SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements présentés par M. Joly.
L'amendement n° 120 rectifié tend à insérer, après l'article 42, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n°
98-1194 du 23 décembre 1998) est modifié comme suit :
« Dans le deuxième alinéa (1°) du I, les mots : "figurant sur une liste
établie" sont remplacés par les mots : "figurant sur une liste indicative
établie".
« Dans le huitième alinéa du I, les mots : "les salariés ou anciens salariés
reconnus atteints au titre du régime général d'une maladie professionnelle
provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des
ministres chargés du travail et de la sécurité sociale" sont remplacés par les
mots : "toutes personnes reconnues atteintes d'une maladie professionnelle
provoquée par l'amiante et figurant aux tableaux de maladies professionnelles
du régime général". »
L'amendement n° 121 vise à insérer, après l'article 42, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa du I de l'article 41 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), sont supprimés les
mots : "ou d'invalidité". »
L'amendement n° 122 a pour objet d'insérer, après l'article 42, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale est
complété
in fine
par les mots : "ou de l'action en reconnaissance du
caractère professionnel de la maladie ou de l'accident, pour laquelle ou pour
lequel l'indemnisation complémentaire est demandée". »
L'amendement n° 123 tend à insérer, après l'article 42, un article additionnel
ainsi rédigé :
« La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 434-2 du code de la
sécurité sociale est supprimée. »
L'amendement n° 124 vise à insérer, après l'article 42 un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 434-7 du code de la sécurité sociale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, dès lors que la victime était titulaire d'une ou plusieurs rentes
correspondant à une incapacité totale, le droit à pension est de droit, sans
restriction aucune. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 434-8 du même code est ainsi rédigé
:
« Sous réserves des dispositions des alinéas suivants, le conjoint survivant,
le concubin survivant ou le cocontractant d'un pacte civil de solidarité, a
droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime.
»
« III. - L'article L. 361-3 du même code est abrogé. »
L'amendement n° 125 a pour objet d'insérer, après l'article 42, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "à l'article L. 434-15", la fin de l'article L. 434-17 du
code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : "et aux indemnités en capital
mentionnées à l'article L. 434-1". »
Enfin, l'amendement n° 126 tend à insérer, après l'article 42 un article
additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du quatrième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité
sociale, sont supprimés les mots : "et au moins égal à un pourcentage
déterminé". »
La parole est à M. Joly, pour défendre ces sept amendements.
M. Bernard Joly.
La loi vise les personnes travaillant ou ayant travaillé dans un établissement
de fabrication de matériaux contenant de l'amiante et mentionné dans une liste
ainsi que les personnes étant atteinte d'une maladie professionnelle reconnue
au titre du régime général.
Certaines victimes, bien que souffrant de maladies professionnelles parfois
très invalidantes liées à l'inhalation d'amiante et reconnues comme telles se
voient refuser le bénéfice de ce dispositif, alors que d'autres peuvent y
prétendre, quelle que soit l'affection, du seul fait d'avoir travaillé dans un
établissement de fabrication de matériaux contenant le l'amiante.
La loi exclut les victimes d'une maladie professionnelle non reconnue au titre
du régime général. Il en va ainsi des enseignants, fonctionnaires exposés tout
au long de leur carrière et souffrant d'une maladie professionnelle liée à une
exposition à l'amiante.
L'amendement n° 120 rectifié vise à remédier à cette situation.
Pour ce qui est de l'amendement n° 121, la loi de financement de la sécurité
sociale de 1999 interdit aux intéressés de cumuler certains revenus et
allocations. Il s'agit des salaires, des allocations chômage et de préretraite,
des avantages de vieillesse et d'invalidité.
Ainsi, une circulaire ministérielle est venue préciser que l'intéressé doit «
opter ».
Or le législateur comme les services ministériels n'ont pas pris en
considération la situation des invalides de première catégorie exerçant une
activité professionnelle à temps réduit en raison de leur handicap et
désireuses de bénéficier du dispositif de cessation anticipée susmentionné.
Face à cette situation, on peut difficilement dire que l'intéressé peut
vraiment « opter ».
Le législateur doit mettre fin à cette situation, pour que les travailleurs
handicapés puissent cumuler leur pension d'invalidité avec l'allocation, comme
ils peuvent le faire avec un salaire, et faire prendre en compte le montant de
cette pension dans le calcul de l'allocation susvisée pour en augmenter le
montant, bien évidemment dans la limite du maximum.
En ce qui concerne l'amendement n° 122, un arrêt de la Cour de cassation, en
date du 20 avril 2000, vient de trancher de manière très rigoureuse la question
de principe du point de départ de la prescription en matière de reconnaissance
de la faute inexcusable.
La juridiction suprême a, en effet, précisé que l'introduction d'une action en
reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ne suspend pas le délai
de prescription de l'action en constatation de la faute inexcusable de
l'employeur.
Pour elle, en dépit d'un arrêt rendu le 15 octobre 1998 par la cour d'appel de
Paris, rien n'empêche de conjuguer l'action visant la prise en charge de la
maladie au titre de la législation des risques professionnels et celle qui vise
la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
S'agissant de l'amendement n° 123, nombreuses sont les victimes d'accidents du
travail ou de maladies professionnelles qui bénéficient à ce titre d'une rente
dont le montant est inférieur à celui auquel elles auraient pu prétendre en
invalidité si le caractère professionnel de leur maladie ou de leur accident
n'avait pas été reconnu.
Dans l'article L. 434-2, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, le
législateur a créé une discrimination entre les victimes en distinguant celles
qui étaient déjà titulaires d'une pension d'invalidité avant la reconnaissance
de leur maladie professionnelle ou la prise en charge de leur accident du
travail, qui peuvent se retrouver avec un niveau d'indemnisation moindre au
titre de la législation applicable aux risques professionnels, et les autres
victimes de risques professionnels, qui bénéficient du dispositif de sauvegarde
prévu au cinquième alinéa de l'article L. 434-2, leur garantissant un niveau
d'indemnisation au moins égal à ce à quoi elles auraient pu prétendre au titre
de l'invalidité.
L'amendement n° 123 a précisément pour objet de mettre un terme à cette
anomalie, dans le prolongement des conclusions de la commission présidée en
juin 1999 par Mme Lévy-Rosenwald.
En ce qui concerne l'amendement n° 124, certaines mesures restreignant les
droits des ayants droit qui ont perdu un être cher suite à accident du travail
ou à une maladie professionnelle nous paraissent injustes, qu'il s'agisse de
l'exigence d'une durée de mariage avant le décès, de l'exclusion des concubins
et des cocontractants d'un pacte civil de solidarité ou de l'interdiction de
cumuler le remboursement des frais funéraires et le capital décès.
S'agissant de l'amendement n° 125, le barème d'évaluation de l'indemnité en
capital due aux victimes d'accidents du travail dont le taux d'incapacité
permanente partielle est inférieure à 10 % n'a pas été revalorisé depuis sa
création en 1986.
Cette dépréciation atteint aujourd'hui plus de 30 % par rapport à l'évolution
des rentes et constitue, par conséquent, une restriction injustifiée de
l'indemnisation des victimes qui ont droit à l'attribution d'un capital
actualisé à la date de la consolidation de leur accident.
Une étude comparative des montants attribués par les juridictions civiles en
matière de dommages et intérêts démontre, eu égard au barème de l'indemnité en
capital mentionnée à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, que la
comparaison frôle l'indécence à l'égard des accidentés du travail.
J'en arrive, enfin, à l'amendement n° 126.
L'article 7-1 de la loi du 27 janvier 1993 est venu ajouter au système des
tableaux de maladies professionnelles un système complémentaire de
reconnaissance des maladies d'origine professionnelle dans deux cas de figure :
lorsque la maladie est désignée dans un tableau de maladie professionnelle « si
une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée
d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies », et
lorsque la maladie n'est prévue dans aucun tableau mais qu'il « est établi
qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la
victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente
supérieure à 66 % ».
Il est injuste de maintenir cette limitation tenant au niveau de l'incapacité,
dans la mesure où l'alinéa 4 de cet article exige déjà qu'il soit établi que la
maladie « est essentiellement et directement causée par le travail habituel de
la victime ».
Ce seuil ne fait que vider de son sens et rend quasiment ineffectif le
dispositif dans lequel il s'inscrit.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces sept amendements ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Que est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Joly, les différents sujets évoqués à travers
les amendements que vous venez de défendre posent, je le reconnais, des
problèmes qui méritent que l'on s'y arrête. En effet, derrière chacune de vos
propositions, se cachent souvent des situations personnelles douloureuses.
Ces dernières années l'amiante - ses conséquences, surtout - a montré
l'insuffisance de notre système d'indemnisation des victimes d'accidents du
travail et de maladies professionnelles : complexité des procédures,
indemnisations considérées comme trop faibles.
Ce qui était une législation d'avant-garde en 1898 a peu à peu été dépassé par
d'autres systèmes d'indemnisation.
C'est ce qui a conduit le Gouvernement, depuis trois ans, à prendre diverses
mesures visant à améliorer la reconnaissance et la répartition des accidents du
travail et des maladies professionnelles.
Je pense notamment à l'encadrement des délais de réponse des caisses de
sécurité sociale, qui met fin à ce que l'on appelait la contestation préalable,
procédure qui laissait
in fine
toute latitude aux organismes de sécurité
sociale pour ne pas répondre.
Je pense encore à la création et à la mise en oeuvre d'un dispositif de
cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante, dispositif
qui s'est amélioré au fil des précisions de la liste des professions qui
avaient été touchées par le risque de manipulation de l'amiante.
Dans la même logique, nous avons proposé, cette année, un fonds
d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui accordera aux victimes une
indemnisation intégrale, avec les aménagements et les améliorations qui ont été
apportées grâce à la discussion parlementaire.
Mais nous savons que les difficultés de notre système ne concernent pas que
les victimes de l'amiante. D'autres maladies professionnelles doivent être
reconnues et bénéficier d'une prise en charge.
C'est pour cela que nous avons récemment confié au professeur Masse, président
de la commission spécialisée des maladies professionnelles du Conseil supérieur
de prévention des risques professionnels, une mission de réflexion et de
proposition sur ce système d'indemnisation. Ce professeur, qui doit rencontrer
l'ensemble des parties concernées, devrait nous rendre ses conclusions au
printemps prochain.
Nous avons déjà eu l'occasion de le dire, mais je le répète aujourd'hui, Mme
Guigou et moi-même serons très attentives à ces conclusions. Je suis sûre
qu'elles couvriront l'ensemble des sujets que vous avez évoqués, monsieur
Joly.
Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer l'ensemble de vos amendements,
assurance vous étant donnée que nous évoquerons les questions que vous avez
soulevées lors de la publication du rapport du professeur Masse.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission est très attentive à un certain nombre de
questions importantes soulevées dans ces amendements.
Je pense notamment à la liste des maladies liées à l'amiante et ouvrant droit
à la cessation anticipée d'activité - j'ai parlé des chantiers de Saint-Nazaire
- à la possibilité de cumuler une pension d'invalidité et une allocation de
cessation d'activité pour les travailleurs modestes, à la notion d'ayant droit
au regard des problèmes posés par le concubinage et le PACS, à la
revalorisation du barème des indemnités en capital pour les incapacités
inférieures à 10 %, toutes choses visées aux amendements n°s 120, 121, 124 et
125, auxquels la commission est donc favorable.
Mais, comme j'ai entendu l'invitation au retrait de ses amendements que Mme le
secrétaire d'Etat a adressée à notre collègue Bernard Joly, je n'irai pas plus
avant.
M. le président.
Maintenez-vous les amendements, monsieur Joly ?
M. Bernard Joly.
Si je les retire, je vais, au nombre d'amendement retirés, rejoindre notre
collègue Guy Fischer !
(Sourires.)
Madame la secrétaire d'Etat, je préfère la proposition que vous venez de me
faire à votre attitude de ce matin, où vous m'avez flanqué un coup de bâton un
peu à l'improviste. Encore que, si je la refuse, je reprendrai peut-être
d'autres coups de bâtons
(Nouveaux sourires)
, ce qui peut m'influencer
dans ma sagesse !
Cela étant dit, compte tenu de la promesse que vous m'avez faite de réexaminer
mes amendements, qui sont maintenant devenus un peu ceux de la commission,
puisque je viens de recevoir l'appui de M. le rapporteur, au moins sur certains
d'entre eux, je vais les retirer, en espérant qu'ils seront satisfaits, pour le
bien de nos populations.
M. Charles Descours,
rapporteur.
On les insérera dans le DMOS !
M. le président.
Les amendements n°s 120 rectifié, 121, 122, 123, 124, 125 et 126 sont
retirés.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je ne voudrais pas, monsieur Joly, que vous restiez
sur une mauvaise impression. Ce matin, ce n'était pas un coup de bâton ;
c'était vraiment une mesure de précaution au regard des conséquences
qu'entraînait votre amendement.
En l'instant, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu retirer vos
amendements. Je vous renouvelle mon engagement que vos préoccupations, qui sont
maintenant relayées par la commission des affaires sociales du Sénat et que
nous faisons également nôtres, seront prises en compte. Je vous garantis qu'à
la publication du rapport du professeur Masse nous vous apporterons tous
apaisements sur ces questions.
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