SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 2. - L'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée est ainsi
modifié :
« I. - Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Les présidents de chambre des cours d'appel et les avocats généraux près
lesdites cours ; ».
« II. - Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe, en fonction de l'importance de l'activité
juridictionnelle, des effectifs de magistrats et de fonctionnaires des services
judiciaires et de la population du ressort, la liste des emplois de président
et de premier vice-président de tribunal de grande instance, ainsi que des
emplois de procureur de la République et de procureur de la République adjoint,
qui sont placés hors hiérarchie. »
« III. - Les 4° et 5° sont abrogés à compter de la date de publication du
décret en Conseil d'Etat prévu au II. »
Sur l'article, la parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
En ce qui concerne l'article 2, je voudrais indiquer que, jusqu'à présent, les
grades hors hiérarchie étaient énumérés par la loi organique. D'ailleurs,
chaque fois que l'on voulait en ajouter, il fallait adopter une loi
organique.
L'article 2 établit ce que j'appellerai une « cote mal taillée », puisqu'il
énumère certains postes qui relèvent de la loi organique et qu'il renvoie à un
décret en Conseil d'Etat pour les autres postes. La question, dès lors, se pose
: la matière est-elle réglementaire ou législative ?
A vrai dire, c'est une question qui est d'importance secondaire, dès lors que
les postes visés dans la loi organique sont classés hors hiérarchie à partir de
critères précis. Les critères sont précis en ce qui concerne la Cour de
cassation - elle est seule dans son genre - les cours d'appel et les chambres
des cours d'appel et leurs avocats généraux.
En revanche, ces critères ne sont pas du tout précis en ce qui concerne les
présidents, premiers vices-présidents, procureurs de la République et
procureurs adjoints, qui seront désignés par décret en Conseil d'Etat.
Si l'on veut éviter que la loi organique ne les énumère, au moins le décret
doit-il découler de critères précis que seule la loi organique peut fixer, car
elle seule peut apporter la garantie indispensable au principe d'inamovibilité.
Le magistrat qui sollicite sa mutation doit connaître avec certitude la
caractéristique du poste, et donc la carrière à laquelle il peut prétendre et
qui justifie qu'il demande à changer de poste.
On ne peut donc pas, me semble-t-il, laisser au décret le soin de fixer des
critères à partir des très générales considérations qui figurent dans la loi.
Encore que les critères qui nous sont proposés, et qui seront précisés par le
décret, aient une valeur très variable quant à leur objectivité.
Le plus facile à établir est sans doute celui de la population du ressort,
élément objectif et qui justifie, par l'importance de la démographie, la hors
hiérarchie. Encore faudrait-il inscrire un chiffre, à moins que l'on n'envisage
un mixage des trois critères afin de limiter le nombre des hors hiérarchie pour
des raisons, par exemple, budgétaires - on peut le comprendre, mais le problème
ne s'en pose pas moins.
Là où les choses deviennent plus complexes, c'est lorsque l'administration
doit évaluer l'activité juridictionnelle - plusieurs critères sont retenus et
varient sans arrêt - ou fixer les effectifs des personnels dans chaque
juridiction - ils varient souvent en fonction du volume de travail, certaines
affectations étant temporaires afin de faire face à des affaires lourdes et
complexes, affectations qui sont rapportées lorsque le « coup de feu » est
passé.
On imagine donc mal, mes chers collègues, que ce soit un décret qui, en
fonction de pratiques administratives plus ou moins conjoncturelles, règle le
profil des postes au point de perturber gravement l'appréciation et le choix
des magistrats qui acceptent de changer d'affectation ou qui y seront tenus par
la loi, si certains amendements qu'on nous propose sont adoptés.
Si les postes ne sont plus énumérés par la loi organique, c'est en revanche
celle-ci qui doit définir avec précision les critères retenus, sans permettre
au pouvoir exécutif de modifier leur modalité d'évaluation.
Cette disposition ne me paraît donc pas avoir une très grande chance de survie
devant le Conseil constitutionnel.
J'ajoute que, en cours de mutation, les critères pourront ou pourraient
éventuellement être changés sans préavis, afin, par exemple, de favoriser un
magistrat que l'on veut récompenser - dans ce cas, le poste qu'il brigue
deviendra subitement hors hiérarchie - ou de nuire à un magistrat que l'on veut
pénaliser - dans ce cas, le poste qu'il brigue ne sera plus hors hiérarchie. On
ne sait pas, cela peut arriver ! Je me souviens du décret Rousselet.
Bref, cela ne me paraît pas conforme aux règles qu'exigent les principes
d'inamovibilité et d'indépendance de l'autorité judiciaire. Evitons donc, mes
chers collègues, un camouflet du Conseil constitutionnel et évitons aussi que
ce camouflet ne donne un prétexte à certains syndicats de magistrats pour
contester l'ensemble de la réforme qui fonde la gestion du corps sur la
mobilité.
C'est pourquoi, monsieur le président, je souhaite que, sur l'article 2, le
Sénat vote par division : si le I ne pose aucun problème, en revanche, je
souhaite que le Sénat vote contre les II et III, la navette permettant de les
réécrire pour éviter un sévère rappel à l'ordre du législateur par le Conseil
constitutionnel.
M. le président.
Je vais donc mettre aux voix l'article 2 par division.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je salue la perspicacité et le sens de la précision de
M. Charasse.
S'agissant de la question des emplois hors hiérarchie, le Gouvernement partage
son souci d'encadrer suffisamment le renvoi au pouvoir réglementaire. Il faut
trouver un équilibre entre une imprécision, qui ne serait pas acceptable, et
une excessive rigidité.
Les trois critères proposés, à savoir l'activité juridictionnelle, l'effectif
des magistrats et des fonctionnaires et la population du ressort, constituent
en fait la synthèse des critères retenus par le Parlement lors des précédentes
localisations d'emplois hors hiérarchie et qui étaient au nombre de douze. J'en
tiens la liste à la disposition du Sénat. Mais la navette permettra sans aucun
doute, comme vous le souhaitez, monsieur Charasse, d'approfondir la réflexion
sur la pertinence des critères proposés. Je vous les ferai connaître et nous
pourrons, lors de la navette, voir si cela satisfait votre besoin de clarté.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas seulement le mien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'avais cru comprendre que nous allions procéder à un vote
par division et je comptais m'expliquer sur le paragraphe II après avoir voté
le paragraphe I, ce qui me paraissait logique. Mais puisque nous continuons à
débattre sur le paragraphe II, je vais m'expliquer dès maintenant sur celui-ci,
afin de ne pas avoir à y revenir ultérieurement.
La commission a bien vu la difficulté, mais elle lui a paru formelle. La
question de savoir et d'apprécier quels sont le volume de l'activité
juridictionnelle, les effectifs des magistrats et des fonctionnaires des
services judidiaires ou la population du ressort relève pratiquement, comme je
le disais d'une manière générale à propos de l'ensemble du texte, de la gestion
de la magistrature, et donc d'une démarche réglementaire.
Il est vrai que, dans le passé, nous avions à apprécier quelles étaient les
juridictions qui passaient dans la catégorie hors hiérarchie, puisque hors
hiérarchie il y a - expression d'ailleurs plus pittoresque, je le répète encore
une fois, qu'exacte. Mais, chaque fois, nous avions voté les dispositions
proposées, car le problème était formel. Nous n'avons donc pas vu
d'inconvénient à dire qu'il suffit d'un décret en Conseil d'Etat pour le
régler.
Il nous paraît sage de voter ce texte tel que nous le présente le
Gouvernement. Peut-être celui-ci trouvera-t-il le moyen - vous y avez fait
allusion tout à l'heure, madame le garde des sceaux - pour éviter l'ire
éventuelle du Conseil constitutionnel, d'apporter quelques précisions
s'agissant des critères qui ont été retenus.
Sur le fond, il ne nous paraît pas choquant que ce soit un décret en Conseil
d'Etat - ce n'est pas n'importe quel décret ! - qui fixe la liste des
juridictions dont les chefs de juridiction seront classés hors hiérarchie.
En conséquence, la commission vous propose d'adopter ce paragraphe II, comme
les paragraphes I et III, et donc l'ensemble de l'article.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe I de l'article 2.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les paragraphes II et III de l'article 2.
(Ces textes sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2