SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 39. - La cinquième partie du code général des collectivités
territoriales est complétée par un livre IX ainsi rédigé :
« LIVRE IX
« MESURES D'ADAPTATIONS
PARTICULIÈRES AUX DÉPARTEMENTS
ET AUX RÉGIONS D'OUTRE-MER
« TITRE UNIOUE
« LE CONGRÈS DES ÉLUS DÉPARTEMENTAUX
ET RÉGIONAUX
« Chapitre Ier
« Composition
«
Art. L. 5911-1
. - Dans les régions d'outre-mer qui comprennent un
seul département, il est créé un congrès des élus départementaux et régionaux
composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux.
« Les députés et les sénateurs élus dans le département qui ne sont membres ni
du conseil général ni du conseil régional siègent au congrès des élus
départementaux et régionaux avec voix consultative.
« A peine de sanctionner un élu du suffrage universel, le vote des conseillers
appartenant aux deux assemblées sera deux fois recueilli.
« Chapitre II
« Fonctionnement
« Section 1
« Réunions
«
Art. L. 5912-1
. - Le congrès des élus départementaux et régionaux se
réunit à la demande du conseil général ou du conseil régional, sur un ordre du
jour déterminé par délibération prise à la majorité des suffrages exprimés des
membres de l'assemblée.
« La convocation est adressée aux membres du congrès des élus départementaux
et régionaux au moins dix jours francs avant celui de la réunion. Elle est
accompagnée d'un rapport sur chacun des points inscrits à l'ordre du jour.
« Le congrès des élus départementaux et régionaux ne peut se réunir lorsque le
conseil général ou le conseil régional tient séance.
« Section 2
« Organisation et séances
«
Art. L. 5912-2
. - Les séances du congrès des élus départementaux et
régionaux sont publiques.
« Néanmoins, sur la demande de cinq membres ou du président, le congrès des
élus départementaux et régionaux peut décider, sans débat, à la majorité
absolue des membres présents ou représentés, qu'il se réunit à huis clos.
« Sans préjudice des pouvoirs que le président du congrès des élus
départementaux et régionaux tient de l'article L. 5912-3, ces séances peuvent
être retransmises par les moyens de communication audiovisuelle.
«
Art. L. 5912-3
. - Le président a seul la police du congrès des élus
départementaux et régionaux.
« Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble
l'ordre.
« En cas de crime ou de délit, il en dresse procès verbal et le procureur de
la République en est immédiatement saisi.
«
Art. L. 5912-4
. - Le procès verbal de chaque séance, rédigé par un
des secrétaires, est approuvé au commencement de la séance suivante et signé
par le président et le secrétaire.
« Il contient les rapports, les noms des membres qui ont pris part à la
discussion et l'analyse de leurs opinions.
« Les procès-verbaux des séances du congrès des élus départementaux et
régionaux sont publiés. Ils sont transmis au conseil général et au conseil
régional par le président du congrès des élus départementaux et régionaux.
« Tout électeur ou contribuable du département ou de la région a le droit de
demander la communication sans déplacement et de prendre copie des procès
verbaux des séances du congrès des élus départementaux et régionaux et de les
reproduire par voie de presse.
« Chapitre III
« Le président
«
Art. L. 5913-1
. - Lorsque les conditions de sa réunion sont remplies
conformément aux dispositions de l'article L. 5912-1, le congrès des élus
départementaux et régionaux est convoqué et présidé, le premier semestre de
chaque année, par le président du conseil général, et, le deuxième semestre,
par le président du conseil régional.
« En cas d'empêchement, le président du conseil général ou le président du
conseil régional est remplacé, respectivement dans les conditions prévues à la
première phrase du premier alinéa de l'article L. 3122-2 et de l'article L.
4133-2.
«
Art. L. 5913-2
. - L'assemblée dont le président est issu met à la
disposition du congrès des élus départementaux et régionaux les moyens
nécessaires à son fonctionnement : ces moyens doivent notamment permettre
d'assurer le secrétariat des séances.
« Chapitre IV
« Garanties conférées aux conseillers généraux et aux conseillers régionaux
participant au congrès des élus départementaux et régionaux
«
Art. L. 5914-1
. - Lorsque le congrès des élus départementaux et
régionaux se réunit, les articles L. 3123-1 à L. 3123-6 et L. 4135-1 à L.
4135-6 sont applicables respectivement aux conseillers généraux et aux
conseillers régionaux.
« Chapitre V
« Rôle du congrès des élus départementaux
et régionaux
«
Art. L. 5915-1
. - Le congrès des élus départementaux et régionaux
délibère de toute proposition d'évolution institutionnelle, de toute
proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers le
département et la région concernés, ainsi que de toute modification de la
répartition des compétences entre ces collectivités locales.
«
Art. L. 5915-2
. - Les propositions mentionnées à l'article L. 5915-1
sont transmises dans un délai de quinze jours francs au conseil général et au
conseil régional, qui, avant de délibérer, consultent obligatoirement le
conseil économique et social du département et le conseil de la culture, de
l'éducation et de l'environnement. Elles sont également transmises au Premier
ministre.
«
Art. L. 5915-3
. - Le conseil général et le conseil régional
délibèrent sur les propositions du congrès des élus départementaux et
régionaux.
« Les délibérations adoptées par le conseil général et le conseil régional
sont transmises au Premier ministre par le président de l'assemblée
concernée.
« Le Premier ministre en accuse réception dans les quinze jours et fixe le
délai dans lequel il apportera une réponse.
« Chapitre VI
« Consultation des populations
«
Art. L. 5916-1
. - Le Gouvernement peut, notamment au vu des
propositions mentionnées à l'article L. 5915-1 et des délibérations adoptées
dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 5915-3, déposer
un projet de loi organisant une consultation pour recueillir l'avis de la
population du département concerné sur les matières mentionnées à l'article L.
5915-1. »
Par amendement n° 37, M. Balarello, au nom de la commission, propose de
supprimer l'article 39.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer l'article 39, qui prévoit la
création, dans les régions d'outre-mer monodépartementales, d'un congrès des
élus départementaux et régionaux réunissant le conseil régional et le conseil
général et ayant vocation à faire des propositions en matière d'évolution
institutionnelle.
Comme j'ai déjà eu l'honneur de l'indiquer dans mon intervention liminaire, le
projet de création d'un tel congrès est loin de faire l'unanimité parmi les
élus des départements d'outre-mer. Il a notamment suscité l'avis défavorable de
six des huit assemblées locales concernées.
La procédure envisagée serait particulièrement lourde : réunion solennelle en
congrès du conseil régional et du conseil génénral, puis délibération de ces
deux assemblées sur les propositions du congrès, et enfin transmission au
Premier ministre, en vue d'une éventuelle consultation de la population
locale.
La commission des lois a considéré que cette procédure risquait d'être
difficile à mettre en oeuvre et d'aboutir, de fait, à la création d'une
troisième assemblée locale dont le rôle serait ambigu.
J'enregistre cependant que la commission des lois a obtenu quelques
satisfactions puisque, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a pris en
compte les observations formulées par le Sénat et par son rapporteur quant aux
risques de confusion résultant de l'emploi du mot « congrès » et a retenu une
nouvelle appellation, à savoir le « congrès des élus départementaux et
régionaux »
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En créant le congrès des élus départementaux et régionaux, l'article 39 fonde
en effet la reconnaissance du droit à l'évolution des départements d'outre-mer
qui le souhaitent, et en fixe les modalités démocratiques. N'a-t-il pas été
beaucoup question de démocratie ce soir ? Or je suis au regret de constater que
cette démarche démocratique, progressive, sereine, évitant les conflits - du
moins ceux qui ne se déroulent pas dans le cadre des assemblées démocratiques -
ne trouve pas grâce aux yeux de votre assemblée.
Sur le fond, je crois que, grâce à cette création du congrès - si le Parlement
la retient finalement - les élus des conseils généraux et des conseils
régionaux des départements d'outre-mer concernés pourront se saisir de la
question de l'évolution statutaire et proposer des réformes allant au-delà de
la simple adaptation des droits et des règlements prévue à l'article 73 de la
Constitution : les propositions qui auront émergé localement et qui auront été
retenues par les forces politiques locales pourront être soumises à l'avis des
populations locales.
On a beaucoup parlé de consultation des populations. Je note, là encore avec
regret, que, lorsqu'il s'agit d'en ouvrir clairement la possibilité par la loi,
votre assemblée décide de ne pas le faire.
Voilà pourquoi, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Claude Lise.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, je ne vais pas reprendre tous les arguments de mon
intervention dans la discussion générale : j'ai assez longuement exposé ma
position et souligné les contradictions dans lesquelles le Sénat, ou du moins
sa majorité, se complaît chaque fois qu'il est question d'aborder l'aspect
institutionnel de ce projet de loi d'orientation.
Nos collègues de la majorité sont toujours pour le principe du droit à
l'évolution des différents peuples des départements d'outre-mer, pour l'accès
au droit à l'évolution, mais ils sont systématiquement contre les moyens qui
permettent cette évolution.
L'article 39 ne se réduit absolument pas à la mise en place de ce que l'on
appelle « congrès » et qui n'est que la réunion périodique du conseil général
et du conseil régional pour discuter d'un projet d'évolution institutionnelle
ou statutaire ! Cela n'a, bien entendu, rien à voir - sauf à se placer sur le
plan de la polémique - avec une troisième assemblée !
L'article 39 fixe également les modalités de prise en compte par tout
gouvernement d'un éventuel projet issu des travaux d'un congrès qui se serait
mis en place dans l'un ou l'autre département.
Surtout, il prévoit ce dont nous avons parlé longuement tout à l'heure, à
savoir la nécessité d'une consultation des populations concernées.
Sans entrer dans le débat juridique, permettez-moi de vous dire que je suis de
ceux qui pensent que, si la possibilité de consulter les populations
localement, comme cela a été fait à Mayotte, ne passe pas la barrière
constitutionnelle, alors il faudra modifier la Constitution, car nous ne nous
en sortirons pas autrement.
Les populations n'entendent pas que qui que ce soit s'arroge le droit de les
placer d'office dans une évolution sans avoir au préalable recueilli leur
adhésion !
Pour moi, l'intérêt de la procédure prévue par l'article 39 est d'organiser
tout un processus d'évolution institutionnelle selon une méthode démocratique
parfaitement transparente, selon une méthode qui assure la maîtrise locale de
l'initiative et qui confie cette maîtrise locale aux élus locaux - c'est-à-dire
aux représentants des populations concernés, qui ont une légitimité pour faire
des propositions - et non à tel ou tel groupe de personnalités ou à tel ou tel
groupe de pression.
L'article 39 prévoit la maîtrise locale de la décision finale à l'issue d'une
consultation locale et je demeure persuadé qu'en arrière-plan du débat entre
partisans et adversaires de cet article 39, il faut bien percevoir l'existence
d'une divergence fondamentale entre ceux qui tiennent à une voie démocratique
d'évolution institutionnelle pour les départements d'outre-mer et ceux qui
considèrent que toute évolution doit être l'affaire de minorités agissantes qui
s'arrogent le droit de parler au nom des populations, de négocier en leur
nom.
Par conséquent, pour ma part, je ne peux que voter contre cet amendement de
suppression de l'article 39.
M. Guy Allouche.
Très bien !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
comprends très bien l'attitude de la Haute Assemblée. C'est une attitude de
sagesse, car le Sénat démontre qu'il connaît bien le fonctionnement de nos
collectivités.
Comment le sénateur Lise nous fera-t-il admettre que les élus des deux
assemblées de la Guadeloupe et de la Martinique pourraient se réunir, puis
retourner dans leur assemblée respective pour délibérer ? Or c'est bien ce que
prévoit l'article L. 5915-3 ! Chaque assemblée fait ses propositions, puis, à
la réunion suivante, alors que l'on a déjà délibéré, on établit un
procès-verbal et l'on vote ce qu'on a délibéré séparément.
Compte tenu du mode de fonctionnement de nos assemblées, cette procédure ne «
tient pas la route » ! Le plus sage est que le Gouvernement ait la possibilité
de demander à chaque assemblée de se prononcer sur l'avenir institutionnel de
sa région et de son département.
Par ailleurs, les décisions des assemblées vont être notifiées au Premier
ministre. Si celui-ci reçoit un avis du conseil régional de la Guadeloupe et un
autre avis contraire du conseil général, il devra alors choisir pour nous !
C'est un faux débat, selon moi, et si, de façon pernicieuse, notre collègue
Claude Lise prétend que certaines personnes s'octroient le droit de parler au
nom des collectivités...
M. Claude Lise.
C'est le cas en ce moment !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
...c'est qu'il pense plus particulièrement à une personne qui s'appelle le
sénateur Michaux-Chevry !
Soyons très clairs : j'ai eu le courage, mon cher collègue - ce que vous ne
savez pas faire - de demander un débat public, pour que l'on arrête de se
couper en morceaux entre nationalistes inintéressants et départementalistes
intéressants. En effet, tout cela ne peut que provoquer la pose de bombes et
susciter la haine et la violence, engendrant la déstabilisation dans nos
familles.
J'ai eu le courage, moi - publiquement, non pas la nuit, non pas en cachette,
comme vos amis -, de dire au président du conseil régional de la Martinique : «
Arrêtons de parler d'indépendance. Essayons, dans le cadre des institutions de
le République française et dans le cadre de l'Europe, d'ouvrir un débat. » Et
il m'a approuvée !
M. Claude Lise.
C'est un chiffon de papier qui n'engage à rien !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Que vous soyez jaloux de n'avoir pas pu obtenir ce résultat, je peux le
comprendre, mais soyons sérieux ! Le congrès ne nous apportera rien du tout et
nous parviendrons, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à faire avancer,
sans vous et sans le congrès, mais dans la sagesse, l'évolution des
institutions de nos régions.
Sachez qu'est née, dans nos régions - et nos collègues doivent le comprendre -
une volonté non de rejeter la France ou l'Europe, mais d'obtenir davantage de
responsabilités, une meilleure prise en compte de nos identités respectives
dans notre développement. Il existe de plus en plus une volonté de
participation, chez les jeunes en particulier.
Quant aux sondages qui sont actuellement réalisés, mon cher collègue, sachez
que ceux qui visent la grand-mère que je suis sont très, très élevés, parce
qu'ils reconnaissent que j'ai raison !
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Claude Lise.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
Je ne peux pas laisser passer l'idée selon laquelle les élus des conseils
généraux et des conseils régionaux seraient incapables de se réunir ! Au
demeurant, ils le font déjà au sein de diverses commissions, malgré les
antagonismes politiques.
Au moment où nous demandons plus de responsabilités, il serait tout de même
curieux de nous faire passer pour des irresponsables !
Il est vrai que certains ont des intérêts politiques à refuser une réunion en
congrès des élus locaux, la majorité pouvant éventuellement leur échapper au
moment du vote sur tel ou tel projet. Mais on ne se réunit pas uniquement pour
décider d'un projet ! On se réunit aussi pour élaborer un projet.
L'intérêt du congrès est, précisement, de se doter d'un lieu apaisé de débat
sur les problèmes institutionnels, afin que ce débat n'ait pas lieu dans la
rue, que n'importe qui ne siège pas dans n'importe quelle commission, comme
cela se fait en ce moment, selon la plus pure tradition populiste. Ainsi, les
partisans de Basse-Terre, en Martinique, réunissent des commissions où
n'importe qui peut venir siéger. Est-ce là une conception démocratique
permettant d'élaborer un statut pour nos pays ?
Non ! le congrès est une instance où un débat apaisé peut avoir lieu, dans
laquelle sont réunis des élus qui représentent le peuple. Ils ont reçu mandat
pour représenter ce peuple et ils ne font que des propositions au
Gouvernement.
La question qui se pose est de savoir quel sens nous donnons à nos
institutions démocratiques !
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi ne pas mettre
une usine à gaz quand le fil à couper le beurre suffit ?
(Sourires sur les
travées du RPR.)
Voilà exactement le débat dans lequel nous sommes ! On ne
sait pas quoi inventer pour faire plus compliqué !
Mais l'idée qui fonde cette proposition est de prétendre que le conseil
général et le conseil régional ont mal travaillé : on va donc créer un organe
qui les coiffera. Cela s'appelle le soviétisme : on rajoute soviet après
soviet, pour, en fin de compte, aboutir à un résultat que tout le monde
connaît, qui est l'inefficacité totale et la paralysie totale de ces
institutions.
En fait, cela ne va pas, et vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat
; vous savez bien que cette invention du congrès ne rime à rien et ne s'appuie
sur rien. En effet, comme l'ont dit très justement M. Lise et Mme
Michaux-Chevry, les conseillers généraux et les conseillers régionaux se
rencontrent tout le temps ; ce ne sont pas deux mondes à part. Il n'y a pas une
commission départementale ou régionale qui ne se réunisse sans les
représentants des deux. On ne signe pas un contrat de plan Etat-région sans la
participation des uns et des autres.
Alors, à quoi sert cette institution supplémentaire ? A mon avis, c'est de la
pure démagogie, et vous le savez tous aussi bien que moi. C'est pour créer une
structure de plus. On en meurt des structures que l'on crée les unes au-dessus
des autres et qui n'ont aucune signification.
Etre contre ce congrès, ce n'est pas de la ringardise ; au contraire, c'est
vous qui êtes ringards en proposant ce genre d'institution. C'est un peu comme
si on dégageait en touche : il y a un problème, on crée une commission comme
ci, une commission comme ça, uniquement pour faire face à une difficulté que
l'on ne sait pas résoudre.
En vérité, le fond de l'affaire, avec ce congrès, c'est que ce texte de loi
que nous discutons aujourd'hui n'a pas été assez réfléchi et ne va pas assez
loin dans ce qu'il fallait faire.
(Applaudissements sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan.
Et ce n'est pas constitutionnel !
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je tiens à dire, à titre personnel, et à mon grand regret, à l'égard des
derniers intervenants, que, selon moi, l'idée de ce congrès était, en réalité,
tout à fait raisonnable.
Cette procédure mérite, à tout le moins, d'être tentée. Je suis surpris de
voir l'opposition qu'elle semble susciter. Nous sommes dans une situation qui
rappelle un peu celle de 1789 lorsqu'on a invité les Etats généraux à siéger en
assemblée particulière et non tous ensemble.
Il nous est, en effet, proposé un mécanisme dans lequel les deux assemblées se
réuniraient pour délibérer ensemble des questions concernant leur avenir. Leurs
conclusions, si elles aboutissent, ce qui n'est pas certain - mais pourquoi et
au nom de quoi les en empêcher ? - seraient ensuite soumises séparément à
chaque assemblée. Enfin, le Gouvernement français déciderait, comme il le
souhaiterait, en fonction des résultats de ces différentes consultations.
Pourquoi s'opposer à celles-ci ?
Il s'agit de problèmes nouveaux qui ne figurent pas dans les programmes
habituels de ces assemblées, qui se situent dans des perspectives à beaucoup
plus long terme et qui sont fondamentaux. Il serait assez normal de réunir tous
les élus concernés, afin qu'ils délibèrent en commun sur une problématique
commune qui dépasse les problématiques particulières de chacune des
assemblées.
Nous aurions tort, me semble-t-il, de refuser ce congrès dont on ne peut
préjuger le résultat, car ce refus serait nécessairement interprété comme une
intention de maintenir envers et contre tout le statu quo, ce qui ne répond pas
aux problèmes que connaissent aujourd'hui ces départements.
(Applaudissements sur certaines travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans cette discussion, mais le propos
de notre excellent collègue Pierre Fauchon, qui permet au débat de rebondir,
m'y incite.
En réalité, il faut choisir : ou bien on choisit une structure départementale
ou bien on choisit une structure régionale.
On aurait pu également imaginer une structure semblable à celle qui existe à
Paris, où une même assemblée peut à la fois être un conseil municipal et un
conseil général. C'était envisageable, mais cela n'a pas été fait.
Ainsi, on vient plaquer une troisième structure au-dessus des deux autres en
prétendant qu'elle n'est pas une structure, qu'elle ne sera qu'une réunion plus
ou moins occasionnelle d'élus et qu'elle n'aura pas d'injonction à donner à ces
deux assemblées. Dans ce cas, si telle est vraiment l'intention du législateur,
il ne sert strictement à rien d'instaurer ce congrès.
Un congrès, une fois créé, voudra se donner de l'épaisseur, exister en tant
que tel, et il viendra se surajouter aux deux autres structures. Et alors, là,
nous allons vers la polysynodie, c'est-à-dire vers la confusion la plus totale
!
En réalité, vous n'avez pas voulu choisir entre un statut départemental
aménagé et un statut territorial tel que celui que préconisait Mme le président
du conseil régional de la Guadeloupe, elle n'était pas toute seule, et cela a
beaucoup ému certains. Je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'un jour on n'aboutira
pas à la situation qu'elle souhaite. Mais, en tout cas, une chose est certaine,
à ne pas choisir ou à proposer des organismes hybrides comme ceux que vous nous
présentez, et dont la constitutionnalité d'ailleurs est douteuse, je ne crois
pas que vous fassiez avancer le débat !
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je souhaite dire au Sénat, avant qu'il ne se prononce
sur l'un des articles essentiels de ce projet de loi, l'article 39, devant
quelle insoutenable contradiction il se trouve en cet instant.
En effet, vous semblez, depuis le début de ce débat, accréditer avec sincérité
le désir d'évolution statutaire des départements d'outre-mer pour des raisons
qui relèvent de leur identité, de leur histoire, de leur géographie, de leurs
choix de projets collectifs également. Mais lorsque nous évoquons enfin, au
terme de l'examen de ce texte, les moyens qu'il convient de se donner - et M.
Lise, je crois, a mis le doigt sur cette insoutenable contradiction - les
modalités, la méthode à suivre pour y parvenir, vous ne proposez aucune
alternative aux propositions qui sont faites par le Gouvernement dans le
prolongement du rapport de MM. Lise et Tamaya, c'est-à-dire la création de ce
congrès - qui n'est pas, monsieur de Rohan, une troisième assemblée - qui est
en effet une réunion solennelle des assemblées existantes sur un sujet
essentiel : l'évolution statutaire.
Quelle alternative proposez-vous ? Est-ce dans la rue, madame Michaux-Chevry,
qu'il faut décider de ces choses ?
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Non, au sein de chaque assemblée !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Quand on fait de grandes déclarations à Basse-Terre,
encore faut-il, lorsque l'on en vient à des propositions concrètes, être au
rendez-vous de cette histoire là. Or je crains que vous n'y soyez pas ce soir,
madame le sénateur !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je vous répondrai !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Les Etats généraux ont été évoqués tout à l'heure, et
c'est un précédent tout à fait illustre. Pour autant, monsieur Gélard, les
Etats généraux étaient-ils « ringards » au regard de l'histoire de France ?
Vous êtes un trop bon spécialiste des institutions de l'ex-Union soviétique
pour ne pas savoir distinguer les institutions démocratiques et celles qui ne
le sont pas.
Je crois que, dans la proposition aujourd'hui contenue dans ce texte,
transparaît la volonté sincère de créer le cadre démocratique nécessaire à
l'évolution statutaire des départements d'outre-mer. Peut-on adhérer à cet
objectif ? Peut-on adhérer à cette fin sans en prévoir les moyens ?
Madame Lucette Michaux-Chevry, vous pouviez proposer d'amender la procédure du
congrès si vous la trouviez trop complexe, trop longue, trop redondante
peut-être dans son déroulement, mais non pas demander de la supprimer purement
et simplement, ce qui me paraît - et je le redis encore une fois - une
insoutenable contradiction dans le sens même politique de l'expression que vous
avez ce soir réservée au Sénat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 39 est supprimé.
Intitulé du titre VII (suite)