SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 16. - I. - L'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale est
complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° De verser au Fonds de solidarité vieillesse créé à l'article L. 135-1 un
montant égal aux dépenses prises en charge par ce fonds au titre des
majorations de pensions mentionnées au a du 3° et au 6° de l'article L. 135-2 ;
ce versement fait l'objet d'acomptes. »
« II. - L'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale est complété par un
6° ainsi rédigé :
« 6° Les sommes mises à la charge de la Caisse nationale des allocations
familiales par le 5° de l'article L. 223-1. »
« III. - Pour l'année 2001, la Caisse nationale des allocations familiales
verse au Fonds de solidarité vieillesse un montant égal à 15 % des sommes
visées au présent article. »
Sur l'article, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Cet article organise le transfert progressif du financement des majorations de
pension pour enfant du Fonds de solidarité vieillesse vers la Caisse nationale
des allocations familiales.
Les majorations pour enfant accordées dès 1945 au titre de la politique
familiale ont pour effet d'augmenter la pension de tout assuré de 1/10 de son
montant si l'assuré a eu ou a élevé au moins trois enfants pendant au moins
neuf ans, avant leur seizième anniversaire.
Il s'agit d'un avantage familial différé, explicitement institué pour les
familles nombreuses et visant à instaurer une compensation en termes de pension
du fait du taux élevé d'inactivité chez les mères de famille ayant eu trois
enfants ou plus.
Il n'apparaît donc pas choquant, au moment où la branche famille est
excédentaire - je rappelle que le déficit était de 14,5 milliards de francs en
1997, du fait de l'absence de financement de la loi de 1994 - d'opérer ce juste
retour, surtout à une époque où c'est la branche vieillesse qui doit être
soutenue.
C'est d'autant moins choquant que, corrélativement, le Fonds d'action sociale
des travailleurs immigrés et de leur famille, de son côté, est transféré, à
hauteur de 900 millions de francs, dans le collectif budgétaire 2000 et, pour
plus de 1 milliard de francs, dans le projet de loi de finances pour 2001.
Ce transfert permet une clarification des relations entre la branche
vieillesse et la branche famille, une meilleure transparence et la pérennité de
cette mesure.
Cette affectation des excédents de la branche famille au financement
d'avantages familiaux de retraite reste conforme à la spécification des
branches : les excédents de la branche famille contribuent à financer les
avantages familiaux.
M. le président.
Par amendement n° 15, MM. Lorrain et Descours, au nom de la commission des
affaires sociales, proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
L'enthousiasme à l'égard de ce dispositif n'a, semble-t-il,
pas été partagé par l'Assemblée nationale. Nous proposons de le supprimer.
Madame le ministre, en agissant ainsi, nous vous aidons en quelque sorte parce
qu'il ne semble pas que vous soyez très favorable à cette formule imposée par
Bercy.
A l'égard de cette mesure, que vous aviez dit découvrir lors de la réunion de
la commission des comptes de la sécurité sociale, la majorité plurielle, quant
à elle, s'est montrée plus que réservée, car elle y voit, à juste titre,
l'instrument de l'enterrement définitif de toute politique familiale de grande
ampleur dans notre pays.
M. Georges Sarre a déposé un amendement de suppression à l'Assemblée
nationale. Mme Jacquaint a fait part des fortes réserves du groupe communiste.
Les acteurs de la politique familiale ont marqué leur opposition à cette
option, Mme Prud'homme en a fait état devant notre commission.
En vous apportant son aide, la majorité du Sénat défend la politique
familiale.
Nous proposons de supprimer cet article parce que cette majoration est par
essence un avantage de l'assurance vieillesse.
Cette mesure a été créée à la Libération, en même temps que le régime général.
L'esprit de la Libération, c'était de dire, à l'inverse de François Guizot, «
faites des enfants plutôt que de l'épargne », c'était de donner à ceux qui
n'avaient pas pu se constituer un pécule pour leurs vieux jours, parce qu'ils
avaient eu beaucoup d'enfants, un complément de retraite.
M. le Premier ministre a déclaré, le 21 mars dernier : « La retraite, c'est le
patrimoine de ceux qui n'en ont pas. » C'est là l'objet de la majoration de
pension pour enfant.
Il s'agissait aussi d'assurer une vigueur nouvelle au régime de retraite que
le Conseil national de la Résistance avait voulu, c'est-à-dire notre régime par
répartition, dont la prospérité repose avant tout sur la démographie. La
majoration de pension pour enfant est donc un pilier de l'assurance
vieillesse.
Vous avez dit à l'Assemblée nationale : « Lorsque le conseil d'administration
de la CNAF examinera le dispositif, il pourra, le cas échéant, l'améliorer ou
le moduler. »
Or, vous le savez bien, le conseil d'administration applique la loi. Reprenons
donc la procédure à zéro en supprimant cet article et soumettons votre
proposition à la CNAF. Vous donnerez ainsi un bel exemple de concertation.
Si les interlocuteurs familiaux sont favorables à une reprise par la branche
famille de cet avantage vieillesse, nous discuterons des modalités. S'ils n'y
sont pas favorables, c'est dans le cadre d'une réforme globale des retraites,
dont Alain Vasselle vous entretiendra tout à l'heure, qu'il faudra trouver la
solution.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Personne ici ne peut nier que les majorations de
pension concernées sont liées aux charges de famille. Il s'agit donc bien de
prestations familiales différées dans le temps.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Dès lors, il n'est pas incohérent de les mettre à la
charge de la branche famille et, par là-même, de les consolider.
Comme vous le savez, vous qui êtes très au fait de ces questions, voilà
quelques années, des ajustements sur la branche vieillesse ont donné lieu à des
débats et il a été question de remettre en cause ces acquis de la
Libération.
Le transfert est un peu rude, c'est exact. Mais il correspond à une
clarification des comptes, nul ne peut le nier.
Il s'agit bien d'un avantage familial différé, qui a quelque chose à voir
aussi avec la solidarité entre les générations - je reviendrai sur ce point
ultérieurement.
Enfin, je tiens à vous dire que ce transfert s'étalera sur sept années. J'en
prends ici solennellement l'engagement.
La montée en charge du dispositif figure à hauteur de 15 % dans le projet de
financement de la sécurité sociale pour 2001. Le dispositif est extrêmement
précis et, comme je l'ai dit aux partenaires de la politique familiale, ces
transferts s'étaleront dans le temps.
L'intérêt de ce transfert réside dans le fait que ces majorations seront
désormais débattues au sein du conseil d'administration de la CNAF, qu'il
s'agira désormais de prestations familiales à part entière.
Je crois que la rudesse du transfert, que je ne nie pas, je le redis, est
largement compensée par la clarification des comptes, par l'engagement sur la
pérennisation de cet acquis très important et, enfin, par le fait qu'il se
traduira par une montée en puissance du dispositif, qui garantira en tout état
de cause le maintien de marges de manoeuvre, d'excédents qui nous permettrons
de prendre les mesures nouvelles que nous préparons, en particulier celles qui
intéressent le jeune adulte.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
J'ai bien entendu ce qu'a dit Mme le ministre, et j'aimerais
la croire. Je relève toutefois que, si le transfert de l'allocation de rentrée
scolaire avait été prévu sur trois ans, en fait, il se fera sur deux ans.
Aujourd'hui, pour un autre dispositif, vous parlez de sept ans. Je veux bien
vous croire, mais il faudrait que nous disposions d'un certain nombre de
sécurités.
Ensuite, vous parlez de modulation et du rôle du conseil d'administration de
la CNAF. Pourtant, vous encadrez l'action de ce dernier. On ne voit pas
tellement la part de modulation qu'il pourrait y avoir.
Nos interrogations portent peut-être sur des questions annexes, mais elles
n'en demeurent pas moins des interrogations.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Veuillez m'excuser de reprendre à nouveau la parole, mais, madame le ministre
- est-ce volontairement ou non ? - vous omettez de préciser que le dispositif
qui a été imaginé par le Gouvernement a essentiellement pour objet d'assurer le
financement du FOREC.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est exactement ce que je voulais dire !
M. Alain Vasselle.
C'est bien de placer le débat entre la branche vieillesse et la branche
famille, mais la question de fond n'est pas du tout là. Si c'était réellement
le débat, nous aurions pu en discuter longuement.
En fait, l'objectif du Gouvernement n'est pas tant de faire assumer par la
branche famille une charge que supportait jusque-là la branche vieillesse,
c'est plutôt d'alléger les charges du FSV pour compenser ce que ce fonds devra
verser au FOREC pour financer les 35 heures.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Oui, c'est cela !
M. Alain Vasselle.
C'est cela le dispositif. Il faut le dire clairement.
Il faut avoir l'honnêteté intellectuelle d'aller jusqu'au bout de
l'explication. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt et trouver de
faux arguments, essayer de montrer que le Gouvernement est de bonne foi et que
le problème consiste simplement à transférer une charge de la branche
vieillesse à la branche famille. Ce n'est pas du tout cela ! Il s'agit du
financement du FOREC.
Ce que vous ne dites pas, en outre, madame le ministre, c'est que, en mettant
en place ce dispositif, vous diminuez la possibilité - que vous aviez vous-même
prévue - qui était offerte au fonds de solidarité vieillesse d'alimenter le
fonds de réserve des retraites, car vous otez autant d'excédents au fonds de
solidarité qui devaient alimenter le fonds de réserve et qui devaient assurer,
à terme, le financement de la branche vieillesse.
Bref, vous avez mis en place un dispositif qui est obscur, difficile à
comprendre et qui est tout à fait autre que ce que vous avez bien voulu dire,
avec la bonne foi dont vous prétendez vouloir faire preuve en cette occasion.
Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas du tout convaincu.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, vous ne pouvez à la fois dire,
ici et ailleurs, que les 35 heures ne sont pas financées et voir partout la
main dissimulée de l'Etat prélever dans toutes les caisses pour financer les 35
heures. Il y a quelque chose d'incohérent dans votre appréciation des
choses.
M. Jean Chérioux.
C'est la triste vérité !
M. Alain Vasselle.
C'est la réalité !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne comptais pas reprendre la parole après Alain Vasselle,
qui avait exprimé mieux que je ne l'aurais fait ce que je voulais dire. Mais je
me sens obligé de reprendre la parole, madame le ministre, malgré tout le désir
que j'aurais de vous être agréable, parce que Alain Vasselle a raison et que
tout ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est complètement
pollué par le financement du FOREC,...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Mais non !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais si !
... par le financement du FOREC, je le répète, assuré par une tuyauterie
(Mme le ministre proteste.)
C'est bien de manifester votre indignation,
madame, mais si on vous montrait toute cette tuyauterie !...
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 16 est supprimé.
Article 17