SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2000


M. le président. La séance est reprise.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je souhaite tout d'abord dire à Mme la secrétaire d'Etat qu'en ce qui me concerne, et je suis sûr qu'il en est de même pour la majorité sénatoriale, je ne lui demande pas de lire dans le marc de café. Ce n'est pas dans le genre de notre maison. Il lui a été demandé si le Gouvernement avait la volonté de mettre des moyens pour que la politique qu'il a fixée en matière d'intercommunalité soit au rendez-vous en 2002. Il s'agit d'une question de volonté politique. C'est en ces termes-là que le Sénat attendait votre réponse.
Je me tourne maintenant vers M. Jarlier. Mon cher collègue, j'ai la conviction profonde que votre amendement, d'un point de vue technique, n'atteint pas l'objectif que vous vous êtes fixé et que nous recherchons.
Par conséquent, ne souhaitant pas que votre préoccupation apparaisse comme contraire à la volonté de la majorité sénatoriale, je vous invite, au nom de la commission des finances, à le retirer. A défaut, cette dernière se verrait dans l'obligation de recommander à la majorité sénatoriale de ne pas l'adopter.
M. Michel Sergent. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Je tiens tout d'abord à m'étonner quelque peu du climat qui s'est instauré tout à coup et des propos quelquefois à la limite de la discourtoisie qui ont été tenus à l'encontre de Mme le secrétaire d'Etat. Ce n'est pas la première fois qu'un membre d'un gouvernement n'est pas élu local ou ne l'a pas été ! Et ce n'est évidemment pas parce que Mme le secrétaire d'Etat n'est pas élue locale qu'elle n'est pas au courant de la situation des collectivités locales ou qu'elle n'a pas la volonté que ces dernières soient le mieux traitées possible.
Mais j'en reviens à l'amendement n° I-222. Permettez-moi de dire que le rapporteur de la commission départementale de coopération intercommunale que je suis - je suis d'ailleurs élu du même département que Jean-Paul Delevoye - est incapable d'indiquer quel sera le nombre de nouvelles communautés d'agglomération et de nouvelles communautés de communes au 31 décembre 2000 !
La commission départementale de coopération intercommunale doit encore se réunir juste avant Noël pour être en mesure de préciser ces éléments. Il ne s'agit donc même pas de lire dans le marc de café ! Il y a encore une imprécision. (Murmures sur les travées du RPR.)
Par ailleurs, il a toujours été question, me semble-t-il, d'une moyenne de 175 francs par habitant.
M. Patrick Lassourd. Oui !
M. Michel Sergent. J'appartiens à une communauté de communes qui n'est pas à la taxe professionnelle unique, la TPU, et qui bénéficie aujourd'hui de 193 francs par habitant, compte tenu du coefficient d'intégration fiscale. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Il y a des privilégiés !
M. Michel Sergent. C'est dire combien ces choses-là sont complexes et combien il est difficile, aujourd'hui, de prévoir ce qu'il adviendra en 2002.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je rejoins l'avis exprimé par M. le président de la commission des finances.
A l'occasion de l'examen de l'amendement n° I-222, s'est amorcée une discussion de fond, et, à cet égard, il me paraît important, madame le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous indiquer les principes qui sont susceptibles de guider votre réflexion.
Chacun est aujourd'hui conscient, je crois, que, paradoxalement, le fait de financer sur la même enveloppe le fonctionnement des communes et celui de l'intercommunalité a pour conséquence que le succès de l'intercommunalité risque de mettre à mal la capacité de financer le fonctionnement des communes.
La question de fond est donc de savoir comment le Gouvernement entend mener la réflexion pour que la moyenne qu'il s'est engagé à respecter pour le financement des intercommunalités n'entraîne pas l'asphyxie financière des communes.
C'est d'autant plus important que la relation nouvelle dans laquelle le Gouvernement s'engage vis-à-vis des collectivités locales, par des nouveaux contrats en matière de sécurité et d'éducation, nécessitera, de la part des élus locaux, pour pouvoir conclure ces contrats, une lisibilité sur l'évolution de leurs recettes de fonctionnement et de leurs recettes fiscales.
Alors qu'un grand chantier s'ouvre aujourd'hui sur la transformation de la fiscalité locale en dotations d'Etat, une incertitude règne. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à l'honnêteté de Mme le secrétaire d'Etat qui a reconnu que le passage brutal d'un grand nombre d'agglomérations dans des communautés urbaines ou dans des communautés d'agglomération aurait des conséquences financières importantes.
Aujourd'hui, nous le savons les uns et les autres, le système de la DGF est sur le point d'exploser. Quel est l'avis du Gouvernement sur notre capacité ou notre incapacité à financer la solidarité urbaine, la solidarité rurale, l'intercommunalité et le fonctionnement des communes ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je pense effectivement que nous pourrions utilement éclairer cette discussion qui, me semble-t-il, doit pouvoir reprendre sur un mode serein. En tout cas, telle est ma volonté.
M. Gérard Braun. Nous le souhaitons !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je pense donc utile de rappeler quelques principes de base.
Le premier, c'est que c'est ce gouvernement qui a fait voter une loi sur l'intercommunalité en 1999 ; c'est ce gouvernement qui a mis en place la DGF bonifiée, dont il convient de rappeler, pour essayer de lever quelques inquiétudes, qu'elle est pérenne aux termes de la loi du 12 juillet 1999.
Par conséquent, la question que nous soulevons ce soir est de savoir non pas si ces majorations de DGF de 175 francs en moyenne ou de 250 francs seront effectivement honorées, mais comment, à l'avenir, nous les financerons. Et cela renvoie au débat global de la réforme de la dotation globale de fonctionnement. C'est l'évidence !
Permettez-moi de dire - et je pense que M. Delevoye ne me contredira pas - que c'est un sujet suffisamment vaste pour que je ne sois pas en mesure, raisonnablement, de le traiter devant vous ce soir. D'ailleurs, agissant ainsi, j'irais à l'encontre de la méthode annoncée par M. le Premier ministre...
M. Michel Sergent. Bien sûr !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... qui, je le rappelle, est une méthode de concertation avec les élus locaux et leurs associations, dans le cadre, notamment, d'un débat d'orientation qui aura lieu devant le Parlement.
Par conséquent, permettez-moi de rappeler ces principes de méthode et ces engagements législatifs, qui ne mettent nullement en cause les majorations de DGF qui sont et seront accordées à toute structure faisant le choix de l'intercommunalité.
M. Michel Sergent. Très bien !
M. Patrick Lassourd. En respectant les moyennes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le secrétaire d'Etat, nous savons bien que notre édifice de l'intercommunalité est extrêmement complexe. Le Sénat a beaucoup participé à la mise au point de la loi du 12 juillet 1999. Je tiens à rappeler, à ce stade, que cette loi résulte d'un processus assez exceptionnel, puisque la commission mixte paritaire, après avoir siégé pendant des journées entières, est parvenue à un accord.
M. Michel Mercier. Elle a siégé pendant dix-huit heures : la plus longue commission mixte paritaire de la Ve République !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce fut, en effet, la plus longue commission mixte paritaire de la Ve République. Le Sénat peut donc, avec cette performance, se considérer comme co-auteur de cette loi. Nous la connaissons particulièrement bien. D'ailleurs, le souhait du ministre de l'intérieur de l'époque était d'obtenir un consensus sur ce texte.
Nous connaissons bien le texte, et nous savons que l'appel à une intercommunalité plus intégrée supposait qu'intervienne le financement des dotations supplémentaires spécifiques, lesquelles, comme vous l'avez rappelé, sont un droit pour les nouvelles communautés. C'est parfaitement clair. La seule question est de savoir comment ces dotations sont financées et à l'intérieur de quelles enveloppes. Il faut également veiller à ce que leur mise en place ne porte pas préjudice aux collectivités locales ou à d'autres catégories de structures intercommunales.
Par conséquent, ne nous en veuillez pas, madame le secrétaire d'Etat, si nous sommes particulièrement vigilants sur cet état de choses. La commission des finances a tâché de l'être en faisant des calculs - certes, avec des instruments un peu frustres, cher collègue Michel Sergent, mais en tirant les leçons du passé immédiat - aboutissant à ce prélèvement sur recettes de 1,6 milliard de francs. Peut-être nous trompons-nous, peut-être avons nous, par précaution calculé un peu par excès. Il faut en effet rappeler que la somme de 1,6 milliard de francs est une limite maximale. Le besoin réel peut donc être inférieur à cette limite.
A partir de là, mes chers collègues, la commission des finances a fait ce qu'elle pouvait. Elle a alerté le Sénat, lequel a voté : vous avez voté la somme de 1,6 milliard de francs, mes chers collègues.
Il n'est absolument pas utile ni opportun d'aller plus loin. Tout ce qu'on fait de plus affaiblit notre position.
C'est pourquoi le président de la commission des finances demandait à notre collègue du Cantal Pierre Jarlier de bien vouloir retirer son amendement. M. le président Lambert l'a dit mieux que je ne saurais le dire : cet amendement, qui est un signal utile et qui a posé la bonne question, ne nous apporte pas le moyen technique adéquat pour y répondre. Mieux vaut donc en rester là du débat. Beaucoup de sénateurs se sont exprimés, le Gouvernement est alerté.
Moi non plus, je ne considère pas la réponse du Gouvernement comme satisfaisante. Mais, depuis le début de l'examen de ce projet de loi de finances, nous avons examiné de nombreux articles, et peu de réponses du Gouvernement m'ont satisfait. Ce n'est donc pas fondamentalement anormal. Mme le secrétaire d'Etat nous dit ce qu'elle peut nous dire. Nous l'avons avertie et nous prenons date, comme c'est notre rôle. En effet, les embarras de la gestion locale, c'est nous qui les connaissons et non les membres du Gouvernement ès qualité de membre du Gouvernement.
Mes chers collègues, je pense que, s'agissant des communautés d'agglomération et des moyens spécifiques de les financer, notre débat a bien montré quelles sont les préoccupations de la Haute Assemblée ; je crois que nous avons lieu d'être satisfaits de nous être exprimés comme nous l'avons fait jusqu'ici.
M. le président. Monsieur Jarlier, l'amendement n° I-222 est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Ce débat a au moins permis de clarifier la situation, puisque l'objet même de l'amendement n° I-222 était de savoir si les communautés de communes à TPU seraient financées de la même façon que les communautés d'agglomération, sans préjudice pour les finances des communes. M. Jean-Paul Delevoye a, tout à l'heure, très bien résumé la situation actuelle de l'intercommunalité dans le pays. S'il y a un vrai mouvement favorable, il y aussi un frein, lié à une certaine ambiguïté entre les dotations intercommunales et les dotations communales.
Mme le secrétaire d'Etat, dans sa deuxième intervention, m'a donné des assurances, en déclarant que, si des communautés de communes se constituaient, elles seraient financées à hauteur de ce qui était prévu. J'ai également reçu des assurances de la commission des finances, qui a considéré que, en faisant passer de 1,2 milliard de francs à 1,6 milliard de francs le montant du prélèvement sur les recettes de l'Etat, nous aurions les moyens suffisants de financer les communautés d'agglomération et que, de ce fait, cela n'aurait pas d'incidence sur les autres collectivités.
Par conséquent, je retire bien entendu cet amendement. Mais je pense que ce débat était nécessaire. Il nous appartiendra d'ailleurs d'envisager la réforme de la DGF. En effet, nous devons clarifier les dotations intercommunales et les dotations communales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. M. Bordas applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° I-222 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 26, modifié.

(L'article 26 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 26