SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Dans la discussion des articles, nous reprenons l'examen des amendements
tendant à insérer des articles additionnels après l'article 31.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 23 rectifié, M. Descours, au nom de la commission des
affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 31, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
(n° 99-1140 du 29 décembre 1999) est abrogé.
« II. - L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale est rétabli dans
la rédaction antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour
2000 (n° 99-1140 du 29 décembre 1999). Le I de cet article est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Elle met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à
favoriser le respect de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses par
l'ensemble des médecins conventionnés. »
« III. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est rétabli dans
la rédaction suivante :
«
Art. L. 162-5-3
. - I. - Lorsque, à l'occasion de l'analyse annuelle
des résultats de l'exercice, les parties conventionnelles constatent un
dépassement de l'objectif prévisionnel, elles recensent les postes de dépenses
concernés et arrêtent, dans l'annexe annuelle mentionnée à l'article L.
162-5-2, la liste des contrats régionaux d'objectifs et de moyens applicables à
ces postes pour l'année suivante.
« Avant le 1er mars de l'exercice suivant, les contrats régionaux d'objectifs
et de moyens, conclus dans chaque région par les représentants des organismes
signataires de la convention et les unions régionales de caisses d'assurance
maladie, fixent des objectifs pour chacun de ces postes en fonction :
« 1° Du respect des objectifs mentionnés aux troisième (1°) et quatrième (2°)
alinéas de l'article L. 162-5-2 ;
« 2° De l'évolution du niveau relatif et des caractéristiques de l'activité
des médecins, notamment en ce qui concerne leurs prescriptions ;
« 3° Des évaluations réalisées par l'union des médecins exerçant à titre
libéral et mentionnées à l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993,
relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie
;
« 4° Des actions de formation médicale continue visées à l'article L. 4133-1
du code de la santé publique ;
« 5° De l'importance des dépassements d'honoraires ;
« 6° Du respect des références médicales opposables.
« Chaque médecin est informé, dans un délai de huit jours, des éléments
établis dans le contrat régional d'objectifs et de moyens.
« Un bilan d'application des contrats régionaux est effectué en fin
d'exercice. Les partenaires conventionnels en tirent les conséquences dans le
contenu de l'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2.
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles, en
l'absence de dispositions conventionnelles prévues par le I ou en cas de
carence des parties à la convention, les organismes du régime général de
l'assurance maladie mettent en oeuvre les dispositions prévues par le présent
article. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Murat, Leclerc, Giraud, Gournac,
Lepeltier, Martin et les membres du groupe du Rassemblement pour la
République.
L'amendement n° 69 est déposé par M. Huriet et les membres du groupe de
l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n°
99-1140 du 29 décembre 1999) est abrogé. »
La parole est M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 23
rectifié.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Cet amendement est évidemment
important puisqu'il tend à revenir sur une disposition qui avait été prévue
l'année dernière dans la loi de financement de la sécurité sociale : elle
concerne les sanctions contre les médecins.
L'article 24 instituait un mécanisme de régulation des dépenses par
lettres-clés flottantes, avec des sanctions possibles tous les quatre mois à la
suite d'un rapport de la CNAM.
Comme je l'ai dit avant-hier dans mon intervention liminaire, ce mécanisme
était pernicieux, car il aboutissait à diviser les médecins qui, n'ayant plus
rien à négocier, ne pouvaient plus maîtriser leur base. Il est également
absurde parce que les professionnels prennent de l'avance de peur que leur
lettre-clé ne soit décotée. Enfin, il est injuste, puisqu'il sanctionne de
manière collective, c'est-à-dire y compris les professionnels qui n'ont pas
démérité.
L'an dernier, nous avions déjà proposé un système alternatif pour tenter
d'éviter ces sanctions collectives qui - je l'ai dit ce matin et je le redis
sans aucun esprit de polémique en ce début d'après-midi - rendent aujourd'hui
impossible le rétablissement du dialogue avec les médecins et les
professionnels de santé en général.
Par ailleurs, avec ces lettres-clés flottantes, on nie, de fait, la politique
conventionnelle sur laquelle est fondé notre système de santé depuis de
nombreuses années.
L'amendement que je propose - il peut, évidemment, être amélioré - tend à
trouver un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses
médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et
contribuant, si possible, à l'amélioration des pratiques médicales, dans
l'intérêt des patients.
Il prévoit, d'abord, l'organisation collective des moyens de la régulation
médicalisée des dépenses, en inscrivant dans la loi que l'annexe annuelle à la
convention met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à
favoriser le respect de l'objectif prévisionnel des dépenses par l'ensemble des
médecins conventionnés.
Il fait donc appel, dans un premier temps, à la responsabilité professionnelle
collective des médecins libéraux, plus généralement des professionnels de
santé, qui est seule de nature à garantir durablement l'exercice d'une médecine
de qualité au moindre coût.
Dans un deuxième temps, le dispositif proposé prévoit la procédure applicable
en cas de dérapage des dépenses.
L'analyse des raisons de ce dérapage fait nécessairement apparaître les postes
de dépenses qui ont dérivé par rapport à l'objectif. On le sait déjà
aujourd'hui à l'échelon national. Les partenaires conventionnels - les
professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie - en dressent la
liste, qui correspondra à des contrats régionaux d'objectifs et de moyens,
comme cela existe pour les agences régionales d'hospitalisation, qui devront
être conclus au niveau de chaque union régionale de caisses d'assurance maladie
au début de l'année suivante.
Aux termes de ces contrats, seront fixés des objectifs individualisés
d'activité pour les médecins, qui tiennent compte de plusieurs éléments : écart
par rapport à l'objectif de dépenses, caractéristiques de l'activité du médecin
et de ses prescriptions, résultats des évaluations individuelles réalisées par
les unions régionales de médecins, participation aux actions de formation
médicale, respect des références médicales opposables.
Les médecins pourront donc, en cas de dépassement de l'objectif, amender leur
pratique individuelle au regard d'objectifs individuels d'activité.
En fin d'exercice, un bilan d'application des contrats régionaux est réalisé.
Les partenaires conventionnels en tirent les conséquences dans le contenu de
l'annexe annuelle à la convention.
Ce dispositif de maîtrise des dépenses - il peut être amélioré, je le répète,
mais nous essayons d'aider le Gouvernement actuel à sortir de l'impasse dans
laquelle nous nous trouvons avec les professionnels de santé - présente les
caractéristiques suivantes : il assure le maintien de la vie conventionnelle,
il est simple, il est médicalisé, il est régionalisé, il est efficace et il
permet aux médecins d'amender individuellement leur pratique
professionnelle.
Madame la ministre, vous avez reçu un certain nombre de professionnels de la
santé, notamment la confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, et
MG-France, et, selon les propos que l'on vous prête dans un article, vous
auriez dit que le dialogue n'aurait peut-être pas été assez soutenu ces
derniers temps et que les médecins que vous avez reçus ont été impressionnés
par votre qualité d'écoute. Vous auriez dit également que vous n'aviez pas
encore trouvé les bonnes solutions pour réguler les dépenses. Vous auriez
condamné les sanctions collectives. Enfin, vous auriez plaidé pour une maîtrise
non purement comptable.
L'auteur de l'article poursuit : « Elle ne fait pas autre chose qu'un
mea
culpa
assorti d'un relatif aveu d'impuissance ». Je n'irai pas jusque-là,
le
mea culpa
est quelque chose de très personnel.
Je dois souligner aussi que, dans le même article, sont citées un certain
nombre de positions de l'ensemble des forces politiques, notamment de M. Alfred
Recours, mon homologue à l'Assemblée nationale, et de M. Claude Pigement,
délégué national au parti socialiste : « Il faut approfondir la concertation et
mieux dialoguer ».
Bref, aujourd'hui, je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que le
dialogue avec les professionnels de la santé a atteint un niveau au-dessous de
zéro. Nous devons sortir de cette situation, car il faut, d'une part, pouvoir
médicaliser l'attribution de l'ONDAM et, d'autre part, trouver le moyen de
sanctionner ceux qui dérapent de façon non pas collective, mais
individuelle.
Très sincèrement, madame la ministre, envisagez-vous de sortir des
lettres-clés flottantes et des conférences de la CNAM tous les quatre mois, qui
sont ridicules ? D'ailleurs, celle qui va se tenir aujourd'hui est sans objet,
puisque l'ONDAM ayant déjà été « rebasé » par un amendement de l'Assemblée
nationale, la CNAM ne pourra pas prendre de sanctions : l'ONDAM « rebasé »
tient compte, en effet, des dérapages.
A l'évidence, c'est un mécanisme ubuesque ! Si j'y insiste, c'est que je crois
que le système conventionnel et le dialogue entre les caisses, le ministère et
les professionnels de santé en dépendent. Je le dis d'un façon calme, non
polémique, et je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez faire une
ouverture dans ce sens.
Je ne vous demande pas de donner un avis favorable au présent amendement mais,
si vous le faisiez, j'en serais ravi !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Dominique Leclerc.
Les propos tenus à l'instant par Charles Descours résument totalement notre
état d'esprit.
Nous comprenons, bien évidemment, que les sanctions collectives soient
rejetées. Dans la discussion générale, madame la ministre, j'avais dit
qu'aujourd'hui aucun corps social - nous les premiers, en politique -
n'admettrait de subir une sanction collective en raison de dérapages de
quelques-uns. En médecine, c'est la même chose !
Aujourd'hui, l'informatisation des caisses locales permet d'identifier toutes
les dérives qui existent - c'est humain mais, heureusement, fort rare - au sein
de chacun des corps professionnels de la santé. Aussi, quand j'entends dire que
l'on ne peut pas mettre en place des sanctions individuelles, car les sanctions
ne peuvent être que collectives, je ne comprends pas : je ne vois pas comment
l'ont pourrait imposer à quelques-uns ce que l'on refuserait pour soi-même.
C'est le premier point.
Tout à l'heure, l'un de mes collègues a dit, que l'expression « maîtrise
médicalisée » ne voulait rien dire. Pour ma part, je constate que les lois de
financement de la sécurité sociale ont une histoire de cinq ans et que :
beaucoup de chemin a été fait : toutes les personnes concernées, notamment les
professionnels, qu'ils soient publics ou privés, ont pris conscience du fait
qu'il était impossible de continuer comme auparavant. C'est énorme ! Derrière
le mot « maîtrise » , il y a désormais deux volets indissociables : l'un
financier, l'autre professionnel, donc médicalisé.
De grâce, n'oubliez pas que la médecine n'est pas une science exacte ! C'est
une science, certes, mais, derrière le volet de connaissances scientifiques, il
y a, de plus en plus, un volet humain et, depuis ces dernières années, un volet
social.
Par ailleurs, on le sait tous pour les cotoyer, les patients, comme la
société, ont beaucoup changé. La maîtrise médicalisée des dépenses est donc un
exercice variable mais aussi, et surtout, évolutif.
Enfin, comme Charles Descours, j'ai lu, moi aussi, madame le ministre, dans un
quotidien spécialisé, l'article auquel il a fait allusion. La maîtrise
médicalisée des dépenses permet, aujourd'hui, de s'orienter vers une
responsabilisation de plus en plus grande, que les praticiens attendent, et je
m'en félicite ! Mais il faut aussi laisser le temps au temps, afin que les uns
et les autres prennent conscience de leur propre responsabilité.
Pour autant, il faut procéder à des évaluations. Mais celles-ci ne peuvent
être effectuées qu'avec les professionnels, au travers de syndicats
représentatifs. Des erreurs ont été commises dans le passé. Un syndicat
représentatif, ce n'est pas seulement celui qui s'assied autour de la table,
c'est aussi celui qui représente une majorité de professionnels. Or les
professionnels déplorent de ne pas avoir été associés aux évaluations.
En matière de maîtrise médicalisée des dépenses en dehors de l'Etat, donc de
l'intérêt général, les premiers concernés, en termes de santé, ce sont les
praticiens et les patients. On caricature parfois en disant que ce pays n'a pas
de politique de santé. C'est aller un peu vite en besogne ! Il est toutefois
indispensable, au-delà des dix points forts que peut retenir une conférence
nationale de la santé, que les praticiens et les patients puissent identifier
un objectif national qui recouvre tous les aspects de la santé : la prévention,
l'hygiène, l'impact de l'environnement - on en parle beaucoup ces temps-ci - et
les soins publics et privés.
Aujourd'hui, la motivation est absente parce que ces personnes n'identifient
pas très bien ni le pourquoi ni le comment des mesures qu'elles subissent ou
qu'elles sont chargées de mettre en oeuvre.
Enfin, s'agissant du partenaire qu'est la sécurité sociale, on connaît tous
des médecins contrôleurs. Ils ont reçu, à juste titre, une formation
administrative et comptable. Or ils disent leurs difficultés à pouvoir évaluer
médicalement leur collègues, car ils ne sont pas sur le terrain tous les jours
: ils ne connaissent pas le patient, son histoire, sa famille, son
environnement.
Voilà un certain nombre de raisons qui expliquent les malentendus qui
existent. Mais nous sommes là pour les dissiper. Aujourd'hui, les choses
semblent évoluer dans le bon sens.
C'est pourquoi il est important d'identifier une politique de santé. Il faut
également que les praticiens se responsabilisent, afin que cette maîtrise à
double détente - financière et médicalisée - puisse enfin voir le jour pour la
satisfaction des patients, car on les oublie souvent.
(« Très bien ! » et
applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je ne répéterai pas ce qui a été excellemment dit par mes deux prédécesseurs.
Simplement, c'est l'occasion pour moi de témoigner du désarroi d'une
profession. Je ne parle pas en son nom, loin de là, mais je constate que,
lorsque l'on a le dos au mur, comme dans la vie courante, des sentiments, voire
des comportements d'autodéfense se développent.
Notre rôle à nous tous, à droite comme à gauche, est donc de rétablir un
climat de confiance. On peut le rétablir à l'aide de moyens techniques, et il
faut essayer de les trouver là où ils se cachent. Nous avons pu participer,
cette année, à la création d'outils statistiques très pointus permettant de
mesurer les dépenses d'assurance maladie. Mais, surtout, il faut prendre
conscience du fait que la santé n'est plus du tout ce qu'elle était : nous
sommes passés de l'époque du soin « pur » à celle de la prise en charge du
malade dans sa dimension psychosociale et environnementale. De ce fait, il nous
est de plus en plus difficile de cerner les besoins.
Nous souhaitons tous, les uns et les autres, garantir et stimuler la
prévention, développer la technicité comme la sécurité. Mais cela entraîne des
coûts qu'il est impossible de répercuter directement et brutalement à
l'occasion de sanctions collectives, qui sont considérées souvent comme des
stigmatisations.
Cependant, l'arrivée d'un nouveau ministre devrait permettre de reprendre le
dialogue d'une façon plus sincère et plus forte. La situation ne semble pas
désespérée, mais il est urgent d'agir.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 55 et 69 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'avis de la commission est simple : si le Sénat veut bien
voter l'amendement que je lui présente, au nom de la commission, les
amendements n°s 55 et 69 seront satisfaits. Ils pourraient donc être utilement
retirés, ou deviendront sans objet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 23 rectifié ainsi que sur
les amendements identiques n°s 55 et 69 ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai, comme toujours, mais cette fois encore
plus particulièrement, écouté très attentivement vos propositions tant il est
vrai que notre système demande à être amélioré en raison des inconvénients
qu'il présente aujourd'hui, à l'évidence.
En même temps, nous avons la responsabilité collective de maîtriser les
dépenses de santé. D'ailleurs, vous-même plaidez, dans ce débat, pour le
respect strict de l'ONDAM voté par le Parlement.
Nous avons donc la responsabilité de maîtriser les dépenses de santé, car nous
savons que les besoins seront toujours, par définition, extensibles à l'infini.
Cette maîtrise doit être conduite de manière intelligente avec les professions
concernées.
Le projet de loi prévoit une méthode, vous en proposez une autre. J'ai bien
noté, monsieur le sénateur, que vous n'attendiez pas que je prenne position sur
les modalités que vous proposez. D'ailleurs, à mon avis, ce ne serait pas
raisonnable. Nous devons réfléchir posément à ces questions, dans un dialogue
politique, bien sûr, mais aussi en concertation avec les professionnels. Par
conséquent, j'émets un avis défavorable sur ces trois amendements qui,
d'ailleurs, ont le même objet.
Je précise qu'il s'agit ici de supprimer une disposition du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, l'article 24, sans véritablement que le
système de remplacement proposé soit convaincant.
J'ai bien entendu vos arguments généraux. Le problème n'est pas neuf, et nous
le connaissons depuis des années. Mais passer de prises de position générales,
comme celle, d'ailleurs, que je viens de défendre, à un système qui marche,
c'est beaucoup plus difficile !
J'ai commencé les consultations avec les professionnels de santé. Je les
poursuivrai, bien entendu, pour modifier, améliorer, parfaire le système. Mais
comprenez que je refuse toute précipitation.
Je suppose que vous ne voterez pas l'ONDAM, mais le Parlement, en définitive,
l'adoptera. Alors, il faut être cohérent : respecter ce que vote le Parlement,
c'est, en l'occurrence, accepter une maîtrise des dépenses de santé. On ne peut
pas vouloir une chose et son contraire. Toutefois, je le répète, s'agissant des
modalités, je suis ouverte à la discussion.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'intervention de Mme le ministre a mieux débuté qu'elle ne
s'est terminée, mais enfin !
(Sourires.)
S'agissant de l'ONDAM, les informations publiées par la CNAM ce matin nous
montrent au moins que les sanctions actuelles restent sans effet.
L'enjeu est très grave. Je le dis à titre personnel, mais nous sommes sans
doute tous disposés à rechercher avec les professionnels, et avec le
Gouvernement s'il le souhaite, les moyens de sortir de cette crise.
Si nous sortons du système conventionnel - et c'est ce que nous sommes en
train de faire - je ne sais pas, et vous ne savez pas plus, madame le ministre,
de quoi la médecine française sera faite demain. Je ne prétends pas que le
système que j'ai proposé l'année dernière soit génial. Je souhaite simplement
que les services l'étudient.
Il faut des sanctions individuelles. Pour ce qui est des sanctions
collectives, nous les avons décidées, et cela nous a coûté assez cher en 1997,
madame le ministre ! Donc, nous savons ce qu'il en est.
En outre, le dispositif de sanctions individuelles doit lui-même être plus
médicalisé.
Je maintiens donc mon amendement, et je demande à mes collègues et amis de
bien vouloir le voter, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, qui m'a
peiné.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur Descours, je ferai
étudier vos propositions comme je fais étudier toutes celles qui me sont
soumises actuellement. J'estime en effet que nous sommes confrontés à une
situation très difficile et que, par conséquent, il ne faut rien exclure
a
priori.
Mais il arrivera tout de même un moment où il faudra se doter véritablement
d'instruments élaborés à la lumière de l'expérience actuelle, qui prouve que
ceux qui existent ne sont pas utilisés.
Donc, il faudra bien tirer les conséquences de toutes sortes de
dysfonctionnements, et pas simplement de façon unilatérale.
Cela dit, vous avez fait des propositions. Elles sont là. Nous n'avons pas eu
le temps de les examiner parce qu'elles ne s'inscrivent pas dans la logique et
dans l'esprit de ce débat, mais soyez sûr que je les étudierai avec la plus
grande attention, au même titre que les autres propositions.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23 rectifié.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Pour notre part, nous entendons maintenir la position que nous avions adoptée
l'année dernière. Nous nous étions alors abstenus sur la question des
lettres-clés flottantes.
Nous reconnaissons que les lettres-clés flottantes n'auraient jamais été
introduites si n'avaient pas été constatées des dérives importantes. Il
s'agissait alors de se doter d'un outil de maîtrise des dépenses. Nous n'avons
pas totalement adhéré à cette solution et nous nous sommes abstenus.
Je l'ai dit dans la discussion générale, nous n'entendons pas jeter l'opprobre
sur l'ensemble des professions de santé. Nous savons fort bien, compte tenu des
nombreux outils dont nous disposons, que Mme la ministre, avec l'aide de ses
services, j'en suis persuadé, a les moyens de localiser, d'identifier, de
rapporter à des personnes les dysfonctionnements.
Comme la majorité de nos collègues, nous avons reçu, surtout durant les
semaines d'action, des représentants de la plupart des professions de santé.
Madame la ministre, ne croyez pas que la position que nous prenons traduit une
défiance vis-à-vis du Gouvernement. Nous restons sur la position que nous
avions définie, mais nous faisons confiance à votre sens du dialogue, à votre
capacité de négociation, et ce que nous attendons, mais vous avez déjà engagé
cette action, c'est que vous renouiez le dialogue afin que l'on puisse
envisager un déblocage de la situation.
Bien entendu, nous sommes totalement opposés aux points de vue qui ont été
développés par la majorité sénatoriale sur ce projet de loi. Mais je crois que,
sur ce point, il faut savoir entendre les cris d'alarme, les cris de colère,
savoir comprendre les manifestations de mécontentement, savoir discerner ce qui
relève du collectif et ce qui vient, finalement, de dépassements très
identifiés, bien personnalisés.
Mais renouez le dialogue, madame la ministre !
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Nous ne sommes pas favorables à cet amendement, car sans être particulièrment
favorables aux lettres-clés flottantes,...
M. Dominique Leclerc.
Ah !
M. Bernard Cazeau.
... je pense que cet amendement met la charrue avant les boeufs !
J'ai moi aussi, monsieur le rapporteur, essayé de suivre dans la presse,
notamment médicale, souvent bien informée, les efforts - et je les ai salués -
qu'a fait Mme la ministre depuis son arrivée pour avoir un dialogue plus
approfondi avec l'ensemble des professions.
On ne peut pas supprimer les lettre-clés flottantes, très pointues, très
précises, en les remplaçant par le concept assez vague, pour l'instant du
moins, de « maîtrise médicalisée des dépenses ».
Seule une nouvelle convention médicale associant une majorité de
professionnels de santé, ce qui n'a pas été le cas ces dernières années, peut
nous faire avancer et permettre alors une véritable maîtrise des dépenses,
c'est-à-dire une véritable meilleure utilisation des ressources.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 31, et les amendements identiques n°s 55 et 69 n'ont
plus d'objet.
Article 31 bis