat avait préconisé de cibler
l'effort budgétaire sur les allégements de charges.
D'autre part, la réorientation du FEDOM vers le secteur non marchand
s'intensifie. Seulement 22 % des crédit sont consacrés à l'insertion dans le
secteur marchand contre 33 % pour la montée en charge des emplois-jeunes. Ces
emplois, rappelons-le, apparaissent pourtant très mal adaptés au contexte
spécifique de l'outre-mer, car la situation financière des collectivités
locales rendra très problématique leur pérennisation.
Dans ces conditions, notre commission ne peut s'associer à la politique de
l'emploi que propose ce budget. Elle estime, en revanche, souhaitable de la
réorienter vers le secteur marchand.
Elle préconise de concentrer les moyens dans trois directions.
D'abord, il s'agit de relancer les contrats d'accès à l'emploi, seuls contrats
d'insertion spécifique au secteur privé, suffisamment longs - ils s'étalent sur
dix-neuf mois en moyenne - pour permettre une insertion durable dans le monde
professionnel. Or le projet de budget en restreint les crédits.
Ensuite, il convient de favoriser les actions de formation professionnelle des
jeunes et, en premier lieu, les formations par alternance, qui restent trop peu
développées. En 1999, moins de 7 000 jeunes ont conclu un tel contrat. La
suppression des primes des contrats d'apprentissage et des contrats de
qualification que prévoit le projet de loi de finances sera néfaste pour
l'outre-mer et risque de porter un coup d'arrêt définitif à des dispositifs
utiles mais fragiles. Nous voulons des précisions sur l'application de ces
mesures dans les DOM.
Enfin, il faut renforcer les politiques d'insertion, car moins d'un quart des
allocataires du RMI entrent aujourd'hui dans un tel dispositif. Le Gouvernement
devrait mener une politique plus dynamique d'intéressement. Seuls 5 % des
allocataires du RMI dans les DOM en bénéficient, contre près de 14 % en
métropole. L'allocation de retour à l'activité permettra, je l'espère, des
améliorations. Mais je regrette que le Gouvernement n'ait pas retenu la
proposition du Sénat, plus volontariste, de la « convention de retour à
l'emploi ».
A la différence de la politique de l'emploi, la politique du logement, second
volet des crédits sociaux, peut être considérée comme le parent pauvre de la
loi d'orientation. Or la situation du logement paraît très dégradée :
insuffisance globale de l'offre, inquiétante persistance d'un habitat
insalubre, existence de véritables « bidonvilles ».
Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de mener une politique du
logement ambitieuse. Le budget présenté n'en donne, hélàs ! pas les moyens.
Si les crédits de la ligne budgétaire unique augmentent de 3,5 %, les
dotations globales en faveur du logement, lorsqu'on rajoute la part de la
créance de proratisation, baissent, elles, d'environ 9 %.
La réalité est à la fois simple et douloureuse : les crédits en faveur du
logement, qu'il s'agisse des crédits inscrits dans le projet de loi de finances
ou des crédits effectivement disponibles, sont en baisse, car la diminution de
la créance de proratisation n'est pas intégralement compensée. Le Gouvernement
s'était pourtant engagé à réaliser cette compensation. Notre commission déplore
vivement un tel manquement à la parole donnée et elle le déplore d'autant plus
que ce mauvais procédé joue contre deux politiques qui lui apparaissent
pourtant comme prioritaires outre-mer : l'insertion et le logement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre audition devant notre commission,
vous aviez qualifié ce budget de « très bon budget ». Vous l'aurez compris, je
ne peux partager cette analyse.
La rapidité de la mise en oeuvre de la future loi d'orientation ne saurait
masquer le manque d'ambition de votre budget face aux problèmes de l'emploi, du
logement et de l'insertion.
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis
défavorable sur l'adoption du budget de l'outre-mer pour 2001, s'agissant de
ses aspects sociaux.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les départements d'outre-mer.
Monsieur le président, mes chers
collègues, la commission des lois, consultée pour avis, s'est réunie le 22
novembre 2000, après vous avoir reçu, monsieur le secrétaire d'Etat, afin
d'examiner les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, abondés par ceux
qui proviennent des ministères de l'intérieur et de la justice.
Elle s'est interrogée sur l'adéquation de ces crédits à un exercice efficace
des fonctions régaliennes de l'Etat : activité des juridictions, fonctionnement
du système pénitentiaire, contrôle de l'immigration clandestine, gestion de ses
fonctionnaires.
Nous avons également dressé le bilan de l'intégration régionale et
territoriale, puis l'intégration à l'Union européenne.
Enfin, à la suite du récent vote de la loi d'orientation pour l'outre-mer,
nous avons analysé les perspectives d'évolution institutionnelle ou statutaire
dans les départements d'outre-mer, mais aussi à Saint-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte.
Il convient de signaler que notre rapport fait suite à deux missions sur place
de membres de la commission des lois, l'une en Guyane et aux Antilles, emmenée
par le président Larché, l'autre à la Réunion et à la Mayotte, que j'avais
l'honneur de conduire. Précisons que l'ensemble des ministères contribuent à
l'effort financier en faveur de l'outre-mer, effort qui atteint en 2001 un
montant de 50,11 milliards de francs, soit une progression de 9,60 %. Le
secrétariat d'Etat à l'outre-mer intervient pour 10,83 %, le ministère de
l'intérieur pour 17,2 % et celui de la justice pour 1,7 %.
Il est certain que, au regard des besoins, notamment en matière d'équipement
pénitentiaire, de palais de justice et d'emploi, ce budget est insuffisant.
Observons cependant que le soutien à l'emploi représente la part la plus
importante du budget du secrétariat d'Etat à l'Outre-mer : 39 %.
En revanche, la politique d'aide au logement - comme l'a dit notre excellent
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, il y a un instant
- est insuffisante compte tenu de l'évolution démographique des DOM : 15 000
logements neufs seulement seront financés en 2001.
Les crédits de paiement provenant du ministère de l'intérieur et de la
décentralisation connaissent une forte progression : de 15,18 %.
Les crédits du ministère de la justice augmentent de 75,49 % en autorisations
de programme et de 7,3 % en crédits de paiement.
La commission des lois n'a pas manqué d'évoquer les difficultés des
départements d'outre-mer, confrontés à une aggravation de la délinquance, à une
évolution inquiétante du trafic de drogue dans la zone Caraïbe, à un
blanchiment d'argent sale très important dans la partie néerlandaise de
Saint-Martin, qui abrite neuf casinos, contrôlés en grande partie par la Mafia.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une action diplomatique très vigoureuse doit
s'exercer sur les Pays-Bas à ce sujet, tant de la part de la France que de
celle de l'Union européenne, pour y mettre fin. Nous comptons sur vous pour
régler ce problème avec Bruxelles.
A la Réunion, les crimes et délits ont augmenté de 59,3 % entre 1984 et
1997.
Les départements d'outre-mer sont confrontés également à une augmentation
supérieure à la moyenne nationale de l'activité des juridications - surtout en
matière civile, fort heureusement ! -, laquelle s'exerce dans des palais de
justice généralement dans un piètre état, modernisés trop lentement d'après ce
que nous avons pu constater sur place.
Il en va de même des établissements pénitentiaires, dont le taux global
d'occupation est de 128 %. Celui de Saint-Denis, où la mission de la commission
des lois s'est également rendue, est certainement le pire de France, avec, de
surcroît, un taux d'occupation de 210,9 % !
Certes, le Gouvernement a annoncé en octobre 2000 un vaste programme de
réhabilitation et de construction, qui concerne également l'outre-mer. Je
m'étonne cependant que, d'après les renseignements que j'ai eus, à la Réunion,
le site n'ait pas encore été choisi. Nous souhaiterions que, à l'échelon local,
on se mette d'accord sur un site.
Nous ne pouvions manquer d'aborder également un des problèmes majeurs de
l'outre-mer : la persistance d'une immigration difficilement contrôlable,
malgré quelques évolutions positives. Cette immigration est évidemment due à un
niveau de vie et de protection sociale élevé par rapport à celui des Etats
environnants : par exemple, en 1996, le PIB par habitant était de 13 121
dollars américains en Martinique, contre 664 dollars américains en Haïti, soit
près de vingt fois plus.
Devant cette situation, nos moyens en hommes et en matériel pour garder nos
frontières, souvent très étendues, notamment en Guyane, sont tout à fait
insuffisants, d'autant qu'il s'agit généralement de frontières fluviales et
maritimes.
On ne saurait passer sous silence les apports très importants de l'Union
européenne aux départements d'outre-mer, consentis en application de l'article
299-2 du traité d'Amsterdam, avec les programmes POSEIDOM et surout les fonds
structurels, lesquels passent de 12 milliards de francs à plus de 22 milliards
de francs pour la période 2000-2006. Une attention toute particulière devra
toutefois être portée sur l'utilisation des financements croisés. Les sommes
mobilisées atteignent 37 milliards de francs sur la période, avec l'aide de
l'Etat, des régions et des départements.
S'agissant des surrémunérations des fonctionnaires, elles grèvent lourdement
le budget des collectivités locales, la prime d'éloignement venant d'être
supprimée.
Quant aux perspectives d'évolution intitutionnelle ou statutaire des
différents départements et territoires, elles doivent être adaptées à chaque
situation locale. Nous regrettons que la loi d'orientation pour l'outre-mer du
15 novembre 2000, dont j'étais le rapporteur au Sénat, ne soit pas suffisamment
ambitieuse sur le plan institutionnel.
Les événements de la nuit de lundi à mardi en Guyane, monsieur le secrétaire
d'Etat, nous inquiètent. Ils doivent vous amener à vous interroger. Nous avions
essayé d'envisager, par anticipation, des solutions dans notre rapport sur le
projet de loi d'orientation.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis
favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer
et aux deux collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
pour 2001.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du
projet de loi de finances permet à la commission des lois de faire le point sur
la situation de quatre de nos collectivités d'outre-mer - la
Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Wallis-et-Futuna et les Terres australes et
antarctiques françaises - dans les domaines relevant de sa compétence : réforme
institutionnelle, actualisation du droit applicable, évolution de la
délinquance, activités et moyens des juridictions et liens d'association avec
l'Union européenne.
Avant d'aborder ces différents points, je formulerai, monsieur le secrétaire
d'Etat, deux observations préalables.
Premièrement, les « jaunes » nous sont fournis très tardivement, ce qui nuit à
l'examen des crédits : il ne peut être aussi approfondi qu'il serait
souhaitable.
Deuxièmement, les fluctuations de la nomenclature budgétaire - trois
modifications ont été apportées en cinq ans ! - ne facilitent pas, vous en
conviendrez, les comparaisons d'une année à l'autre.
L'effort global en faveur des territoires d'outre-mer et de la
Nouvelle-Calédonie s'élève à près de 11,5 milliards de francs pour 2001, en
légère progression par rapport à l'année précédente, comme d'ailleurs la
fraction du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer qui leur est consacrée,
laquelle représente 12 % de ce total.
Il faut rappeler que la forte progression du budget de l'outre-mer profite
essentiellement, pour les raisons que nous connaissons, aux départements
d'outre-mer.
En ce qui concerne le volet institutionnel, s'agissant de la Nouvelle
Calédonie, on peut se réjouir que la mise en place des institutions se soit
poursuivie au cours de la présente année. Toutefois, monsieur le secrétaire
d'Etat, demeure le problème du gouvernement collégial : la notion de
collégialité fait en effet l'objet de différentes interprétations selon les
partis politiques. Il serait hautement souhaitable que, lors de la prochaine
réunion du comité des signataires, qui aura lieu au mois de décembre 2000 ou au
début de l'année prochaine, le dialogue entre les divers partenaires puisse
déboucher sur une véritable solidarité gouvernementale. Cela répondrait à
l'esprit qui avait présidé au vote de la loi relative à la
Nouvelle-Calédonie.
Le dispositif des lois du pays fonctionne bien : quatre lois ont été adoptées,
d'autres sont en préparation.
Nous devons nous féliciter aussi de l'accord conclu sur le dossier minier au
mois de juillet 2000, avec pour objectif le rééquilibrage économique entre les
provinces, dont la nécessité est affirmée par l'accord de Nouméa.
L'accident d'hélicoptère qui a coûté la vie à Raphaël Pidjot et à une partie
de l'état-major de la société minière du Sud-Pacifique a suscité une grande
émotion en Nouvelle-Calédonie. Nous nous associons, bien entendu, aux
condoléances qui sont adressées aux familles de ces dirigeants, en souhaitant
que l'action qu'ils avaient menée puisse se poursuivre.
En ce qui concerne la Polynésie française, nous attendons le nouveau statut ;
mais la mise en oeuvre des dispositifs institutionnels de 1996 se poursuit dans
de bonnes conditions. Les procédures de demandes d'avis au Conseil d'Etat sur
la question de la répartition des compétences sont régulièrement utilisées.
Cependant, un conflit d'interprétation semble subsister en matière de transport
aérien. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous apporter quelques
éclaircissements sur cette question ?
J'en viens au volet policier et judiciaire.
En Polynésie française, on constate une régression de la délinquance, sauf en
matière de trafic de stupéfiants. Cette situation s'explique par la conduite
d'une véritable politique de prévention fondée sur une multiplication des
interpellations pour détention de stupéfiants, laquelle se traduit par une
augmentation des faits constatés. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
En revanche, en Nouvelle-Calédonie, on observe une augmentation de la
délinquance, notamment chez les mineurs, et on note l'apparition d'une
délinquance plus professionnelle et organisée.
S'agissant de l'activité judiciaire, nous ne pouvons pas nous réjouir,
monsieur le secrétaire d'Etat, puisque les éléments qui nous sont fournis sont
totalement lacunaires, voire inexistants pour certaines juridictions. Dans ces
conditions, le contrôle du Parlement ne peut pas s'exercer. En ce qui concerne
les îles de Wallis-et-Futuna, j'insisterai à nouveau sur la nécessité d'aboutir
à un accord régissant les relations de ce territoire avec la
Nouvelle-Calédonie, où vivent près de vingt mille Wallisiens et Futuniens. Je
vous rappelle que la date butoir pour la conclusion de cet accord avait été
fixée au 31 mars 2000. On devrait quand même parvenir à cet accord, qui est
indispensable pour rassurer les habitants de Wallis-et-Futuna.
Enfin, en vue de la révision du régime d'association des pays et des
territoires d'outre-mer à l'Union européenne, qui vient de faire l'objet d'une
proposition de la Commission européenne, nous demandons instamment au
Gouvernement de veiller à ce que la spécificité des pays et territoires
d'outre-mer français soit prise en compte, en particulier pour nuancer le
principe de non-discrimination en matière de liberté d'établissement.
Telles sont les quelques observations que je pouvais formuler dans le délai de
cinq minutes qui m'était imparti.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois émet un avis
favorable à l'adoption des crédits concernant les territoires d'outre-mer et la
Nouvelle-Calédonie.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au sénat que, compte tenu, de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 30 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour 40
minutes au maximum.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque j'ai analysé le projet de budget que
vous avez l'honneur de soumettre à notre examen, il m'est revenu cette pensée
de l'un de nos aînés, et non des moindres, qui, en substance, se serait exprimé
ainsi, commentant la politique de l'outre-mer de l'un de vos prédécesseurs : «
Outre-mer : la politique des petits pas s'apparente à celle des faux pas. » Il
s'agissait d'Aimé Césaire.
En effet, votre volonté affichée de progrès n'a d'égale que la timidité des
dispositifs de votre projet de budget, dont le millésime méritait plus
d'audace.
Si l'on s'en tient à une approche purement quantitative des éléments qui nous
sont soumis, votre budget se caractériserait par une progression de 6,94 %,
dans un contexte qui se veut nouveau, celui de la mise en oeuvre d'une loi
d'orientation pour l'outre-mer, et une somme de 325 millions de francs apparaît
au budget au titre d'une première dotation.
Les autres volets de votre politique budgétaire, tels que le soutien au
logement, la création et le financement de fonds spécifiques - fonds de
coopération régionale, d'une part, fonds de promotion des échanges éducatifs,
sportifs et culturels, d'autre part - l'exonération des charges patronales de
sécurité sociale, pour un montant prévisionnel de 3,5 milliards de francs,
ainsi qu'un dispositif fiscal en remplacement de la loi Pons, dite « loi Paul
», participeraient de cette même volonté d'inscrire le développement de
l'outre-mer comme priorité nationale.
Mais l'ensemble de ces mesures manquent de lisibilité. Les priorités n'y sont
pas inscrites avec assez de force. Votre ligne directrice apparaît trouble,
sans doute par défaut de référence à un modèle précis de développement ou à une
quelconque perspective humaine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème de l'outre-mer est spécifique,
complexe, et la solution ne peut être que de nature politique différenciée. En
fait, votre budget pour l'outre-mer aurait, à notre sens, le plus grand besoin
d'un projet mobilisateur qui le sous-tende. Pour la Guyane, c'est le contenu du
pacte de développement adopté par les assemblées guyanaises.
Peut-on vouloir faire tout et parfois le contraire de tout, et le tout en même
temps : soutenir la demande et l'offre avec la même vigueur ; engager la
réduction du coût du travail et l'alignement du revenu minimum d'insertion
outre-mer de manière concomitante ; engager une démarche décentralisatrice
d'envergure sans une déconcentration à la mesure de cette ambition ?
Voilà pour le manque de lisibilité.
Ce fonctionnement s'apparente, à mon sens, à un fonctionnement par vitesse
acquise. Mais il y va aussi de la crédibilité de la procédure budgétaire
engagée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, faut-il d'abord rappeler que votre budget ne
rassemble pas l'ensemble des crédits consacrés par l'Etat à l'outre-mer, loin
s'en faut ?
Ainsi les exonérations de charges patronales de sécurité sociale, pour un
montant de 3,5 milliards de francs, pièce maîtresse de vos engagements, nous
renvoient-elles au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Que dire aussi du nouveau dispositif fiscal de soutien à l'investissement en
remplacement de la loi Pons, inscrit, lui, dans le projet de loi de finances
pour 2001 ? L'on sait enfin que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une
demande tendant à déclarer non conformes à la Constitution les articles 1er,
42, 43 et 62 de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
C'est le sens même de la présentation de votre budget qui pourrait être
légitimement mis en cause : budget de report et de coordination, donc budget
sans marge de manoeuvre significative...
Il en aurait été tout autrement si le Parlement, et singulièrement la Haute
Assemblée, avait eu la possibilité de pouvoir proposer, en recettes comme en
dépenses, les modifications qui exprimeraient ses propres orientations
budgétaires. Aussi comprendrez-vous que nous appelions de nos voeux la réforme
de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ainsi que la révision de l'article 40 de la
Constitution, qui privent actuellement le Parlement de tout pouvoir de contrôle
effectif sur les finances publiques.
Une telle réforme revaloriserait la fonction parlementaire en général et
permettrait enfin aux élus d'outre-mer d'intervenir avec plus de dignité dans
le débat s'agissant des crédits alloués à leurs territoires ultramarins. Elle
nous permettrait aussi, dans ces territoires, de rompre avec la règle des trois
« l » : la liturgie d'abord, la litanie ensuite, la léthargie enfin, que nous a
enseignée l'illustre parlementaire et président du Conseil que fut Edgar
Faure.
S'agissant d'abord de la liturgie, la procédure et peut-être la « procession
budgétaire », avec quelques reposoirs, semblent en outre-mer participer d'une
cérémonie aux rites sempiternellement inchangés, à l'image sans doute des mêmes
thèmes abordés, des mêmes questions soulevées, des mêmes engagements formulés
et non tenus pour l'essentiel.
Seule la distribution des rôles semble changer, selon que l'on appartienne à
l'opposition ou que l'on soutienne la majorité existante.
Il faut certes des rites, et je suis de ceux qui en observent dès lors qu'ils
sont au service du progrès et non de l'immobilisme.
Nous avons dit « liturgie », mais aussi « litanie ». Et voici venir les
doléances de l'outre-mer, longues énumérations plaintives et monotones d'hommes
et de femmes élus du peuple dont les prières ne sont que trop peu entendues.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, pour ne pas déroger à la coutume, je
vous rappellerai ; moi aussi, les doléances de la majorité des élus de Guyane,
à l'échelon tant national que local.
Ils réclament la création d'une cour d'appel de plein exercice, d'autant que
la loi réformant les cours d'assises ne pourra être appliquée en Guyane, compte
tenu de la structure de la chambre détachée de la cour d'appel de
Fort-de-France ; la création d'un tribunal de grande instance sur les rives de
Saint-Laurent-du-Maroni dans l'ouest guyanais ; la création d'un dispositif
particulier pour la gestion de la forêt domanial et le transfert de la
propriété aux collectivités guyanaise - ce dispositif a été proposé par le
Sénat et, à deux reprises, rejeté par votre majorité à l'Assemblée nationale -,
ainsi que le prévoit une proposition de loi que j'ai déposée. Vous le voulez
pour la Corse, mais vous hésitez pour la Guyane.
Ils réclament aussi la mise en place de dispositions particulières pour les
communes sans fiscalité.
Ils souhaiteraient obtenir une réponse quand à la concrétisation du projet
sucrier.
Enfin, ils réclament également une desserte aérienne plus équilibrée dans leur
pays, ne se limitant pas au simple Paris-Cayenne, qui isole des communes telles
que Grand-Santi-Papaichton Maripasoula, Saul et Saint-Georges, au mépris de la
continuité territoriale.
Au nom de l'égalité, monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas temps
également que soient appliquées en Guyane les dispositions de la loi du 6 mars
1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les
mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer qui prévoit, dans son alinéa 5°, le remboursement des
médicaments indispensables en prophylaxie et en thérapeutique palustre, ratifié
le 14 décembre 1999 par l'Assemblée nationale, complétant ainsi le deuxième
alinéa de l'article L. 753-4 du code de la sécurité sociale ?
A l'heure où les premières victimes de la « vache folle » suscitent
légitimement un grand émoi sur le plan national, est-il acceptable de continuer
de mourir du paludisme en Guyane, loin, il est vrai, des caméras de ces
télévisions où « les minorités visibles » sont invisibles ?
Devant la faible détermination des réponses qui sont apportées par le
Gouvernement à toutes nos requêtes, il n'est pas surprenant qu'un sentiment de
léthargie semble peser sur l'outre-mer, et plus particulièrement sur la
Guyane.
Vous semblez, monsieur le secrétaire d'Etat, vouloir maîtriser et la
procédure, et le calendrier, et l'opportunité des mesures à prendre.
Comment ne pas dire maintenant à la représentation nationale que des
événements graves se déroulent actuellement en Guyane ? Et je condamne toutes
les exactions commises de part et d'autre, particulièrement les brutalités des
forces de répression.
Le
Komité pou nou démaré la Guyane
a démontré sa capacité à mobiliser
la population pour le soutien au pacte de développement. Aujourd'hui, et
précisément en ce moment, le
Komité
doit démontrer aussi sa capacité à
retrouver la sérénité. Les élus responsables de notre pays, mandatés par les
électeurs, sont chargés de traduire auprès du Gouvernement leurs souhaits
légitimes.
J'ai l'intime conviction que le Gouvernement est prêt à entendre les élus de
notre pays pour envisager une évolution institutionnelle. Alors, monsieur le
secrétaire d'Etat, par votre réponse, vous rassurerez la communauté guyanaise.
La démarche doit être transparente et fondée sur un dialogue clair avec les
élus du suffrage universel.
Il est clair que pour atteindre certains objectifs, dont les lois du pays, il
faudra envisager une révision constitutionnelle. Une mission se rend en Guyane
à cet effet. J'ai rendez-vous avec les participants lundi.
Le document d'orientation appelé « pacte de développement » doit être décliné
dans une proposition de loi ou un projet de loi, après que les assemblées
guyanaises l'auront adopté ; ce sera la base de référence de toute discussion
avec le Gouvernement.
Il est temps que les forces de l'ordre regagnent leur caserne et que les
militants rejoignent leur demeure pour que la paix et la sérénité
reviennent.
Je ne surprendrai personne, monsieur le secrétaire d'Etat, en rappelant que
l'Indochine, après la terrible guerre, a gagné son indépendance. Qui était aux
affaires de la France ? Lorsque les troubles et les événements malheureux ont
éclaté en Afrique et à Madagascar, qui était aux affaires de la France ?
Lorsque, en novembre 1954, « la Toussaint des énigmes », en Algérie, éclatent
les premiers événements, qui était aux affaires de la France ?
L'histoire de la séparation de la France avec ses colonies nous rappelle, à
plusieurs reprises, que c'est lorsque les socialistes sont aux affaires que
celle-ci a lieu, parce que vous voulez toujours passer ou faire passer en force
vos options, au détriment de la traduction légitime des aspirations
qu'apportent devant vous les élus nationaux de l'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans leur grande majorité, les élus de Guyane
répondront à votre invitation du 18 décembre prochain. Toutefois, nous
apprécierions que vous nous précisiez aujourd'hui la date de votre venue en
Guyane pour poursuivre, ainsi que l'avait souhaité votre prédécesseur, le
dialogue avec la délégation guyanaise. Nous le pouvons, nous le devons, pour la
communauté guyanaise.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
après avoir excusé mes amis Paul Vergès et Robert Bret, retenus dans leurs
départements pour des raisons impératives, je souhaite souligner les caractères
positifs du projet de budget pour les départements et territoires d'outre-mer,
mais aussi quelques insuffisances.
Les graves événements qui se sont déroulés voilà quarante-huit heures en
Guyane démontrent les difficultés économiques et sociales qui écrasent toujours
et encore les collectivités territoriales de la République.
Le débat d'aujourd'hui sera certainement l'occasion, monsieur le secrétaire
d'Etat, de vous faire partager notre analyse de la situation guyanaise et de
vous demander de nous indiquer les pistes que vous envisagez pour répondre à
cette inquiétude, voire à cette colère.
La gauche guyanaise fait le lien entre les difficultés économiques et sociales
et les insuffisances de la loi d'orientation de l'outre-mer sur le plan de la
réforme institutionnelle, insuffisances que mon ami Robert Bret avait
soulignées à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
Le débat budgétaire sur l'outre-mer pose toujours un problème de perception.
Problème de perception dans l'espace, car il est difficile d'analyser une
politique budgétaire disséminée sur un territoire géographique aussi vaste.
Problème de perception quantitative, car il faut rappeler que le budget de
l'outre-mer ne concerne que 10 % environ des interventions de l'Etat dans ce
domaine, 90 % étant disséminées entre les différents ministères. Il est évident
que cette difficulté nuit beaucoup à la lisibilité de l'action du
Gouvernement.
Nous espérons que les discussions en cours pour l'amélioration de la procédure
de discussion budgétaire au Parlement permettront de progresser sur ce
point.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le budget de l'outre-mer progresse de près de 7
% cette année, et c'est une bonne chose. Cet effort de la collectivité
nationale devenait urgent. Nous apprécions également que les crédits dégagés,
notamment ceux qui concernent les financements des priorités en matière
d'emploi, résultent d'une augmentation nette des crédits disponibles, et non
d'une redistribution de crédits comme c'était le cas l'an dernier.
La montée du chômage, particulièrement forte chez les jeunes, les phénomènes
d'exclusion qui en résultent malgré la réalité de la solidarité dans les
familles qui vivent dans les départements et territoires d'outre-mer et, en
conséquence, la croissance de l'insécurité dans nombre de départements et
territoires sont frappants. Je pense en particulier aux Antilles. Tout ces
phénomènes nécessitent un effort sans précédent de la nation pour permettre le
développement durable de ces régions.
Cet effort est d'autant plus nécessaire que la poussée de la mondialisation
libérale « bouscule » et affaiblit les départements et territoires d'outre-mer.
Les difficultés actuelles de la production sucrière et de la production de la
banane en sont des exemples criants.
L'aide de la métrople, mais aussi de l'Europe, est essentielle pour leur
permettre de résister aux pressions des multinationales, notamment
américaines.
Sur ce point, n'est-il pas urgent d'envisager la réévaluation de l'aide
compensatoire aux producteurs locaux de bananes ?
De même, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous indiquer
l'intervention que vous envisagez auprès de l'Union européenne pour préserver
le système des quotas et de garantie des prix qui prévaut pour la production
sucrière ?
Je ne passerai pas en revue les différents aspects de ce budget ; cela a été
fait avec talent par mes amis François Asensi et Ernest Moutoussamy à
l'Assemblée nationale.
Je tiens cependant à approuver la forte progression des fonds pour l'emploi
dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous approuvons la forte progression des crédits en faveur des emplois-jeunes,
à savoir 21,4 millions de francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment envisagez-vous l'avenir de ces
emplois-jeunes ? A l'instar du débat qui se développe en métropole, quelles
pistes peuvent-elles êtres envisagées pour l'intégration ou la prorogation de
ces emplois ? C'est la stabilité même des départements et territoires
d'outre-mer qui est conditionnée par l'avenir de sa jeunesse.
Nous approuvons la fin du dispositif de défiscalisation de la loi Pons et son
remplacement par la procédure prévue à l'article 12 de la première partie du
présent projet de loi de finances. Cette défiscalisation ne profitera plus aux
seuls contribuables concernés par la tranche la plus élevée de l'impôt sur le
revenu.
Nous connaissons tous les dérives, souvent frauduleuses, auxquelles avait
donné lieu la loi Pons. La plus grande justice fiscale du dispositif de
remplacement constitue une avancée importante, mais il sera nécessaire d'être
très vigilant pour éviter toute dérive.
La question du climat aurait pu être mieux prise en compte dans le cadre de la
préparation budgétaire. Mon ami Paul Vergès a présenté et fait adopter, par le
Sénat, une proposition de loi créant un observatoire des changements
climatiques. Paul Vergès a souligné les risques majeurs auxquels vont être
exposés les départements et territoires d'outre-mer dans les décennies à venir
si l'Occident persévère dans sa désunion dangereuse pour l'avenir même de
l'humanité.
Des crédits importants devraient être mis à la disposition des départements et
territoires d'outre-mer pour leur permettre de faire face à ce problème. Ces
crédits devraient aider ces départements et territoires à être la tête de pont
d'une nouvelle coopération avec les pays du tiers-monde, si exposés à ces
bouleversement futurs.
Il me paraît impératif, monsieur le secrétaire d'Etat, d'engager une réflexion
en ce sens pour la prochaine loi de finances. Les avis des experts concordent :
le temps nous est compté.
La question du logement que je souhaitais aborder devient encore plus cruciale
dans ce contexte. La résorption de l'habitat insalubre, nécessaire pour les
habitants, est une urgence face aux intempéries croissantes. L'urbanisation
croissante de certains départements génère un type d'habitat précaire qui ne
peut en aucune manière résister aux catastrophes naturelles.
Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, de veiller à ce qu'un
effort soit fait dans ce domaine dès l'année prochaine.
La prise en compte des besoins des départements et territoires d'outre-mer est
certaine dans le projet de budget qui nous est soumis. Cette prise en compte ne
doit pas être seulement économique et sociale, elle doit aussi être
institutionnelle. Nous soutiendrons tous les efforts pour en finir avec une
certaine unité de traitement et pour permettre une meilleure prise en compte
des réalités locales par l'élaboration de nouveaux statuts. Cela doit aussi
être le cas pour Wallis-et-Futuna.
Au regard de ces quelques remarques sur fond d'analyse positive, les sénateurs
du groupe communiste républicain et citoyen voteront le projet de budget de
l'outre-mer qui nous est proposé par le Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, au
moment d'aborder l'examen du budget de l'outre-mer, il est bien difficile de ne
pas avoir présents à l'esprit les événements douloureux et inquiétants que
vient de connaître la Guyane.
Je saisis pour ma part cette occasion pour exprimer ma sympathie à tous mes
amis guyanais et leur dire combien je souhaite que soit au plus vite retrouvé,
chez eux, le chemin du dialogue et soigneusement évité tout ce qui pourrait
entretenir l'engrenage de la violence.
Mais je ne peux, en même temps, m'empêcher de souligner à quel point existe,
dans nos départements d'outre-mer, un terreau favorable à la survenue de tels
événements.
Ce terreau est formé par l'intrication de trois facteurs fondamentaux :
l'inadaptation des institutions, le mal-développement des territoires et le
mal-être des hommes.
La tentation a toujours été grande, ici, pour les responsables politiques de
se voiler la face, de se satisfaire d'explications superficielles et faussement
rassurantes. La tentation a toujours été grande de privilégier le conjoncturel
au détriment du structurel, de sous-estimer la marque de l'histoire et le poids
des réalités géographiques et culturelles.
C'est dire, par conséquent, combien il convient, je le crois sincèrement, de
se féliciter du parti pris par M. Lionel Jospin d'appréhender et de traiter
autrement les problèmes de nos départements d'outre-mer.
Il faut en finir, notamment, avec deux erreurs majeures : l'une consiste à
croire que le mal-développement et le mal-être ne relèvent que de traitements à
base de mesures économiques et sociales ; l'autre réside dans le fait de
considérer que ce qui est bon pour un département d'outre-mer est forcément bon
pour les trois autres.
C'est ce qui fait toute l'originalité de la loi d'orientation qui vient d'être
votée par le Parlement. Elle associe en effet - et cela est sans précédent - un
important volet économique et social et un important volet institutionnel. Un
volet institutionnel dont l'importance doit être évaluée avant tout au regard
des perspectives d'évolutions statutaires différenciées des départements
d'outre-mer désormais ouvertes et, surtout, des garanties démocratiques
offertes, dans ce cadre, aux peuples concernés.
Par conséquent, vous comprendrez que je me sois appliqué à dénoncer le
comportement de tous ceux qui se sont livrés à une série de batailles
d'arrière-garde pour retarder l'application du texte, pour tenter de le
dénaturer en l'amputant de parties essentielles, voire pour essayer de le faire
rejeter en soutenant, par exemple, à l'Assemblée nationale, une motion tendant
à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Vous comprendrez, bien sûr, que je puisse actuellement porter un jugement
véritablement sans complaisance sur ceux qui ont cru devoir aller encore plus
loin, en introduisant un recours devant le Conseil constitutionnel.
Ils ont, ce faisant, délibérément pris le risque de faire censurer non
seulement les articles incriminés du volet institutionnel, mais aussi certains
articles du volet économique qui ont déjà été contestés ici même.
Mais surtout, ils ont, avec une confondante désinvolture, développé, à l'appui
de leur saisine, une argumentation allant carrément à contresens des positions
qu'ils avaient défendues au cours des débats.
C'est ainsi qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de censurer les
dispositions concernant la coopération régionale qu'ils ont pourtant votées et
même amendées !
Et alors que, ici même, on les a entendu reprocher au Gouvernement la timidité
du texte sur le plan institutionnel - et ils récidivent ce matin - alors qu'on
les a entendu déclarer, à l'instar du Président de la République, que le statut
départemental a fait son temps, ils ont signé sans scrupule un texte dont je me
permets de vous lire seulement une phrase caractéristique. Faisant référence à
l'article 1er, qui dispose que la loi « accorde aux assemblées locales des DFA
la capacité de proposer des évolutions statutaires » et qu'elle pose dans ce
cadre « le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui
seraient envisagées », ces collègues tiennent en effet le propos suivant : «
Ces dispositions constituent non un aménagement limité des compétences des
régions et des départements d'outre-mer, mais aboutissent à opérer une
différenciation excessive de ceux-ci par rapport aux collectivités
métropolitaines. »
« Cela se passe de commentaires », est-on tenté de dire, et c'est peut-être,
après tout, ce qui explique le silence complice des alliés indépendantistes de
la déclaration de Basse-Terre !
Mais cela n'est certainement pas sans conséquences dans nos départements. En
effet, qui ne voit qu'il y a là de quoi ajouter à un sentiment d'impatience,
voire d'exaspération, déjà bien perceptible, un sentiment cette fois de révolte
!
Qui ne perçoit, de surcroît, que la mise en cause très claire du principe de
la consultation des populations sur toute éventuelle évolution statutaire est
de nature à semer une légitime inquiétude dans l'esprit de nos compatriotes des
départements d'outre-mer, qui, dans leur immense majorité, sont, on le sait,
extrêmement attachés à ce principe ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, si je me suis permis cette longue digression
qui, dans le contexte actuel, avait, me semble-t-il, sa raison d'être, c'est
que je ne compte pas me livrer à une analyse détaillée de votre projet de
budget. Il s'agit manifestement d'un bon budget, et je me félicite qu'il
progresse de près de 7 %.
Je me félicite plus encore du choix qui a été fait d'afficher très nettement
le développement économique et l'emploi comme première priorité et que, dans ce
cadre, aient été inscrits les crédits destinés à tenir les engagements de la
loi d'orientation.
Le logement constitue, comme il se doit, le deuxième poste de dépenses avec
950 millions de francs en crédits de paiement, soit une hausse de 3,5 %.
Malheureusement, je dois à ce sujet vous exprimer une très grande inquétude.
Les crédits de la ligne budgétaire unique rencontrent, en effet, de sérieux
problèmes de consommation dus, pour une bonne part, à des causes
structurelles.
Une fois de plus, je tiens à dénoncer en la matière la lourdeur des
procédures, leur rigidité et leur inadaptation.
Pour la Martinique, le phénomène est encore aggravé cette année par une
utilisation très stricte par la direction départementale de l'équipement des
atlas communaux des risques comme documents de référence pour la délivrance des
permis de construire.
Ainsi, au 15 novembre 2000, seulement 27 % de la ligne budgétaire unique
étaient consommés.
Une réforme s'impose donc d'urgence concernant les mécanismes décisionnels
ainsi que les procédures de mise en oeuvre avec, notamment, la mise en place
d'une véritable programmation pluriannuelle.
S'agissant du FIDOM, je constate avec satisfaction qu'il augmente de 15 % en
crédits de paiement et de 55 % en autorisations de programme. Les crédits vont
financer les contrats de plan Etat-région et, pour les départements
d'outre-mer, la participation de l'Etat à la nouvelle génération de ces
contrats sera portée à 5,6 milliards de francs, ce qui est appréciable.
Mais le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer doit évidemment s'apprécier
dans le contexte plus général dans lequel il s'inscrit : celui de l'effort
global de l'Etat en direction des départements d'outre-mer et des collectivités
territoriales, effort qui augmente de 9,6 % pour atteindre un peu plus de 50
milliards de francs ; celui du document unique de programmation 2000-2006 dans
lequel l'Europe va engager plus de 21 milliards de francs ; celui de la loi
d'orientation dont le seul volet concernant les exonérations de charges
patronales représentera un effort budgétaire de quelque 3,2 milliards de francs
par an ; celui, enfin, du nouveau dispositif de soutien fiscal à
l'investissement qui devrait maintenir un effort budgéraire du même ordre que
le dispositif précédent mais qui, grâce à des avantages fiscaux mieux étudiés
et plus favorables aux entreprises locales, devrait avoir un effet de levier
plus efficace sur l'économie.
Ce sont donc, il faut le souligner, des masses financières particulièrement
importantes qui vont pouvoir être mises au service du développement des
départements d'outre-mer. Pour qu'elles portent tous les fruits attendus, il
reste évidemment à souhaiter que tous les acteurs concernés, tant privés que
publics, fassent preuve en la matière du plus grand dynamisme.
Avant de terminer mon intervention, je voudrais, monsieur le secrétaire
d'Etat, attirer votre attention sur trois dossiers qui m'apparaissent
particulièrement préoccupants.
Il s'agit premièrement des transports interurbains. Vous connaissez l'acuité
du problème posé par un grand nombre d'artisans transporteurs qui demandent,
compte tenu de leur âge, une cessation d'activité.
Faire droit à leur demande légitime, c'est évidemment faciliter la réduction
du nombre de véhicules en circulation et donc contribuer à rationaliser le
système. Mais cela nécessite la mise en place d'un important volet social qu'il
est absolument indispensable de faire figurer dans le futur texte annoncé à
l'article 19 de la loi d'orientation.
Le deuxième dossier concerne les recettes des collectivités locales des
départements d'outre-mer. Celles-ci apparaissent manifestement de plus en plus
insuffisantes au regard des besoins à satisfaire et même des seules obligations
légales à assumer.
Je me contenterai de citer un exemple relatif au conseil général que je
préside : avec une dotation générale de décentralisation de 477 millions de
francs, il nous faut couvrir 800 millions de francs de dépenses d'aide sociale
!
Il faudra bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une telle situation fasse
l'objet d'une évaluation sérieuse afin que des solutions appropriées puissent
le plus rapidement possible être mises en oeuvre.
Le troisième dossier concerne la filière de la banane. Je sais que vous avez
obtenu de la commission européenne qu'elle inscrive en priorité le dossier de
l'Organisation commune des marchés à l'ordre du jour de ses travaux, afin de
bénéficier de la période de la présidence française.
Mais cela ne suffit pas - vous le comprenez, je pense - à calmer les légitimes
inquiétudes des professionnels de ce secteur. Il importe donc que le
Gouvernement maintienne une pression constante sur ses partenaires européens
pour éviter l'effondrement d'une filière dont on connaît actuellement
l'importance économique dans nos départements antillais.
Puisque j'évoque l'Europe, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous
interroger. Le Gouvernement a déposé, au mois de décembre 1999, un mémorandum.
Depuis, nous attendons des mesures d'application de l'article 299-2 du traité
d'Amsterdam relatif aux régions ultrapériphériques.
A quelques jours du sommet de Nice et à un mois de la fin de la présidence
française de l'Union européenne, pouvez-vous m'indiquer l'état d'avancement du
dossier, c'est-à-dire les mesures d'application qui sont envisagées par la
Commission pour permettre la mise en oeuvre concrète de l'article 299-2 du
traité d'Amsterdam dont l'objet, nous le savons, est de mettre en place les
dispositions particulières visant à compenser les handicaps structurels des
régions ultrapériphériques ?
Le projet de budget que vous soumettez à notre examen, monsieur le secrétaire
d'Etat, est indiscutablement bon, et je le voterai évidemment sans
hésitation.
Il s'inscrit par ailleurs, et fort heureusement, dans un effort budgétaire
global qui, par son ampleur, et quelles que soient les insuffisances que l'on
peut relever ici et là, ne laisse pas beaucoup de prises aux critiques de
l'opposition, ...
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Si !
M. Claude Lise.
... en dehors des critiques systématiques dont certains se font, on le sait,
une spécialité.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Oh là là !
M. Claude Lise.
Mais l'ampleur d'un effort budgétaire ne suffit pas à garantir l'efficacité
d'une politique, et, dans les départements d'outre-mer, nous le savons mieux
que beaucoup d'autres.
C'est pourquoi je préfère, en conclusion, saluer essentiellement la nouvelle
démarche qu'a choisi d'adopter l'actuel gouvernement et qui, à côté du
développement des territoires, vise à répondre à la demande de responsabilités
et de dignité des femmes et des hommes.
C'est cette démarche qui, avant tout, suscite une très grande attente dans nos
départements d'outre-mer et qu'il s'agit de ne décevoir à aucun prix.
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à
structure constante, le projet de budget pour l'outre-mer s'élève à 6,7
milliards de francs pour l'année 2001, en augmentation de 6,2 %.
Ce pourcentage paraît satisfaisant, mais il est trompeur.
Ainsi, les crédits en faveur de l'emploi et de l'insertion augmentent
comptablement de 372 millions de francs, représentant 94 % de la hausse globale
du budget. On aurait donc pu s'attendre à ce que le Gouvernement s'attaque
enfin sérieusement au fléau qui mine les départements d'outre-mer : je veux
parler du chômage et, en particulier, du chômage des jeunes.
Hélas ! non. Si 214 millions de francs de plus sont consacrés aux
emplois-jeunes, cela ne veut pas dire que le nombre des nouveaux contrats va
sensiblement augmenter : 3 000 contrats de plus, soit moins de 1 500 pour la
Réunion, ce chiffre étant à comparer aux 10 000 jeunes arrivant chaque année
sur le marché du travail dans mon île.
L'importance réelle, mais relative, des crédits consacrés aux emplois-jeunes
cache, en outre, un difficulté majeure : la situation des jeunes non diplômés
qui, à la Réunion, ne sont pas concernés par le dispositif emplois-jeunes.
En effet, ces contrats emplois-jeunes sont, par sélection naturelle, tous ou
presque tous confiés aux jeunes diplômés. Et les non-diplômés, qui sont les
plus nombreux, doivent se répartir les miettes, c'est-à-dire les contrats
emploi-solidarité, les contrats d'insertion par l'activité, les contrats
emplois consolidés et les contrats d'accès à l'emploi, dont les volumes
stagnent ou régressent !
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, vous pouvez avancer une baisse de 2 %
du chômage à la Réunion. Mais peut-on vraiment se réjouir d'un tel « succès »
quand notre taux de chômage de 36 % demeure, et de loin, le record en France en
la matière ?
Que dire aussi de la précarité des emplois-jeunes et des nombreux contrats
emplois consolidés qui arrivent à expiration ? Ces « bombes sociales » que
sont les contrats emplois-jeunes et les contrats emplois consolidés arrivant à
expiration dans quelques mois vont bientôt exploser, car, en réalité, rien
n'aura été entrepris pour pérenniser ces emplois, que les budgets de nos
collectivités locales ne peuvent pas supporter.
Ces nombreux jeunes nous interpellent quotidiennement, monsieur le secrétaire
d'Etat, car ils voient chaque jour leur horizon se noircir un peu plus.
Je le répète, la solution est ailleurs. Il faut absolument s'attaquer
sérieusement au problème du chômage des jeunes de l'outre-mer pour un programme
spécifique, justifié par la situation alarmante de ces territoires.
Il faut redéployer une grande partie des crédits disponibles vers le secteur
productif, afin que les jeunes soient véritablement formés et que, à vingt-cinq
ans, ils ne soient pas condamnés à l'assistance que, comme ils me le disent
tous les jours, ils refusent !
Je vous renvoie ici à la proposition de loi n° 134 que j'ai déposée en
novembre 1997, qui proposait des solutions autofinancées à cette difficulté
majeure. En effet, c'est par la production, notamment pour l'export, que nous
nous en tirerons, et non par des mesures provisoires qui n'ont pour but que de
reporter la difficulté à plus tard...
Concernant le logement, j'ai noté avec satisfaction, monsieur le secrétaire
d'Etat, que, malgré la chute de la créance de proratisation, les crédits
affectés au logement social ne baissaient pas, du moins en autorisations de
programme.
Cet effort, réel, du Gouvernement ne doit toutefois pas cacher l'insuffisance
globale des crédits affectés : 11 300 logements neufs sont programmés pour
l'ensemble des départements d'outre-mer. Mais, pour la seule Réunion, il nous
en faudrait 10 000 par an pendant dix ans. Le combat pour un habitat digne et
décent est loin d'être gagné !
S'agissant du RMI, nous regrettons que le Gouvernement ait encore refusé
l'alignement immédiat qu'aucun argument sérieux ne justifie aujourd'hui.
Le premier faux argument invoqué est le coût budgétaire : 860 millions de
francs.
Et alors ? Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, que la dépense
publique outre-mer est de 40 % inférieure à celle de la métropole. Je vous
rappelle que les seuls Réunionnais « envoient » en métropole chaque année 1 500
millions de francs liés aux jeux de hasard, dont 500 millions de francs de
taxes.
Je vous rappelle aussi que la suppression décidée de la prime d'éloignement
des fonctionnaires enlèvera plus d'un milliard de francs à l'économie de
l'outre-mer.
Le deuxième faux argument invoqué est le travail au noir.
Certes, et heureusement, dirai-je, le travail au noir existe, car, sans lui,
la marmite aurait explosé depuis longtemps !
Mais on peut étudier des mesures - j'en ai proposé dans ma proposition de loi
précitée - pour permettre de concilier la nécessaire justice sociale, et le non
moins nécessaire respect de la loi.
Je reste quand même optimiste au sujet de cet alignement des prestations
sociales. Les élections arrivent à grands pas, et la population des
départements d'outre-mer, de la Réunion en particulier, saura vous obliger
bientôt, monsieur le secrétaire d'Etat, à mettre en oeuvre cet alignement dans
un délai acceptable. Pourquoi pas au 30 juin 2001 ? Rendez-vous est pris.
Vous aimez beaucoup citer le Président Chirac quand cela vous arrange. Je vous
rappelle donc que M. le Président de la République s'est dit favorable à cet
alignement.
Je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'inscription d'une somme de
21 millions de francs à votre budget au titre de la coopération régionale.
L'idée d'inscrire les départements d'outre-mer dans leur environnement régional
est intéressante, mais il faut aller plus loin pour aider les populations
étrangères environnantes à vivre mieux chez elles.
Dans l'océan Indien, l'embargo criminel organisé par l'Organisation de l'unité
africaine, dont l'efficacité est patente, embargo soutenu par la France depuis
Mayotte, asphyxie l'île d'Anjouan, avec des conséquences dramatiques sur les
plans humanitaire, économique, écologique et social.
Nous, Français, nous sommes complices de ces exactions, contraires aux droits
de l'homme.
Des barques, fabriquées pour six personnes, mais qui en contiennent jusqu'à
quarante, chaque soir - je dis bien « chaque soir » ! - quittent Anjouan pour
l'« eldorado » mahorais. Et la France, hypocrite, ne compte que les morts
survenues dans le calme et bleu lagon de Mayotte, fermant volontairement les
yeux sur les centaines - j'insiste sur ce chiffre - de cadavres de jeunes, de
mères de famille, qui pourrissent dans les eaux comoriennes et
internationales.
Avec cette immigration illégale, Mayotte, qui compte aujourd'hui 160 000
habitants dont 50 000 Anjouanais, au dire du préfet, en comptera 250 000 en
2010 et 350 000 en 2020, dont peut-être 150 000 étrangers, et ce pour une île
de 400 kilomètres carrés. Où allons-nous, monsieur le secrétaire d'Etat ?
J'ose espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que des fonds de coopération
seront utilisés pour aider ces gens-là à vivre mieux chez eux, et non pour
faire de la belle île de mon excellent collègue Marcel Henry un camp
retranché.
Les Anjouanais ne sont pas des nomades. S'ils quittent leur île, c'est qu'ils
ont faim, qu'ils sont malades, et ce en partie à cause de la France, qui
soutient l'embargo criminel de l'Organisation de l'unité africaine.
Il faut pour cette population une aide médicale, une maternité, des semences,
des vaccins pour les enfants, les mamans et le cheptel qui est en train d'être
décimé par le charbon et par la douve !
Cela coûtera très, très nettement moins cher que d'envoyer des gardes mobiles
à Mayotte, territoire qui détient, je pense, le record de France des
expulsions.
Puisque l'occasion m'en est donnée, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais
vous dire, s'agissant de l'épineux problème du créole à l'école, que, là
encore, comme pour la bidépartementalisation, les familles réunionnaises, n'en
veulent pas.
Un sondage, paru ce matin même dans le journal de l'île de la Réunion -
décidément, vous n'avez pas de chance avec les sondages ! - montre en effet que
seuls 47 % de la population sont favorables à votre projet et que 30 %
seulement des Réunionnais et des Réunionnaises voient dans l'enseignement du
créole à l'école une aspiration authentique de la population.
Votre projet accroîtra la fracture sociale et divisera, là encore, comme pour
la bidépartementalisation, les Réunionnais en deux. Pourquoi cet entêtement
néfaste ?
Votre comportement dans ce domaine n'est pas démocratique, monsieur le
secrétaire d'Etat, et si vous persistez, nous vous ferons reculer sur ce
dossier aussi.
Que l'on se serve du créole pour apprendre le français, d'accord. Mais nous ne
saurons que faire, demain, de jeunes diplômés du CAPES ou de la maîtrise de
créole ! Une telle démarche isolera encore plus mon île et réanimera les
tentations indépendantistes. Est-ce cela que vous voulez ?
Sinon, renoncez, monsieur le secrétaire d'Etat et écoutez la voix de la
population que je représente ici, car c'est la voix de la raison face à celle
de l'aventure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je terminerai mon intervention en vous
rappelant l'urgence qu'il y a à trouver une solution à la situation sociale des
12 000 employés communaux non titulaires.
Tous les six ans, avant les municipales, monts et merveilles sont promis à ces
personnes, dont le dévouement est reconnu. Certes, l'obstacle au règlement de
ce problème est principalement d'ordre financier, mais notre fonction publique
territoriale ne peut plus, au troisième millénaire, accepter en son sein ces «
parias » d'un autre siècle, taillables et corvéables à merci.
Sous ces réserves, qui se veulent constructives, je vous surprendrai, monsieur
le secrétaire d'Etat, en votant votre budget, ...
M. Georges Othily.
Ah !
M. Edmond Lauret.
... premièrement pour ses mesures économiques en faveur de nos petites
entreprises, dans le prolongement de la loi Perben voulue par Jacques Chirac et
imposée par le gouvernement Balladur ; deuxièmement pour saluer votre effort de
stabilisation des crédits en matière de logement social.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on
dit souvent, à juste titre, que le vote du budget est l'acte politique par
excellence, celui qui permet au Gouvernement de rendre compte de son action et
de présenter ses projets, celui où se distinguent normalement, au sein du
Parlement, l'opposition et la majorité, celui qui nous donne l'occasion, dans
nos institutions, d'évaluer les engagements gouvernementaux à la mesure de la
réalité dans nos collectivités locales.
En application de cette conception du débat budgétaire, je suis obligé de vous
faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, de mon ferme désaccord avec l'action
du Gouverment à Mayotte.
Je précise d'emblée que cette opposition ne vous vise personnellement en rien
puisque vous venez d'entrer en fonction, que vous nous laissez espérer - ce que
vous me confirmerez peut-être aujourd'hui - une très prochaine visite dans
notre île et que l'une de vos premières annonces aura été relative à
l'augmentation de notre programme de constructions scolaires.
Je n'ai donc aucun préjugé à votre égard, mais l'action gouvernementale n'est
pas divisible et je veux dire très clairement ici que, pour Mayotte, elle est
mauvaise : mauvaise quant au débat sur le statut, mauvaise quant au financement
du développement, mauvaise quant à la situation économique et au climat social
qui en résultent.
Notre débat intervient comme pour ponctuer une année marquée par de nombreux
épisodes de la confrontation sur la question du statut de Mayotte.
Voilà un an, votre prédécesseur, après deux ans et demi d'expectative, lançait
à la hussarde une consultation du conseil général et des conseils municipaux
pour engager le processus de consultation de la population et jeter à la trappe
la départementalisation de Mayotte, réclamée par la population depuis quarante
ans, promise par la loi depuis vingt-quatre ans et par les deux responsables de
l'exécutif plus récemment.
C'était un mauvais coup, et il a réussi. Pour l'heure, à force de divisions
organisées, de manoeuvres, de pressions, d'alliances incongrues, d'amalgames et
de fausses promesses, on a réussi à convaincre une majorité de Mahorais
d'approuver l'accord passé en janvier dernier entre le Gouvernement et trois
partis politiques locaux.
Pour parvenir à ce résultat, on a pris tant d'engagements devant la
population, on a - disons les choses nettement - tant travesti la vérité qu'il
faut bien aujourd'hui déchanter.
Les réunions que vous avez provoquées à Paris pour élaborer le projet de loi
sur le futur statut de collectivité départementale en ont révélé la réalité.
Il s'agit d'un statut hybride, désavantageux à tous égards, et dont il faudra
évaluer, le moment venu, la conformité improbable à la Constitution.
Aucun des avantages individuels et collectifs du statut départemental n'y
figurera ; nous en subirons, en revanche, les inconvénients.
Le seul objectif de ce statut est bien de permettre ce que le Gouvernement a
affirmé être une priorité, c'est-à-dire l'insertion de Mayotte dans son
environnement régional ou, pour parler franchement, son rapprochement politique
avec les Comores, ce que les Mahorais refusent avec la dernière énergie.
Telle est la réalité de votre projet de loi, et la population, à laquelle on
avait tant promis, comprend brutalement ce que, pour sa vie quotidienne, le
statut de collectivité départementale signifie.
L'annonce d'une décentralisation renforçant les pouvoirs, et donc la
responsabilité des élus locaux sans aucun moyen pour y faire face, signifie la
frustration sociale programmée, et celle-ci commence à s'exprimer.
La réforme du système de l'immatriculation foncière se traduit par une
multiplication des frais de mutation et annonce explicitement l'introduction
d'une nouvelle fiscalité communale, alors que les Mahorais, à revenu égal,
paient déjà plus d'impôts directs et indirects que leurs compatriotes de
métropole ou des DOM.
Un décalage immense entre le discours sur la répression et l'immigration
clandestine ou le travail clandestin et la pratique quotidienne du
laisser-aller, ou même de l'encouragement de ce mouvement, submerge et ruine
tous les équilibres sociaux de Mayotte et tend, de façon résolue, à effacer la
singularité de son destin politique.
Voilà tout ce que les Mahorais retiennent aujourd'hui du projet de nouveau
statut dans l'ordre juridique !
Au moins pourraient-ils être rassurés si la contribution financière de l'Etat
leur démontrait, pour les engagements anciens, ou leur annonçait, pour les
débuts du futur statut, une réelle volonté de les amener, même progressivement,
même avec des adaptations, au niveau des départements d'outre-mer. Il n'en est
rien !
En février dernier, votre prédécesseur est venu à Mayotte pour y faire la
publicité - je devrais dire la propagande - de son projet de collectivité
départementale. Il a, plusieurs fois, annoncé qu'au titre du plan Mayotte
bénéficierait d'une enveloppe, jamais atteinte, de 4 milliards de francs.
Cette présentation de l'engagement de l'Etat n'était pas loyale : elle
laissait entendre que la dotation de 4 milliards de francs était liée au vote
des Mahorais sur le statut, ce qui était faux ; elle occultait la disparition
de la convention spécifique Etat-Mayotte qui, à côté du contrat de plan,
permettait jusque-là de rattraper un peu de notre retard ; elle amalgamait des
crédits d'investissement et des dépenses de fonctionnement sans rapport avec
les règles habituelles de la planification ; elle annonçait l'abondement des
crédits d'Etat par l'intervention à Mayotte des fonds structurels européens ;
alors qu'on sait aujourd'hui que cette perspective n'existe pas ; elle
semblait, surtout, annoncer des financements immédiats.
Qu'en est-il ? Aucun financement au titre du plan commençant au 1er janvier
2000 - et qui n'a été signé qu'en septembre - n'est mis en place ni ne le sera
prochainement : le préfet de Mayotte vient d'annoncer que les premiers effets
s'en feraient peut-être sentir au second semestre de 2001, voire plus tard.
Les entreprises n'ont plus de commandes. Elles sont contraintes de débaucher
massivement. Les deux plus gros entrepreneurs du secteur du bâtiment et des
travaux publics sont obligés de reprendre à leurs sous-traitants locaux les
marchés qu'ils leur abandonnaient jusque-là avec parcimonie. Les délais de
réalisation des constructions publiques, raccourcis par le retard dans la mise
en place des crédits, imposent le recours à des matériaux, à des matériels, à
des techniciens et à des savoir-faire importés au détriment des entreprises
mahoraises.
Du fait de cette véritable syncope dans notre développement, plusieurs
institutions sociales importantes sont bloquées par le patronat et par un
syndicat ouvrier qui refusent cette situation. Il en va ainsi de la médecine du
travail, de la formation professionnelle, de la commission consultative du
travail et, peut-être demain, de la caisse de prévoyance sociale.
Cette situation illustre le fait que la paritarisme social, par ailleurs tant
prôné à Mayotte, ne fonctionne pas lorsqu'il n'y a rien à redistribuer,
lorsqu'il n'y a pas de grain à moudre.
La population, elle, découvre avec stupéfaction, puisqu'on lui avait dit et
promis le contraire, que votre projet de loi statutaire ne comportera aucune
disposition sur la hausse et l'alignement du SMIC, l'indemnisation du chômage,
l'alignement des allocations familiales, le relèvement des retraites à un
niveau décent, l'intégration des fonctionnaires locaux dans des cadres d'Etat,
la création, même progressive, du RMI, l'instauration de l'allocation de parent
isolé - que les femmes mahoraises sont obligées d'aller chercher en métropole
ou à la Réunion - ou encore la création d'une véritable allocation scolaire.
Il n'y a rien de tout cela dans le projet de loi statutaire. La collectivité
départementale était un mirage, et la population commence à gronder, comme le
font déjà les entreprises.
En une année, l'action - ou quelquefois l'inaction - du Gouvernement a, en
effet, perturbé profondément le climat économique et social de Mayotte.
Les entreprises ne sont pas seulement inquiètes à raison de la conjoncture
budgétaire, elles sont plus largement préoccupées de leur avenir même.
Mayotte est livrée en pâture aux appétits extérieurs. Le discours officiel
porte sur la responsabilité des Mahorais, sur leur prise en charge en qualité
d'acteurs de leur propre développement, mais la réalité est exactement inverse.
Tandis qu'à tous les niveaux de l'encadrement public les fonctionnaires
expatriés supplantent les jeunes cadres mahorais, des pans entiers de
l'économie sont offerts à des entreprises extérieures, notamment réunionnaises.
Le développement très intempestif de la grande distribution profite à la
Réunion ; la privatisation du service des hydrocarbures, qui fonctionne bien et
qui rapporte de l'argent au budget local, est prévue au profit d'une entreprise
réunionnaise ; l'importation de matériaux de construction ou l'usinage du riz,
secteurs où travaillent depuis longtemps des entreprises mahoraises, doivent
être - nous dit-on - rééquilibrés en faveur de nouveaux acteurs réunionnais,
qui n'ont pris aucune part aux risques économiques et politiques du passé.
Libéralisation et privatisation des services publics sont, à Mayotte, les
dogmes étranges du Gouvernement, à condition qu'elles profitent à la Réunion,
dont les patrons créent aujourd'hui trois sur quatre des entreprises nouvelles
de Mayotte. C'est au point qu'un mensuel de Saint-Denis a pu récemment titrer :
« Mayotte : le nouvel Eldorado des Réunionnais ».
Les entrepreneurs mahorais voient également se détériorer rapidement le climat
social, jusque-là relativement paisible. Les frustrations, les déceptions et
les exigences sont à la mesure des promesses qui ont été faites. Notre préfet
ne craignait pas de déclarer, dans un journal local, la semaine dernière : «
Pendant la campagne pour la consultation, les candidats ont fait beaucoup de
promesses, aux citoyens aujourd'hui de leur demander des comptes. »
Qui a encouragé les signataires de l'accord de janvier avec le Gouvernement à
faire ces promesses ? Qui a alimenté les ambiguïtés et les équivoques sur le
contenu financier et social du nouveau statut ? Qui a laissé entendre que le
seul vote du 2 juillet provoquerait un déferlement d'argent et d'emplois à
Mayotte ? Qui donc, si ce n'est le Gouvernement et ses alliés locaux ?
Aujourd'hui, Mayotte, ancien volcan par la géologie, est animée par une lave
sociale brûlante et potentiellement éruptive. Les revendications les plus
légitimes - adductions d'eau, transport scolaire - n'étant pas satisfaites,
elles donnent lieu à des barrages routiers incessants, accompagnés
d'affrontements physiques entre les forces de l'ordre et la population. Voilà
deux semaines, les stagiaires des organismes de formation professionnelle
étaient descendus dans la rue car il n'y avait plus de crédits pour payer leurs
indemnités de stage. Depuis septembre, une série de grèves incontrôlées a
frappé plusieurs entreprises mahoraises. Les artisans, les agriculteurs, les
petits commerçants menacent, eux aussi, de descendre dans la rue, car ils ont
l'impression que le développement se joue sans eux. Plus généralement, c'est
toute une partie de la jeunesse et toutes les catégories les plus défavorisées
de la population qui ont aujourd'hui le sentiment de se trouver dans une
impasse et d'avoir été trompées.
On pensait que la mise en oeuvre du projet gouvernemental concernant Mayotte
avait été rondement menée. Mais le temps nécessaire pour susciter la
désillusion aura été plus court encore que le temps des illusions
entretenues.
Mayotte réclame aujourd'hui, avec une force chaque jour plus grande, que
soient tenus tous les engagements pris. Or rien n'indique qu'ils le seront.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je voterai contre le projet de
budget que vous nous présentez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est M. Payet.
M. Lylian Payet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une
fois n'est pas coutume, le Parlement aura eu à plusieurs reprises, en cette
année 2000 qui s'achève, l'occasion de se pencher sur la situation de
l'outre-mer : après le vote de la loi d'orientation qui a provoqué de nombreux
débats passionnés, voire passionnels, pas toujours dans l'intérêt exclusif du
développement durable de nos départements d'outre-mer, notamment de la Réunion,
le présent projet de loi de finances prévoit, en son article 12, un nouveau
mécanisme d'aide fiscale à l'investissement qui remplacera, à compter du 1er
janvier prochain, le dispositif actuel, qui venait à échéance.
Il s'agit donc d'une année riche en dispositions en faveur des départements
d'outre-mer, dont certaines, originales, sont inscrites dans la loi
d'orientation. Il convient maintenant de veiller à leur application, au travers
notamment des moyens financiers mis à disposition. Nous comptons sur vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, pour accélérer la mise en oeuvre de tous les
dispositifs, afin qu'aucun retard ne puisse être constaté.
S'agissant du projet de loi de finances pour 2001, les crédits du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer progressent de plus de 6 % à structure constante - c'est
l'affichage - ce qui est nettement plus appréciable que la maigre augmentation
d'à peine 2 % constatée l'an dernier.
Mais cette évolution, encore très insuffisante au regard des problèmes que
nous affrontons, s'explique principalement par la prise en compte de la charge
budgétaire supplémentaire liée à la loi d'orientation, soit 325 millions de
francs. Il aurait donc logiquement été inconcevable qu'il n'en soit pas ainsi
!
La priorité donnée à l'emploi et à l'insertion qui est affichée depuis
plusieurs années par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer et qui s'est exprimée
notamment par le vote de la loi d'orientation s'impose en fait comme une
évidence lorsque l'on connaît la situation économique et sociale des
départements d'outre-mer, qui n'arrivent toujours pas à tirer parti de
l'embellie de la conjoncture en France métropolitaine : en 1999, le nombre des
chômeurs n'a ainsi diminué que de 0,3 %, alors qu'il baissait de 5 % en
métropole. Le taux de chômage - structurellement plus important outre-mer et
trois fois supérieur à celui de la métropole - menace directement la cohésion
sociale, favorise la délinquance des jeunes et engendre un certain « mal-vivre
».
Les crédits alloués au financement des actions tendant à favoriser le
développement de l'emploi sont regroupés au sein du FEDOM, qui représente près
de 40 % des crédits du ministère. Ce taux, je le souligne, est intéressant. Il
est en outre à noter que les exonérations de cotisations patronales, qui sont
également destinées à encourager les créations d'emploi, sont prises en charge
par le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.
L'augmentation du montant des crédits du FEDOM, qui atteint plus de 25 %, se
justifie principalement par la mise en oeuvre des dispositifs nouveaux créés
par la loi d'orientation, tels que les projets initiative-jeunes, les
allocations de retour à l'activité ou bien encore les congés-solidarité.
Je déplore cependant, comme l'an passé, la stagnation des mesures d'insertion
dans le secteur marchand et la place croissante accordée aux emplois-jeunes.
En effet, les emplois-jeunes, pour utiles qu'ils soient - et je vous rappelle,
mes chers collègues, que, à la Réunion, plus de la moitié des jeunes de moins
de vingt-cinq ans sont au chômage - ne sont qu'un pis-aller, en raison de
l'incertitude qui plane sur la sortie de ce dispositif.
Il conviendrait plutôt de réorienter les crédits vers le secteur marchand,
beaucoup plus productif en termes de création de postes salariés et où les
jeunes trouveront des débouchés. Or le financement des contrats d'insertion par
l'activité, des contrats d'accès à l'emploi, des contrats de retour à l'emploi
et autres contrats emplois consolidés n'absorbe que 22 % des crédits du
FEDOM.
Les mesures d'insertion visant les bénéficiaires du RMI sont financées par une
part de la créance de proratisation, laquelle est destinée à disparaître, en
raison de l'alignement progressif du montant du RMI sur celui qui est en
vigueur en métropole. Cette évolution est injustifiable eu égard à la situation
qui prévaut à la Réunion.
A ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, je réitère la question que je vous
ai posée à mainte reprise, notamment voilà trois semaines, lors du débat sur le
projet de loi d'orientation, à propos du calendrier définitif de cet alignement
programmé sur trois ans.
Vous connaissez mon engagement en faveur d'un alignement immédiat du montant
du RMI sur son niveau métropolitain, au nom du principe de l'égalité entre les
citoyens. Mais le Gouvernement en a décidé autrement ; vous avez cependant
indiqué à plusieurs reprises, vous aussi, que le délai de trois ans était un
maximum et que, d'ici à la fin de l'année, vous annonceriez le calendrier
définitif : êtes-vous en mesure de le faire aujourd'hui, 30 novembre 2000 ?
N'attendez pas trop, monsieur le secrétaire d'Etat. Si votre annonce
intervenait pour les fêtes de Noël, elle serait considérée comme un cadeau. Or
les Réunionnais réclament l'application d'un droit et n'attendent pas de
cadeau, et vous feriez donc un mauvais père Noël.
(Sourires.)
Une autre part de la créance de proratisation du RMI vient alimenter la LBU,
la ligne budgétaire unique, destinée à financer le logement outre-mer, seconde
priorité de ce projet de budget.
Or, force est de constater que l'augmentation apparente des crédits de la LBU
ne résulte en fait que de la compensation de la baisse de la créance de
proratisation, ce qui signifie qu'aucun effort supplémentaire ne sera consenti
en ce domaine. C'est un habillage cousu au gros fil qui ne trompe personne.
Pourtant, la situation du logement dans les DOM est toujours aussi gravement
préoccupante. Savez-vous, mes chers collègues, que, à la Réunion, pour faire
face à l'évolution démographique, il faudrait construire, d'ici à 2010, 90 000
logements sociaux nouveaux, soit une moyenne de 10 000 par an ? Mais, l'an
dernier, seuls 5 000 logements ont pu être construits. Savez-vous que la
pénurie de logements entraîne une inflation des loyers, dont les montants sont
comparables, dans certaines villes de la Réunion, à ceux qui sont pratiqués
dans la région parisienne ?
Outre ces domaines prioritaires que sont l'emploi et le chômage, je
souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, évoquer brièvement, en me
contentant de les énumérer car vous les connaissez déjà, d'autres problèmes qui
se posent à la Réunion et que, je l'espère, vous aurez à coeur de résoudre
rapidement, avec l'aide de vos collègues du Gouvernement.
Je voudrais d'abord évoquer le statut des employés communaux : dans mon
département, 13 000 agents des collectivités locales ne sont pas titulaires de
la fonction publique territoriale. Une solution doit être trouvée avec les
maires, qui sont eux aussi responsables de cette situation.
Je voudrais aussi parler de la pêche, secteur menacé par les quotas imposés,
qui privilégient en fait nos voisins.
Je voudrais enfin mettre l'accent sur la situation de nos prisons, indigne de
la patrie des droits de l'homme.
En conclusion, je dirai simplement que ce projet de budget, malgré ses
imperfections et ses insuffisances, donne à la future loi d'orientation pour
l'outre-mer les moyens d'être mise en application et que, à ce titre, il ne
saurait être rejeté.
Je le voterai, en regrettant toutefois que la bidépartementalisation...
MM. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis,
et Georges Othily.
Ah !
M. Lylian Payet.
... ne soit pas au rendez-vous. Je suis en effet de ceux qui pensent que la
synergie qu'aurait permise la conjonction du budget pour 2000, des dispositions
de la loi d'orientation et de la bidépartementalisation aurait été très
profitable au développement durable de notre île, objectif que, tous, nous
cherchons à atteindre. Des intérêts politiques partisans ont changé la donne,
et je le regrette. Monsieur le secrétaire d'Etat, voici donc ma dernière
question : avez-vous « enterré » la bidépartementalisation, ou est-elle encore
d'actualité ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la
présidence.)PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez
contient incontestablement des mesures intéressantes. Cependant, ces mesures,
aussi intéressantes soient-elles, sont nettement insuffisantes. Je ne fais pas
d'obstruction systématique, vous le savez, mais je suis également incapable de
flatterie systématique : cette disposition ne fait pas partie de mon patrimoine
génétique.
(Sourires.)
Je prône et j'emploie le langage de la vérité, surtout
lorsqu'il s'agit de l'outre-mer.
Vous venez de vous en rendre compte, monsieur le secrétaire d'Etat, les
problèmes de la Guyane ne sont pas ceux de la Martinique, ni ceux de la
Guadeloupe, ni ceux de la Réunion ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, et je
pourrais multiplier les exemples pour le montrer.
Nous étions en droit d'espérer, après les déclarations importantes de votre
prédécesseur, qu'une volonté politique émane de ce projet de budget. Or, comme
l'a dit tout à l'heure M. Othily, nous sommes face à un budget technique et
sans ambition.
Il masque des vérités et il prévoit, certes, des augmentations. Mais que
croyez-vous que ces augmentations puissent faire à un ouvrier agricole de
Marie-Galante qui vit dans une case sans eau, sans électricité, tandis que sa
fille, au lycée, travaille sur Internet ? Nous pouvons bien jongler avec les
chiffres, pour lui, la réalité reste cruelle : il est exclu et il ne voit pas
le chemin qui lui permettra d'échapper à cette indignité.
On parle de responsabilité, mais je crois que le moment est venu de considérer
les hommes et les femmes de l'outre-mer comme des êtres responsables et
majeurs, qui en ont assez d'être traités comme des enfants ayant besoin de la
tutelle permanente de la métropole.
Sans prôner une rupture des liens qui nous unissent dans la liberté et la
fraternité, il faut reconnaître qu'on ne peut pas gérer la Guadeloupe comme on
gère la région parisienne. Or, ce budget tend à intégrer les départements et
territoires d'outre-mer dans une sorte de droit commun. Pourquoi ?
En matière de défiscalisation, c'est, certes, le droit de ce Gouvernement
comme de tout autre de changer de texte, de passer de la loi Pons à la loi
Paul. Mais un examen plus attentif fait apparaître que vous décidez de mettre
en place 50 % d'exonération pour l'ensemble du territoire de la Guadeloupe.
Selon M. le secrétaire d'Etat, c'est pareil. Selon moi, pas du tout !
Jarry, qui est situé dans une zone attractive, n'a pas les mêmes besoins que
Marie-Galante !
Il fallait cibler le dispositif de défiscalisation, en prenant en compte
l'aménagement du territoire et en prévoyant les zones prioritaires de
développement qui s'imposaient. Cela n'a pas été fait.
Par ailleurs, quelle politique ce budget propose-t-il en matière d'emploi ?
Certes, vous vous targuez d'une augmentation. Mais vous savez très bien,
monsieur le secrétaire d'Etat, que le FEDOM est géré par vous, et que nous n'y
avons pas accès !
On annonce une augmentation de 100 millions de francs pour l'emploi. Mais 100
millions de francs pour l'ensemble des départements d'outre-mer, cela ne
représente rien !
Il y a deux philosophies. Il y a celle qui consiste à pratiquer outre-mer une
politique d'assistanat, avec un RMI qui engendre le non-travail, le jeu, la
violence... C'est la politique actuelle. Et il y a une politique en faveur de
la dignité, qui consiste à remettre nos compatriotes au travail.
Comme M. le rapporteur l'a souligné dans son excellent rapport - et j'avais
l'impression qu'il connaissait l'outre-mer parfaitement - plus on prend des
mesures sociales attractives, plus on attire vers nous les habitants des îles
les plus pauvres de la Caraïbe, ils viennent chez nous, où les conditions
d'installation sont très simples ; pour se faire soigner dans nos hôpitaux,
pour bénéficier des avantages que la France accorde.
Toute cette faune venue de la zone hollandaise, on la retrouve sur nos
trottoirs ! A Pointe-à-Pitre, par exemple, vous avez intérêt à appeler une
prostituée et lui donner cent balles... pour qu'elle surveille votre
voiture.
Voilà la situation de non-droit dans laquelle on se trouve outre-mer ! Et tout
cela, avec la bénédiction de l'Etat et sous son contrôle !
Quand j'achète des rosiers à Paris et que je les emporte en avion, en
Guadeloupe, par décision du ministère de l'agriculture, je dois les remettre à
la douane pour contrôle ! Mais les Haïtiens entrent chez moi avec de la banane,
de la patate douce, des citrons, sans aucun contrôle ! Ils vendent de la
marchandise notoirement volée sur le trottoir, sans aucun contrôle ! Et sous la
marchandise, il y a la drogue, il y a le crack, il y a de tout... toujours sans
aucun contrôle !
A la moindre revendication, au moindre désordre, une troupe de gens envahit
les rues.
Et lorsque l'on essaie de tenir dans ce département un langage réaliste, on se
fait traiter d'indépendantiste. Votre prédécesseur m'a traitée
d'indépendantiste parce que j'ai essayé d'instaurer dans mon département un
langage de vérité, parce que j'ai dit qu'il y en avait assez de séparer nos
compatriotes en deux catégories : ceux qui ont le monopole de la vérité et ceux
qui ne comptent pas. Je considère que tout le monde a sa part de vérité.
Que constatons-nous ? Nous constatons que vous êtes prêt à partir tout de
suite à la Réunion parce qu'il y a du désordre, qu'un projet de loi est élaboré
pour la Corse parce que, là-bas, on tue des préfets. Mais lorsque nous, nous
essayons, dans la sagesse et la sérénité, de bâtir par nous-mêmes un projet, on
nous prend pour des mineurs et l'on semble nous dire : vous ne pouvez pas bâtir
un projet pour l'outre-mer ; laissez-nous faire !
Eh oui, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est ce que j'ai entendu ! Et quand
votre prédécesseur a dit que la loi d'orientation, c'était Delgrès et
Schoelcher qui étaient revenus, toute la population a ri, même les gamins de
six ans. Il faut tenir compte des mutations !
La mutation, elle ne se produit pas seulement en métropole ! Elle est encore
plus forte chez nous, et ce pour deux raisons. D'une part, nous sommes dans la
Caraïbe et la présence américaine n'y est pas négligeable. D'autre part, nous
sommes attachés, plus qu'ailleurs, à l'authenticité de nos racines.
Donner le RMI à certains, prévoir quelques mesures pour des acteurs
socioprofessionnels, c'est très bien ! Mais pour régler le problème de fond du
chômage, il faut arrêter ce système pervers du RMI, qui engendre le travail au
noir. Des planteurs de bananes ou de canne sont eux-mêmes RMistes et font venir
des Haïtiens pour couper la canne ou cueillir la banane. Voilà comment se pose
le problème en Guadeloupe !
Et ceux qui osent tenir ce langage, on essaye de leur taper dessus. Je crois
pourtant que le courage c'est de dire la vérité. Le courage d'affronter la
réalité des problèmes, aujourd'hui, c'est une vertu politique. Le camouflage
n'aura jamais un résultat positif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous continuez à distribuer le RMI pour que
les gens jouent au loto et aux dominos, et que l'argent retourne en métropole,
vous annihilez tout esprit de créativité.
Il n'y a plus d'artistes. Il n'y a plus de chanteurs. Il n'y a plus rien. Plus
personne ne crée : on attend le facteur. Si c'est cela votre politique, je ne
peux pas être d'accord, parce que je suis, moi, partisante du travail. Je pense
que c'est encore une valeur sacrée, une valeur qui permet à l'homme de se
rendre compte jusqu'où il peut aller.
Ce qui me fait plus mal encore, c'est la destruction de la famille, les
atteintes très graves qui sont portées à l'un des piliers les plus forts de la
société guadeloupéenne, la famille.
La femme est un support indiscutable, et nous allons le démontrer aux
prochaines élections. Nous allons montrer que des femmes, en Guadeloupe, sont
déterminées à se battre pour la paix et la sécurité.
Comment tolérer que, devant les écoles, des gamins de neuf ans se « shootent »
et que la réponse soit : il n'y a pas assez de policiers ? Est-ce une solution
?
Comment accepter que les crédits en faveur du sport aient diminué, monsieur le
secrétaire d'Etat ? Pourquoi nous empêcher d'affronter dignement la Jamaïque,
alors que nous faisons flotter le drapeau français et résonner
la
Marseillaise
dans les compétitions internationales qui ont lieu dans la
Caraïbe ?
Laura Flessel est originaire de Guadeloupe, que je sache. Et je pourrais citer
bien d'autres noms de sportifs fameux.
Les crédits consacrés au sport sont des crédits extrêmement importants, parce
que le sport est un facteur de réinsertion de ceux qui se sentent exclus et qui
ont besoin de vivre à travers cet espoir que représente le sport. Pourtant, ces
crédits, ils diminuent, et j'en suis désolée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux aussi vous faire part publiquement - et
je prends mes responsabilités - du sentiment de mépris qu'ont ressenti nos
compatriotes à Sydney quand la Fédération française a traité avec un peu de
dédain nos entraîneurs antillais. Ce sont les entraîneurs antillais qui ont
fait Laura Flessel, Christine Aron et les autres ! Ce n'est pas parce qu'on est
une vedette de télévision qu'on entraîne mieux les jeunes ! Ce comportement
aussi est inacceptable. C'est ce comportement également qui crée un climat
inacceptable en métropole.
En matière d'éducation, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la région
Guadeloupe reste très pénalisée - j'ignore pourquoi - bien que le Gouvernement
fasse une très grande publicité en faveur de ses lycées lorsque les étudiants
manifestent.
On nous a promis des prêts à taux zéro. Nous avons déposé ce que nous croyions
être un excellent dossier pour un lycée de plus de 6 000 élèves ; les rapports
de la commission technique indiquent que cet établissement présente un danger ;
pourtant, nous ne parvenons pas à obtenir un prêt pour le scinder.
Je voudrais également parler de la politique du logement.
Tous mes collègues jugent que 11 000 logements c'est peu. Pour ma part, je
dirai plutôt : simplifiez les procédures, rétablissez au plus vite la formule
du guichet unique qui permettait aux demandeurs de logement, aux constructeurs,
au BTP de travailler ensemble.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas l'habitude de pleurnicher, et je ne
le ferai pas davantage aujourd'hui. Pourtant, vous refusez d'admettre que la
Guadeloupe est un archipel. Alors que la Corse a toujours bénéficié de la
continuité territoriale avec le continent, la Guadeloupe, qui n'a jamais
réclamé la continuité territoriale avec la métropole, n'a jamais obtenu la
continuité territoriale de Pointe-à-Pitre vers Saint-Martin, Saint-Barthélemy,
Marie-Galante, La Désirade et les Saintes.
L'Assemblée nationale a réaffecté les fonds de transport aux marinas de Gosier
et de Saint-François. Pour notre part, nous déciderons la semaine prochaine
d'affecter ces fonds aux transports publics car nous ne pouvons pas accepter
qu'un ouvrier agricole ou qu'un écolier de Marie-Galante paie 100 francs par
jour pour se rendre à son école ou sur son lieu de travail et que la région
Guadeloupe ne perçoive aucune aide à ce titre.
Je relève également que les crédits de l'outre-mer ne tiennent pas compte de
la réalité des 40 % affectés aux agents territoriaux de nos régions.
Mais il y a mieux, quand on compare avec la Martinique - cela ne doit pas
heurter mes collègues de la Martinique ; loin de moi l'idée de contester leurs
dotations.
Chacun connaît la superficie et la population de la Martinique. Or je constate
que les crédits alloués, par exemple à l'enseignement scolaire, sont proches de
3 milliards de francs pour la Martinique tandis qu'ils n'approchent que les 2
milliards de francs pour la Guadeloupe.
Ne sait-on pas, à Paris, qu'il y a plus d'écoles en Guadeloupe qu'en
Martinique, que la Guadeloupe, c'est Saint-Martin, Saint-Barthélemy,
Marie-Galante, Terre-de-Bas, Terre-de-Haut ? La géographie, on l'oublie !
C'est en raison de toutes ces mesures discriminatoires, du refus de
reconnaître le caractère archipelagique de la Guadeloupe, avec ses conséquences
sur le transport, en raison de la réponse négative sur les lycées et de la
faiblesse de nos dotations que, sans faire d'obstruction systématique, sans
voter contre, je m'abstiendrai sur le projet de budget pour l'outre-mer.
Car ce projet de budget comporte des éléments intéressants, monsieur le
secrétaire d'Etat, et je souhaite me tromper.
J'ai la prétention peut-être - est-ce de l'orgueil ? - de dire que je connais
bien la Guadeloupe, que je connais très bien ma région. Je vous donne
rendez-vous sur place, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous vous rendrez compte
que les mesures que vous avez accordées en matière fiscale et sociale ne vont
pas répondre aux besoins, à l'attente des populations.
Depuis cinq ans, nous avons accordé plus de 300 millions de francs
d'exonération d'octroi de mer à nos entreprises ; cela ne s'est traduit par
aucune création d'emploi. Je suis donc obligée de remettre les exonérations
d'octroi de mer à plat et de les subordonner à la création d'emplois.
Dans nos régions, vous êtes confronté, monsieur le secrétaire d'Etat, à une
situation extrêmement grave. Vous ne pouvez y remédier ni avec des déclarations
intempestives, ni en soutenant un clan contre d'autres clans, ni en multipliant
les interventions des CRS. Le moment est venu d'ouvrir avec l'outre-mer un
dialogue de responsabilité fondé sur la dignité des peuples. La tendance au
paternalisme dominateur ne s'harmonise plus avec la revendication profonde du
respect de l'homme guadeloupéen dans sa dignité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
projet de budget, doté de 6,81 milliards de francs, est en hausse de 6,94 % par
rapport à celui de la loi de finances initiale de l'année en cours.
La progression de 442 millions de francs s'explique par l'important
accroissement des crédits affectés aux emplois-jeunes, ainsi que par les
dépenses prévues dans le cadre du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer,
qui sont regroupées en majeure partie dans l'augmentation des crédits du FEDOM,
lequel enregistre une progression de 26 %, soit 588 millions de francs.
Votre projet de budget sera donc le premier budget de la loi d'orientation
dont le volet économique et social pourra s'appliquer à la collectivité
territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ce n'est sûrement pas la panacée, mais il nous apportera un important soutien
dans l'attente de l'instauration d'une activité économique plus pérenne et qui
devrait être de nature, à condition que tous les bénéficiaires observent la
règle du jeu, à réduire le coût du travail, donc celui de la vie, et à
favoriser l'emploi, qui est notre préoccupation majeure.
Je ne reviendrai pas sur ces mesures qui ont été déclinées et largement
débattues ces derniers temps au Parlement.
Néanmoins, je regrette à ce sujet que le Gouvernement ne se soit pas rallié à
la position votée par le Sénat portant exonération des charges patronales au
seuil de vingt salariés au lieu de dix.
Pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, il aurait également mieux
valu l'intégrer à 100 %. On aurait fait preuve de plus de réalisme si on avait
pris en compte les handicaps qui pèsent sur ce secteur, pas uniquement dans ma
collectivité, cela va de soi.
Je tiens maintenant à insister sur quelques thèmes propres à
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nos difficultés structurelles ne se sont pas aplanies au cours de la décennie
précédente, qui a été marquée, dès son début, par l'effrondement de notre pêche
industrielle.
L'apport de cette dernière en matière d'emploi, de trafic et de manutention
portuaire, ainsi que de bénéfice à l'exportation, n'a pas été remplacé par la
diversification de la pêche artisanale. Même si celle-ci s'est bien développée,
elle reste limitée du fait des quotas que nous attribue le Canada.
Je tiens en l'occurrence à relativiser et à actualiser les données exposées
par le rapporteur M. Rodolphe Désiré. S'il y a eu augmentation des quotas pour
1999, le Canada les a réduits d'un tiers - ce n'est pas rien ! - pour 2000. Et
sur l'ensemble des totaux admissibles de captures, des TAC, pour toute la
région, nous n'avons droit qu'à 16,5 % soit 3 300 tonnes, ce qui représente
huit fois moins qu'en 1989 pour la pêche artisanale et la maigre pêche
industrielle confondue.
Le nombre des demandeurs d'emplois s'est accru de 6 %.
Le déficit commercial s'est accru également et le taux de couverture, qui
s'était effondré à quelques points seulement au milieu de la dernière décennie,
s'est hissé à 13,6 % en 1999, soit bien loin des 48 % de la fin des années
quatre-vingt.
Malgré une saine gestion des finances de la collectivité au cours des six
dernières années, jusqu'en mars dernier, en conjonction avec des initiatives
nombreuses et menées à bien en matière de diversification économique, nos
problèmes de fond n'ont pas été résolus.
La dette a augmenté, le port est vide et l'arrêt de la mise en libre pratique
vers l'Europe, le transbordement douanier, n'a fait qu'aggraver la situation
budgétaire même si telle n'est pas apocalyptique. Les inquiétudes du secteur du
bâtiment doivent être prises en considération.
Sur la pêche, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attends une action forte du
Gouvernement en faveur de la défense de nos intérêts dans les discussions avec
Ottawa sur les quotas, puisque c'est l'élément essentiel depuis l'accord de
1994.
Une nouvelle réflexion doit être amorcée sur cet accord, avec comme objectif,
notamment, le remplacement du chalutier canadien qui pêche pour notre compte,
par un chalutier battant notre pavillon et adapté à la nouvelle configuration
de la pêche dans l'archipel.
En tout cas, lors des prochaines rencontres du conseil consultatif
franco-canadien, il est impératif que la France parvienne à obtenir de nos
interlocuteurs plus de souplesse, en particulier pour permettre à nos navires
de pêcher le quota significatif de thon rouge auquel ils ont droit, et ce dans
des conditions acceptables pour eux.
S'agissant du transbordement douanier, je vous demande, monsieur le secrétaire
d'Etat, profitant jusqu'en janvier prochain de la présidence française de
l'Union européenne, de relancer les feux, Saint-Pierre-et-Miquelon ayant
toujours travaillé dans une transparence totale en la matière. On peut donc
reprendre cette pratique du transbordement douanier.
Venons-en à la défiscalisation. Dans le projet de loi de finances, l'article
12 dessine le nouveau dispositif fiscal propre aux investissements
outre-mer.
En ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, le taux pivot donnant droit à la
réduction d'impôt est porté à 60 % dans un souci de prise en compte de nos
handicaps structurels, principe dont je ne peux que me féliciter.
Sur le champ des investissements éligibles, je note qu'il serait étendu à la
rénovation hôtelière ainsi qu'aux secteurs de l'informatique et des logiciels,
mais qu'en sont exclues les activités d'exportation, qui ont pourtant besoin
d'un soutien vigoureux.
Le nouveau dispositif est favorable aux PME soumises à l'impôt sur le revenu,
notamment du fait du report possible sur quatre ans de la réduction. Mais je
m'interroge sur son impact pour les opérations de faible montant qui demandent
des ressources venant de l'extérieur et qui sont montées par les petites
entreprises à la taille des petites collectivités.
D'ailleurs, en ce qui concerne l'important secteur du logement,
Saint-Pierre-et-Miquelon, tout comme Mayotte et les autres territoires
d'outre-mer, se trouve exclu du nouveau texte.
Il en va de même en matière d'investissements productifs, qui, eux aussi, sont
réservés aux résidents de France.
Ce sont là deux discriminations négatives que comporte aussi le système
actuellement en vigueur.
La spécificité fiscale de la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon constitue un autre obstacle.
Finalement, nous aurons peu accès au nouveau dispositif !
Il y a là un vaste chantier à creuser pour faire émerger une adaptation
profitable à l'archipel qui permettrait d'attirer une épargne défiscalisée mise
à la portée de ceux qui, localement, veulent s'investir et investir pour
développer leur propre économie. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que
vous pourrez nous y aider.
En effet, plus que jamais, la question des investissements est d'actualité
dans l'archipel compte tenu du nouveau contexte généré par la recherche
d'hydrocarbures à notre porte, en zone française, par les compagnies Exxon,
Mobil et Gulf.
C'est la troisième fois que j'interviens à cette tribune pour demander au
Gouvernement de boucler le cahier des charges indispensable à la concession par
l'Etat à la collectivité territoriale de ses compétences en matière
d'exploration et d'exploitation des ressources de notre zone économique
exclusive.
Alors que se déroulent des discussions décisives avec les compagnies
étrangères, il devient urgent que cet objectif soit atteint au plus vite. La
poursuite du projet de construction des trois navires d'assistance aux
plates-formes est suspendue à cette inconnue.
J'en viens à ma deuxième remarque.
J'insiste particulièrement sur la vigilance et le soutien le plus ferme dont
doit faire preuve le Gouvernement s'agissant de l'exigence de réciprocité à
tous égards pour ce qui a trait aux opérations d'assistance aux plates-formes
pétrolières au large de l'archipel, si les tout prochains forages se révèlent
fructueux. Il faut absolument que nos navires puissent circuler dans la zone en
toute liberté et réciprocité. Le renouveau du port de Saint-Pierre en dépendra.
Ce pourrait être un volet important en matière de retombées économiques et
d'emploi.
Ma troisième remarque est suscitée par ces développements potentiels ainsi que
par une actualité maritime récente et concerne l'absence à
Saint-Pierre-et-Miquelon d'une antenne du ministère de l'environnement.
Dans les circonstances que l'on peut prévoir, il me semble important pour le
futur de pallier cette lacune, tout comme il est important, sur un autre plan,
d'accorder une attention particulière à la formation professionnelle des jeunes
en raison des perspectives économiques nouvelles.
Sur le plan social, compte tenu du maintien élevé du taux du dollar, qui
renchérit le coût de la vie et dont dépendent nos importations, j'appelle aussi
votre attention sur la nécessité de revaloriser les retraites du secteur privé,
d'autant que nous sommes en présence d'une « fracture sociale » de plus en plus
perceptible.
Autre question récurrente : la régularisation de la situation des
fonctionnaires, magistrats et militaires en poste à Saint-Pierre-et-Miquelon au
regard de leur couverture sociale, précisément pour leur affiliation à la
caisse de prévoyance locale.
Ce dossier, qui traîne depuis une décennie, a fait l'objet d'un recours devant
la juridiction administrative et le décret qui posait problème, celui du 22
juillet 1999, vient d'être récemment annulé en Conseil d'Etat. Il doit être
remplacé par un nouveau décret, dont le projet a été élaboré par les
représentants des fonctionnaires intéressés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de soutenir leur action auprès
de vos collègues du Gouvernement afin que les nouvelles dispositions souhaitées
constituent une réaffirmation du statut des fonctionnaires en poste dans
l'archipel, ce qui a été totalement ignoré depuis 1991 malgré de nombreuses
interventions.
Je reviens brièvement sur une question qui n'a guère évolué et qui touche le
domaine de l'organisation judiciaire. Il s'agit de l'absence de titulaire à la
présidence du tribunal de première instance de la collectivité.
Cette situation, qui dure depuis des années, ainsi que je l'avais déjà
souligné, n'est pas un facteur favorable à un bon rendu de la justice ;
j'espère que vous contribuerez à la normaliser, en collaboration avec votre
collègue Mme la garde des sceaux.
Enfin, dans le domaine culturel, je veux signaler les problèmes que rencontre
la chaîne Réseau France Outre-mer, à cause de la retransmission de son signal
RFO 1 sur le Canada francophone par l'intermédiaire du câblo-opérateur CANCOM,
à partir de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les menaces de procédure dont elle est
l'objet sont d'autant plus inquiétantes que la retransmission touche près de
300 000 foyers francophones.
Par ailleurs, CANCOM projette de véhiculer, en partenariat avec RFO et Canal
Savoir, les cours de langue française dispensés au Francoforum, notre institut
d'enseignement du français accédité auprès des universités de Caen et de
Poitiers, lequel constitue un pôle majeur en progression du développement de
notre tourisme culturel.
Pour le rayonnement de notre archipel, de notre langue et de notre culture, il
me semble que la « maison mère » de la francophonie, vocable par lequel nos
amis canadiens désignent la France, doit se préoccuper de cette question et
apporter tout son soutien à notre société de radiotélévision d'outre-mer. Dans
ce domaine aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, votre action comptera.
En conclusion, compte tenu des aspects positifs qu'il contient, je voterai
votre projet de budget pour la collectivité territoriale que je représente.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Jean Faure au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier les cinq
rapporteurs, MM. Torre, Désiré, Balerello, Hyest et Nogrix, de leurs rapports,
qui vont au fond des sujets intéressant l'outre-mer.
Nous avons déjà eu l'occasion, voilà quelques jours, d'échanger en commission
nos arguments. Je vais maintenant m'efforcer de répondre à vos principales
observations, et cela conformément au souhait que vous avez exprimé tout à
l'heure, monsieur le président de la commission des finances, celui d'un débat
sincère et direct. Je ferai donc en sorte, au jeu de la vérité, de ne pas être
en retard sur Mme Michaux-Chevry !
Je commencerai bien sûr, puisqu'il s'agit d'une discussion budgétaire, par la
vérité des chiffres. Mais je n'oublierai pas, soyez-en sûrs, la réalité vécue
par les femmes et les hommes de l'outre-mer, car c'est bien cette vérité-là qui
doit fonder notre politique.
Je suis heureux, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous présenter pour la
première fois, aujourd'hui, le projet de budget du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer pour 2001. Il se présente assurément sous de bons auspices et,
au-delà des critiques tout à fait normales et légitimes, et des éléments
d'appréciation que vous avez parfois portés contre ce budget, je me réjouis de
voir que les rapporteurs, à l'exception de l'un d'entre eux, ont appelé votre
assemblée à voter ces crédits et que la plupart des membres du Sénat qui se
sont exprimés ce matin - quel que doive être leur vote dans quelques instants -
ont relevé les progrès marqués par la loi de finances pour 2001 et ont aussi
bien compris qu'il s'agissait de traduire dans les faits ce qui est ressorti de
l'important débat qui a occupé pendant plusieurs mois tant l'Assemblée
nationale que le Sénat, le débat sur le projet de loi d'orientation pour
l'outre-mer.
Je commencerai par répondre très directement à M. Torre.
Selon vous, qu'est-ce qu'un bon budget pour l'outre-mer ?
Ce n'est pas seulement un budget en augmentation, même s'il est important,
voire agréable, pour moi, de rappeler que son taux de croissance, de près de 7
% pour 2001, est le troisième des budgets, après ceux des ministères de la
ville et de l'environnement. Depuis le début de la législature, il a augmenté
de 22 %, à périmètre constant, progression qui est considérable, au-delà des
mouvements d'un budget à l'autre et des changements de nomenclature, dont
certains d'entre vous, à juste titre, ont parfois déploré la complexité. Cette
progression quantitative ne doit donc pas, à elle seule, déterminer votre
jugement et, tout à l'heure, votre vote.
Un bon budget, ce n'est pas non plus seulement une loi de finances qui
comporte de nouveaux moyens pour l'outre-mer, même si ce projet de budget
présente - c'est vrai pour d'autres budgets que celui que je défends devant
vous - des avancées considérables et, je le crois aussi, sans précédent.
Permettez-moi de les rappeler, car elles sont de nature à éclairer les
orientations qui sont désormais les nôtres en faveur de l'outre-mer.
La première concerne le nombre des contrats de plan entre l'Etat et les
régions de l'outre-mer, en nette progression : la plupart sont signés, les
autres vont l'être.
La deuxième est, dans le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité,
une mesure qui sera une formidable bouffée d'oxygène pour les communes
d'outre-mer : l'exonération de charges patronales de sécurité sociale - nous en
avons parlé dans cet hémicycle voilà quelques semaines - dans la limite de 1,3
SMIC. Cette disposition concernera près de 95 % des entreprises de l'outre-mer
et s'appliquera à partir du 1er janvier 2001. C'est bien la preuve, si besoin
était, de la volonté du Gouvernement de s'engager en faveur de l'outre-mer sans
perdre de temps entre les intentions que nous manifestons, le vote du Parlement
du projet de loi qui en résulte et sa traduction concrète dans les départements
d'outre-mer. Cette disposition représentera, dans le budget de Mme Guigou, un
montant en année pleine de 3,5 milliards de francs.
Cet acte législatif majeur que représente la loi d'orientation pour
l'outre-mer, notamment son volet économique et social - nous reviendrons
peut-être tout à l'heure sur son volet institutionnel - est une preuve de plus
de la détermination du Gouvernement. L'inscription dans le budget de l'emploi
de cette mesure est vraiment la traduction la plus visible et la plus massive
du choix politique fait par le Gouvernement dès le budget pour 2001.
Voilà quelques jours, vous avez aussi adopté à l'unanimité, comme à
l'Assemblée nationale - je m'en rejouis d'autant plus que ce sujet a donné lieu
à des polémiques dans le passé -, l'article 12 du projet de loi de finances qui
met en place un nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement se
substituant à la loi précédente, dite « loi Pons ». Ce nouveau régime d'aide
sera plus juste et plus efficace, donc moins critiquable et sans doute plus
durable. Il évitera peut-être que, dans quelques années, au Sénat comme à
l'Assemblée nationale, des parlementaires ne s'opposent de nouveau sur l'idée
même d'un soutien fiscal à l'outre-mer, cela parce que nous aurons su proposer,
après une longue concertation avec le Parlement et les acteurs
socioprofessionnels, un dispositif qui sera aussi, je le crois, un tournant
dans les modalités concrètes du soutien de l'Etat à l'investissement dans les
départements et territoires d'outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si ce budget mérite d'être adopté, c'est
parce que, au-delà de l'effort consenti à travers les crédits et de mon
secrétariat d'Etat et d'autres ministères, c'est parce qu'il permet de répondre
concrètement à des objectifs clairs.
Le premier de ces objectifs, comme je l'ai dit devant vos commissions, c'est,
bien entendu, l'application de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
En effet, monsieur Nogrix, qu'aurait dit le Parlement si, après l'intense
débat qui nous a longuement occupés, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale,
après qu'eurent été affirmées des orientations aussi fortes, le Gouvernement
n'en avait pas tiré la traduction budgétaire dès la loi de finances pour 2001 ?
Il aurait été bien désinvolte à l'égard du Parlement de ne pas donner à
l'outre-mer les moyens de voir se concrétiser les mesures décidées, et ce dès
le début de l'année 2001. Cela vaut pour les allégements de charges patronales,
que j'ai déjà évoquées, mais également pour les autres dispositions, notamment
celles qui visent à soutenir l'emploi et le développement local.
Ainsi, dès le début de l'année 2001, nous serons en mesure, avec les élus et
les forces économiques et sociales de ces départements, de mettre en oeuvre la
loi d'orientation.
Les actions financées par ce projet de budget visent prioritairement au
soutien de l'emploi et du développement économique parce que c'est la première
réponse à l'exclusion.
J'ai bien noté, dans les interventions des uns et des autres, le souhait de
voir, au-delà des nécessaires mesures sociales, la politique du Gouvernement en
faveur de l'outre-mer produire un effet de levier sur un certain nombre de
projets de développement économique. J'évoquerai, à cet égard, les crédits du
FEDOM, qui augmentent de 25 % et qui permettront, comme l'a souligné M. Désiré,
de financer des actions d'insertion ainsi que les nouvelles mesures prévues par
la loi d'orientation.
Il y a là une orientation tout à fait essentielle, dépassant les sensibilités
qui se sont exprimées, dépassant aussi certaines incompréhensions ou
malentendus, car nous unissent une même appréciation des difficultés de
l'outre-mer et une même volonté de les surmonter.
Je ne pense pas, moi non plus, qu'il soit envisageable un instant de faire
l'impasse sur un développement durable pour l'outre-mer.
On ne sait pas assez que les économies de l'outre-mer enregistrent, par
rapport à leur population, des taux de créations d'emplois plus forts que
l'économie métropolitaine. En fait, la crise de l'emploi que connaissent les
départements d'outre-mer depuis plusieurs années, avec des taux de chômage deux
à trois fois supérieurs à celui de la métropole, résulte largement de l'arrivée
sur le marché du travail d'un très grand nombre de jeunes nés pendant la
période de forte croissance démographique, celle des années soixante-dix et
quatre-vingt.
Puisqu'on peut commencer à dresser un bilan de l'action du Gouvernement en la
matière, je dirai que, malgré les handicaps structurels, les actions qui ont
été menées au cours des dernières années ont déjà porté leurs fruits : on
enregistre ainsi une baisse du chômage de 5 % au cours de la dernière année
dans les départements d'outre-mer.
Je suis d'autant plus heureux de le souligner ici que la vision qui est donnée
de l'outre-mer à Paris, non par les parlementaires de l'outre-mer, mais par un
certain nombre de commentateurs ou d'intervenants dans le débat public,
notamment à l'Assemblée nationale, est souvent très « stigmatisante ».
Il existe bien, aujourd'hui, une dynamique de croissance dans les départements
d'outre-mer. Les économies d'outre-mer ont, elles aussi, des domaines
d'excellence, tel le rythme des créations d'emplois, que je viens d'évoquer.
Sans que soit comblé totalement le fossé considérable qui existe, à cet égard,
entre les départements d'outre-mer et la métropole, des évolutions tout à fait
significatives commencent ainsi à se dessiner.
Mon ambition, qui est aussi celle de l'ensemble du gouvernement de Lionel
Jospin, est de continuer à faire baisser le chômage, en particulier celui des
jeunes, en conjuguant les aides à l'emploi et le soutien aux entreprises.
Je voudrais maintenant répondre aux principales observations formulées par les
rapporteurs.
M. Henri Torre a regretté que, malgré la hausse du RMI en 2001, les actions
financées par la créance de proratisation continuent de bénéficier du même
montant d'aide.
Monsieur le sénateur, qu'aurait été la réaction des parlementaires si cet
engagement n'avait pas été tenu ?
Le Gouvernement s'était, en effet, engagé à maintenir l'effort financier dans
les secteurs prioritaires que sont l'insertion et le logement social, et cela
malgré l'augmentation du RMI et l'évolution mécanique de la créance de
proratisation.
Tous les rapporteurs ainsi que nombre de représentants de l'outre-mer
soulignent l'ampleur des besoins dans ces domaines ; c'est pourquoi je crois
que nous devons au contraire nous féliciter que l'Etat n'ait pas pris prétexte
du relèvement du RMI pour relâcher son soutien aux populations les plus
fragiles de l'outre-mer.
Par ailleurs, vous avez, monsieur le rapporteur spécial, affirmé que
l'alignement du RMI sur trois ans entraînerait, pour les départements
d'outre-mer, une charge supplémentaire de 860 millions de francs. Permettez-moi
de considérer que cette appréciation est un peu excessive.
En réalité, la hausse du RMI est prise en charge par le budget de l'emploi.
Les départements, quant à eux, financent des actions d'insertion à hauteur de
16,25 % du montant du RMI effectivement versé dans le département l'année
précédente. Cela représente globalement, pour les quatre départements
d'outre-mer, au maximm 142 millions de francs.
Pour éviter cette augmentation, le Gouvernement a prévu, vous l'avez sans
doute observé, des mesures tendant à favoriser le retour à l'activité des
RMistes en leur accordant une allocation de retour à l'activité - l'ARA - qui
vient s'ajouter au salaire, de manière à permettre la sortie volontaire du
dispositif des RMistes âgés de cinquante ans ayant de faibles chances de se
réinsérer, et cela moyennant le versement d'un revenu de solidarité. C'est
d'ailleurs un amendement de votre collègue Claude Lise qui permettra à plus de
12 000 RMistes d'accéder dès 2001 à une situation améliorée.
La loi d'orientation prévoit, en outre, le renforcement des contrôles, avec la
possibilité de suspendre le versement de l'allocation lorsque le bénéficiaire
perçoit un revenu non déclaré ou ne fait pas un effort tangible et réel
d'insertion.
L'objectif du Gouvernement est bien d'inverser les tendances à la progression
du RMI dans les départements d'outre-mer. Ainsi, les conseils généraux ne
subiront pas de hausse des crédits d'insertion.
Beaucoup d'entre vous ont abordé la question des emplois-jeunes. Ceux-ci ont
été souvent combattus dans leur principe même, et pas seulement au sein de
votre assemblée.
Je précise, tout d'abord, que les emplois-jeunes font l'objet d'un très bon
taux de consommation outre-mer, ce dont vous avez semblé douter, monsieur
Torre. Leur nombre représente 6 % du total national, alors que les moins de
vingt-cinq ans de l'outre-mer représentent environ 3,6 % du total national de
cette classe d'âge. Au 31 octobre 2000, ce sont plus de 14 000 emplois-jeunes
qui ont été créés outre-mer, dont 9 800 imputés sur le budget du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer, 4 253 étant pris en charge par le ministère de
l'éducation nationale et le reste - des adjoints de sécurité - relevant du
ministère de l'intérieur.
Au-delà du scepticisme qu'a parfois suscité l'institution des emplois-jeunes,
au-delà des craintes qui ont pu se manifester quant à leur utilisation, il
apparaît que les élus, les associations ou les établissements publics qui les
ont recrutés, tant outre-mer qu'en métropole, émettent un jugement extrêmement
positif, d'ailleurs à l'image du jugement que les jeunes portent eux-mêmes.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Bien sûr ! Vous leur donnez un SMIC au lieu du RMI
!
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Mais ce n'est pas négligeable, monsieur le sénateur
!
Si le jugement des jeunes est positif, ce n'est pas seulement parce que,
pendant cinq ans, ils ont la possibilité de percevoir un revenu - ce qui est
tout de même une façon d'entrer dans la vie, d'entamer la « décohabitation » -
mais c'est aussi parce que cela leur permettra, dans la suite de leur parcours
professionnel, de faire état d'une véritable expérience professionnelle.
M. Philippe Nogrix,
rapporteur pour avis.
Ça, c'est à voir !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Combien d'entre vous, après avoir parfois marqué leur
scepticisme à l'égard des emplois-jeunes, ont finalement eu recours à ce
dispositif sur le terrain, dans leur commune, dans leur département ?
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez également évoqué les primes et
sur-rémunérations des fonctionnaires affectés outre-mer.
Il s'agit d'un système qui repose sur des textes anciens. Une modernisation
était et reste nécessaire, c'est incontestable. Je ferai simplement observer
que, depuis dix ans, beaucoup de gouvernements s'y sont essayés, sans succès ;
cela montre que le dossier est délicat.
Certains éléments de sur-rémunération sont, en effet, pleinement justifiés par
les déménagements, les déplacements en avion et, parfois, par le coût élevé du
logement.
Certaines de ces primes et sur-rémunérations sont également nécessaires pour
stimuler les candidatures dans les départements d'outre-mer et pour favoriser
la circulation de tous les agents publics dans l'ensemble de notre pays.
L'intention du Gouvernement est, bien sûr, de respecter le vote du Parlement
s'agissant de la prime d'éloignement, mais en menant, j'y insiste, une large
concertation avec les organisations syndicales et en prévoyant un régime
transitoire.
J'en viens à l'intervention de M. Philippe Nogrix, qui considère que les
crédits pour 2001 du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le
FEDOM, relèvent plus d'un souci d'affichage politique que des réalités de la
gestion politique de l'emploi.
Je lui rappellerai qu'il convient d'apprécier la politique que conduit le
Gouvernement en faveur de l'outre-mer, et plus particulièrement des DOM, en
prenant en compte non seulement le budget du secrétariat d'Etat, dont j'ai la
responsabilité, mais également le projet de loi d'orientation dans son
ensemble, dont beaucoup de mesures trouvent leur traduction financière à la
fois dans le budget que vous examinez aujourd'hui et dans le budget du
ministère de l'emploi et de la solidarité : c'est le cas de l'abaissement du
coût du travail par les exonérations des charges patronales de sécurité
sociale. C'est ainsi, à mon sens, qu'il faut appréhender le projet de budget
qui est soumis à votre appréciation.
Il y a là une volonté d'affirmer que la priorité accordée à l'emploi doit se
traduire dès l'année 2001 dans le budget de l'Etat.
S'agissant de la suppression de la taxe d'apprentissage dans les entreprises
de plus de dix salariés et de la prime des contrats de qualification, je
partage, monsieur Nogrix, votre inquiétude. Je suis d'ailleurs intervenu en ce
sens auprès de ma collègue Mme Guigou pour obtenir que les départements
d'outre-mer ne soient pas concernés par cette disposition. Je vous rappelle
cependant que 95 % des entreprises des départements d'outre-mer ont moins de
onze salariés et qu'elles ne sont donc de toute façon pas affectées par cette
mesure.
Quant à la stagnation des formations en alternance depuis 1994, elle témoigne
de la faible capacité des entreprises des DOM à accueillir, en raison de leur
fragilité et de l'étroitesse de leur encadrement, des stagiaires titulaires
d'un contrat en alternance. Si aucune mesure spécifique n'a été prévue dans le
projet de loi d'orientation, c'est qu'il n'est pas apparu nécessaire de créer
un nouveau dispositif qui viendrait rendre plus complexe encore le paysage de
la formation. Il semblait préférable d'améliorer de façon significative les
conditions générales de l'économie des départements d'outre-mer, ce qui est
fait par l'ensemble des dispositions que nous avons proposées et que le
Parlement a adoptées.
La politique d'aide au logement, qui constitue une autre priorité majeure du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, a fait l'objet d'observations de la part de
plusieurs de vos rapporteurs, en particulier de MM. Balarello et Nogrix.
Les interrogations portent, notamment, sur les conséquences de l'alignement du
RMI sur les crédits ouverts. L'ampleur de l'augmentation est contestée et, dans
le même temps, les rapporteurs regrettent que cet engagement soit tenu. Je
décèle donc quelques contradictions.
Pour mesurer la progression réelle des autorisations de programme destinées à
la politique du logement, il convient de comparer la totalité des enveloppes
budgétaires qui sont affectées au logement social en gestion 2000 et en gestion
2001.
En tenant compte de l'ensemble des abondements intervenant en cours d'année, y
compris ceux de la créance de proratisation, l'augmentation réelle des moyens
atteindra plus de 4 % en 2001 en autorisations de programme, ce qui est très
significatif. La parole du Gouvernement est tenue, il n'y a pas de doute
là-dessus.
Il est vrai que la progression des crédits de paiement est moins importante,
vos rapporteurs l'ont souligné ; mais cela résulte de la prise en compte des
reports importants qui sont constatés depuis plusieurs années et qui ont
atteint 230 millions de francs à la fin de l'exercice 1999. Il était de bonne
gestion pour le Gouvernement de vous proposer de procéder ainsi.
Pour donner une vision d'ensemble des actions de l'Etat en faveur du logement
outre-mer, je souhaite rappeler que l'intervention de la ligne budgétaire
unique est complétée par le maintien des taux préférentiels de TVA pour les
opérations de logements locatifs sociaux, ce qui représente un effort de 150
millions de francs par an, et par l'intervention de l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, en faveur des propriétaires bailleurs. Au
total, les sommes consacrées au logement, au travers de ces différents
mécanismes, atteindront 1,8 milliard de francs en 2001.
J'ajoute, car je sais que ce sujet préoccupe plusieurs d'entre vous, que les
agences dites « des 50 pas géométriques » dans les départements d'outre-mer
auront les moyens de fonctionner dès l'année prochaine grâce à la taxe spéciale
d'équipement, leur principale ressource. En effet, dans l'attente de la
perception de cette taxe, à l'automne 2001, j'ai demandé l'inscription, dans la
loi de finances rectificative pour 2000, d'une subvention pour couvrir les
dépenses du premier exercice de chacune de ces agences.
Je souhaite également répondre aux questions de M. Balarello portant sur la
sécurité et la justice dans les départements d'outre-mer.
Face à la délinquance, je rappellerai - bien entendu, ce n'est pas la seule
réponse - que les effectifs de la police nationale affectés outre-mer ont
augmenté de 15 % de 1997 à 2000, avec notamment le recrutement d'adjoints de
sécurité, dont l'effectif doit atteindre un chiffre supérieur à 530 en 2001. En
outre, une compagnie départementale d'intervention supplémentaire a été
implantée en Martinique et un commissariat annexe a été créé à Gosier, en
Guadeloupe. Les mesures de sécurité ont également été renforcées en Guyane, au
cours des dernières années.
En ce qui concerne la justice, je souhaite évoquer aussi l'effort accompli par
la Chancellerie - Elisabeth Guigou, d'abord, Marylise Lebranchu, qui a pris le
relais ensuite - en faveur des départements d'outre-mer. En effet, ce budget
augmentera de 7,5 % en 2001, pour atteindre 833 millions de francs en crédits
de paiement. En autorisations de programme, la hausse s'élève à 75 %, et ce
pour répondre à la nécessité impérieuse de rénover ou de créer des maisons
d'arrêt dans plusieurs départements d'outre-mer. Les missions parlementaires de
l'Assemblée nationale et du Sénat qui ont visité ces établissements ont
confirmé l'appréciation que portait le Gouvernement sur leur nécessaire
rénovation.
A la Réunion, la construction d'une nouvelle prison est programmée pour 2001,
ce qui permettra la fermeture de la maison d'arrêt de Saint-Denis.
En Guadeloupe, la maison d'arrêt de Basse-Terre doit être reconstruite et
agrandie. Le projet sera mis au point en 2001 et sa mise en oeuvre devrait
intervenir dès 2002.
En Guyane, la remise en état de la prison de Rémire-Montjoly, partiellement
détruite en 1999, est achevée.
Pour Mayotte, un schéma directeur de restructuration des structures
pénitentiaires est en cours de réalisation.
Par ce budget, il s'agit de financer des créations d'emplois dans tous les
secteurs : services judiciaires, protection judiciaire de la jeunesse et
administration pénitentiaire.
M. Désiré a évoqué les difficultés de développement économique des DOM. De
nombreux outils ont été mis en place par le Gouvernement. Il s'agit tout
d'abord du fonds DOM, dispositif de garantie qui s'est substitué à la société
de gestion des fonds de garantie des DOM, la SOFODOM. Ce remplacement était
rendu nécessaire en raison de l'incompatibilité du système avec les normes
européennes. Par ailleurs, celui-ci était jugé insuffisamment performant par
les acteurs économiques.
Le fonds DOM vise à faciliter l'accès au financement bancaire des entreprises
locales, notamment les très petites entreprises, créatrices d'emplois, qui ne
pouvaient bénéficier auparavant des garanties de la SOFODOM.
Par ailleurs, le Gouvernement étudie actuellement les conditions de relance
des fonds régionaux de participation. Ce dispositif de soutien sera destiné
essentiellement aux petits projets.
A un moment où la conjoncture économique s'améliore en Europe, en métropole et
outre-mer, des résultats positifs peuvent être attendus de l'ensemble des
modalités d'intervention récemment adoptées pour renforcer la croissance
économique des départements d'outre-mer. Bien entendu, je sais - et plusieurs
d'entre vous l'ont dit - que ces dispositifs viennent compléter ceux que les
collectivités locales ont d'ores et déjà souhaité mettre en place.
M. Balarello a évoqué la question des sur-rémunérations, - j'y ai répondu tout
à l'heure - mais aussi la difficulté pour les communes de titulariser leurs
agents en situation de statut précaire.
Il est vrai que les employés communaux occupant des emplois précaires
atteignent souvent les deux tiers des effectifs. Le Gouvernement - je l'ai dit
devant vous à plusieurs reprises - est particulièrement attentif à cette
situation. M. Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de
l'Etat, a signé, le 10 juillet dernier, un protocole d'accord avec les
formations syndicales des trois fonctions publiques, qui a conduit à
l'élaboration d'un projet de loi, dont vous aurez à débattre prochainement.
Pour apporter une solution à la situation des agents des collectivités
territoriales, je suis en mesure de préciser, si c'était nécessaire, que les
titularisations peuvent intervenir sans concours pour les agents précaires qui
occupent des emplois de catégorie C. Il n'y a donc pas d'obstacle juridique.
Pour procéder à ces titularisations, les communes doivent disposer d'emplois
vacants. Les titularisations pourront intervenir à l'échelle 1, conformément à
un avis qui avait été rendu par le Conseil d'Etat.
Ces dispositions permettront aux communes d'offrir des emplois permanents à
certains de leurs salariés. Je mesure, bien sûr, l'effort que cela représente.
Je suis persuadé que c'est dans une approche pluriannuelle de ce problème que
nous pourrons ensemble trouver la réponse à cette question, qui est
particulièrement sensible, notamment à la Réunion, mais aussi, je le sais, dans
l'ensemble des départements d'outre-mer.
M. Désiré a relevé que les crédits de paiement du fonds d'investissement pour
le développement économique et social, le FIDES, connaissent une augmentation
faible, alors que les autorisations de programme progressent de 20 %.
Cela résulte également, comme sur un autre sujet que j'évoquerais, tout à
l'heure, de l'importance des crédits reportés, qui étaient en effet
considérables à la fin de l'année dernière.
Je tiens cependant à souligner que le Gouvernement a décidé une forte
progression de sa contribution au financement des contrats de développement
pour les pays et territoires d'outre-mer ; M. Hyest y sera sensible.
L'augmentation s'élève à 22 %, avec une enveloppe annuelle qui a été portée de
610 millions à 746 millions de francs.
S'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, j'indiquerai à MM. Reux
et Henry que l'enveloppe annuelle augmente de 45 %. Je reviendrai tout à
l'heure, monsieur Henry, sur l'appréciation que vous portez sur l'action de
l'Etat en faveur de Mayotte, mais, d'ores et déjà, je vous invite à noter que
l'enveloppe des contrats de plan et des contrats de développement a progressé
de façon considérable.
Pour répondre aux préoccupations de M. Hyest relatives aux rapports des pays
et territoires d'outre-mer avec l'Union européenne, je lui indiquerai que j'ai
été conduit, lors de la conférence qui s'est tenue à Bruxelles le 16 novembre
dernier, à faire connaître tant au commissaire européen chargé de ce dossier -
je l'ai trouvé un peu timoré sur ce point - qu'aux représentants des pays et
territoires d'outre-mer présents mon appréciation sur l'avant-projet de
décision qui nous était présenté.
La proposition de la Commission comporte des points positifs, et plusieurs
élus présents l'ont relevé : elle prend en effet en compte la diversité des
pays et territoires d'outre-mer ; elle prévoit, dans des conditions qui restent
d'ailleurs à préciser, une gestion du fonds européen de développement du type
de celle du FEDER et la mise en place d'un fonds spécial pour les pays et
territoires d'outre-mer, sans toutefois en préciser la date de mise en oeuvre,
ce qui m'apparaît évidemment comme une grave lacune. J'ai également salué
l'évolution positive que connaît l'enveloppe du neuvième fonds européen de
développement pour quelques-uns des pays et territoires d'outre-mer, notamment
Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.
J'ai appelé l'attention du commissaire européen sur le souhait du Gouvernement
de voir fonctionner de manière effective le dispositif proposé par la
Commission pour remplacer le système du transbordement. J'ai également insisté
pour qu'il assure les fonctions de développement économique de la
collectivité de Saint-Pierre-etMiquelon.
Actuellement, on observe donc un certain nombre d'allers et retours sur cette
proposition de la Commission. Toutefois, je tiens à vous assurer - car cette
intervention est très récente - de ma détermination à continuer d'agir,
notamment sous la présidence française, auprès de la Commission.
Vous avez ensuite évoqué la situation en Nouvelle-Calédonie et la nécessité
que ce territoire connaisse, au-delà de la phase d'apprentissage de ses
nouvelles institutions, une étape harmonieuse de son développement économique.
Nous partageons, bien sûr, cette volonté de rééquilibrage et d'amélioration du
fonctionnement de ses institutions, autour de cette idée de collégialité, que
j'ai eu l'occasion d'évoquer lors d'un récent déplacement en
Nouvelle-Calédonie.
Je suis extrêmement soucieux que nous puissions prochainement réunir - cela a
été envisagé, bien sûr - les signataires de l'accord de Nouméa pour faire le
point à la fois sur les engagements qui avaient été pris par les uns et les
autres, sur le fonctionnement des institutions et sur l'accord particulier
entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Je souhaiterais d'ailleurs que
cet accord puisse être signé à l'issue de cette réunion. En tout cas, le
Gouvernement ne se dérobera pas aux engagements qu'il a pris dans le cadre de
cette relation, à laquelle il faut veiller avec beaucoup d'attention, entre
Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.
A ce point de mon propos, mesdames, messieurs les sénateurs, et après vous,
monsieur Hyest, je voudrais évoquer un instant la mémoire de Raphaël Pidjot,
tragiquement décédé avant-hier, avec plusieurs membres de son équipe et
d'autres personnes, lors d'un accident d'hélicoptère en Nouvelle-Calédonie.
A l'occasion de ma rencontre avec Raphaël Pidjot lors de mon déplacement en
Nouvelle-Calédonie, j'avais souligné son action dans le rééquilibrage de
l'économie calédonienne. Je souhaite devant vous, mesdames, messieurs les
sénateurs, rendre hommage à un homme de grande qualité, très attaché à son
pays, et qui laisse, c'est vrai - le président Paul Néaoutyine me l'a confirmé
encore hier matin - un grand vide. Il était, au sein du monde kanak, l'un de
ceux qui portaient l'espoir, la vision, me semble-t-il, d'une
Nouvelle-Calédonie apaisée, comprenant que le développement et l'évolution de
ce territoire passaient également, et surtout, par le développement économique.
Il en était l'un des acteurs les plus éminents.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué également l'un des principaux dossiers
actuellement à l'étude par le Gouvernement et qui concerne, là encore, la
Nouvelle-Calédonie : il s'agit d'une opération de soutien fiscal à
l'investissement pour trois avions que souhaite acquérir la compagnie Aircalin.
L'un de ces appareils est destiné au remplacement d'un avion existant, les
autres consolideront la flotte concernée, notamment dans la relation entre la
Nouvelle-Calédonie et le Japon.
Pour ma part, je suis profondément persuadé de l'intérêt de ces
investissements pour le développement de la Nouvelle-Calédonie, notamment en
matière touristique. Les dernières procédures nécessaires ont été obtenues de
la part du congrès de Nouvelle-Calédonie et du gouvernement voilà seulement
quelques jours. Il s'agit maintenant de vérifier l'équilibre d'ensemble de ce
projet, qui fait l'objet, comme je vous l'ai indiqué, des ultimes études.
L'investissement est en effet considérable, puisqu'il s'élève à près de 1,8
milliard de francs pour ces trois appareils.
Le Gouvernement souhaite pouvoir donner au gouvernement de Nouvelle-Calédonie
une réponse dans les plus brefs délais sur ce dossier.
Monsieur Othily, vous m'avez interrogé, et même interpellé, sur un certain
nombre de points de caractère général et sur d'autres dossiers plus
particuliers. Je voudrais bien sûr vous répondre sur le point qui suscite en
effet au sein de votre assemblée - d'autres l'ont évoqué - une inquiétude que
je partage et qui est tout à fait légitime.
Vous avez, monsieur le sénateur, condamné la violence et appelé à la sérénité.
Je vous en donne acte. Je déplore, comme vous, les incidents qui sont
intervenus au cours des derniers jours à Cayenne. En effet, en Guyane comme
ailleurs, seul le dialogue démocratique permettra des avancées substantielles
en matière statutaire : la république ne peut connaître d'autres voies en ce
domaine. Le dialogue démocratique en Guyane, c'est aussi le dialogue tolérant
entre les élus guyanais. Depuis hier, ce dialogue est renoué et c'est une
démarche que je veux saluer, et dont vous vous êtes, vous-même, fait l'écho
tout à l'heure.
Vous avez confirmé, comme d'ailleurs l'ont fait auprès de moi les principaux
élus guyanais, votre souhait d'une rencontre prochaine. Vous avez confirmé, ce
matin, votre intention de participer à la table ronde du 18 décembre prochain à
Paris. Je dirai à ceux de vos collègues qui sont moins au fait que vous du
processus engagé en Guyane que cette table ronde vient après plusieurs
rendez-vous utiles et fructueux entre la Guyane et le Gouvernement, et qu'elle
vient aussi avant d'autres rendez-vous indispensables en 2001 et qui, je n'en
doute pas, seront utiles et fructueux dans l'avancée de ce processus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne nierai jamais les difficultés de la
Guyane. Je les connais. J'en ai l'écho par nombre de ceux qui s'intéressent à
l'avenir de ce département. Je ne serai jamais aux côtés de ceux qui remettent
en cause l'effort de solidarité comme le soutien au développement de la Guyane.
Je crois que la Guyane doit échapper durablement à la tentation de la violence
et qu'elle peut le faire si chacun, dans le rôle qui est le sien, est capable
de saisir cette occasion historique de faire avancer la question statutaire de
ce département.
Pendant tout le débat sur la loi d'orientation - et vous en avez été témoin
ici, au Sénat - il a en effet été question d'une évolution différenciée et
choisie pour les départements d'outre-mer. La Guyane ne doit pas être à l'écart
de cette évolution. Elle en a d'ailleurs, comme d'autres départements, montré
le chemin, en engageant, à plusieurs reprises, avec le Gouvernement ou au sein
même des assemblées locales, un dialogue, que je crois fondateur. Encore
faut-il maintenant que nous soyons en situation de le poursuivre. J'y
travaille. Nous allons avoir plusieurs rendez-vous.
Je les ai proposés conformément aux engagements pris par M. Jean-Jack
Queyranne. J'aborde ces discussions sans exclusive. Le Gouvernement, par ma
voix, entend bien, en direction de la Guyane, respecter ses engagements,
poursuivre le dialogue avec tous et, je le répète, sans exclusive.
A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion - et vous y avez fait allusion ce
matin, monsieur le sénateur - de reconnaître l'importance du pacte de
développement. Ce pacte a été adopté par le conseil régional et par le conseil
général - c'est ce qui lui donne véritablement sa légitimité - et il
constituera bien évidemment un document de référence essentiel lors des
rencontres que nous aurons ensemble, à Paris comme en Guyane, en Guyane comme à
Paris. Oui ! monsieur le sénateur, je me rendrai bientôt en Guyane. Je suis
impatient. Je m'y rendrai au mois de janvier, comme je l'ai annoncé, pour
prendre un premier contact avec l'ensemble de la Guyane, avec ses difficultés,
que je ne nie pas, avec ses espoirs, que je suis bien sûr, au nom du
Gouvernement, prêt à entendre et auxquels je veux apporter des réponses. Nous
allons, je n'en doute pas, poursuivre efficacement ce dialogue, qui a été
engagé depuis plus d'un an avec les élus de la Guyane et qui connaîtra une
étape importante en décembre.
Monsieur le sénateur, vous vous êtes interrogé à nouveau sur la philosophie de
la loi d'orientation en matière de développement économique. Fallait-il
soutenir l'offre ou la demande ? Je vous renvoie la question : faut-il choisir
entre l'offre et la demande ? Faut-il choisir entre le soutien aux entreprises
et le maintien de mécanismes de solidarité, que, parfois, dans nos débats, on
qualifie un peu trop vite de mécanismes d'assistance ?
Je l'ai dit souvent depuis trois mois : je n'appellerai jamais assistanat ce
que l'on appelle solidarité en métropole. C'est tout simplement le rappel du
principe d'égalité des droits, auquel, en effet, aucune évolution statutaire ne
doit porter atteinte. L'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer
ne doit pas se faire contre l'égalité des droits et contre la mise en oeuvre
normale de la solidarité nationale. S'il y avait, à cet égard, quelques
ambiguïtés - et il y en a parfois dans les propos que j'entends - je tiens à
les dissiper.
En Guyane, comme dans l'ensemble des départements d'outre-mer, il faut agir
sur l'offre, c'est-à-dire abaisser le coût du travail, rendre plus compétitives
les entreprises de l'outre-mer, et c'est à ce prix, madame Michaux-Chevry,
qu'elles pourront embaucher. A cet égard, il faut un effort de l'Etat, des
dispositifs de protection sociale et de prélèvements sociaux ainsi que des
collectivités locales. Ce sont ces trois efforts conjugués qui permettront le
développement des entreprises de l'outre-mer, notamment en Guadeloupe, y
compris à Marie-Galante, auxquelles vous tenez et auxquelles je suis d'avance
attaché car je pense que nous nous y retrouverons bientôt. C'est bien ce triple
effort qui est nécessaire. Il faut agir sur l'offre pour rendre les entreprises
de l'outre-mer plus compétitives dans un environnement régional qui est, en
effet, particulièrement difficile. Elles sont exposées à des situations de
concurrence qui ne sont pas comparables à celles que l'on connaît en
métropole.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, excusez-moi de vous interrompre un instant.
Permettez-moi de vous faire observer que vous vous exprimez depuis
quarante-six minutes. Or, un engagement de modération avait été pris par
tous.
Nous pouvons, si vous le souhaitez, interrompre nos travaux et vous pourrez
poursuivre votre propos après le déjeuner...
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Non, monsieur le président.
S'agissant de la Guyane, il me semble important de fournir au Sénat, qui est
bien sûr sensible aux incidents récents, quelques éléments d'appréciation et
des précisions sur la volonté du Gouvernement. Mais je serai plus concis dans
les réponses qui suivront.
Il fallait donc, monsieur Othily, agir sur l'offre comme sur la demande, en
améliorant le montant du revenu minimum d'insertion. Plusieurs d'entre vous
m'ont interrogé sur ce point, notamment les représentants de la Réunion. S'ils
se séparent sur certains sujets, au moins, eux, convergent sur le fait de voir
aligné le plus rapidement possible - et c'est l'objectif du Gouvernement - le
revenu minimum d'insertion dans les départements d'outre-mer. Je me suis engagé
à donner prochainement - il s'agit non pas d'un cadeau mais simplement du
respect d'un engagement - le calendrier de l'alignement du revenu minimum
d'insertion. J'espère, à ce titre, pouvoir répondre très bientôt et de manière
positive à votre attente.
M. Othily m'a interrogé sur le projet sucrier en Guyane. Nous sommes
aujourd'hui, là aussi, dans les ultimes expertises de ce projet, qui est
considérable. Le Gouvernement, qui entend bien sûr soutenir tous les projets
structurants pour la Guyane, souhaite prendre en compte l'ensemble des éléments
des projets. Vous le savez, une démarche est menée auprès des autorités
européennes pour clarifier certains aspects de ce dossier, notamment dans le
domaine des quotas. Il s'agissait d'en assurer l'équilibre économique. J'ai
demandé à l'ensemble de mes collègues, notamment au ministre de l'économie et
des finances, que la position du Gouvernement soit arrêtée, là aussi, avant la
fin de l'année.
La desserte aérienne en Guyane fait l'objet de l'attention du Gouvernement,
monsieur Othily. La convention avec la compagnie Air Guyane a été prolongée
pour trois mois afin d'éviter la rupture du service. Les discussions se
poursuivent entre la compagnie, la région et l'Etat pour déterminer les
meilleures conditions pour l'avenir.
Mme Bidard-Reydet et M. Lise se sont rejoints sur deux dossiers qui sont tout
à fait essentiel : la banane et le sucre.
En ce qui concerne la banane, nous avons, là aussi, un bras de fer difficile
avec les Etats-Unis. Les prises de position récentes de la Commission sont de
nature a rassurer, au moins provisoirement, puisque le système actuel sera
prolongé avec quelques améliorations. Nous entendons nous employer à un examen
concomitant du volet externe et du volet interne de l'Organisation commune des
marchés, OCM, comme le souhaitent les producteurs antillais. C'est dans le
cadre de ce second volet que nous rechercherons des solutions aux réelles
difficultés de ces producteurs.
S'agissant du sucre, Jean Glavany, le ministre de l'agriculture et de la
pêche, a clairement pris position en faveur d'une reconduction du régime à
l'identique dans ses principes, dans ses mécanismes et dans ses dimensions, et
ce pour une durée de six ans. Il l'a fait savoir au commissaire Fischler dans
une lettre qu'il lui a adressée le 29 septembre 2000.
La France défendra, vous n'en doutez pas, au Conseil des ministres de
l'agriculture, la préservation de l'Organisation commune des marchés du
sucre.
Monsieur le président, sans aller trop au-delà de l'engagement qui avait été
pris, je voudrais répondre à M. Claude Lise, car il s'agit d'une question
d'actualité dont je voudrais donner la primeur à votre assemblée, ce qui vous
conduira peut-être, monsieur le président, à un peu d'indulgence à mon
égard.
M. le président.
Mon indulgence est grande : déjà dix minutes !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Vous avez, monsieur Lise, évoqué l'attente des
départements d'outre-mer à l'égard de l'Union européenne pour l'application du
traité d'Amsterdam, et notamment de son article 299.
Depuis hier, nous connaissons la position de la Commission européenne, qui a
adopté un certain nombre de propositions de règlement. Je veux le souligner,
ces propositions sont des réponses très positives pour les départements
d'outre-mer, s'agissant des trois dossiers qui nous préoccupent et sur lesquels
vous aviez eu l'occasion, les uns et les autres, d'attirer l'attention du
Gouvernement.
En ce qui concerne la révision du POSEIDOM, le programme d'options spécifiques
à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, le projet de
règlement de la Commission répond à l'essentiel des demandes que nous avions
formulées, notamment dans le memorandum du Gouvernement. Les régions et les
départements d'outre-mer avaient également milité en ce sens.
Le règlement relatif aux fonds structurels permettra, si la proposition de la
Commission est adoptée, de relever le taux d'intervention de ces fonds. Notons
également le relèvement de 35 % à 50 % du coût éligible des fonds pour les
investissements dans les petites et moyennes entreprises.
S'agissant des questions agricoles, nous avons également obtenu que les taux
d'intervention sur les investissements dans les exploitations agricoles soient
portés, dans les départements d'outre-mer, de 50 % à 75 %. D'autres
progressions des taux d'intervention sont également significatives en matière
de pêche. Je suis donc heureux de vous faire part de ces informations. Je
tiens, bien sûr, à votre disposition des informations plus complètes.
C'est le résultat efficace de l'action conjointe de tous. A cet égard, je
voudrais saluer l'engagement du commissaire Barnier, qui a été très présent
dans cette discussion, les relances répétées auprès de la Commission du Premier
ministre, que j'avais saisi dès le mois de septembre, et du Président de la
République, avec lequel nous nous en sommes récemment entretenu. C'est une
excellente nouvelle pour les départements d'outre-mer.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'avoir permis, aujourd'hui, de
faire le point sur ce sujet devant la représentation nationale.
Face à la faible consommation des crédits en matière de logement en
Martinique, le préfet, à ma demande, a reçu l'ensemble des partenaires du
logement social pour relancer ce processus. Nous aurons sans doute à nous
interroger plus au fond, peut-être en mettant en place une mission
d'inspection, sur les raisons de ce retard.
J'ai déjà répondu en grande partie aux questions soulevées par M. Lauret.
S'agissant du problème des jeunes et de la précarité, la loi d'orientation
apporte des réponses en termes non pas d'assistance, mais de coups de pouce
donnés aux projets des jeunes, pour permettre à ces derniers une meilleure
insertion professionnelle et des parcours de formation. Le projet
initiative-jeunes s'adressera à eux dès le début de l'année 2001.
Quant au CAPES de créole, dont Jack Lang et moi-même avons annoncé récemment
la mise en oeuvre progressive, je tiens à dire très fermement et solennellement
que ce dispositif d'enseignement qui sera proposé aux familles sera, bien
évidemment, facultatif. Il s'agit d'une reconnaissance et d'une valorisation de
la culture de la Réunion, comme d'ailleurs de celle des autres départements
d'outre-mer. Des dispositifs, d'ailleurs assez proches, existent en métropole
pour les langues régionales ; pourquoi, dès lors, en exclure le créole ? Je
vous rassure néanmoins, monsieur le sénateur : la maîtrise de la langue
française reste bien la préoccupation majeure de l'école. Mais ce sujet ne doit
pas nous diviser. Notre République étant forte, l'accueil de la diversité et la
reconnaissance de la pluralité des cultures de l'outre-mer représentent une
chance que chacun doit saisir.
M. Henry estime que les Mahorais n'ont pas les réponses attendues aux
engagements pris. Monsieur le sénateur, je note que votre intervention dans
cette enceinte était beaucoup plus sévère que vos propos et votre engagement
dans les nombreuses réunions de concertation que j'ai eu à mener depuis le mois
de septembre. Par conséquent - je vous le dis en toute courtoisie - je ne peux
pas accepter cette affirmation.
Mayotte avait été oubliée depuis vingt-cinq ans, comme vous le savez mieux que
quiconque. Le projet de statut de collectivité départementale a été élaboré.
Vous avez participé, avec l'ensemble des parlementaires et des élus locaux, à
ce processus.
Ce projet sera présenté au conseil général de Mayotte la semaine prochaine.
L'évolution vers la décentralisation et le rapprochement du statut
départemental au cours de la décennie à venir est possible.
S'agissant de l'effort de l'Etat, je vous rappelle très simplement que
l'ensemble des crédits d'Etat pour la période 2000-2004 s'élèvent à plus de 5
milliards de francs. Au-delà du contrat de plan, d'autres mesures ont été
annoncées - vous avez eu l'amabilité de les rappeler -, notamment en matière de
constructions scolaires.
En ce qui concerne les attentes sociales, je ne les méconnais pas, et nous en
avons parlé à de nombreuses reprises. Je vous rappelle que le Gouvernement,
avec l'accord du comité de suivi de Mayotte, a décidé de mettre en oeuvre les
mesures sociales par ordonnance, dans le courant de l'année 2001. Il s'agit
donc non pas de manoeuvres dilatoires, mais, bien au contraire, d'aller plus
vite.
M. Payet a évoqué la bidépartementalisation de la Réunion pour déplorer que,
pour des raisons de procédure parlementaire et donc de risques
constitutionnels, cette réforme ait dû, au moins provisoirement, être retirée
de la discussion du Parlement.
Cette réforme est bonne, et je le souligne d'autant plus volontiers que je
n'en suis pas l'inspirateur. Mais, l'ayant examinée, j'en ai compris toutes les
dimensions alors que, trop souvent, elle a été déformée dans son inspiration et
mal expliquée quant à ses conséquences. Combien de fois a-t-on dit - et pas
seulement M. Lauret - que cette réforme avait pour objectif de créer des postes
supplémentaires de conseillers généraux alors qu'il n'y en a pas un de plus
?
Cette réforme est donc bonne, car elle permet une organisation des services
publics vers plus de proximité, un meilleur équilibre du développement
économique de l'île, une répartition plus satisfaisante des équipements sur
l'ensemble de la Réunion, qui comptera plus d'un million d'habitants d'ici à
une quinzaine d'années. Dans ce domaine, l'initiative parlementaire est
souhaitable - je n'ai cessé de le dire -, et je l'attends donc dans les termes
que j'avais indiqués à l'Assemblée nationale.
Madame Michaux-Chevry, je ne vous répondrai pas sur un terrain général, car
nous aurons l'occasion, avant la fin de l'année, j'espère, de nous retrouver à
la Guadeloupe, et ce sera peut-être là l'occasion d'avoir une discussion plus
au fond sur les véritables enjeux de l'outre-mer. Je répète que je n'ai pas une
approche cosmétique de ces questions. J'entends bien que nous traitions
ensemble - il n'y a pas d'approche possible sans l'action conjointe des
collectivités et de l'Etat - un certain nombre de dossiers.
Vous avez évoqué la nécessité de traiter de façon plus spécifique ou
privilégiée telle ou telle partie de votre région, notamment les îles, et, au
sein de ces dernières, les îles Marie-Galante.
Je ne suis pas hostile à une telle approche, bien au contraire, même si ce
n'est pas dans la loi portant soutien fiscal pour l'outre-mer que nous pouvions
le faire. Dans ce texte, nous avons en effet voulu favoriser ceux des
départements ou territoires d'outre-mer qui connaissaient le plus de
difficultés : c'est Mayotte, monsieur Henry, c'est Saint-Pierre-et-Miquelon,
monsieur Reux, c'est la Guyane, monsieur Othily, ou Wallis-et-Futuna. Pour la
Guadeloupe, qui, elle, est dans le régime général de ce soutien fiscal, il
était difficile de s'orienter vers un éclatement excessif des taux de soutien
fiscal.
En revanche, le contrat de plan ou l'intervention régionale permettent de
sélectionner ceux des territoires qui rencontrent plus de difficultés ou qui
sont les plus vulnérables, et l'Etat peut bien sûr intervenir dans le cadre de
cette contractualisation avec votre collectivité.
(Exclamations.)
Vous avez évoqué le plan d'action en faveur des lycées, sujet que nous avons
abordé récemment en tête-à-tête.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Ce n'était pas en tête-à-tête !
(Sourires.)
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Pardonnez-moi cette confidence, qui vient à la fin de
mon propos !
Vous attendez, je le sais - et l'Etat ne se dérobera pas -, le déblocage pour
la durée du plan d'une enveloppe globale de 100 millions de francs de prêts à
taux zéro pour la région de la Guadeloupe.
Immédiatement après cette conversation en tête-à-tête, et en prévision de
votre intervention d'aujourd'hui, j'ai saisi Jack Lang, ministre de l'éducation
nationale. Il m'a précisé qu'il attendait encore quelques éléments en
provenance de vos services : programme quadriennal des travaux de construction,
programme annuel des travaux envisagés, etc. Je ne souhaite pas allonger mon
propos en détaillant ces modalités administratives, mais sachez que ces
renseignements ont été demandés par le préfet de la Guadeloupe au mois de juin.
Il convient maintenant de les fournir rapidement pour que nous puissions vous
donner très vite cette réponse, que je souhaite positive.
S'agissant de la baisse - elle est d'ailleurs très faible - des crédits de la
jeunesse et des sports, elle s'explique par le fait que les crédits du fonds
national pour le développement du sport réservés à l'outre-mer n'ont pas été
intégrés dans le fascicule jaune, intervenu avec retard, comme M. Hyest l'a
rappelé tout à l'heure très justement.
Mais la répartition nationale de ce fonds n'a pas encore eu lieu. Je souhaite
donc que, lorsqu'elle sera faite, la Guadeloupe, dont je connais l'excellence
en matière sportive - et vous l'avez d'ailleurs justement rappelée -,
enregistre en fin de compte non pas une régression, mais une progression.
(Mme Michaux-Chevry s'exclame.)
Enfin, M. Reux a évoqué le secteur de la pêche. Nous avons, notamment avec nos
amis et voisins canadiens, un débat difficile sur ce point, et il s'agit de
bien défendre les intérêts historiques de Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce
domaine. J'aurai la semaine prochaine, à Saint-Pierre-et-Miquelon - sauf si les
conditions météorologiques étaient vraiment trop défavorables, monsieur le
sénateur -, l'occasion de poursuivre ce débat avec vous ; mais vous savez déjà
quel est mon engagement sur les dossiers de Saint-Pierre-et-Miquelon depuis mon
arrivée rue Oudinot, notamment dans le domaine qui intéresse très directement
la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Voilà, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs
les sénateurs, les points essentiels que je souhaitais développer devant vous,
en réponse, conformément aux souhaits de M. le président de la commission des
finances, à vos interrogations sur le projet de budget de l'outre-mer pour
2001.
Pour conclure, je voudrais simplement souligner que les mots de « dignité » et
de « responsabilité » ont été prononcés ce matin par plusieurs d'entre vous,
par M. Lise comme par Mme Michaux-Chevry, par exemple. Au-delà des chiffres,
j'y vois bien sûr, de la part de ceux qui représentent l'outre-mer ici ce
matin, une attente. J'y vois aussi, de la part du Parlement, une volonté qui
s'est exprimée, notamment, par la loi d'orientation pour l'outre-mer, mais qui
s'exprimera aussi par ce budget.
Je vois aussi dans ces mots de « dignité » et de « responsabilité », que le
Gouvernement reprend bien sûr à son compte quand on parle de l'outre-mer, un
code de conduite et peut-être même un code d'honneur pour nous tous.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'union
centriste et du RDSE. - Mme Michaux-Chevry applaudit également.)
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat est toujours sensible au fait que les
ministres prennent le temps de répondre à chacun des orateurs.
Nous avons cependant mal commencé, ce matin, l'expérimentation que nous
proposait M. le président de la commission des finances, puisque vous avez
parlé pendant une heure cinq ! Le Sénat est maintenant largement informé, et je
ne doute pas qu'un certain nombre de réponses, y compris en Guadeloupe, seront
apportées notamment aux problèmes scolaires qui ont été évoqués.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)