SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 2. - I. - A. - La contribution sociale généralisée et la contribution
pour le remboursement de la dette sociale assises sur les revenus d'activité
tels que définis au I de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, à
l'exception de son deuxième alinéa, ainsi que sur les revenus visés aux 1° , 4°
, 5° , 5°
bis
et 6° du II du même article perçus au cours d'un mois
civil, font l'objet d'une réduction lorsque le total de ces revenus est
inférieur à un plafond fixé à 169 fois le salaire minimum de croissance majoré
de 40 %.
« La réduction est également applicable aux revenus visés au 7° du II de
l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, les modalités d'application
des dispositions de l'avant-dernier alinéa du présent A pour ces revenus et
pour le complément de rémunération à la charge de l'employeur étant fixées par
décret. »
« La réduction est également applicable, selon des modalités fixées par
décret, aux contributions dues par les personnes visées aux articles L. 721-1
et L. 771-1 du code du travail et L. 751-1 du code rural, qui relèvent d'un
régime de salariés et dont la rémunération n'est pas déterminée en fonction du
nombre d'heures de travail. »
« Dans les professions dans lesquelles le paiement des congés des salariés et
des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs
affiliés aux caisses de compensation prévues à l'article L. 223-16 du code du
travail, la réduction n'est pas applicable aux contributions dues au titre de
ces indemnités, sous réserve des dispositions du 3° du B du présent I. »
« Pour le calcul de la réduction applicable aux salariés dont le nombre
d'heures rémunérées au cours du mois est inférieur à la durée collective du
travail résultant d'une convention ou d'un accord collectif applicable dans
l'entreprise ou l'établissement ou, à défaut, de la durée légale du travail,
les revenus perçus sont, pour être convertis en équivalent temps plein, divisés
par le rapport entre le nombre d'heures effectivement rémunérées au cours du
mois et cette durée collective, calculée sur ce mois.
« Pour les agents de l'Etat et de ses établissements publics, des
collectivités territoriales et de leurs établissements publics et les agents
des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier
1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
hospitalière, travaillant à temps partiel ou non complet et non soumis à une
durée du travail résultant d'une convention collective, le rapport mentionné à
l'alinéa précédent est égal à leur quotité de temps de travail. Un décret fixe
les conditions d'application des dispositions du présent alinéa aux agents
ayant commencé ou cessé leur activité au cours du mois. »
« B. - Pour les revenus perçus au cours de l'année 2001, la réduction prévue
au A est égale, dans les limites des contributions dues, au tiers du montant
déterminé selon la formule suivante :
« 19 % x (169 x salaire minimum de croissance majoré de 40 % - revenus).
« Pour le calcul de la réduction :
« 1° Les revenus sont convertis le cas échéant en équivalent temps plein ;
« 2° Pour les revenus visés au 7° du II de l'article L. 136-2 du code de la
sécurité sociale, le taux de 19 % est réduit à 16,75 % ;
« 3° Dans les professions dans lesquelles le paiement des congés des salariés
et des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs
affiliés aux caisses de compensation prévues à l'article L. 223-16 du code du
travail, la réduction est majorée de 10 % dans la limite des contributions dues
;
« 4° Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'avant-dernier alinéa
du A du présent I, la différence entre 169 fois le salaire minimum de
croissance majoré de 40 % et les revenus ainsi corrigés est elle-même
multipliée par le rapport mentionné à cet alinéa. »
« C. - Pour les salariés visés à l'article L. 772-1 du code du travail, la
réduction peut être calculée sur une base horaire forfaitaire dans des
conditions fixées par décret. »
« Pour les catégories de salariés visées au I
bis
de l'arti- cle 136-2
du code de la sécurité sociale, la réduction peut être calculée selon des
modalités et des taux fixés par décret lorsque l'assiette forfaitaire qui leur
est applicable n'excède pas les limites fixées au A du présent I. »
« II. - A. - La contribution sociale généralisée et la contribution pour le
remboursement de la dette sociale assises sur les revenus professionnels tels
que déterminés par l'application des articles L. 136-3 et L. 136-4 du code de
la sécurité sociale font l'objet d'une réduction lorsque ces revenus retenus au
titre de la période servant de référence pour le calcul desdites contributions
sont inférieurs à un plafond fixé à 2028 fois le salaire minimum de croissance
au cours de l'année civile considérée, majoré de 40 %. »
« Lorsque la durée de l'activité donnant lieu à assujettissement à la
contribution visée à l'article L. 136-3 du code de la sécurité sociale est
inférieure à l'année civile, les revenus considérés sont, pour être rapportés à
l'année entière, divisés par le rapport entre le nombre de jours d'activité et
le nombre de jours de l'année. »
« B. - Pour les revenus professionnels soumis aux contributions dues au titre
de l'année 2001, la réduction prévue au A est égale, dans les limites des
contributions dues, au tiers du montant déterminé selon la formule suivante
:
« 20 % x (2028 x salaire minimum de croissance majoré de 40 % - revenus).
« Pour le calcul de la réduction :
« 1° Lorsque le revenu est inférieur à un montant égal à 2028 fois le salaire
minimum de croissance, la réduction est calculée sur la base de ce montant et
proratisée par l'application du rapport entre le revenu et ce montant ;
« 2° Lorsqu'il est fait application des dispositions du deuxième alinéa du A
du présent II, le montant de la réduction est proratisé par l'application du
rapport mentionné à cet alinéa. »
« C. - En cas d'exercice simultané, soit d'une ou plusieurs activités
salariées et d'une ou plusieurs activités non salariées, soit de plusieurs
activités non salariées, relevant de catégories différentes au regard de
l'impôt sur le revenu, les dispositions des A et B du présent II s'appliquent
en prenant en compte l'ensemble des revenus soumis aux contributions, selon des
modalités fixées par décret. »
« D. - Pour l'application du présent II, le salaire minimum de croissance pris
en compte est égal à la valeur annuelle moyenne du salaire minimum de
croissance en vigueur au cours de l'année civile.
« III. -
Supprimé.
»
Sur l'article, la parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Avec l'article 2, le Gouvernement se propose de modifier la nature de la
CSG.
On a pu être, à l'origine, contre l'instauration de celle-ci. Désormais, elle
existe. Elle est simple et compréhensible. Ainsi, chaque Français cotise en
fonction de ses ressources, quelle qu'en soit l'origine, pour bénéficier d'une
couverture d'assurance maladie.
Or, madame le secrétaire d'Etat, vous proposez que certaines personnes
puissent désormais bénéficier de cette couverture maladie sans cotiser. Si nous
partageons votre souci de rendre le travail plus attractif que l'assistance
j'ai bien peur que vous n'obteniez, avec ce nouveau dispositif, l'effet
inverse.
Cette mesure d'apparence généreuse semble bien dangereuse lorsque l'on prend
du recul.
Tout d'abord, vous rompez avec le principe essentiel qui lie les cotisations
aux prestations. Comment responsabiliser les gens s'il n'y a que des droits
sans obligation, même symbolique ?
Ce prélèvement, parce qu'il est universel, crée un lien de solidarité partagé
par chacun de nos concitoyens, socle indispensable à notre protection
sociale.
En outre, en brisant ce lien, vous ouvrez grande la porte aux exonérations en
tout genre. Vous connaissez l'attachement aigu des Français à un traitement
équitable de chacun. Vous n'ignorez pas la nouvelle exaspération qui va naître
chez ceux qui vont de nouveau constater une différence de traitement au nom
d'une justice sociale qui, visiblement, va rater son objectif.
De plus, vous rompez l'égalité entre les Français. Comme l'ont fort bien
exposé nos rapporteurs, dans le dispositif que vous présentez, il est
préférable d'être un couple de smicards qui profitera doublement du nouvel
abattement plutôt que d'être seul à avoir une activité professionnelle dans le
couple avec des revenus équivalents car, dans ce dernier cas, il n'y aura aucun
gain.
Je ne peux croire, madame le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement sanctionne
ainsi sciemment des conjoints ayant fait le choix de demeurer à la maison pour
élever leurs enfants. Une réforme d'une telle importance méritait sans doute
plus de préparation.
Nos doutes sur l'opportunité de cette mesure sont d'ailleurs partagés par
d'autres puisque j'observe que les conseils d'administration de l'ACOSS et de
différentes autres caisses ont émis un avis défavorable sur le présent projet
de loi, essentiellement à cause de cet article.
Pour toutes ces raisons, nous émettons de vives réserves sur le dispositif de
l'article 2.
Notre groupe soutiendra la proposition conjointement présentée par la
commission des affaires sociales et la commission des finances de créer un
crédit d'impôt neutre par rapport à la structure des revenus et ne supprimant
pas le lien cotisations-prestations.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Cette réforme transforme en profondeur le premier impôt de notre pays, puisque
la CSG et la CRDS réunies représentent 400 milliards de francs.
Dans sa « pureté de cristal », la CSG, lorsqu'elle a été instituée, était une
taxe générale sur l'ensemble des revenus, proportionnelle et non déductible de
l'impôt progressif sur le revenu. En un mot, elle était simple.
Qu'en a-t-on fait ?
Ce n'est plus une taxe générale, puisqu'on a mis en place une taxe cédulaire
avec des taux différents pour les retraites, pour les revenus d'activité et
pour les revenus de placement.
Ce n'est plus un impôt totalement déductible ou non déductible ; il faut
définir des partages subtils.
De plus, aujourd'hui, on touche à la troisième caractéristique de cet impôt,
le principe de proportionnalité, par le jeu de la ristourne dégressive. En
termes simples, un salarié rémunéré au SMIC ne sera pas imposé, mais un salarié
rémunéré à 1,4 fois le SMIC le sera au taux de 7,6 %. La CSG devient
progressive !
Il s'agit d'une mauvaise réforme pour trois raisons.
Tout d'abord, madame le secrétaire d'Etat, c'est une réforme techniquement
inapplicable. Pour qu'un impôt progressif - et c'en sera un - puisse être mis
en place, il faut connaître la totalité des revenus du contribuable. Or, vous
l'avez reconnu devant l'Assemblée nationale, c'est impossible en cas de
pluriactivité. J'attendais donc que vous nous présentiez aujourd'hui des
amendements. Or je m'aperçois que la réforme n'est pas encore au point. En
effet, un contribuable percevant de deux employeurs différents deux fois 70 %
du SMIC...
M. Alain Gournac.
Comment va-t-on faire ?
M. Yves Fréville.
... bénéficiera deux fois de la ristourne et paiera en principe deux fois zéro
franc, ...
M. Alain Gournac.
Ils n'y ont pas pensé !
M. Yves Fréville.
... alors qu'il n'y aurait pas droit s'il avait perçu un seul revenu égal à
1,4 fois le montant du SMIC imposable au taux de 7,6 %. C'est la première
chose.
M. Raymond Courrière.
Pourquoi n'avez-vous rien proposé, vous qui êtes si intelligent ?
M. Yves Fréville.
Si vous trouvez des solutions, mon cher collègue, vous devriez les proposer
!
M. le président.
Monsieur Courrière, je n'ai pas davantage de raisons de vous laisser
interrompre un collègue que je n'en avais tout à l'heure de laisser interrompre
Mme le secrétaire d'Etat !
M. Raymond Courrière.
Ils n'ont qu'à proposer des solutions !
M. Yves Fréville.
Nous n'avons pas à proposer des améliorations pour une réforme que nous
n'approuvons pas !
Ensuite, c'est une réforme profondément injuste. En effet, si l'on rend la CSG
progressive, il faut la « familialiser », c'est-à-dire tenir compte, sinon du
quotient familial, du moins du quotient conjugal. Suivant la répartition plus
ou moins inégale des revenus salariaux, un couple constituant un foyer fiscal
qui touchera, par exemple, 2,8 fois le SMIC pourra, selon les cas, bénéficier
d'une double ristourne ou payer, à l'inverse, l'impôt « plein pot ». Où est la
justice ?
Enfin, cette réforme est, je tiens à le souligner, économiquement inefficace
car, en cherchant à réduire les trappes à l'inactivité, on crée des trappes à
bas revenus.
En effet, si un salarié payé au SMIC voit son salaire augmenter, il devra
verser sous forme de majoration de CSG au terme de la réforme 26,6 % de son
augmentation, car le taux marginal de la CSG entre le SMIC et 1,4 fois le SMIC
passera bien à 26,6 %. Si vous étiez payé au SMIC et que votre salaire brut
augmente de 2 800 francs, vous allez devoir verser 26,6 % de votre
augmentation, soit 756 francs à la sécurité sociale. Cela me paraît
économiquement tout à fait inefficace pour encourager les gens à travailler
plus. En conséquence, mes chers collègues, il nous faut revoir l'ensemble du
dispositif.
Mais l'inefficacité économique des réductions de charges sur les bas salaires
n'est pas propre à cette mesure. Je pourrais en dire autant de la ristourne
dégressive sur la réduction du temps de travail - les lois Aubry - et la
réduction Juppé.
Cette mesure, qui coûte 25 milliards de francs, s'ajoutera aux 105 milliards
de francs du FOREC. Avec 130 milliards de francs, on pourrait mettre en place
une ristourne égale pour tous sur la CSG et les cotisations sociales et aider à
revenir à l'activité ceux qui ne travaillent pas.
Je ne suis pas hostile à la progressivité de notre système fiscal, mais je
pense que cette progressivité doit être définie au niveau de l'impôt sur le
revenu, en tout cas au niveau global. Il me paraît très dangereux de nous
lancer dans une politique consistant à modifier tel ou tel impôt, une fois la
taxe d'habitation, une autre fois la CSG pour les revenus sociaux et, une autre
fois encore, l'impôt sur le revenu, car nous ne saurons absolument pas quel
sera le résultat final de ces diverses mesures.
Cette disposition est donc techniquement mauvaise et économiquement
inefficace.
En outre, elle est anticonstitutionnelle, car je ne vois pas pourquoi la
progressivité serait créée uniquement au niveau des revenus d'activité.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants).
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des
affaires sociales.
L'amendement n° 46 est déposé par M. Oudin, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à supprimer l'article 2.
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Fischer, Muzeau, Mme
Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 77 tend à rédiger comme suit l'article 2 :
« I. - Dans le deuxième alinéa du I de l'article L. 136-2 du code de la
sécurité sociale, le taux : "5 %" est remplacé par le taux : "10 %".
« II. - a) Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à
due concurrence par le relèvement à 15 % du taux des contributions sociales
mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité
sociale.
« b) En conséquence, dans le I de l'article L. 136-8 du même code, les
références : "L. 136-6, L. 136-7" sont supprimées. »
L'amendement n° 78 a pour objet :
I. - A la fin du premier alinéa du A du I de l'article 2, de remplacer le taux
: « 40 % » par le taux : « 80 % ».
II. - Dans le deuxième alinéa du B du I de l'article 2, de remplacer le taux :
« 40 % » par le taux « 80 % ».
III. - Dans le septième alinéa (4°) du B du I de l'article 2, de remplacer le
taux : « 40 % » par le taux : « 80 % ».
IV. - A la fin du premier alinéa du A du II de l'article 2, de remplacer le
taux : « 40 % » par le taux : « 80 % ».
V. - Dans le deuxième alinéa du B du II de l'article 2, de remplacer le taux :
« 40 % » par le taux : « 80 % ».
VI. - Afin de compenser les pertes de ressources résultant des I à V
ci-dessus, de compléter
in fine
l'article 2 par un paragraphe ainsi
rédigé :
« a) Les pertes de ressources résultant de l'élargissement des revenus
bénéficiant d'une réduction de la contribution sociale généralisée et de la
contribution pour le remboursement de la dette sociale sont compensées à due
concurrence par le relèvement à 15 % du taux des contributions sociales
mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité
sociale.
« b) En conséquence, dans le I de l'article L. 136-8 du même code, les
références : "L. 136-6, L. 136-7" sont supprimées. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission des affaires sociales propose de réformer
quatre points essentiels du projet de loi tel qu'il nous vient de l'Assemblée
nationale : d'abord le système de ristourne dégressive sur la CSG, qui est
l'objet de cet article 2 ; puis le financement complexe du FOREC ; ensuite
l'ONDAM, que nous contestons ; enfin, l'évolution de notre système
conventionnel. Les réformes que nous préconisons ont été bien perçues, si j'en
juge par les articles que nous avons lus dans la presse tant généraliste que
spécialisée.
Je vais insister sur ce que nous préconisons pour réformer le système de
ristourne dégressive de la CSG, qui est plus que discutable, comme viennent de
le dire les orateurs qui sont intervenus sur l'article 2.
Nous sommes opposés au dispositif proposé par le Gouvernement pour sept
raisons, comme il y a sept péchés capitaux, madame le secrétaire d'Etat !
Premièrement, un tel mécanisme remet en cause l'universalité du financement de
la protection sociale.
Voilà dix ans que la CSG a été instituée par le Gouvernement de M. Rocard.
Même si nous n'avions pas voté la CSG telle qu'elle était alors présentée, nous
étions dès cette époque d'accord sur le principe même d'une CSG, évoqué dès
1983 et précisé par le Comité des sages de 1987.
La « politique de la CSG » est devenue, à long terme, une politique nationale
conduite pendant dix ans par six gouvernements de sensibilités différentes.
Nous croyions qu'elle faisait l'objet d'un consensus politique. Or le ministère
de l'économie, des finances et de l'industrie - je ne vous rends pas
responsable, madame le secrétaire d'Etat, mais vous êtes solidaire du
Gouvernement -, dans des conditions tout à fait étonnantes, sans concertation
avec les partenaires sociaux et les organismes de sécurité sociale, en a jugé
autrement le 31 août dernier. Pour ces raisons, les conseils d'administration
des caisses du régime général ont massivement rejeté l'avant-projet de loi de
financement de la sécurité sociale qui leur était soumis.
Je prends le pari que nous verrons arriver, année après année, des amendements
tout à fait justifiés demandant telle ou telle exonération pour tel ou tel cas
particulier. Le gouvernement, quel qu'il soit, résistera peut-être une année,
mais cédera l'année suivante, car il aura mis « le doigt dans l'engrenage »
!
Deuxièmement, ce mécanisme est inéquitable en raison de la nature même de la
CSG, qui n'est pas un impôt sur le revenu. En effet, comme vient de le dire M.
Fréville et comme je l'ai d'ailleurs souligné au cours de mon intervention
liminaire hier, un couple ayant un revenu de deux salaires au SMIC bénéficiera
de deux réductions à taux plein, alors qu'un couple avec un seul salaire à 1,4
SMIC ne bénéficiera d'aucune réduction.
Mme Guigou m'a expliqué hier qu'au nom de l'égalité professionnelle entre les
hommes et les femmes vous preniez en compte « le deuxième salaire, soit le
travail féminin ».
Une femme me dit que le deuxième salaire est forcément féminin. Je rêve ! Je
croyais qu'un tel discours était l'apanage de la droite !
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste).
Le deuxième salaire, c'est le deuxième salaire, et il peut être féminin ou
masculin ! Comment un ministre de gauche peut-il tenir de tels propos ?
Mme Guigou m'a dit aussi que je prenais ce prétexte parce que j'étais contre
le travail des femmes. Bravo !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'était pour vous faire plaisir !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous n'arrêtez pas de me faire plaisir ! Ce qu'elles sont
gentilles, ces femmes ministres !
(Sourires.)
Les charges de famille ne sont pas prises en compte : un célibataire au SMIC
bénéficiera d'une réduction égale à celle d'un smicard père de trois
enfants.
Mme la ministre m'a répondu hier soir que cette « inégalité » ne la gênait
pas, parce qu'elle était « en rapport avec l'objectif de la loi », qui est de «
promouvoir le retour à l'emploi des personnes à revenu modeste ».
Je vous ferai néanmoins observer que la nature de la CSG est bien d'abord de
financer la protection sociale. Au regard de cet objectif premier, que l'on
oublie un peu, ces inégalités sont-elles acceptables ?
Cette ristourne de CSG et de CRDS sur les revenus d'activité serait justifiée,
selon vous, par l'impératif de la « justice fiscale ». Or je rappelle que tout
notre système fiscal est construit autour de la notion du « foyer fiscal » et
de l'ensemble des revenus du foyer. Cette contradiction majeure ne vous a
d'ailleurs pas échappé à propos des « pluriactifs », puisqu'il est nécessaire
de prendre en compte l'ensemble des revenus de ces fameux pluriactifs.
Troisièmement, le mécanisme proposé est compensé à la sécurité sociale de
manière incertaine à travers une taxe, la taxe sur les conventions d'assurance,
dont il n'est pas impossible de penser qu'elle est condamnée à terme,
puisqu'elle n'est pas payée par tous les assureurs.
Vous m'avez indiqué également qu'une dotation budgétaire peut être remise en
cause chaque année. C'est exact. Mais on ne voit pas pourquoi une taxe affectée
serait un gage de pérennité supplémentaire, quand on sait que le Gouvernement,
pour ne prendre qu'un exemple, propose de supprimer complètement, dans le
présent projet de loi, la fraction du prélèvement social de 2 % qu'il avait
attribué à la CNAMTS en compensation du financement de la couverture maladie
universelle que nous avons votée au mois de juin dernier !
Vous voyez bien qu'une taxe que nous avons affectée à la CNAMTS à grand
renfort de trompettes peut changer d'affectation moins de six mois plus tard !
Chère madame le secrétaire d'Etat, l'affectation d'une taxe n'est donc pas un
gage de pérennité !
Quatrièmement, ce mécanisme est complexe et sera difficile à mettre en oeuvre
par les entreprises - et, je le crois, par l'ACOSS d'ailleurs - chargées de
calculer une « CSG flottante » pour leurs salariés de 1 à 1,4 SMIC. Des
mécanismes pervers se feront jour : une entreprise pourra, par exemple, choisir
de rémunérer au SMIC un salarié sur onze mois de l'année, ce qui permettra à ce
salarié de bénéficier de la réduction dégressive à taux plein, puis de lui
verser un douzième mois particulièrement « substantiel », équivalant, par
exemple, à deux ou trois mois de salaire. Nous voyons bien que ce système est
pervers.
Je rappelle aussi que les particuliers employeurs sont au nombre de 1 200 000
en France. Que deviennent les mécanismes de simplification du « chèque-emploi
service », très bonne réforme - je ne sais plus qui l'a mise en place - dont
nous demandions tous l'extension ? Je souhaite que l'on m'explique qui
s'occupera de la CSG dans les mécanismes de simplification du chèque
emploi-service, et comment. Que le chèque emploi-service ne fonctionne plus
serait un recul considérable et un encouragement formidable au retour du
travail au noir. Enfin, vous prendrez vos responsabilités...
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Cinquièmement, il y a le cas des « pluriactifs », de ceux qui exercent une
activité salariée et une activité non salariée ou de ceux qui cumulent deux
activités non salariées. Ils pourront maximiser l'avantage de réduction de CSG,
alors même que leurs revenus seraient supérieurs à 1,4 SMIC.
Madame le secrétaire d'Etat, les décrets d'application pourront prévoir toutes
les « béquilles » possibles - j'ai cru comprendre, en écoutant la réponse de
Mme Guigou, hier, que c'était ce qu'elle prévoyait -, ce risque ne peut être
écarté, à moins, évidemment, de croiser de manière systématique les
informations des organismes de sécurité sociale et celles des services fiscaux.
Dans ce cas, excusez-moi « l'usine à gaz » ne serait plus très éloignée de
Big brother
... Saisir les inspecteurs des services fiscaux du cas de
personnes percevant 1,4 SMIC serait d'un ridicule achevé !
Sixièmement, le mécanisme introduit une progressivité dans le financement de
la sécurité sociale, progressivité limitée, de surcroît, à un seul type de
revenus : les revenus d'activité et à une seule fraction de ces revenus. La CSG
sur les revenus d'activité sera à la fois progressive, jusqu'à 1,4 SMIC, puis
proportionnelle.
De ce fait, se posent, septièmement, des problèmes de constitutionnalité, dont
nous ne débattrons pas maintenant puisque nous déposerons, bien évidemment, un
recours devant le Conseil constitutionnel, en raison des « pluriactifs » et de
la progressivité du financement de la protection sociale, alors que la CSG
était jusqu'alors une imposition quasi proportionnelle.
Nous ne sommes pas sûrs que cette progressivité soit constitutionnelle
s'agissant d'une imposition affectée exclusivement à la sécurité sociale. La
Cour de justice des Communautés européennes, le 15 février 2000, a bien
rappelé, à propos de la décision sur les travailleurs frontaliers, que la CSG
n'était pas un impôt et qu'elle ne pouvait pas être prélevée sur le territoire
où habitent les travailleurs qui exercent leur activité dans le pays voisin.
De plus, le Conseil constitutionnel devra se prononcer sur une imposition à la
fois progressive jusqu'à 1,4 SMIC, puis proportionnelle au-delà. Or, dans sa
décision sur la loi de finances pour 1991, il a indiqué qu'il appartenait au
législateur « de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et
compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles
doivent être appréciées les facultés contributives des redevables ».
On peut faire toutes les interprétations que l'on souhaite de cette décision :
elle tend quand même à montrer qu'une imposition est soit proportionnelle, soit
progressive, mais ne peut pas être les deux à la fois ! Or la CSG arrive à être
à la fois proportionnelle et progressive.
Il serait facile de nous rétorquer qu'en nous opposant à la suppression de la
CSG pour les bas salaires, nous refusons en quelque sorte à ceux-ci un
supplément de pouvoir d'achat...
M. Roland Muzeau.
Eh oui !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Pas de chance ! Les membres du groupe communiste républicain
et citoyen ne pourront pas nous tenir ces propos !
En effet, deux raisons motivent notre position.
Il s'agit, tout d'abord, de favoriser les revenus d'activité par rapport aux
revenus d'inactivité, et sur ce point existe un consensus politique ; il s'agit
ensuite de corriger les effets pervers de la modération salariale exigée en
contre-partie de l'application des 35 heures, modération salariale que les
syndicats de salariés dénoncent aujourd'hui.
Aussi, la commission des finances, avec laquelle la commission des affaires
sociales a travaillé en étroite collaboration - j'ai notamment travaillé avec
Philippe Marini, son rapporteur général, et Jacques Oudin, rapporteur pour avis
- proposera, dans le cadre du seul texte permettant de mettre en place un
dispositif « de justice fiscale », c'est-à-dire le projet de loi de finances,
un mécanisme de crédit d'impôt prenant en compte l'ensemble des revenus du
foyer fiscal, ainsi que ses charges de famille. Ce dispositif sera plus juste
et plus équitable que celui que propose le Gouvernement.
Je remercie Mme la ministre des affaires sociales de m'avoir expliqué, hier,
que le Gouvernement avait hésité entre le crédit d'impôt, que nous proposons,
et la simple détaxation, qui a été retenue. Je ne saurais trop recommander au
Gouvernement, lorsqu'il hésite, de nous écouter ; ainsi, s'agissant de la CMU,
nous ne serions pas dans les ennuis que nous connaissons actuellement si le
Gouvernement nous avait écoutés !
Mme Guigou m'a donc indiqué que le mécanisme de crédit d'impôt n'avait pas été
retenu parce qu'il serait très lourd à gérer ; comme si la CSG ne l'était pas !
En somme, un dispositif de « justice fiscale » est « très lourd à gérer » quand
les services fiscaux doivent se mettre à la tâche, alors qu'il est « simple à
gérer » quand ce sont les entreprises et les organismes de recouvrement qui
devront l'appliquer...
Mme la ministre a précisé ensuite que la ristourne dégressive avait l'avantage
d'entrer en vigueur dès le 1er janvier, à la différence du crédit d'impôt...
Quel aveu ! Je comprends bien : il s'agit d'un affichage politique avant les
élections municipales ; c'est simple, mais autant le dire !
Toutefois, rien n'empêche d'imaginer, dans le cas du crédit d'impôt, un
mécanisme d'acomptes trimestriels sur la base des revenus 1999, qui serait
ensuite régularisé l'année suivante...
Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer cet article 2.
Je tiens à remercier la commission des finances, qui, la semaine prochaine,
introduira dans le projet de loi de finances, comme Philippe Marini l'a annoncé
dans la conférence de presse qu'il a tenue il y a deux heures, et ainsi que
Jacques Oudin va vous l'expliquer, un mécanisme de crédit d'impôt qui apportera
plus de justice, d'équilibre et sera plus facile à gérer sans léser les bas
salaires. Je crois vraiment que le Gouvernement aurait intérêt à nous écouter
!
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
46.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Madame le secrétaire d'Etat, comme
vient de le dire excellemment Charles Descours, la commission des finances juge
le mécanisme que vous nous proposez injuste, dangereux, complexe. Elle ne peut
donc y être favorable.
Toutefois, ne voulant pas en rester à une attitude négative, elle a examiné ce
matin un mécanisme de crédit d'impôt qui pourrait se substituer au mécanisme
contenu dans le projet de loi.
Le système que nous proposerons au Sénat d'adopter la semaine prochaine ne
sort pas de notre pure imagination, puisqu'il est utilisé dans d'autres
pays.
Pour l'instant, nous vous proposons, mes chers collègues, de suivre la
commission des affaires sociales et la commission des finances en supprimant
l'article 2.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 77.
M. Guy Fischer.
Cet amendement peut évidemment quelque peu surprendre dans la mesure où il
propose de modifier la teneur de l'article en renonçant à la mise en oeuvre de
la ristourne dégressive sur les salaires les plus faibles au profit de
l'exemption d'imposition au titre de la contribution sociale généralisée pour
l'ensemble des salaires. Cet amendement vise en fait à alléger la CSG sur
l'ensemble des salaires et des revenus d'activité. Mais, permettez-moi, mes
chers collègues, de m'expliquer davantage.
Aux termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, les salariés
bénéficient d'un abattement de 5 % pour frais professionnels, assez proche dans
son fondement de l'abattement équivalent pratiqué en matière d'impôt sur le
revenu.
Dans un autre contexte, d'aucuns auraient estimé incongru de maintenir cette
éviction d'assiette mais, dans le contexte de dynamisme relativement important
des recettes de la CSG que nous connaissons, il ne nous semble pas, eu égard à
la transparence des revenus considérés, qu'une telle mesure soit dénuée de
portée.
Nous nous sommes trouvés en face de la question suivante que, assez
étonnamment d'ailleurs, on retrouve dans le rapport de notre collègue M.
Descours : la mesure préconisée par l'article 2 ne va-t-elle pas conduire, sous
des dehors
a priori
sympathiques - alléger la contrainte fiscale et
sociale pesant sur les revenus les plus modestes - à remplacer la « trappe à
inégalités » par la « trappe à bas salaires » ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Il a tout compris !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il faut voter notre amendement !
M. Guy Fischer.
Nous nous étions étonnés de ce que ni la commission des affaires sociales, ni
la commission des finances ne proposent d'autre mesure que la suppression pure
et simple de l'article.
Nous savons maintenant que la commission des finances nous proposera, la
semaine prochaine, la création d'un mécanisme de crédit d'impôt. Mais, mes
chers collègues, quand on entend qu'il s'appliquerait aux bas salaires, aux
plus défavorisés, à ceux-là même qui ne sont pas imposables sur le revenu, on
croit rêver !
Il y a d'ailleurs une relative symétrie entre la mise en oeuvre des
dispositions de l'article et les mesures déjà anciennes, que vous vous gardez,
bien évidemment, de remettre en question, d'allégement de cotisations sociales
sur les bas salaires, qui font aujourd'hui partie intégrante des missions
confiées au FOREC.
Cette symétrie ne nous semble pas correspondre parfaitement aux enjeux du
moment. En effet, alléger le poids des prélèvements fiscaux et sociaux assis
sur les salaires les plus faibles est le meilleur moyen d'ouvrir assez
largement la trappe à bas salaires, ce que n'hésiteront pas à faire, de toute
évidence, un certain nombre de chefs d'entreprise. Des études récentes montrent
d'ailleurs que la France est en train de dépasser les Etats-Unis, qu'il
s'agisse de la précarité, du temps partiel ou du niveau des rémunérations. Je
vois là quelque matière à inquiétude.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Eh oui !
M. Guy Fischer.
Mais vous oubliez un peu vite, mes chers collègues, que c'est vous-mêmes qui
avez ouvert cette trappe dans le passé en faisant par exemple voter, au cours
de l'été 1995, une réduction des cotisations sociales des entreprises et la
hausse du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le Gouvernement actuel n'est pas revenu sur ces
dispositions.
M. Guy Fischer.
Je parle de ce que vous avez fait, et vous savez très bien que nous n'avons
jamais été d'accord sur l'institution de la CSG. Nous n'allons pas refaire les
débats d'il y a dix ans !
Vous oubliez également un peu vite - mais cela ne peut manquer de pousser un
peu plus la contradiction - que le vote de l'article 2 aurait l'avantage de
permettre aux entreprises où les salaires sont les plus bas de se dégager à bon
compte - celui de l'argent public - de la nécessité d'augmenter la rémunération
directe de leurs employés.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Justement on veut le supprimer !
M. Guy Fischer.
Si l'on devait pousser la logique à son terme, on pourrait d'ailleurs se
demander si les salariés ne devraient pas être informés de la réalité des
allégements de cotisations dont bénéficie leur employeur en un temps où la
modération salariale règne assez largement dans la négociation collective.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ils le savent !
M. Guy Fischer.
Pour notre part, nous estimons que l'on peut baisser et réduire le poids des
contributions sociales acquittées par les salariés, mais qu'il faut le faire en
ayant le souci de mettre plus largement à contribution ceux qui, encore
aujourd'hui, bénéficient des effets de l'application des taux proportionnels de
la CSG.
M. le président.
Mon cher collègue, il faut conclure maintenant !
M. Guy Fischer.
Excusez-moi de m'être expliqué un peu longuement, monsieur le président, mais
nous sommes au coeur même du débat. Par la suite, nous serons plus brefs.
Je conclus.
Tel est donc le sens de cet amendement, qui, tout en réduisant l'assiette de
la contribution prélevée sur les salaires, vise à doubler le taux de
prélèvement affectant les revenus du patrimoine et les revenus de placement.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau, pour présenter l'amendement n° 78.
M. Roland Muzeau.
Ce second amendement portant sur l'article 2 défend les mêmes enjeux que ceux
que nous venons d'exposer.
Il s'agit, là encore, de modifier le champ d'application de la mesure prévue
par l'article, laquelle tend à créer une forme de ristourne dégressive sur le
montant de la contribution sociale généralisée en portant son seuil
d'application à 1,8 fois le SMIC.
La critique à laquelle nous pouvons évidemment nous attendre est déjà présente
dans le rapport de notre collègue Charles Descours : modifier le seuil
d'application de la ristourne ne fait qu'ouvrir un peu plus la « trappe à bas
salaires ».
Mais la question véritablement pertinente que soulève l'article 2 est bel et
bien celle de l'actuel niveau de rémunérations dans notre pays, singulièrement
dans le secteur marchand.
Ainsi, si le salaire moyen est assez nettement supérieur à 11 000 francs, le
salaire de la majorité des salariés est aujourd'hui inférieur à 9 000 francs
bruts, en tout cas pour ceux des salariés qui exercent leur activité à temps
plein.
Si nous nous en tenions à l'orientation fixée par le présent projet de loi, la
mesure s'appliquerait donc à ce salaire médian et non au salaire moyen.
La réflexion que nous nous devons de mener sur la question de la contribution
sociale généralisée et de son application aux revenus d'activité,
singulièrement aux salaires, porte au demeurant sur une question plus générale
que le débat ne le laisse aujourd'hui présager.
Cette question, c'est celle de savoir ce qui doit effectivement être mis à
contribution pour financer la protection sociale, après des années
d'accroissement des prélèvements sur les revenus d'activité et la persistance
d'une moindre contribution des revenus financiers, plus encore de ceux des
entreprises.
Tel est le sens de cet amendement, qui, à l'instar du précédent, lie baisse de
la CSG sur les salaires et accroissement de la contribution sur les revenus du
patrimoine et les revenus de placement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 77 et 78 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'ai relevé, dans les propos de nos collègues du groupe
communiste républicain et citoyen, tous les reproches qu'ils adressaient à
l'article 2 tel qu'il nous provient de l'Assemblée nationale. Je ne comprends
pas, dès lors, pourquoi ils ne soutiennent pas notre amendement...
En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable sur leurs
amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 2 et 46
ainsi que sur les amendements n°s 77 et 78 ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces
quatre amendements.
Bien sûr, je comprends la proposition du groupe communiste républicain et
citoyen tardant à étendre la portée de la mesure jusqu'à 1,8 SMIC, car il est
évident qu'un salaire représentant un peu plus de 1,4 SMIC reste un salaire
modeste. Mais je dois quand même faire valoir des arguments de coût et de
faisabilité.
La mesure qui a été adoptée par l'Assemblée nationale aura un coût de 27
milliards de francs en plein régime, c'est-à-dire à partir de 2003. C'est un
effort important, dont nous savons que l'Etat pourra assumer la compensation
intégrale vis-à-vis des organismes de sécurité sociale. Les prévisions ne
portent pas au-delà.
Par conséquent, dans l'immédiat, je ne peux que m'opposer à cet amendement,
même si nous pouvons partager l'affirmation selon laquelle les salaires bas et
moyens ne s'arrêtent pas à 1,4 SMIC.
En ce qui concerne le passage du taux forfaitaire d'abattement de l'assiette
de la CSG pour frais professionnels de 5 % à 10 %, mesure qui serait financée
par le passage de 7 % à 15 % du taux de la même contribution portant sur les
revenus du patrimoine et sur les produits de placements, tout en partageant, là
encore, monsieur Fischer, monsieur Muzeau, votre souhait d'alléger les
prélèvements sociaux sur les bas salaires, je dois vous indiquer que votre
proposition n'aurait pas l'effet recherché.
En effet, elle vise à alléger les prélèvements sur l'intégralité des
rémunérations. Or le taux d'abattement pour frais professionnels est
proportionnel : son augmentation serait donc plus favorable aux salaires les
plus élevés. La seule mesure appropriée est donc, à l'évidence, celle que
prévoit l'article 2 du projet de loi, à savoir la mise en place d'une réduction
dégressive de la CSG et de la CRDS sur les revenus d'activité les plus
modestes. C'est une mesure à la fois bien ciblée et plus avantageuse que celle
qui est proposée.
Le passage à 10 % du taux d'abattement pour frais professionnels
n'augmenterait que de 200 francs le pouvoirs d'achat mensuel de la personne
payée au SMIC, alors que la réduction dégressive, au terme des trois ans de sa
mise en place, l'améliorera de 540 francs.
En ce qui concerne la proposition de la commission des affaires sociales et de
la commission des finances, je ne crois pas utile de réitérer les explications
que Mme Guigou a fournies hier.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 2 et 46.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Ces deux amendements de suppression de l'article 2 appellent évidemment
plusieurs observations.
La première est purement formelle : il s'agit de constater, notamment pour ce
qui concerne le rapporteur pour avis, l'extrême minceur de l'argumentation.
Notre commission des finances s'enferre en quelque sorte dans une stricte
logique comptable de réduction des déficits publics, la légère réduction du
poids de la contribution sociale généralisée dans les prélèvements obligatoires
étant supprimée et permettant, dans l'absolu, de modifier l'équilibre de la loi
de finances.
Nous savons d'ores et déjà que l'article 17 du projet de loi de finances sera
largement amendé, ce qui conduira à la suppression de 8 milliards de francs de
dépenses au titre de la compensation de la ristourne dégressive de la CSG.
Quant à la commission des affaires sociales, elle invoque, à l'appui de sa
proposition de suppression, la construction, dans le projet de loi, d'une sorte
de « tuyauterie monstrueuse » pour le financement de la protection sociale.
Il est vrai que la majorité sénatoriale a acquis, notamment entre 1993 et
1997, une forte expérience et une remarquable compétence en cette matière.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous sommes de bons
mécanos !
M. Guy Fischer.
Dois-je rappeler qu'en 1993 le fonds de solidaroté vieillesse, au motif qu'il
était destiné à prendre en charge des prestations ressortissant à la solidarité
nationale, avait été alimenté par un prélèvement sur les droits perçus sur les
alcools, prélèvement qui défiait toute logique ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il vaut mieux le faire pour le fonds de solidarité vieillesse
que pour les 35 heures !
M. Guy Fischer.
Dois-je aussi rappeler la fabrication, cette même année, d'une CSG à plusieurs
étages - certains fiscalement déductibles et d'autres non - manquant pour le
moins de lisibilité pour les premiers intéressés ?
Dois-je encore rappeler qu'en 1995, dans le cadre d'une proposition de loi
portant mesures urgentes pour l'emploi et la sécurité sociale, de nombreuses
dispositions favorables aux entreprises avaient été adoptées et que l'on avait
procédé à la majoration du taux normal de la TVA pour les financer ?
Dois-je enfin souligner que, lorsque la loi quinquennale pour l'emploi a
organisé la mise en place de la ristourne dégressive sur les bas salaires, la
majorité sénatoriale et le gouvernement qu'elle soutenait n'avaient pas trouvé
d'autre moyen que celui consistant à diriger le circuit de financement dans le
« vase d'expansion » du budget des charges communes, ce qui signifiait que l'on
payait ces mesures soit avec des titres de dette publique, soit avec ce que
l'on peut appeler de la « monnaie de singe » ?
Les objectifs visés à travers l'article 2 et la méthode qu'il met en oeuvre
sont-ils pour autant totalement validés ?
Concédons à notre commission des finances une certaine valeur dans sa
position. Cependant, quelques points méritent d'être mis en évidence.
En supprimant l'article 2, vous supprimez aussi l'allégement de la CSG pour
les commerçants et artisans, pour les exploitants agricoles qui, dans de
nombreuses régions du pays, n'ont pas, malgré leur acharnement et leur travail,
de revenus fiscaux très supérieurs à ceux des salariés.
On ne saurait décemment défendre régulièrement les intérêts et les aspirations
de ces travailleurs - comment pourrait-on leur dénier cette qualité ? - non
salariés et remettre en cause une mesure qui les prend en compte.
De surcroît, comment allez-vous expliquer aux employeurs, qui voient dans la
ristourne dégressive de CSG un moyen peu coûteux d'augmenter les salaires sans
mettre trop la « main à la poche », que vous souhaitez revenir sur les
dispositions de l'article ?
Si vous maintenez cette position courageuse, force sera de constater que votre
démarche est proprement idéologique et vise uniquement à pourchasser le
financement de la réduction du temps de travail, que vous voyez poindre
directement ou indirectement dans l'ensemble des dispositions du projet de
loi.
C'est en parfaite connaissance de cause que nous ne vous suivrons pas et que
nous ne voterons pas ces deux amendements.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Que ce soit bien clair : le crédit d'impôt n'est évidemment
pas réservé aux titulaires de salaires modestes ; ce dispositif intéresse tous
les revenus.
Monsieur Fischer, vous essayez de faire peur aux commerçants ou aux artisans
en prétendant qu'ils seront exclus du bénéfice de la mesure.
M. Guy Fischer.
Je pose des questions !
M. Charles Descours,
rapporteur.
De deux choses l'une : soit vous êtes de mauvaise foi, ce que
je ne peux croire, soit je me suis mal expliqué.
Non, vous pouvez rassurer les commerçants de Vénissieux : ils auront aussi
droit au crédit d'impôt.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
L'article 2 vise à permettre aux salariés qui perçoivent les salaires les plus
bas - dans la limite de 1,4 fois le SMIC - de bénéficier à leur tour de la
redistribution des fruits de la croissance, en leur donnant en quelque sorte
l'équivalent d'un treizième mois.
Nous aurions pu, monsieur le rapporteur, être sensibles au principe de
l'universalité si vous aviez proposé un système plus performant. Or vous nous
proposez de donner un crédit d'impôt à des gens qui n'en paient pas. Il
s'agirait, en fait, d'un impôt négatif, ce qui me paraît pour le moins curieux
et qui induit, par ailleurs, des conditions d'attribution et de contrôle
beaucoup plus complexes que celles qui sont mises en oeuvre actuellement dans
le projet de loi par le biais des organismes de recouvrement.
C'est pourquoi nous voterons contre ces amendements identiques.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 46, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé et les amendements n°s 77 et 78 n'ont
plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 3 (priorité)