SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 5. - I. - Il est inséré, après l'article L. 443-1 du code du travail,
un article 443-1-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 443-1-1
. - Des plans d'épargne interentreprises peuvent être
établis par accord collectif conclu dans les conditions prévues au titre III du
livre Ier. L'accord collectif fixe le règlement du plan d'épargne
interentreprises qui détermine notamment :
«
a)
Les entreprises signataires ou le champ d'application
professionnel et géographique ;
«
b)
La nature des sommes qui peuvent être versées ;
«
c)
Les différentes possibilités d'affectation des sommes recueillies
;
«
d)
Les conditions dans lesquelles les frais de tenue de compte sont
pris en charge par les employeurs ;
«
e)
Les différentes modalités selon lesquelles les entreprises qui le
souhaitent effectuent des versements complémentaires à ceux de leurs salariés
;
«
f)
Les conditions dans lesquelles sont désignés les membres des
conseils de surveillance des fonds communs de placement prévus par le règlement
du plan et les modalités de fonctionnement des conseils.
« Le plan d'épargne interentreprises peut recueillir des sommes provenant de
l'intéressement prévu au chapitre Ier du présent titre, de la participation
prévue au chapitre II du même titre, de versements volontaires des personnes
mentionnées à l'article L. 443-1 appartenant aux entreprises entrant dans le
champ de l'accord et, le cas échéant, des versements complémentaires de ces
entreprises.
« Le règlement peut prévoir que les sommes issues de la participation mise en
place dans une entreprise peuvent être affectées à un fonds d'investissement
créé dans l'entreprise en application du 3 de l'article L. 442-5.
« Lorsqu'il prévoit de recueillir les sommes issues de la participation,
l'accord instituant le plan d'épargne interentreprises dispense les entreprises
mentionnées à l'article L. 442-15 de conclure l'accord de participation prévu à
l'article L. 442-5. Son règlement doit alors inclure les clauses prévues aux
articles L. 442-4 et L. 442-5.
« Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 443-3,
le plan d'épargne interentreprises ne peut pas prévoir l'acquisition de parts
de fonds communs de placement régis par l'article 21 de la loi n° 88-1201 du 23
décembre 1988 précitée. Lorsque le plan prévoit l'acquisition de parts de fonds
communs de placement régis par l'article 20 de cette même loi, ceux-ci ne
peuvent détenir plus de 10 % de titres non admis aux négociations sur un marché
réglementé. Cette limitation ne s'applique pas aux parts et actions
d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières éventuellement
détenues par le fonds.
« Sous réserve des dispositions particulières du présent article, les
dispositions relatives au plan d'épargne d'entreprise sont applicables au plan
d'épargne interentreprises. »
« II. -
Supprimé.
»
Par amendement n° 62, M. Ostermann, au nom de la commission des finances,
propose :
A. - De remplacer la première phrase du premier alinéa du texte présenté par
le I de cet article pour l'article L. 443-1-1 du code du travail par trois
phrases ainsi rédigées : « Un plan d'épargne interentreprises peut être
institué par accord collectif conclu dans les conditions prévues au titre III
du livre Ier. Si ce plan est institué entre plusieurs employeurs pris
individuellement, il peut également être conclu au sein du comité d'entreprise
ou à la suite de la ratification à la majorité des deux tiers du personnel de
chaque entreprise du projet d'accord instituant le plan. Dans ce cas, l'accord
doit être approuvé dans les mêmes termes au sein de chacune des entreprises et
celles qui souhaitent y adhérer doivent recueillir l'accord de leur comité
d'entreprise ou de la majorité des deux tiers de leur personnel. » ;
B. - Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet
article pour l'article L. 443-1-1 du code du travail, de supprimer le mot :
"collectif" ;
C. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'Etat et les
organismes de sécurité sociale des dispositions du A et du B ci-dessus, de
compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat et les organismes de
sécurité sociale de la possibilité d'instituer un plan d'épargne
interentreprises par un vote favorable du comité d'entreprise et par la
ratification par les salariés sont compensées à due concurrence par la création
de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet d'élargir les modalités de
conclusion d'un accord instituant un PEI, un plan d'épargne
interentreprises.
La commission considère que le PEI est un dispositif utile - sa paternité doit
en partie revenir à notre collègue Jean Chérioux - mais que ses modalités
d'institution sont trop restrictives pour lui assurer un plein succès.
Dans le dispositif que la commission propose, l'accord collectif demeure
l'outil de négociation de droit commun, mais une possibilité supplémentaire est
réservée aux entreprises qui souhaitent instaurer un PEI entre elles : l'accord
pourra alors être conclu si les comités d'entreprise ou la majorité des deux
tiers des salariés des entreprises approuvent, dans les mêmes termes, le projet
d'accord.
Aux yeux de la commission, cette disposition assurera bien mieux que ne le
fait le système actuel la réussite du PEI.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement entend privilégier la négociation
collective dans la conclusion des accords de plan d'épargne interentreprises.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale a écarté la mise en place unilatérale par l'employeur et
prévoit que les PEI ne peuvent être mis en place que par un accord collectif
conclu avec les organisations syndicales représentatives des salariés, monsieur
Fischer.
Par ailleurs, les autres formes de conclusion des accords prévues pour les PEE
- comité d'entreprise et référendum - ne paraissent pas adaptées à des accords
conclus à un niveau plus large que l'entreprise.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat : il
n'est pas défavorable à l'amendement n° 62 et il lève le gage.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 62 rectifié.
Je vais le mettre aux voix.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement n° 62 rectifié de la commission des finances est l'un des
amendements essentiels du projet de loi tel que M. le rapporteur nous invite à
le modifier.
En effet, l'une des données essentielles de ce texte vise à recourir, pour la
mise en oeuvre des plans d'épargne, à la négociation collective dans
l'entreprise ou la branche d'activité, afin de déterminer les conditions
générales de la mise en place des plans, des objectifs et les modalités
d'affectation ou encore de dénouement.
Et voici que l'amendement de la commission des finances exhume de l'oubli
l'une des dispositions essentielles de la défunte et jamais appliquée loi
Thomas, à savoir la possibilité pour l'employeur d'être à l'exclusive
initiative de la participation de ses salariés au plan d'épargne constitué !
L'objectif initial du projet de loi se trouve donc assez largement détourné
vers une instrumentalisation de l'épargne salariale au profit exclusif de ce
que nous appelons, dans notre jargon, la stratégie financière de
l'entreprise.
Nous ne pouvons évidemment accepter une telle orientation, comme nous l'avions
d'ailleurs combattue lors de la discussion du projet de loi gouvernemental
déguisé en proposition de loi Thomas.
Soyons tout à fait clairs : la question des choix d'affectation et de gestion
de l'épargne collectée se posera naturellement, la loi ne pouvant couvrir et
présupposer la pratique à tout coup.
Est-ce une raison pour donner à l'employeur, dès l'origine, une forme de prime
et de supériorité initiale ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 149, MM. Loridant, Fischer, Muzeau et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent, après l'avant-dernier alinéa du
texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 443-1-1 du code du travail,
d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 10 % des fonds placés sur les plans d'épargne interentreprises sont
centralisés à la caisse des dépôts et consignations et rémunérés au taux du
livret A majoré d'un point. Ces fonds sont consacrés à la réalisation des
missions d'intérêt général de l'établissement public. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement, qui s'oppose à la philosophie de la commission des finances,
crée une forme d'obligation d'utilisation de l'épargne salariale que l'on peut
concevoir, évidemment, comme allant quelque peu à l'encontre de l'esprit
général du projet de loi mais que nous allons ici expliquer.
Le texte actuel du projet de loi, notamment avec l'article 9, invite les
participants des plans d'épargne à souscrire dans le cadre des entreprises
solidaires une partie de leur épargne, en vue de favoriser le développement de
ces formes d'activité.
De la même manière, l'article 10
bis
du présent projet de loi nous
invite à réfléchir à la portée éthique des placements réalisés à partir de
l'épargne salariale, selon une grille de lecture que nous pouvons considérer
comme empruntée aux règles définies par l'association Ethique et
Investissement.
Avec cet amendement, nous proposons donc de prendre en compte ces
préoccupations en instaurant, un peu comme nous avions déjà pu le faire dans le
cadre des missions définies pour le réseau des caisses d'épargne dans le cadre
de la loi sur l'épargne et la sécurité financière, une forme de dividende
social.
La centralisation d'un dixième des sommes collectées dans le cadre des plans
d'épargne, alliée à une rémunération équilibrée - un point au-dessus du taux de
rémunération du livret A, par exemple - permettrait en effet de dégager des
moyens pour financer des prêts à des organismes ou des projets d'innovation
sociale sur le terrain, dans le cadre des missions d'intérêt général de la
Caisse des dépôts et consignations.
On pense ici aux prêts liés à la mise en oeuvre des opérations du type des
contrats de ville, des grands projets urbains ou de maîtrise d'oeuvre urbaine
et sociale, dont la portée n'est d'ailleurs pas, dans les faits, éloignée de
l'insertion des entreprises dans leur environnement immédiat.
Une entreprise peut avoir un lien avec son environnement en ce qu'elle
contribue, en créant des emplois ou en développant son activité, à répondre aux
besoins d'emploi du bassin de vie où elle est implantée, mais elle peut aussi
participer, d'une certaine manière, à la transformation de ce bassin de vie.
C'est le sens de cet amendement, qui vise à redistribuer une partie de la
richesse créée par l'activité de l'entreprise au bénéfice de son environnement.
Et croyez-bien que le conseiller général des Minguettes que je suis est très
sensible à ce type d'argumentation !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
La commission considère que le règlement du plan doit être
libre de déterminer les placements, dans le respect des règles
prudentielles.
Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Fischer, je suis, moi aussi, conseiller
général, non pas des Minguettes mais d'un petit territoire très pauvre.
L'amendement que vous présentez poursuit, au travers de l'affectation de 10 %
de l'épargne collectée à la CDC, le louable objectif d'orienter une partie des
ressources de l'épargne salariale au financement de missions d'intérêt
général.
Cependant, cette proposition soulève - permettez-moi de m'en expliquer - de
sérieuses difficultés.
En premier lieu, les conditions de placement des fonds de l'épargne salariale
sont traditionnellement déterminées par les accords ou les règlements des
plans. Centraliser une partie des fonds à la Caisse des dépôts et consignations
réduirait d'autant les choix offerts aux partenaires sociaux et aux salariés.
Il y aurait une réduction drastique des possibilités de placement.
En deuxième lieu, le taux d'intérêt du livret A, qui est, actuellement, de 3
%, correspond à la rémunération d'une épargne disponible. L'amendement
prévoyant une majoration d'un point, soit 4 %, ce taux resterait manifestement
faible pour une épargne bloquée cinq ans, comme c'est le cas des sommes placées
sur le PEE. Cela renchérirait, en outre, le coût des ressources du logement
social.
En troisième lieu, les fonds d'épargne gérés par la CDC et alimentés par
l'épargne collectée sur le livret A sont dédiés au financement du logement
social.
Compte tenu des fonds disponibles après satisfaction des demandes exprimées
par les organismes de logement social, le Gouvernement a récemment décidé
d'étendre l'utilisation de ces fonds à d'autres missions d'intérêt général
telles que l'environnement, les infrastructures routières ou la sécurité dans
les tunnels.
Il n'apparaît pas, aujourd'hui, même après l'extension de l'utilisation des
fonds d'épargne, que l'épargne collectée par le livret A soit insuffisante pour
couvrir les besoins exprimés. Ajouter une nouvelle source de financement n'est
donc pas nécessaire.
Au total, la proposition contenue dans cet amendement réduit les choix des
partenaires sociaux et des salariés en matière de placement, elle entraîne une
sous-rémunération de l'épargne collectée - ce qui n'est pas rien - elle
renchérit le coût des ressources du logement social et elle n'est pas
nécessaire pour satisfaire ses besoins.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, si je comprends bien
l'intérêt de votre amendement - il est vrai que, dans les quartiers que vous
connaissez bien, puisque vous en êtes l'élu, il y a un besoin urgent de
réorienter l'épargne vers le logement social - je pense malgré tout que les
éléments de réponse que je viens de vous apporter vous inciteront à le
retirer.
M. le président.
L'amendement n° 149 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 149 est retiré.
Par amendement n° 150, MM. Loridant, Fischer, Muzeau et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de rétablir le II de l'article 5
dans la rédaction suivante :
« II. - Les fonds d'investissement créés en vertu des dispositions du 3 de
l'article L. 442-5 du code du travail sont centralisés par la Caisse des dépôts
et consignations. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
J'ai le sentiment d'avoir pu développer l'état d'esprit dans lequel nous avons
travaillé sur ce projet de loi. En conséquence, je vais me dispenser de longs
commentaires sur cet amendement, qui vise à permettre une utilisation optimale
de la part de la RSP dévolue aux investissements de l'entreprise.
M. le président.
Je vous remercie pour cette concision, mon cher collègue !
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Je ne reprendrai pas ma démonstration.
M. Fischer souhaite que l'épargne salariale et la participation s'inscrivent
dans la perspective d'une affectation plus ciblée. Les éléments d'apaisement
que je lui ai apportés et la volonté affirmée du Gouvernement de poursuivre le
financement du logement social grâce aux fonds déposés à la Caisse des dépôts
et consignations doivent être de nature à le rassurer !
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer.
Il faut bien exister, monsieur le président, et donc parfois maintenir.
(Sourires.)
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Il arrive même que l'existence précède l'essence !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 150, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 5 bis