SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 5. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 731-15 du code rural est
ainsi rédigé :
« Les revenus professionnels pris en compte sont constitués par la moyenne des
revenus se rapportant aux trois années antérieures à celle au titre de laquelle
les cotisations sont dues. »
« II. - L'article L. 731-19 du code rural est ainsi rédigé :
«
Art. L. 731-19
. - Par dérogation aux dispositions du premier alinéa
de l'article L. 731-15, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles
peuvent, dans des conditions fixées par décret, opter pour une assiette de
cotisations constituée de leurs revenus professionnels tels que définis à
l'article L. 731-14 et afférents à l'année précédant celle au titre de laquelle
les cotisations sont dues. »
« III. - L'article L. 731-21 du code rural est ainsi rédigé :
«
Art. L. 731-21
. - Un décret détermine les conditions d'application
des dispositions de l'article L. 731-19, notamment le délai minimal dans lequel
les chefs d'exploitation ou d'entreprise doivent formuler l'option mentionnée à
l'article L. 731-19 préalablement à sa prise d'effet, la durée minimale de
validité de celle-ci, les conditions de sa reconduction et de sa
dénonciation.
« Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles ayant dénoncé l'option ne
peuvent ultérieurement demander l'application des dispositions prévues à
l'article L. 731-19, avant un délai de six ans après cette dénonciation. »
« IV. - A titre transitoire, au titre de 2001, pour les chefs d'exploitation
ou d'entreprise ayant exercé l'option, prévue à l'article 32 de la loi n°
94-114 du 10 février 1994 portant diverses dispositions concernant
l'agriculture, pour une assiette de cotisations sociales constituées par les
revenus professionnels afférents à l'année au titre de laquelle ces cotisations
sont dues, la régularisation des cotisations provisionnelles dues au titre de
l'année 2000 est effectuée lorsque les revenus professionnels sont
définitivement connus.
« V. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles ayant exercé
l'option prévue à l'article 13 de la loi n° 91-1407 du 31 décembre 1991
modifiant et complétant les dispositions du code rural et de la loi n° 90-85 du
23 janvier 1990 relatives aux cotisations sociales agricoles et créant un
régime de préretraite agricole ou à l'article 35 de la loi n° 93-121 du 27
janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social ou à l'article 32 de la
loi n° 94-114 du 10 février 1994 précitée perdent le bénéfice de ladite option
le 1er janvier 2001. L'assiette de leurs cotisations est déterminée selon les
modalités prévues à l'article L. 731-15 du code rural.
« Pour 2001, à titre exceptionnel, les chefs d'exploitation ou d'entreprise
agricoles peuvent exercer l'option prévue à l'article L. 731-19 du code rural
jusqu'au 30 avril 2001.
« VI. - Les articles L. 731-20 et L. 731-22 du code rural sont abrogés à
compter du 1er janvier 2001.
« VII. - L'article L. 731-23 du code rural est ainsi rédigé :
«
Art. L. 731-23
. - Les personnes qui dirigent une exploitation ou une
entreprise agricoles dont l'importance est inférieure à celle définie à
l'article L. 722-5 et supérieure à un minimum fixé par décret ont à leur charge
une cotisation de solidarité calculée en pourcentage de leurs revenus
professionnels définis à l'article L. 731-14, afférents à l'année précédant
celle au titre de laquelle la cotisation est due ou à défaut sur une assiette
forfaitaire provisoire déterminée dans des conditions fixées par décret. Cette
assiette forfaitaire est régularisée lorsque les revenus sont connus. Le taux
de la cotisation est fixé par décret. »
« VIII. - Dans la première phrase de l'article L. 731-24 du code rural, les
mots : "ces revenus" sont remplacés par les mots : "leurs revenus
professionnels afférents à l'année précédant celle au titre de laquelle la
cotisation est due". »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 62 rectifié, est présenté par MM. Arnaud, Amoudry, Barraux,
Bernardet, Deneux, Deriot, Faure, Franchis, Grignon, Hérisson, Herment,
Hoeffel, Huchon, Jarlier, Lorrain, Machet, Marquès, Louis Mercier, Michel
Mercier, Moinard, Richert, Souplet, Vecten et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 103 est déposé par MM. Bernard, Gaillard et Vasselle.
Tous deux tendent :
I. - Dans le texte proposé par le II de l'article 5 pour l'article L. 731-19
du code rural, après les mots : « chefs d'exploitation ou d'entreprise
agricoles », à insérer les mots : « relevant d'un régime forfaitaire » ;
II. - En conséquence :
a)
A compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article
L. 731-19 du code rural, par une phrase ainsi rédigée : « Ceux relevant d'un
régime réel d'imposition peuvent, dans des conditions fixées par décret, opter
pour une assiette de cotisations constituée de leurs revenus professionnels
tels que définis à l'article L. 731-14 et afférents à l'année au titre de
laquelle les cotisations sont dues. »
b)
A supprimer le IV de cet article.
La parole est à M. Lorrain, pour défendre l'amendement n° 62 rectifié.
M. Jean-Louis Lorrain.
Cet amendement vise à maintenir, pour les exploitants relevant d'un régime
réel, la possibilité d'opter pour une assiette de cotisations sociales et de
CSG/CRDS constituée par les revenus professionnels de l'année au titre de
laquelle les cotisations sont dues.
En effet, cette possibilité actuelle donne entière satisfaction aux
exploitants qui l'ont choisie, dans la mesure où elle permet d'asseoir les
cotisations et contributions sur le revenu le plus proche possible du paiement
des cotisations et contributions.
De plus, le mécanisme actuel de cotisations provisionnelles sur les revenus de
la dernière année connue est empreint d'une certaine souplesse, puisque la base
provisionnelle peut être minorée en cas de chute des revenus prévue sur l'année
au titre de laquelle les cotisations sont dues à titre définitif.
En cas d'augmentation des revenus professionnels, une provision fiscale permet
de répercuter immédiatement sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année
l'augmentation de cotisations qui résulte de la hausse des cotisations.
Enfin, on soulignera que les artisans, commerçants et professions libérales
cotisent également sur une base constituée des revenus de l'année au titre de
laquelle les cotisations sont dues, sans que cela ne présente aucune difficulté
pratique.
M. le président.
La parole est à M. Bernard, pour défendre l'amendement n° 103.
M. Jean Bernard.
Je souscris aux propos qui viennent d'être tenus puisque l'amendement que je
présente et l'amendement n° 62 rectifié sont identiques.
Les nouvelles modalités concernées sont en vigueur depuis 1994, à la grande
satisfaction des exploitants. Aussi, je m'interroge sur les raisons qui
conduisent à modifier ce dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 62
rectifié et 103 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 5 proposé par le Gouvernement - je réponds à M.
Bernard - tend à simplifier les assiettes de cotisations sociales des
exploitants agricoles, en passant d'un système de quatre assiettes différentes
à un système de deux assiettes différentes.
Comme tous les systèmes de simplification, le dispositif du Gouvernement
supprime un cas particulier, celui qui concerne les exploitants imposés au réel
qui, aujourd'hui, choisissent de s'acquitter de leurs cotisations agricoles sur
les revenus de l'année
n
en cours. Il s'agit évidemment d'une partie
seulement des exploitants agricoles.
La suppression de l'année n est demandée par les organismes de mutualité
sociale agricole, c'est-à-dire par les gestionnaires du régime. En effet - et
on le comprend très bien - ce dispositif pose aujourd'hui des problèmes de
contrôle et de définition. Les cotisations sociales agricoles sont calculées
sur des revenus nets, après déduction des cotisations elles-mêmes. En
conséquence, elles sont d'abord acquittées sur la base prévisionnelle des
revenus de l'année
n
- 1, puis régularisées au cours de l'année
n
+ 1 sur la base des revenus de l'année
n
, une fois ceux-ci connus.
Mais, selon les organisations professionnelles agricoles, le passage à
l'assiette n - 1 serait un retour en arrière.
C'est pour moi un dilemme cornélien : en tant que président du conseil de
surveillance de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS,
connaissant donc les organismes de sécurité sociale, je comprends la position
de la MSA ; mais en tant que sénateur, rôle dans lequel j'écoute souvent les
organisations syndicales agricoles de mon département, je comprends aussi ces
organisations professionnelles.
Dans ces conditions, très courageusement, je m'en remets à la sagesse du
Sénat, sagesse... un peu positive.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je ne vais peut-être pas simplifier le choix cornélien
du rapporteur.
En effet, le dispositif proposé par ces amendements pour les seuls exploitants
dont les cotisations sociales sont actuellement calculées sur le revenu de
l'année au titre de laquelle ces cotisations sont demandées est contraire aux
objectifs de simplification et d'harmonisation des assiettes de cotisations
sociales des travailleurs non salariés agricoles. Il laisserait perdurer une
troisième assiette de cotisations sociales pour moins de 10 % d'entre eux.
Les difficultés engendrées par le dispositif actuel militent en faveur de la
suppression du calcul des prélèvements non salariés agricoles sur le revenu de
l'année à laquelle ils se rapportent, comme le préconise le rapport de M.
Cahuzac, qui est, lui aussi, un fin calculateur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il est chirurgien, comme moi, et donc un spécialiste des
calculs dans le domaine agricole !
(Sourires.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 62 rectifié et 103.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je ne comprends pas la réponse administrative que vient de faire Mme le
secrétaire d'Etat. Réellement, c'est méconnaître la situation de la profession
agricole aujourd'hui ! Il y avait un dispositif d'une grande souplesse, qui
permettait à la profession de s'adapter en fonction de l'évolution de ses
revenus, et s'il existe une profession en France qui connait de fortes
variations de revenus d'un exercice sur l'autre du fait des aléas climatiques,
c'est bien la profession agricole ! Vouloir absolument caler l'assiette des
cotisations sur l'année n - 1 dans un souci de simplification administrative,
qu'au demeurant nous comprenons, c'est vraiment méconnaître la réalité du
terrain et le fonctionnement des entreprises agricoles.
J'en appelle donc, madame le secrétaire d'Etat, à votre bons sens et à votre
souci de « coller » à la réalité afin de répondre au mieux aux difficultés des
entreprises, pour au moins donner aux entreprises agricoles la faculté de
prendre comme année de référence l'année n, au lieu de l'année n - 1, chaque
fois que la situation le justifie.
Cette solution est plus pertinente que jamais aujourd'hui où nous discutons du
projet de loi de financement de la sécurité sociale, après les événements
récents que nous avons connus avec la « vache folle » et les farines animales,
les annonces qui sont faites quasi quotidiennement, soit par des membres du
Gouvernement, soit par des représentants de la profession agricole. Nous le
savons, tout un pan de l'économie agricole sera touché par cette crise. Or, on
veut continuer à asseoir le calcul des cotisations sociales sur un exercice de
référence qui n'a rien à voir avec les réalités des revenus de l'exploitation
agricole au cours de l'année n.
Que le Parlement fasse donc preuve d'un peu de pertinence et de bons sens dans
ses décisions en adoptant cet amendement, qui a été déposé par notre collègue
Jean Bernard et qui avait d'ailleurs été défendu avec beaucoup de pertinence
par Charles de Courson, à l'Assemblée nationale ! Réellement, si aujourd'hui la
Haute Assemblée n'est pas en mesure d'adopter un amendement de cette nature,
c'est à désespérer du fonctionnement du Parlement !
(M. de La Malène applaudit.)
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter à l'explication très éloquente de M.
Vasselle. Le Gouvernement se félicite de faire passer le nombre d'assiettes de
quatre à deux. Si les amendements n°s 62 rectifié et 103 étaient adoptés, il y
aurait alors non plus quatre, mais trois assiettes, ce qui constituerait déjà
une simplification.
J'ajoute que l'élevage n'est pas la seule branche de l'agriculture concernée
par cette affaire : il y a également, notamment, la viticulture. Ce secteur
n'est pas sinistré, mais la profession viticole est tout à fait attachée au
dispositif proposé dans un souci de bonne gestion. Ce n'est donc pas un hasard
si MM. de Courson et Bernard, ainsi que votre serviteur, soutiennent cet
amendement.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
J'ai bien sûr entendu les arguments développés par MM. Vasselle et
Gaillard.
Pour ma part, j'ai toujours vu mettre en avant, notamment par M. le
rapporteur, ce souci de rigueur qui devrait être notre règle commune.
On parle de droit constaté. En matière de sécurité sociale, c'est une volonté
affichée par tout le monde. La Cour des comptes l'a dit, et on progresse en ce
sens.
Le souhait du Gouvernement de ramener le nombre d'assiettes de quatre à deux
est, à mon avis, légitime. En effet, cela ne concerne que 10 % d'assujettis -
certes, me direz-vous, c'est toujours 10 % ! - et il nous faut trouver des
règles qui soient justes pour tous. D'autres catégories sociales ont-elles le
choix de leur régime fiscal ? Bien entendu, ces dernières ne sont pas soumises
à un certain nombre d'aléas que nous connaissons bien et qui sont préoccupants
; mais nous pensons, pour notre part, que ce pas devrait être franchi
aujourd'hui, et nous attendons de connaître l'avis de M. le rapporteur.
Je ne comprends pas la position de M. Vasselle, qui est pourtant, d'habitude,
très rigoureux dans ses raisonnements,...
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
... et qui nous encourage bien souvent à la rigueur.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Guy Fischer.
Cette fois-ci, je suis étonné de la position qu'il adopte.
M. Alain Vasselle.
Je pensais que le fils d'agriculteur que vous êtes aurait compris !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les deux amendements identiques n°s 62 rectifié et 103,
repoussés par le Gouvernement et sur lesquels la commission s'en remet à la
sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Alain Vasselle.
La sagesse a parlé !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 5 bis