SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 914, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Nicole Borvo.
Je souhaitais interroger Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur
une question que me tient à coeur, à savoir le devenir des terrains des
hôpitaux Laennec, Boucicaut et une partie de l'hôpital Broussais après la
création de l'hôpital européen Georges-Pompidou qui a entraîné la fermeture
pour tout ou partie de ces hôpitaux.
Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP,
ce sont donc des terrains publics. Leur emprise est d'environ 110 000 mètres
carrés. Ils sont situés au coeur de Paris, respectivement dans les VIIe, XVe et
XIVe arrondissements.
Les instructions des autorités de tutelle de l'AP-HP, c'est-à-dire de l'Etat,
en 1992, conduisent celle-ci à céder ces terrains afin d'autofinancer le nouvel
hôpital Georges-Pompidou.
En ce qui concerne l'hôpital Laennec, il était prévu au départ que la COGEDIM
achète l'ensemble du site, soit 38 173 mètres carrés, y compris la partie
historique, sans condition suspensive, pour un montant de 530 millions de
francs. Etaient envisagés notamment la création d'un palace, des logements de
grand standing à 50 000 ou 60 000 francs le mètre carré, 50 logements
ressortissant au prêt locatif intermédiaire, le PLI, et seulement dix ateliers
d'artistes dans ce VIIe arrondissement qui ne compte que 0,28 % de logements
sociaux.
Ce projet, en contradiction totale avec les principes énoncés dans la
convention Etat-ville sur le logement social, qui stipule expressément
d'utiliser les terrains publics pour les logements sociaux, a provoqué une
réaction très forte, en particulier des élus communistes de Paris et, je le
crois, de la population.
Il n'est pas possible de favoriser de la sorte la spéculation immobilière
alors qu'il y a là l'occasion de mettre en oeuvre une véritable mixité sociale
par la construction de logements sociaux et d'équipements publics, surtout dans
des arrondissements comme ceux que je viens de citer.
Dans ce contexte, je ne peux que me réjouir de la décision du Premier ministre
d'avoir demandé de retirer ce projet de l'ordre du jour du conseil
d'administration de l'AP-HP. D'ailleurs, ce report a créé une situation
nouvelle qui a amené l'AP-HP à formuler de nouvelles propositions, à savoir
d'installer sur le site environ cent logements pour étudiants boursiers et
trente logements pour familles modestes ; petits progrès, certes, mais vraiment
insuffisants au regard des enjeux.
C'est pourquoi j'estime que le voeu qu'ont déposé mes amis du groupe
communiste de l'Hôtel de Ville le 23 octobre concernant l'abandon définitif de
tout projet de cession des terrains de l'hôpital Laennec à un promoteur privé,
l'exercice par la Ville de Paris de son droit de préemption et l'organisation
d'une table ronde réunissant l'Etat, la région et la Ville de Paris sur leur
devenir est toujours d'actualité. Que compte faire le Gouvernement en ce qui
concerne la situation que je viens d'évoquer ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Madame le secrétaire, vous avez
attiré notre attention sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux
Laennec, Boucicaut et une partie de Broussais, après l'ouverture de l'hôpital
européen Georges-Pompidou et, en particulier, sur l'avenir du site de Laennec,
première emprise à pouvoir être envisagée en raison du transfert des
activités.
Il faut peut-être tout d'abord rappeler que le montant de la construction de
l'hôpital européen Georges-Pompidou est estimé à ce jour par l'Assistance
publique - hôpitaux de Paris à 1,8 milliard de francs. L'AP-HP s'est engagée à
assurer le financement de la totalité de cette construction et de 25 % des
équipements de l'hôpital européen Georges-Pompidou par des cessions
d'actifs.
La cession de terrains dans le cadre d'opérations de recomposition
hospitalière et de reconstruction de nouveaux sites ne constitue pas, à cet
égard, une spécificité parisienne, puisqu'elle est fréquemment employée par
d'autres établissements de santé du territoire.
S'agissant de la situation particulière des terrains de Laennec, ce site étant
le premier des sites libérés par le transfert des activités vers l'hôpital
Georges-Pompidou, le conseil d'administration des Hôpitaux de Paris a donc
décidé, le 24 mars dernier, d'engager la procédure de déclassement et de
cession du site.
Au terme d'une procédure d'appel d'offres, le conseil d'administration devait
examiner les offres des aménageurs le 20 octobre dernier. Il s'agit en réalité
d'une décision très importante, qui engage très fortement l'établissement et,
de ce fait, nécessite un examen approfondi du dossier.
Sans remettre en cause la démarche de l'établissement, les autorités de
tutelle souhaitent que l'on se donne le temps nécessaire à une décision
réfléchie, sur la base d'informations complémentaires qui pourraient être
demandées par la direction générale des Hôpitaux de Paris à chacun des
aménageurs candidats.
Le Gouvernement souhaite que les décisions qui seront prises par le conseil
d'administration de l'établissement public pour la réalisation de cette
opération concilie deux préoccupations essentielles.
Il s'agit, à l'occasion de la libération de terrains appartenant à un
opérateur public, de permettre la réalisation d'un programme équilibré qui
réponde aux besoins des Parisiens, en particulier en termes d'accueil, d'une
proportion significative de logements sociaux et d'équipements publics, tout en
valorisant au mieux la cession des actifs désaffectés afin de permettre
l'équilibre budgétaire de la construction de l'hôpital Georges-Pompidou sans
préjudice pour l'assurance maladie.
Compte tenu des informations en notre possession sur l'opération, ces
préoccupations paraissent conciliables ; c'est pourquoi les ministères de
tutelle ont demandé aux Hôpitaux de Paris de faire des propositions
complémentaires pour ce qui concerne l'aménagement de ce site, le site de
Laennec, au coeur de Paris, propositions qui répondraient effectivement à ce
souci et aux besoins des Parisiens.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait pas entièrement,
mais je note toutefois que vous partagez notre souci de voir construire des
logements sociaux sur le site de Laennec.
Les libérations de terrains publics à Paris - même si on peut contester les
restructurations hospitalières, comme j'ai eu souvent l'occasion de le faire -
doivent être l'occasion de donner un début d'application à la loi SRU, que
personnellement j'ai soutenue et qui prévoit 20 % de logements sociaux dans
tous les arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille.
La situation à Paris est - comme nous avons eu l'occasion de le dire lors de
la discussion de cette loi - tout à fait particulière : les logements sociaux
sont tous situés à la périphérie alors qu'il n'y en a pas dans les
arrondissements du centre au sens large.
Comme nombre d'associations - plus d'une trentaine - je demande que cette
situation soit prise en considération. Or, si ce n'est pas à l'occasion de la
libération de terrains publics, on ne voit pas quand on pourra construire des
logements sociaux dans la capitale ! Il y a évidemment d'autres possibilités,
mais celle-là est de loin la plus importante.
Les besoins de logements sociaux existent. Ne serait-ce que pour les
personnels de l'Assistance publique, on enregistre 2 480 demandes de logements,
dont 1 500 pour Paris intra-muros.
Je considère également que l'investissement d'intérêt général que représente
la construction de l'hôpital Georges-Pompidou - qui a coûté près de 2 milliards
de francs, comme vous venez de le rappeler - ne peut rester à la charge de la
seule Assistance publique et qu'elle relève de la responsabilité de l'Etat et
des collectivités concernées.
Enfin, permettez-moi de dire que cette opération met le doigt sur une
problématique, qui est celle de la spéculation que nous connaissons. Si l'on
veut inverser les choses, je crois qu'il faut avoir une autre conception de
l'utilisation des terrains publics.
FONCTIONNEMENT DES CENTRES ANTICANCÉREUX