SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 20. - I. - A la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-17-1 . - En vue d'améliorer la connaissance statistique sur les effectifs de retraités et les montants des retraites et de faciliter la coordination entre les régimes de retraite en matière de service des prestations, il est créé un répertoire national des retraites et des pensions.
« A cette fin, les organismes gérant les régimes de retraite mentionnés au présent titre et au titre II du livre IX, les débiteurs d'avantages de vieillesse non contributifs ou d'avantages gérés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1 du présent code et les organismes gérant les régimes d'assurance invalidité communiquent à l'organisme chargé par décret de la gestion technique du répertoire, lors de la liquidation des avantages de retraite, les informations sur la nature et le montant des avantages servis, ainsi que les informations strictement nécessaires à l'identification des assurés et de leurs ayants droit, et à la détermination de leurs droits.
« Le numéro d'identification au répertoire national d'identification des personnes physiques est utilisé dans les traitements et les échanges d'informations nécessaires à l'application de ces dispositions par les organismes débiteurs des avantages mentionnés au deuxième alinéa du présent article.
« Le contenu et les modalités de gestion et d'utilisation de ce répertoire sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
« II. - Les organismes cités à l'article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale transmettent à l'autorité compétente de l'Etat les données nécessaires à la constitution d'un échantillon statistique inter-régimes de cotisants, anonyme et représentatif, visant à élaborer un système d'informations sur les droits acquis à la retraite par les personnes d'âge actif.
« Un décret fixe les conditions de la communication des données mentionnées au premier alinéa.
« III. - Une synthèse des données du répertoire national des retraites et des pensions et de l'échantillon inter-régimes de cotisants est transmise, tous les deux ans, au Parlement et au Conseil d'orientation des retraites. »
Sur l'article, la parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission n'a pas jugé opportun de présenter d'amendements sur l'article 20, car l'exposé des motifs figurant dans le projet de loi déposé sur le bureau des assemblées ne nous incitait pas à le faire. Cet article 20, je vous le rappelle, mes chers collègues, crée un répertoire national des retraites et des pensions.
Néanmoins, l'exposé des motifs de cet article, tel qu'il figure à la page 37 du projet de loi déposé à l'Assemblée nationale, précise que « ces deux outils ont reçu un avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ». Or, mes chers collègues - et je m'en excuse auprès des membres de la commission des affaires sociales parce que, au moment où nous avons examiné cet article de la loi et au moment où la commission s'est réunie pour examiner les amendements extérieurs, nous ne possédions pas l'information qui nous a été communiquée depuis par la CNIL - en fait, il n'en est rien, et la déclaration formulée par le Gouvernement dans l'exposé des motifs est complètement erronée !
Je vous donne lecture de l'avis de la CNIL :
« Compte tenu de ces observations, la commission est d'avis :
« - que les finalités de contrôle des situations de cumuls des avantages de retraite soient précisées au premier alinéa du paragraphe I du futur article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale :
« - que le dernier alinéa du paragraphe I du futur article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale soit rédigé ainsi : "le contenu, les modalités de gestion et d'utilisation de ce répertoire ainsi que les dispositions prévues pour assurer la sécurité des informations sont fixées par décret en Conseil d'Etat, après avis de la CNIL" ;
« - que l'avant-dernier alinéa du paragraphe II du futur article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale soit rédigé ainsi : "un décret, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les conditions de communication des données mentionnées au premier alinéa et les modalités de fixation de l'échantillon" ;
« - que le dernier alinéa du paragraphe II du futur article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale soit supprimé. »
En conséquence, pour que le Gouvernement puisse déclarer, sans la moindre réserve, que le dispositif proposé avait « reçu un avis favorable de la CNIL », j'ai pensé, avec mes collègues de la commission des affaires sociales, que les modifications demandées avaient été prises en compte.
J'ai donc comparé l'avant-projet soumis à la CNIL et le projet de loi déposé. Or, à une seule exception près, aucune des modifications demandées par la CNIL n'a été intégrée.
Par conséquent, le Gouvernement a pris en compte l'avis de la CNIL non pas en totalité, mais seulement pour partie, et ce alors même qu'il affirmait dans l'exposé des motifs que la CNIL avait émis un avis favorable sur la globalité de la rédaction de cet article. Pis, le projet de loi est en retrait par rapport à l'avant-projet !
Je me résume : d'une part, le projet de loi ne tient aucun compte des demandes de précisions formulées par la CNIL, s'agissant des dispositions prévues pour assurer « la sécurité des informations » ou pour ce qui est « des modalités de fixation des échantillons » ou encore pour ce qui est des « finalités de contrôle des situations de cumuls des avantages de retraite ».
D'autre part, il revient en arrière par rapport au texte soumis à la CNIL, puisqu'il supprime toute référence à l'avis de la CNIL dont devaient être assortis les décrets en Conseil d'Etat, conformément aux documents que je possède et que je tiens à la disposition du Gouvernement s'il me les demandait - mais il les détient lui-même !
Cela veut donc dire très clairement que l'exposé des motifs du projet de loi, en mentionnant un avis favorable de la CNIL, s'écarte de la réalité au point d'être une tromperie.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Aussi, madame le ministre, soit le Gouvernement met le dispositif de l'article 20 en accord avec son exposé des motifs et dépose des amendements pour le compléter, afin que les conditions soient, cette fois-ci, réunies pour considérer que l'avis de la CNIL a été respecté - et nous sommes prêts, si nécessaire, à demander la réserve de cet article -, soit le Gouvernement ne souhaite pas amender son texte pour tenir compte de l'avis de la CNIL, et alors vous comprendrez, mes chers collègues, que nous ne puissions vous proposer de voter l'article 20 en l'état. Il serait quand même détestable, en effet, de penser que nous aurions pu induire le Sénat en erreur sur la base de ce que j'ai appelé une tromperie !
Enfin, permettez-moi une dernière question, madame le ministre : pourquoi le Gouvernement ne nous a-t-il pas adressé, comme il aurait dû le faire, l'avis de la CNIL qui a été adopté le 21 septembre 2000 - ce n'est quand même pas hier ! - alors que les textes le prévoient très clairement ? En effet, l'article 20 du décret du 17 juillet 1978 prévoit que tout projet de loi portant création d'un traitement automatisé d'informations nominatives est transmis au Parlement accompagné de l'avis de la CNIL. Et tel n'a pas été le cas !
Permettez-nous de nous interroger sur la manière dont ce texte a été rédigé et sur la méthode qui a été employée par le Gouvernement !
Mais je ne doute pas, madame le ministre, qu'il s'agit simplement - du moins je l'espère - d'un pas de clerc et que, en l'occurrence, vous allez très rapidement apaiser les préoccupations et les inquiétudes de la Haute Assemblée pour que tout rentre dans l'ordre dès que nous vous aurons entendue !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'article 20.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je croyais que Mme le ministre allait répondre aux interrogations de M. Vasselle !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. La question était gênante !
M. Charles Descours, rapporteur. A titre personnel, j'indique donc que je suis opposé à cet article, et je demande à mes amis de voter contre, parce qu'il y a vraiment là un vice de forme grave.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est, en effet, tout à fait abusif !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20.

(L'article 20 n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance.

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