SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 1, M. Jean Boyer propose s'insérer, après l'article 31, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Avant l'article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. ... -
En vue de renforcer les dispositifs de santé publique
relatifs :
« - à la prévention, au dépistage et au traitement des maladies susceptibles
d'altérer la santé des femmes, et/ou sexuellement transmissibles,
« - à la contraception et à l'IVG,
« - au suivi et au traitement de la ménopause,
« - au traitement de la stérilité,
« 1°) - Tout assuré peut consulter librement un gynécologue médical de son
choix ; le coût des consultations et des soins s'y rapportant est pris en
charge par l'assurance maladie.
« 2°) - Il est rétabli un diplôme d'études spécialisées de gynécologie
médicale distinct du diplôme de gynécologie obstétrique et/ou de gynécologie
chirurgicale, dans des conditions qui devront être fixées par décret. »
Par amendement n° 54, MM. Neuwirth, Blanc, Lemaire, Giraud, Gournac, Murat,
Ginesy, Doublet, Jourdain, Vasselle, Martin, Leclerc et les membres du groupe
du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 31, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Avant l'article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. ... -
En vue de renforcer les dispositifs de santé publique
relatifs :
« - à la prévention, au dépistage et au traitement des maladies susceptibles
d'altérer la santé des femmes, et/ou sexuellement transmissibles,
« - à la contraception et à l'IVG,
« - au suivi et au traitement de la ménopause,
« - au traitement de la stérilité,
« 1°) Tout assuré peut consulter librement un gynécologue médical de son
choix. Le coût de la consultation et des soins s'y rapportant est pris en
charge dans les conditions du droit commun.
« 2°) Il est rétabli un diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale
distinct du diplôme de gynécologie-obstétrique et/ou de gynécologie
chirurgicale, dans des conditions fixées par décret. »
Par amendement n° 93, Mmes Terrade, Borvo, MM. Fischer, Muzeau, Mme Beaudeau
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer,
après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant l'article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. ... -
En vue de renforcer les dispositifs de santé publique
relatifs :
« - à la prévention, au dépistage et au traitement des maladies susceptibles
d'altérer la santé des femmes, et/ou sexuellement transmissibles,
« - à la contraception et à l'IVG,
« - au suivi et au traitement de la ménopause,
« - au traitement de la stérilité,
« tout assuré peut consulter librement un gynécologue médical de son choix ;
le coût des consultations et des soins s'y rapportant est pris en charge par
l'assurance maladie.
« II. - Dans des conditions fixées par arrêté interministériel du ministre de
la santé et du ministre en charge de l'enseignement supérieur, il est créé un
diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale distinct du diplôme de
gynécologie-obstétrique et/ou de gynécologie chirurgicale.
« III. - Les charges découlant pour l'Etat et la sécurité sociale des
dispositions des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
La parole est M. Jean Boyer, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Jean Boyer.
Les femmes - je veux parler, bien entendu, des femmes de France - sont
inquiètes : la spécialité de gynécologie médicale est en voie de
disparition.
Cet amendement vise à garantir le maintien d'une spécialité qui a permis - je
l'ai rappelé à cette tribune plusieurs fois - de réduire de près de 75 % le
nombre des cancers du col de l'utérus en vingt ans.
La création d'un diplôme d'études spéciales n'a pas apaisé les inquiétudes.
Dans cette nouvelle formation, la gynécologie médicale devient une simple
option dans un cursus essentiellement consacré à la gynécologie obstétricale et
chirurgicale. La pérennité de la gynécologie médicale n'est donc nullement
assurée.
En outre, obliger ceux qui se destinent à la gynécologie médicale à faire
trois ans de garde très astreignante d'obstétrique et de chirurgie, alors
qu'ils n'exerceront pas ces spécialités plus tard, les dissuadera de prendre
cette voie. La pression des chefs de service d'obstétrique fera le reste.
Par ailleurs, le succès de la gynécologie médicale dans notre pays et les
résultats sanitaires remarquables obtenus grâce à elle tiennent à la
possibilité d'avoir accès directement à un spécialiste, et à un spécialiste
femme
(Mme le secrétaire d'Etat proteste.),
pour évoquer tout ce qui
relève de l'intimité de la personne.
Or, avec la mise en place du « médecin référent » et la formation de trois
mois en gynécologie qui sera bientôt dispensée à tous les médecins
généralistes, ces derniers seront incités à procéder eux-mêmes au suivi
gynécologique de leurs patientes.
Des diminutions de remboursement viendraient d'ailleurs sanctionner les femmes
qui consulteraient directement leur gynécologue.
Mme Dominique Gillot.
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas vrai !
M. Jean Boyer.
Cet amendement a donc un double objet.
D'une part, afin de préserver les progrès de santé publique obtenus grâce à
cette spécialité - j'y insiste - il tend à rétablir une filière à part entière,
et non pas seulement optionnelle, de gynécologie médicale.
D'autre part, il vise à garantir aux femmes un accès direct à leur gynécologue
médical en maintenant la prise en charge des consultations et des soins par
l'assurance maladie.
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Lucien Neuwirth.
Mes chers collègues,
errare humanum est
et, comme nous ne voulons pas
persévérer
(Sourires),
l'objet de cet amendement est tout simplement de
revenir sur la suppression de la filière d'enseignement de la gynécologie
médicale décidée en 1984. On sait que c'était une erreur profonde.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous ai écrit au début de cette affaire et
vous avez bien voulu me répondre par une lettre de cinq pages, très fouillée et
très complète, ce dont je vous remercie.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Cela prouve mon intérêt pour la question !
M. Lucien Neuwirth.
Mais une lecture plus attentive et des investigations personnelles font
apparaître des points sur lesquels nous ne pouvons pas être d'accord.
Vous écrivez : « Compte tenu de la grande imbrication et de la complémentarité
des aspects médicaux, obstétricaux et chirurgicaux de cette discipline, il est
apparu nécessaire que tous puissent réellement en appréhender tous les aspects.
» Ce n'est pas une nouveauté. La gynécologie médicale, l'obstétrique et la
chirurgie gynécologique n'ont jamais été et ne seront jamais étanches l'une à
l'autre, heureusement pour les femmes, d'ailleurs, et tout le monde est
partisan d'un tronc commun de formation initiale.
La plupart des gynécologues médicaux et des obstétriciens actuellement en
exercice ont vu leur formation respective, jusqu'en 1986, sanctionnée par deux
diplômes distincts. Il y avait déjà un tronc commun de formation, puis deux
formations distinctes, ce qui n'empêchait pas et ce qui n'empêche toujours pas
les obstétriciens de donner des consultations de gynécologie médicale et les
gynécologues médicaux de suivre des grossesses et de décider quand une patiente
a besoin d'être opérée. Cela ne gêne en rien.
Le contenu théorique et pratique de la formation est bon. Toutefois, une
spécialisation de quatre ans pour des médecins non chirurgiens serait
suffisante, plus encourageante et plus attractive pour les étudiants.
(Mme
le secrétaire d'Etat proteste de nouveau.)
Si le contenu de la formation convient, il est indispensable qu'il débouche
sur deux diplômes distincts : l'un chirurgical - j'y reviendrai car, je le dis
comme je le pense, vous voulez cacher une manoeuvre de vos services - l'autre
médical, pour que la gynécologie médicale ne soit pas littéralement laminée.
Il n'est pas souhaitable qu'une spécialité médicale dont les composantes sont
multiples - gynécologie, obstétrique, mais aussi médecine de la reproduction,
endocrinologie, orthogénie, pédiatrie, gériatrie, dermatologie, médecine
psychosomatique et le reste - soit sous l'entière responsabilité d'une
spécialité chirurgicale.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Médico-chirurgicale !
M. Lucien Neuwirth.
Si l'on vous suit, toutes les spécialités médicales de proximité dont la
pratique ne nécessite pas, comme le disent vos services, un « plateau technique
lourd » sont en danger de disparaître dans les années à venir, que ce soit la
pédiatrie, la dermatologie ou l'ophtalmologie, notamment. Ce nouveau concept
que vous et vos services défendez ne serait-il pas un autre moyen d'accélérer
leur disparition ?
Quand vous nous dites que les internes en chirurgie ne suivent que deux
semestres obligatoires en obstétrique ou en chirurgie, cela montre que vous
avez été probablement mal informée, parce qu'ils en effectuent quatre, deux
dans des services de gynécologie-obstétrique et deux dans des services de
chirurgie gynécologique ou oncologique.
Vos services nous écrivent : « En ce qui concerne le nombre d'internes
attendus en option médicale, il sera de quarante-cinq dès la rentrée 2000. Il
sera donc d'un tiers des effectifs globaux réservés à la gynécologie
obstétrique. » Cela montre, là encore, que vous avez été mal informée.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Comment ça ?
M. Lucien Neuwirth.
Oui, madame le secrétaire d'Etat. J'ai mené une enquête auprès de toutes les
directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Moi aussi !
M. Lucien Neuwirth.
Elles m'ont indiqué plusieurs choses intéressantes. Ainsi, aucune place n'est
réservée pour les internes en gynécologie médicale ; les internes s'inscrivent
tous de manière indifférenciée en obstétrique ; aucun stage n'a été agréé, et
encore moins réservé pour la gynécologie médicale. Pire encore, une circulaire
dont vous devez avoir connaissance, puisque vous l'avez probablement
signée,...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oh !
M. Lucien Neuwirth.
... - vous m'excuserez, mais c'est ainsi - a été envoyée aux DRASS juste avant
le choix des internes, à la mi-septembre 2000, imposant de classer la prétendue
filière médico-chirurgicale dans les filières chirurgicales. Cette circulaire
existe : toutes les DRASS l'ont reçue.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Bien sûr !
M. Lucien Neuwirth.
Oui, mais elle signifie rien de moins que la suppression pure et simple de la
filière de la gynécologie médicale !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Non !
M. Lucien Neuwirth.
Si, puisque la circulaire impose de ne pas l'inscrire dans la catégorie
médico-chirurgicale !
Concernant le médecin référent, une femme qui signe un contrat de fidélité
avec son médecin généraliste référent « s'engage à ne consulter que lui en
première intention ». Vous nous dites souvent que toutes les femmes sont libres
de consulter directement leur gynécologue même si elles ont signé ce contrat.
Or il ne s'agit ici que d'une tolérance provisoire, à moins de les encourager à
ne pas tenir leur engagement écrit ou à mentir par omission à leur médecin.
Cette possibilité n'est que temporaire tant que les sanctions prévues dans le
plan Johanet seront en suspens.
Conseiller de consulter un médecin référent vise, on le comprend, à faire des
économies, ce qui est normal, et à empêcher les patients de consulter un peu
trop librement et n'importe comment des spécialistes. Un jour ou l'autre,
d'ailleurs, l'accès direct aux spécialistes ne sera donc probablement plus
remboursé.
Il faut mettre la gynécologie, spécialité de prévention et spécialité intime,
à l'abri de cette menace !
J'en arrive à ma conclusion.
Il est indispensable que sortent des facultés suffisamment de gynécologues
médicaux pour les femmes de demain. Cela ne pourra pas être le cas si l'on s'en
tient au dispostif actuel, le témoignage des étudiants le confirme. Très peu
peuvent effectivement s'inscrire. La formation est trop longue, trop à
dominante chirurgicale. Placée sous la responsabilité de chefs d'obstétrique
qui ont avant tout besoin d'obstétriciens - on les comprend - pour faire
tourner leur service, c'est une spécialité bien incertaine que la gynécologie
médicale tant que les étudiants n'auront pas la certitude que les femmes
resteront libres de les consulter directement dans quelques années.
Je termine en vous disant que, sur le plan de la lutte contre la stérilité, la
médecine a fait, ces dernières années, des progrès considérables.
M. le président.
Monsieur Neuwirth, je ne vous le cache pas, vous m'inquiétez en annonçant de
nouveau que vous en terminez !
(Sourires.)
M. Lucien Neuwirth.
Le développement des méthodes contraceptives et l'accroissement des
connaissances en endocrinologie permettent à chaque femme de bénéficier d'un
traitement adapté à son cas et qui n'est réalisé de façon optimale que dans le
cadre d'une consultation personnalisée avec un gynécologue médical.
En conséquence, cet amendement prévoit de rétablir la filière d'enseignement à
la gynécologie médicale sans conditions particulières. Il précise aussi que
l'assurée conserve le droit de consulter le gynécologue de son choix, ces
consultations étant bien entendu remboursées par la sécurité sociale et les
couvertures complémentaires comme n'importe quelle autre consultation
médicale.
Mme Anne Heinis et M. Jean Boyer.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 93.
Mme Nicole Borvo.
Notre amendement a le même objet, gage que nous pourrions aboutir à une
rédaction commune qui viendrait clore ce long débat sur la gynécologie médicale
dont j'avais moi-même, avec le groupe communiste républicain et citoyen, pris
l'initiative, il y a deux ans, au Sénat, par le biais d'une question orale.
Je me réjouis de l'avoir fait, car je vois que cela a servi, et beaucoup de
personnes se préoccupent maintenant de cette question.
Madame la secrétaire d'Etat, vous connaissez très bien ce problème et vous
nous avez donné des assurances. M. le Premier ministre s'est lui-même engagé,
l'année dernière, si je me souviens bien.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Non, cette année !
Mme Nicole Borvo.
Nous souhaitons que ce dossier aboutisse et que la solution soit claire et
lisible, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Deux problèmes subsistent. Le premier, celui du médecin référent, va connaître
des développements, nous le savons. Nous voulons obtenir l'assurance que les
femmes ne seront pas obligées de passer par le médecin référent pour consulter
leur gynécologue, et ce pour des raisons de remboursement et de couverture
maladie, bien sûr, mais aussi pour des raisons psychologiques. Les femmes sont
en effet en droit de ne pas parler de leurs problèmes gynécologiques avec leur
médecin généraliste.
M. Jean-Louis Lorrain.
Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est aberrant !
Mme Nicole Borvo.
Je dis ce que j'ai envie de dire.
Mme Hélène Luc.
Ça alors !
M. le président.
Docteur Lorrain, laissez parler Mme Borvo. Vous réagirez tout à l'heure.
(Sourires.)
Mme Nicole Borvo.
Le second problème important, qui nous occupe plus particulièrement
aujourd'hui, est celui de la formation. Nous voulons qu'il soit pris acte de
manière précise que la formation est rétablie.
Tel est, madame la secrétaire d'Etat, l'objet de notre amendement, et je
souhaite que vous nous entendiez.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 1, 54 et 93 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Permettez au rapporteur de se souvenir, en cet instant, qu'il
est également chirugien.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Parce que nous n'avons plus
d'obstétriciens dans les hôpitaux et ailleurs, première constatation. Les
gouvernements successifs ont vu arriver le problème, les chefs de service
d'obstétrique aussi, raison pour laquelle ils sont très demandeurs d'un
certificat unique, se disant qu'ils vont avoir des gynécologues-obstétriciens
qui, donc, feront de l'obstétrique.
Seconde constatation - pardon, mesdames, mais il est vrai que la profession se
féminise considérablement - les femmes, pour des raisons tout à fait légitimes,
parce qu'elles ont plusieurs activités en dehors de leur profession, ne
souhaitent pas s'engager dans cette voie. Il est vrai que l'obstétrique est une
discipline extrêmement astreignante et qu'il est très difficile de conjuguer
vie professionnelle et vie familiale.
Dans ces conditions, je ne crois pas, personnellement, qu'un certificat commun
de gynécologie-obstétrique résoudra le problème.
Les gynécologues médicales dans nos départements ont toujours réagi sur ce
problème et, les uns et les autres, nous sommes intervenus nombreux, soit
directement auprès du ministre, soit, dans cet hémicycle, pour le dénoncer. Le
dispositif mis en place il y a deux ou trois ans ne les satisfait pas, et elles
souhaitent qu'on aille plus loin. Nous les avons vus les uns et les autres, car
je ne crois pas, chère collègue, que nous puissions réserver ce diplôme de
gynécologue aux femmes. Les malades choisiront de consulter un gynécologue
homme ou un gynécologue femme ; nous ne pouvons pas dire qu'elles iront voir
des gynécologues femmes. Les gynécologues, sont des gynécologues médicaux, et
non des gynécologues médicales.
Si, pour ma part, je n'ai pas déposé d'amendement sur ce point, ce n'est pas
par ce que je me désintéresse de ce problème. En effet, j'ai rencontré les
gynécologues de mon département et, la semaine prochaine, je m'entretiendrai,
au nom de mon groupe, avec leur coordination nationale.
Au-delà de ce qui a été expliqué par les auteurs de ces amendements, il
s'agit, en réalité, de créer un diplôme de gynécologie médicale. Or, la
création d'un tel diplôme dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale constituerait un cavalier législatif. Mais nous n'en sommes plus à un
cavalier près ! En effet, le Gouvernement nous a donné le mauvais exemple dans
le présent projet de loi. En tant que rapporteur, j'ai reproché au Gouvernement
d'avoir multiplié les cavaliers législatifs. Aussi, je ne pouvais faire ce que
je reprochais au Gouvernement. C'est pourquoi je n'ai pas déposé
d'amendement.
Le problème de la gynécologie médicale est un véritable problème. Du strict
point de vue du respect du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
la commission s'en remet à la sagesse du Sénat. Cependant, à titre personnel,
j'émets un avis favorable sur ces amendements, sachant que, comme nous
déposerons un recours devant le Conseil constitutionnel, il n'est pas certain
que ce dernier ne retoque pas cette disposition.
Cela étant dit, si nous en sommes là, c'est parce que le projet de loi de
modernisation sanitaire, annoncé par le Gouvernement pour le printemps, n'étant
toujours pas déposé, le Gouvernement est en train de raccrocher au projet de
loi de financement de la sécurité sociale une série de dispositions qui font de
ce texte un DMOS. Je rappelle que, aux termes de la loi organique de 1996, la
loi de financement de la sécurité sociale doit être simple et axée sur le
financement de la sécurité sociale.
Je reconnais tout le problème posé par la gynécologie médicale et j'y suis
sensible. Je vous assure que, dans mon département, ces professionnels sont
extrêmement dynamiques. A titre personnel, je le repète, je suis donc favorable
à ces amendements mais, en tant que rapporteur, j'attire l'attention sur le
fait qu'il s'agit, je le crains, d'un cavalier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Il est dommage que certains continuent de véhiculer
des arguments qui participent de la désinformation. Je retrouve, tant dans
l'intervention de M. Neuwirth que dans les propos de Mme Borvo, les arguments
qui sont actuellement véhiculés à travers notre pays, qui sèment le trouble
dans l'esprit des femmes, y compris parmi les gynécologues médicales - je parle
bien de femmes gynécologues installées en ville - lesquelles ne comprennent
plus de quoi il s'agit.
Avant de lire l'argumentaire préparé par mes services, je tiens solennellement
à dire à M. Neuwirth que je connais parfaitement bien le sujet. Lorsque j'étais
député, j'avais été sensibilisée par l'association qui s'était constituée.
Ensuite, quand j'ai pris mes fonctions ministérielles, j'ai pris à
bras-le-corps ce dossier dès le mois d'août. J'ai réactivé le groupe de
réflexion que M. Bernard Kouchner avait mis en place ; je l'ai transformé en
comité de suivi, sous la présidence du professeur Guy Nicolas. Ce comité a
réuni au moins à huit reprises les représentants de la profession -
obstrétriciens, chirurgiens, médicaux - les fédérations, les conseils
régionaux, l'association de défense de la santé des femmes. Cette association a
fait quelques difficultés avant d'accepter de participer à ces travaux, pour
lesquels nous avons élargi la représentation.
Au terme d'un an de travail, dans la transparence, nous avons réussi à
restaurer, je dis bien « restaurer », l'enseignement de la gynécologie
médicale, qui avait disparu des maquettes de formation du diplôme
d'enseignement supérieur en 1984. Depuis 1984, la gynécologie médicale n'était
pas spécifiquement enseignée. Elle faisait partie du corpus d'enseignement de
la gynécologie obstétrique, chirurgicale et médicale.
La plupart des gynécologues qui exercent aujourd'hui ont obtenu le certificat
d'études spécialisés qui a été supprimé en 1984. Ce sont souvent des médecins
généralistes qui ont bénéficié d'une formation de trois ans. Les autres
gynécologues sont des médecins qui ont obtenu un diplôme d'enseignement
supérieur de gynécologie, obstétrique et chirurgie. Ils ont tout de même choisi
de faire de la gynécologie médicale en ville. Ils se sont formés ensuite. Ils
ont appris le contact avec les femmes, ils ont appris à accompagner les femmes
dans leur vie et dans la prise en compte des responsabilités de celles-ci en
matière de santé.
Je parle de gynécologues « médicales » car j'ai l'impression qu'aujourd'hui on
demande la définition d'une médecine communautaire : seules des femmes seraient
capables de soigner des femmes !
(M. le rapporteur et Mme Luc
s'exclament.)
Je l'entends dire régulièrement ! Même si je suis une femme,
même si je suis féministe, même si moi-même j'ai une gynécologue médicale, je
ne peux, en tant que responsable de la santé, entériner le fait que seules des
femmes pourraient s'occuper des femmes.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce serait contraire à la Constitution !
Mme Nicole Borvo.
Madame la secrétaire d'Etat, je n'ai pas dit cela !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je l'ai entendu !
Mme Nicole Borvo.
Pas de notre part !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Il faut revenir à des choses raisonnables et
tangibles.
Monsieur Neuwirth, il est tout de même curieux que vous fassiez une analyse
exhaustive de la réponse que je vous ai envoyée
(M. Neuwirth brandit le
document)
en traquant, à travers des citations tronquées, une quelconque
contradiction.
M. Lucien Neuwirth.
Elles ne sont pas tronquées ! Elles sont là ! Voici votre lettre !
(M.
Neuwirth brandit de nouveau le document.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Certes, mais dans votre intervention, vous avez fait
des citations tronquées.
M. Lucien Neuwirth.
On verra cela dans le
Journal officiel
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
Cette lettre est le fruit non de mes services, mais de ma réflexion
personnelle. Je suis personnellement très engagée sur ce dossier,...
M. Lucien Neuwirth.
Vous avez été mal informée !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... et je n'accepterai pas, monsieur le sénateur, que
vous disiez que je suis mal informée ou que je suis mal conseillée par mes
services, car j'ai veillé personnellement, par un dialogue permanent avec le
comité de suivi, à ce que ce dossier ne soit pas piloté uniquement par
l'administration.
Je tiens à le répéter : il n'y a pas mise en place d'un écran, il n'y a pas
introduction d'un biais par l'administration ou par des corporatismes, il y a
la volonté de mettre en place une formation qui réponde aux aspirations des
étudiants.
Aujourd'hui, dans cet hémicycle, vous témoignez des argumentaires qui sont
développés par le comité de défense de la santé des femmes. Je les ai reconnus
ces arguments, vous imaginez bien que je les connais !
M. Lucien Neuwirth.
Il n'y a pas qu'elles qui ont des arguments ! Nous sommes des parlementaires.
Nous avons le droit d'avoir des arguments ! Je vous répondrai tout à l'heure
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, vos arguments reprennent
exactement ceux qui sont développés par ce comité, ou alors c'est vous qui
alimentez les arguments qu'il avance. En tout cas, il y a, et c'est évident,
une perméabilité dans les arguments.
Les syndicats des internes se manifestent eux aussi. Aujourd'hui, les internes
ne sont absolument pas satisfaits de la manière dont nous avons rédigé le
nouveau DES de gynécologie obstétrique, chirurgicale et médicale, avec un tronc
commun et avec une option en deux ans répartissant les formations, option qui
figurera sur le diplôme. Les internes nous disent qu'il n'est pas juste de
procéder ainsi. Un interne qui commence dans cette discipline aujourd'hui veut
pouvoir faire sa formation jusqu'à son terme et pouvoir ensuite choisir
l'exercice dans lequel il s'engagera une fois son diplôme obtenu. Je crois
qu'il faut avoir une position équilibrée.
Le Gouvernement s'attache à développer la prise en charge de la santé des
femmes, qui passe par une éducation à la santé et par une éducation à la
contraception. Le débat que nous avons eu la semaine dernière sur le NorLevo,
par exemple, participe bien de cette volonté du Gouvernement de développer
l'éducation à la sexualité, l'éducation à la contraception et la prise en
charge par les jeunes femmes, dès le plus jeune âge, de leur parcours santé
spécifique.
Le Gouvernement a aussi la volonté de développer la prévention et,
excusez-moi, les gynécologues ne sont pas les seuls à pouvoir en faire ! Je
n'ai pas sous les yeux la répartition des gynécologues sur l'ensemble du
territoire français, mais heureusement que les médecins généralistes sont
capables, eux aussi, de suivre les femmes,...
M. Lucien Neuwirth.
Bien sûr !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... de faire les dépistages du cancer, de leur
prescrire des contraceptifs, de les accompagner dans leur ménopause, de les
orienter au moment d'un début de grossesse et de les accompagner pendant leur
grossesse jusqu'à ce qu'elles se rendent au service de la maternité qui les
prendra en charge.
M. Lucien Neuwirth.
C'est ce qui se passe en milieu rural !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Exactement !
M. Lucien Neuwirth.
Vous inventez l'eau chaude !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Seuls les gynécologues médicaux seraient-ils capables
de le faire ?
M. Lucien Neuwirth.
On n'a jamais dit cela !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Il faut un peu rétablir les choses ! J'ai la
responsabilité de défendre la communauté médicale dans son ensemble.
Par ailleurs, il faut aussi faire tomber une espèce de marronnier qui repousse
régulièrement et selon lequel le Gouvernement aurait la volonté de faire
disparaître la gynécologie médicale. Non, la gynécologie médicale n'est pas en
voie de disparition ! Au contraire, nous allons restaurer son enseignement et,
à cette occasion, nous précisons la maquette de formation de l'ensemble de la
gynécologie, de telle sorte que les spécialistes qui obtiendront ce diplôme
dans cinq ans seront, à compter de cette année puisque les décrets ont été
publiés, mieux formés à la totalité des disciplines qui concourent à la bonne
santé des femmes.
Avant de vous lire mon argumentaire - car je vais tout de même le lire de
façon qu'il figure dans son ensemble dans le
Journal officiel
et que
celui-ci permette une information complète - je voudrais préciser de nouveau
qu'il n'a jamais été question d'interdire aux femmes l'accès direct à leur
gynécologue, qu'il soit médical, obstétrical ou chirurgical,...
M. Jean-Louis Lorrain.
Bien sûr !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... pas plus qu'il n'est dans les intentions du
Gouvernement d'interdire l'accès direct au dentiste, à l'ophtalmologue ou au
pédiatre.
Donc, arrêtez de faire peur aux femmes en leur disant que la consultation de
gynécologie ne leur sera plus remboursée à cause du médecin référent !
Aujourd'hui, il y a quelque 300 000 usagers en convention avec un médecin
référent ; 10 % des médecins généralistes sont entrés dans cette procédure avec
la CNAM, 3 % à Paris. Cela est-il de nature à nourrir l'inquiétude qui est
ainsi véhiculée ? Je crois que nous sommes là dans le domaine du
déraisonnable.
Je vais donc, très calmement, vous lire l'argumentaire officiel, avec
l'engagement du Premier ministre pris le 8 mars dernier,...
Mme Hélène Luc.
Oui !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... engagement selon lequel le Gouvernement avait pris
en considération l'inquiétude légitime des femmes face à une information sur la
disparition programmée de la gynécologie médicale.
Je vous ai apporté d'une manière spontanée, et certes un peu passionnée, les
informations qui témoignent de la préoccupation du Gouvernement de rassurer les
femmes sur ce point.
M. Jospin a par ailleurs dit dans son discours que l'accès des femmes au
gynécologue de leur choix ne serait jamais remis en cause.
Je voudrais donc que l'on soit bien clair, que chacun relise les
argumentaires, sans chercher l'erreur dans la rédaction ou sous la signature de
la secrétaire d'Etat, en se référant aux textes qui ont été signés par le
ministre de la santé et par le ministre de l'éducation nationale et qui
permettent au nouveau diplôme d'enseignement supérieur d'études spécialisées de
gynécologie obstétrique, chirurgicale et médicale d'être ouvert aujourd'hui aux
internes. Depuis l'année dernière, nous augmentons régulièrement le nombre de
places offertes.
La gynécologie médicale fait partie de ces disciplines qui bénéficient d'une
attention particulière et d'une anticipation sur l'évolution de la démographie
médicale, que j'évoquais hier, dans mon intervention liminaire.
Si 81 internes étaient formés en 1998, 200 le seront en 2002. Le nombre des
places offertes ayant plus que doublé, je ne pense pas que l'on puisse dire que
le Gouvernement veut éliminer la gynécologie médicale !
Je tiens donc à vous rappeler l'intérêt porté par le Gouvernement à la
question soulevée et à vous préciser, comme je l'ai déjà fait à plusieurs
reprises, que les femmes ont le libre choix de leur médecin gynécologue et que
l'assurance maladie continuera, comme elle le fait déjà, de prendre en charge
la consultation en gynécologie, qu'elle soit médicale ou obstétricale.
Des craintes ont été exprimées concernant l'accès des femmes aux gynécologues
médicaux dans le cadre du dispositif du médecin référent que les partenaires
conventionnels ont mis en place. Ce sujet mérite une clarification.
Le mécanisme du médecin référent est optionnel - c'est un choix qui est offert
aux assurés sociaux - et relève d'un choix de l'assuré social. Il vise à
assurer un suivi des soins par un médecin généraliste choisi par l'assuré, que
ce dernier s'engage à consulter en première intention.
Lorsque cela est nécessaire, le médecin généraliste et le patient discutent
ensemble de la consultation d'un spécialiste. En contrepartie, les assurés
volontaires bénéficient du tiers payant auprès du réseau constitué par le
médecin référent et les spécialistes qui sont ses correspondants.
Une femme ou un homme peut faire entrer en ligne de compte la possibilité de
continuer à consulter régulièrement son gynécologue médical, son urologue, son
ophtalmologue, le spécialiste de son choix. Si ce dernier devient correspondant
du médecin référent, c'est-à-dire si ce spécialiste accepte d'entrer dans la
convention, l'assuré social bénéficiera alors du tiers payant lorsqu'il le
consulte.
Par conséquent, contrairement à ce que certains essaient de faire croire aux
assurés sociaux, la procédure du médecin référent peut être un meilleur moyen
pour le patient d'accéder à un réseau de médecine généraliste et spécialiste,
en acquittant simplement le tiers payant. L'assuré peut à tout moment aller
consulter directement un gynécologue médical, un urologue, un cardiologue, un
dentiste, un ophtalmologue sans en référer à son médecin référent. Il sera
remboursé, dans ces conditions, suivant la règle du droit commun par la
sécurité sociale, mais ne pourra pas exiger de bénéficier du tiers payant au
titre de l'option.
Si le médecin référent est en désaccord avec sa patiente, qui lui échapperait
pour aller consulter un gynécologue, il peut demander que soit mis fin à
l'option, et, de son côté, la patiente peut à tout moment demander à la caisse
de changer de médecin référent. Ce changement est de droit, et personne ne peut
empêcher qui que ce soit de faire ce choix. En effet, je ne vois pas pourquoi
une femme serait contrainte de consulter un généraliste avec lequel elle ne
serait pas d'accord. La liberté de dialogue et la confiance sont quand même la
base de la relation médecin-patient. Si cette liberté de dialogue et cette
confiance n'existent pas, le patient va voir un autre médécin. Rien n'oblige
personne à rester fidèle à un médecin qui ne lui donnerait pas satisfaction.
C'est parce que le Gouvernement est conscient de l'intérêt que revêt la
discipline de la gynécologie médicale en termes de santé publique et de santé
des femmes qu'il a décidé de restaurer, au sein d'une filière unique de
formation à la gynécologie répondant aux attentes des étudiants, un
enseignement spécifique à la gynécologie médicale, qui avait été abandonné en
1984.
M. Lucien Neuwirth.
Ah !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'est ainsi qu'un nouveau diplôme d'études
spécialisées de gynécologie-obstétrique et gynécologie médicale a été créé par
arrêtés du 17 août 2000. Il restaure, au sein d'une filière unique de formation
à la gynécologie, un enseignement spécifique à la gynécologie médicale qui
présente des garanties quant à la formation des gynécologues médicaux,
garanties qui n'existaient pas auparavant, même avant 1984.
Accessible aux étudiants dès la rentrée 2000, le diplôme d'études spécialisées
de gynécologie-obstétrique et gynécologie médicale comporte trois années de
tronc commun, suivies de deux années de formation optionnelle soit à la
gynécologie médicale, soit à la gynécologie-obstétrique. En effet, alors que
les techniques sont devenues de plus en plus pointues, alors que les évolutions
en matières médicale et scientifique, en matière de pharmacopée sont
considérables, je comprendrais mal que l'on puisse prétendre qu'un spécialiste,
fût-il de gynécologie médicale, pourrait être formé en quatre ans alors que,
aujourd'hui, tous les spécialistes, y compris les internistes en médecine
générale, le sont en cinq ans. Je ne pense donc pas que la gynécologie médicale
soit une discipline mineure à laquelle on puisse accéder en moins d'années
qu'il n'en faut pour les autres disciplines.
Pour ce qui est de la formation pratique des internes choisissant l'option
gynécologie médicale, ces derniers n'ont que deux semestres obligatoires à
effectuer en obstétrique ou en chirurgie. Sur les huit autres semestres de
stages pratiques qu'ils ont à valider, trois sont à libre choix. L'étudiant
peut choisir de les valider dans un service exerçant une tout autre spécialité.
Il n'y a pas de conditions dissuasives, et les terrains de stages seront agréés
pour accueillir un nombre suffisant d'internes.
Ce nouveau diplôme d'études spécialisées constitue une véritable innovation,
je le maintiens. Il est en effet le premier cursus de formation qui traduit
l'évolution vers une intégration et une complémentarité de plus en plus étroite
de l'aspect médical et de l'aspect chirurgical d'une même discipline. Je suis
sûre que cette disposition fera école dans d'autres disciplines comme, par
exemple, l'urologie, l'oto-rhino-laryngologie, l'ophtalmologie, où les aspects
médical et chirurgical, notamment la microchirurgie, doivent se rejoindre et
être appréhendés dans leur globalité par le praticien.
Le comité de suivi que j'ai mis en place en février dernier a été pérennisé
pour veiller à la bonne mise en place de ce nouveau diplôme d'études
spécialisées, à la qualité des terrains de stage, au parcours des étudiants et
à la répartition de ces derniers à travers les régions. La mise en place et la
pérennisation de ce comité confirment l'engagement du Gouvernement et ne
constituent en rien une preuve que ce dernier n'a pas confiance dans la manière
dont cette réforme va se mettre en place. C'est au contraire une mesure de
transparence, une mesure de concertation qui est confirmée, de manière
qu'aucune contre-information puisse venir troubler la bonne mise en place de
cette nouvelle formation.
Enfin, je me permets de préciser, monsieur le sénateur, madame la sénatrice,
que, comme l'a dit M. le rapporteur, la création d'un diplôme d'études
spécialisées n'a pas sa place dans ce projet de loi ; une telle création relève
en effet du domaine réglementaire, et c'est d'ailleurs, je le rappelle, par un
arrêté du 17 août 2000 qu'a été créé le diplôme d'études spécialisées de
gynécologie-obstétrique et gynécologie médicale. En conséquence, vous
comprendrez que le Gouvernement rejette fermement cet amendement.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Jean-Louis Lorrain
applaudit également.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Je voudrais à mon tour m'étonner que ce dossier, tel un serpent de mer,
revienne encore aujourd'hui en discussion.
C'est d'un département proche du mien qu'est partie cette demande, et je
connais donc personnellement un certain nombre des acteurs de cette dernière et
des membres du mouvement qui s'est développé. Je pensais que ce mouvement avait
été largement entendu, et Mme le secrétaire d'Etat vient de nous confirmer
qu'il en a été ainsi. Plusieurs groupes de travail se sont en effet constitués
sur le plan national, autour de M. Kouchner d'abord, de vous-même ensuite,
madame la secrétaire d'Etat. Ces groupes de travail, qui regroupaient
l'ensemble des professionnels, ont travaillé en collaboration avec
l'association de défense qui s'était constituée et qui a été entendue. Le
Gouvernement a publié des arrêtés - je n'en reprendrai pas le détail, puisque
Mme la secrétaire d'Etat les a évoqués - allant jusqu'à prévoir un
numerus
clausus
d'internes.
J'ai entendu tout à l'heure quelques perles qui n'honorent pas leurs auteurs.
Cela participe, à mon avis, de la défiance à l'égard des médecins et cela met
sûrement à mal l'un des principes de base de la médecine, à savoir la relation
entre le médecin et le malade. S'il y a défiance, il n'y a alors plus de
relation !
Que je sache, l'exercice de la médecine est encore un exercice libéral.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Bernard Cazeau.
Il importe donc de laisser aux femmes le soin de choisir entre leur médecin
généraliste et un gynécologue obstétricien. En effet, le médecin généraliste
n'est pas obligatoirement voué à ne pratiquer la gynécologie qu'en urgence, à
trois heures du matin, lorsque les spécialistes sont aux abonnés absents, comme
cela se produit très souvent, et peut-être plus fréquemment en zone rurale
qu'en milieu urbain. Il appartient donc aux femmes, je le répète, de choisir
entre leur médecin généraliste et un gynécologue-obstétricien.
Il me semble d'ailleurs que la connaissance approfondie de la gynécologie et
de l'obstétrique va de pair avec une bonne pratique de la spécialité. Ou l'on
fait de la généralité, certains praticiens généralistes connaissant plus
particulièrement la gynécologie médicale, ou l'on est un véritable spécialiste.
Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures et une pratique se situant
entre les deux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous rallions à la décision prise
par le Gouvernement à la suite d'une véritable concertation, que nous
remercions Mme le secrétaire d'Etat d'avoir si bien menée.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, j'ai eu tout à l'heure un petit mouvement d'humeur que
vous voudrez bien, j'espère, me pardonner. Mais, lorsque vous avez pratiqué
pendant plus de vingt-cinq ans la médecine en milieu rural ainsi que dans les
quartiers difficiles, comme c'est mon cas, une telle mise en cause ne peut que
vous remuer les tripes au plus profond de vous-même !
Il y a des croisades qu'il faut savoir arrêter avant que ce ne soit la
débandade !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Tout à fait !
M. Jean-Louis Lorrain.
J'ai été étonné par l'ampleur que cette croisade avait prise. Mais, à partir
du moment où un sujet, quittant son domaine, devient l'otage d'une polémique,
il perd en sérénité.
Ce qui est important, actuellement, c'est, je le répète, de savoir arrêter.
L'ordre des médecins s'est prononcé sur le sujet. Et si ses avis, à une
certaine époque, étaient quelquefois difficiles à interpréter, tel n'est plus
le cas aujourd'hui. L'ordre des médecins a donc considéré que, au vu des
propositions de Mme le secrétaire d'Etat en matière de formation, au vu des
rencontres et du travail qui a été accompli en profondeur, il était temps
d'arrêter.
Sans doute reste-t-il des choses à affiner en ce qui concerne la question de
la formation, mais, au fur et à mesure, l'expérience aidant, nous y
parviendrons.
Le combat d'arrière-garde entre médecine et chirurgie n'est plus de rigueur.
Le libre accès - vous l'avez dit, madame le secrétaire d'Etat - est assuré.
Toutefois, je m'inquiète, pour ma part, de l'esprit qui motive cette croisade.
Aurait-on choisi, par exemple, la rééducation fonctionnelle pour les enfants
handicapés ou le développement de la pédopsychiatrie comme thèmes de croisade ?
Je ne le pense pas. Or beaucoup reste à faire dans ces domaines. Certaines
spécialités sont donc des spécialités orphelines. Depuis longtemps, nous
demandons qu'un intérêt y soit porté. M. Kouchner, votre prédécesseur, était
tout à fait d'accord avec nous. Cela relève d'une vision beaucoup plus globale
de la réforme des études médicales.
Nous débattons en ce moment d'une spécialité qui nous a posé des difficultés.
La méthodologie que nous avons retenue pour apporter des réponses devrait être
appliquée à d'autres spécialités à l'occasion d'une réflexion plus large.
Ce qui m'intéresse, c'est l'accès des femmes aux soins, car elles doivent être
soignées quel que soit leur milieu social. Or, mes chers collègues, si nos
épouses ont accès sans difficultés à la gynécologie, ce n'est pas le cas de
certaines femmes dans certains quartiers.
L'accroissement du nombre de médecins référents est une façon d'aborder le
problème, mais ce n'est pas la seule solution. L'important, c'est que des soins
soient apportés à tous, dans les meilleures conditions et en fonction de nos
connaissances, afin de répondre à notre vocation.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Cet amendement n'a peut-être pas sa place dans ce projet de loi, mais
n'oublions pas toute l'émotion qui entoure le sujet de la gynécologie médicale
obstétricale !
Aujourd'hui, la pathologie en la matière évolue beaucoup. Je citerai à ce
sujet quelques anecdotes auxquelles j'ai été récemment confronté, car j'exerce
encore mes fonctions en pointillé. Ainsi, deux jeunes femmes de moins de trente
ans, à la suite de problèmes induits par des relations sexuellement
transmissibles, se sont trouvées confrontées l'une à un cancer, l'autre à une
stérilité, alors qu'elles avaient subi des examens au cours des six mois
précédents. Dans ces conditions, comme M. Lorrain, ce qui m'importe, c'est un
accès facile et simple à la compétence gynécologique médicale.
Mme le secrétaire d'Etat a évoqué les internes, qui ont manifesté voilà
quelque temps. Ce qui m'importe, c'est que, au-delà de la gynécologie, toutes
les spécialités médicales soient demain pourvues d'hommes et de femmes. Or la
profession se féminise beaucoup, ce qui induit des exercices différents. Et,
vous le savez, madame le secrétaire d'Etat, la qualification passe par un
internat. Les études de médecine, c'est six ans ; l'internat, c'est quatre ans
; le clinicat, c'est encore quatre ans. Additionnez le tout, penchez-vous sur
les modalités d'exercice du clinicat et de l'internat. Vous comprendrez
pourquoi, bien que vous augmentiez le nombre de postes au concours, les jeunes
désertent ces filières indispensables à la bonne santé des Français et des
Françaises !
Quant à la façon dont vous avez traité le dernier mouvement de revendication,
elle ne peut nous convenir : leur dire qu'il y a un repos compensateur ! Allez
dans les hôpitaux ! Vous verrez que la désaffection ne touche pas que les
urgences, l'anesthésie-réanimation et les spécialités de chirurgie pointue !
Comment demander à des gens de plus de trente ans, qui ont un « bachot » + 10,
+ 15 - et je fais exprès de dire « bachot », puisque tout le monde se targue
d'avoir un niveau de qualification élevé -, comment leur demander de faire une
nuit complète au bloc, puis, le lendemain matin, de faire leur journée complète
? Moi, ce qui m'intéresse, au-delà de leur situation, c'est la sécurité pour
les patients. Comment l'assurer dans ces conditions ? Et cela se passe
plusieurs week-ends par mois, plusieurs nuits par semaine ! Voilà pourquoi,
aujourd'hui, les jeunes quittent ces spécialités, car non seulement il n'ont
plus une vie professionnelle gratifiante compte tenu des risques encourus, mais
encore ils n'ont plus de vie familiale. Dans ces conditions, demain, nous
allons manquer de toutes ces spécialités dont nous avons tant besoin.
Vous organisez aujourd'hui le marasme médical car, vous le savez, il faut s'y
prendre longtemps à l'avance pour former en fin de chaîne un praticien
qualifié. Voilà, madame le secrétaire d'Etat, ce que je voulais vous dire à
l'occasion de ce débat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Anne Heinis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Je voudrais tout d'abord remercier mes collègues de leurs interventions, qui
ont été particulièrement documentées.
Bien évidemment, sur le plan législatif, je suis sensible aux arguments de M.
le rapporteur. Il a sûrement raison, mais je pense que, la discussion ayant été
engagée, il convient tout de même de répondre à la question posée.
Je sais que ce que je vais dire va en réjouir certains et en scandaliser
d'autres, mais je suis au regret de dire que les femmes ne comptent, en fait,
que par leur nombre en matière de politique électorale à l'heure de la parité.
Quand elles expriment un désir, on ne les écoute pas ! C'est bien gentil de
parler de la parité à tout propos, mais peut-être pourrait-on aussi écouter les
femmes ! Et, aujourd'hui, n'est-ce pas le moment ou jamais de le faire ? Mais
on n'a pas, en définitive, la moindre considération, dans cette affaire, pour
ce qu'elles désirent de façon quasi unanime, et qui se trouve avoir eu,
rappelons-le - M. Jean Boyer vient de le dire - des résultats extrêmement
positifs en matière de santé publique.
Madame le secrétaire d'Etat, ce que je crains, en l'occurrence, c'est que nous
ne recourions beaucoup trop facilement à des solutions compliquées. Nous
n'arrêtons pas d'élaborer des réglementations qui multiplient les obstacles,
qui allongent les durées pour acquérir tel ou tel diplôme.
Certes, nous avons besoin de spécialistes éminents dans certaines disciplines
pointues, mais nous avons aussi besoin de praticiens qui puissent répondre à
l'attente de la population. Et, à force de demander des choses extraordinaires,
peut-être finira-t-on par sacrifier cet accès facile et simple pour les
patientes que nous réclamons tous. Oh ! bien sûr, on aura effectivement créé
des spécialités dont je ne conteste pas l'utilité, mais encore faudrait-il
aussi penser à l'organisation de ce qui se passe sur le terrain, et que nous ne
cessons d'oublier. J'en veux pour preuve le fait que les gens ne sont pas
satisfaits !
Quand on a une discussion aussi longue que celle que nous avons ce matin sur
ce point, cela veut bien dire qu'il y a un problème !
Vous avez dit - et je le comprends - que vous défendiez la communauté
médicale. Il est incontestable que l'on ne peut pas être bien soigné si l'on ne
s'occupe pas de la communauté médicale et si l'on n'a pas des rapports avec
elle ! Cela me paraît essentiel, mais nous, parlementaires, nous sommes là pour
témoigner des aspirations de la population et pour apporter des réponses, des
réponses accessibles et efficaces.
Il ne faut pas que l'intérêt porté aux spécialités et l'approfondissement -
nécessaire dans certaines disciplines - nous fasse oublier ce qui est simple et
qui porte directement secours à la population, j'aurai d'ailleurs l'occasion
d'y revenir plus tard au sujet des urgences.
Aujourd'hui, nous ne sommes plus capables d'imaginer des solutions simples.
Et, chaque fois qu'un système fonctionne, on s'empresse de le supprimer au
bénéfice de quelque chose de plus compliqué. Ce n'est pas bon ! Il ne faut pas
oublier de répondre aux aspirations de la population, là où elle est, même si
je reconnais qu'on ne peut pas tout accepter.
Je pense que le fond de ce débat est là : les gens ne s'opposent pas à ce
qu'il y ait un certificat de ceci ou de cela, mais ils voient disparaître ce
qui leur rendait service et qui correspondait à leurs aspirations. Nous
oublions la population et nous parlons au nom d'on ne sait quoi, au nom d'une
conception extrêmement compliquée des choses. Voilà contre quoi je m'élève !
C'est pourquoi, avec mes collègues, je voterai ces amendements.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. Lucien Neuwirth.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Tout à l'heure, j'ai été peut-être trop passionné, mes chers collègues. Mais
tout ce qui est la vie me passionne ; or, ce qui nous occupe en l'instant,
c'est la vie.
Mme Heinis vient de dire une chose vraiment fondamentale, à laquelle il
faudrait que l'on pense plus souvent. Elle a dit textuellement : « il ne faut
pas oublier ce qui est simple ». Or, ce qui était simple jusqu'à présent,
jusqu'en 1986, après la malheureuse réforme de 1984, c'était l'accès à la
gynécologie médicale.
Je suis comme Saint-Thomas : comme lui, j'ai voulu me rendre compte sur le
terrain et j'ai donc interrogé vingt jeunes femmes, ici et à Saint-Etienne.
Je leur ai posé la question : lorsque vous avez commencé votre vie de femme,
qu'avez-vous fait, qui avez vous consulté ? Dix-neuf ont consulté un
gynécologue et une seule a consulté son généraliste, qui était le médecin de
famille.
Je leur ai demandé pourquoi elles avaient choisi un gynécologue. En réponse,
elles ont mentionné les problèmes de cancer, la nécessité de faire un frottis
dont on leur avait parlé...
Eh bien, c'est cette gynécologie toute simple que vous voulez rendre beaucoup
plus savante, mais qui a permis à la France d'avoir l'un des taux les plus bas
en matière d'hystérectomie. Le gynécologue, lui, a l'habitude de faire des
frottis, de pratiquer les palpations nécessaires, il offre un accueil, il a un
métier, et c'est la raison pour laquelle, parce que c'est simple, cela marche
bien actuellement !
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Cela va continuer !
M. Lucien Neuwirth.
Pourquoi veut-on compliquer les choses ? Le médecin référent, que ce soit
votre intention ou non - et je pense pas que ce soit votre intention - fait
immédiatement écran. Les jeunes fammes en particulier le pensent lorsque, pour
pouvoir aller chez un gynécologue, il faut qu'elles aillent d'abord voir un
référent.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Mais non !
M. Lucien Neuwirth.
Vous, vous êtes savante, vous savez que ce n'est pas nécessaire ! Mais prenez
la petite jeune fille du peuple.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oh !
M. Lucien Neuwirth.
Elle, elle ne sait pas !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Mais si !
M. Lucien Neuwirth.
Non !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Trois cent mille assurés sociaux seulement ont un
médecin référent !
M. Lucien Neuwirth.
Quand on sait qu'il n'y a même pas eu l'information nécessaire sur la
contraception, on peut se demander quelle est l'information sur ces problèmes
de vie personnelle, de santé ! Les gens tout simples ne savent pas les choses
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Non ! Ne dites pas cela !
M. Lucien Neuwirth.
Voilà pourquoi la gynécologie médicale, qui n'a pas démérité,...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Personne n'a dit qu'elle avait démérité !
M. Lucien Neuwirth.
... ne doit pas être mise en cause, au prétexte qu'elle n'aurait pas
réussi.
Je vous présente mes excuses pour m'être un peu trop passionné, mais ces
sujets m'ont toujours passionné. Et si, comme dit le poète, les raisonnables
ont duré alors que les passionnés ont vécu, alors j'aurai vécu !
M. Nicolas About.
Très bien !
M. le président.
Vous vivez encore, monsieur Neuwirth !
(Sourires.)
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Madame la secrétaire d'Etat, ce que vous dites ne devrait pas vous conduire à
refuser catégoriquement ces amendements, même s'ils sont peut-être inappropriés
dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale du point de vue du
strict respect des procédures.
Je ne suis pas pour la dévalorisation des diplômes, vous le savez. Je
considère qu'ils sont importants et que vous ne devriez pas refuser le
rétablissement du diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale prévu
dans ces amendements.
Quant à la prétendue opposition qui a suscité les passions ce matin entre
médecins généralistes et gynécologues médicaux - je ne dis pas médicales, parce
qu'il n'est pas question de réserver l'accès à la profession à des femmes -, il
faut considérer les choses telles qu'elles sont : là où les gynécologues
médicaux existent, les avancées sont importantes. Bien évidemment, dans
beaucoup d'endroits, il n'y en a pas, et personne ne met en doute la volonté
des médecins généralistes ni le fait que beaucoup de femmes consultent un
médecin généraliste, mais personne ne peut non plus contester que, quand il y a
une offre duale, les femmes préfèrent consulter un gynécologue médical plutôt
que leur médecin de famille pour leur suivi gynécologique.
M. Jean Boyer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Madame le secrétaire d'Etat, ma collègue Anne Heinis a parfaitement et
fidèlement traduit les sentiments que j'ai éprouvés, comme d'ailleurs une
partie de cette assemblée, et je veux l'en remercier.
J'avais déjà en quelque sorte ouvert ce dossier, il y a quelques années, en
posant une question orale à M. Kouchner, qui, me répondant avec vivacité,
simplicité et cordialité, m'avait fait comprendre avec beaucoup de subtilité
qu'il s'inquiétait parce que, dans la commission qu'il était en train de mettre
en place, siégeaient des « grands » - je n'emploierai pas à dessein un terme
plus « soixante-huitard » - qui mettaient tout en oeuvre pour freiner ses
propres ambitions.
Mais
quid
de la commission ? Je me demande donc de quoi elle va
maintenant accoucher ?
(Sourires.)
C'est là, madame le secrétaire
d'Etat, permettez-moi de vous le dire, que vous avez tout votre rôle à
jouer.
En tout cas, je ne retire pas mon amendement.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je crois qu'il faut savoir clore un débat, si
important soit-il.
Monsieur Jean Boyer, il est vrai que la commission que Bernard Kouchner avait
mise en place au départ était essentiellement constituée de représentants
institutionnels de la profession. C'est bien pourquoi, quand j'ai accédé à la
responsabilité qui est aujourd'hui la mienne, j'ai souhaité que le comité de
défense de la santé des femmes, constitué de gynécologues médicaux exerçant en
ville, notamment en province, mais aussi d'usagers, puisse participer au comité
de suivi.
Je peux donc vous garantir que la commission mise en place par Bernard
Kouchner, transformée, ensuite, en comité de suivi et animée, en effet, par le
professeur Guy Nicolas, n'a pas été un cénacle de mandarins - j'utilise le mot
! Ce comité a eu, au contraire, le souci d'entendre les femmes, l'ensemble des
usagers du système de santé, l'ensemble des gynécologues médicaux, mais aussi
les pouvoirs publics, soucieux d'assurer une formation efficace et approfondie
dans une discipline en pleine évolution.
Nous avions besoin d'une réflexion globale. C'est l'aboutissement de cette
réflexion profonde, ponctuée de mises en cause des parcours antérieurs, qui
nous a conduits à proposer ce diplôme d'études spécialisées, avec un tronc
commun et deux options, de sorte que les spécialistes formés par l'Université
le soient le mieux possible et qu'ils puissent mettre en oeuvre l'ensemble des
découvertes aujourd'hui à notre disposition au bénéfice de la santé des
femmes.
En fait, de quoi parlons-nous aujourd'hui ?
Les premières préoccupations qui s'étaient manifestées avaient bien pour
fondement la disparition de la spécialité de gynécologie médicale ! Or,
aujourd'hui, j'ai entendu qu'il fallait garantir la facilité d'accès des femmes
à la santé, être à leur écoute, se préoccuper de leurs problèmes de santé
spécifiques, toutes choses simples qui ne justifiaient pas la mise au programme
des études de choses trop compliquées, en tout cas pas une spécialité.
Moi, j'en étais restée à l'interrogation sur la disparition de la spécialité
en 1984 !
Monsieur Neuwirth, depuis cette date, il y a bien des gynécologues qui sont
sortis de l'Université française, qui se sont installés comme gynécologues
médicaux en ville, qui soignent aujourd'hui les femmes et qui sont même en
mesure de nous alerter sur les déficits de la formation des futurs praticiens !
On ne peut donc pas dire qu'il y a eu une excellente formation à la gynécologie
médicale, qui aurait été simple, avant 1984 et, depuis, un grand trou. Il ne
faut pas idéaliser !
Il est vrai qu'avant 1984 les gynécologues médicaux, après avoir obtenu leur
diplôme de généraliste, suivaient une formation de trois ans qui débouchait sur
un CES. Cela n'existe plus, mais, depuis, on a tout de même formé des médecins
! Ou bien alors, j'ai été abusée par les rapports qui m'ont été fournis par
l'administration dont j'exerce la tutelle !
Je suis pour qu'on garantisse l'égal accès de toutes les femmes, partout dans
le pays, à un bon suivi de leur santé. Mais je constate que la densité des
gynécologues sur le territoire est, pour 100 000 habitants, de douze en Lozère,
de cinquante-quatre dans le Bas-Rhin et de soixante-quinze à Paris.
Dans ces conditions, à Paris, ou dans le Bas-Rhin, personne n'ira reprocher
aux femmes de préférer consulter leur gynécologue parce que c'est lui qui les
suit depuis qu'elles ont commencé leur vie de femme, parce que c'est leur
médecin de référence, parce qu'elles en ont besoin. Personne ne leur demandera
d'aller consulter leur médecin de famille parce qu'il suit leur mari, leurs
enfants. Chacun est libre de son choix, et le choix est offert.
En revanche, en Lozère, la femme qui a besoin d'un suivi gynécologique
va-t-elle aller faire la queue dans le cabinet d'un des douze gynécologues qui
sont à cinquante kilomètres de chez elle ? Non, elle voit son médecin
généraliste, qui est à son écoute, qu'elle a choisi, médecin généraliste qui
n'est pas nécessairement le même que celui de son mari. Rien n'oblige en effet
à avoir un seul médecin par famille, on peut choisir !
En outre, je rappelle que la médecine se féminise, que nous comptons 30 % de
médecins femmes. Il est donc très facile de choisir un médecin généraliste
femme, qui aura une sensibilité particulière au suivi de la santé des femmes et
qui aura fait l'effort de formation.
Je ne veux, en effet, pas faire injure à vous tous qui, dans cette enceinte,
êtes membres de la profession. Je sais que vous êtes toujours prêts à vous
former, à vous tenir au courant des progrès. Aussi, arrêtons de dire que seuls
les spécialistes seraient capables !
On dit tout et son contraire. D'un côté, on dit qu'il faut permettre l'accès
direct de toutes les femmes à des spécialistes et, de l'autre, qu'il faut des
choses simples. Je ne sais plus comment faire !
Essayez de vous extraire de la passion du débat, qui est effectivement
intéressant, et qui montre que les femmes veulent être entendues, qu'elles ont
des exigences en matière de qualité de la prise en charge de leurs problèmes,
de leur besoin de santé. Nous avons vraiment fait le mieux que nous pouvions
pour garantir leur possibilité de choix et leur égal accès à cette qualité.
Enfin, les médecins généralistes vont voir leur formation améliorée puisque,
dès la rentrée prochaine, seront introduits dans leur cursus des modules de
formation à la pédiatrie, à la gynécologie et à l'urgence.
Ainsi, nous aurons, sur tous les points de notre territoire, des médecins
généralistes mieux formés et mieux préparés au suivi global de la santé de nos
concitoyens.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 31, et les amendements n°s 54 et 93 n'ont plus
d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)