SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 51, Mme Michaux-Chevry et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, après
l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions de l'article 10 de la loi n° 92-676 du 17
juillet 1992 relative à l'octroi de mer et portant mise en oeuvre de la
décision du Conseil des ministres des Communautés européennes n° 89-688 du 22
décembre 1989, les communes de Saint-Barthélemy et Saint-Martin fixent, par
délibération du conseil municipal et dans la limite des taux arrêtés par ladite
loi, une taxe
ad valorem
à percevoir sur les produits et les
marchandises pénétrant sur leur territoire.
« Les recettes correspondantes sont affectées au fonds de fonctionnement
desdites communes. En conséquence, les communes de Saint-Barthélemy et
Saint-Martin ne bénéficient plus de l'affectation prévue à l'article 16 de la
loi susvisée. »
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Dans la continuité de ce qui vient d'être voté, nous demandons que, par
dérogation aux dispositions de l'article 10 de la loi de 1992, soit créée une
taxe
ad valorem
sur toutes les marchandises qui entrent à Saint-Martin
et à Saint-Barthélemy, taxe dont le produit viendra abonder le fonds de
fonctionnement de ces deux collectivités.
C'est une question de justice sociale.
Je rappelle que, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, on ne paie pas la taxe
sur les carburants. Or ces communes reçoivent leur part de la région, et cela
au détriment des autres communes de Guadeloupe. Il en va de même pour l'octroi
de mer.
Il est donc juste d'instituer cette taxe
ad valorem
sur les
marchandises, à l'instar de ce que le Gouvernement a fait pour le fonds
routier.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement, qui tend à
créer, au profit des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, une taxe
sur les marchandises pénétrant sur leur territoire.
A Saint-Barthélemy, une telle taxe existe déjà : il s'agit du droit de
quai,...
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Ça n'a rien à voir !
M. José Balarello,
rapporteur.
... perçu en application de l'article 10 de la loi de
finances pour 1974.
A Saint-Martin, la création d'une telle taxe n'est pas souhaitée compte tenu
du statut de zone franche de l'île, caractérisé par l'absence d'impôts
indirects.
M. le président de la commission des lois et moi-même avons reçu assez
longuement les représentants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, et ceux-ci
se sont clairement opposés à l'institution de taxes supplémentaires. Il faut
rappeler en particulier que, à Saint-Martin, la partie française de l'île est
en concurrence directe avec la partie néérlandaise, dont le statut est très
attractif pour les investisseurs. C'est pourquoi il faut se montrer très
prudent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est également défavorable à cet
amendement pour deux raisons que j'exposerai brièvement à Mme Michaux-Chevry,
qui est, décidément, ce soir, un peu fâchée avec le droit.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Pas du tout ! Je le connais mieux que vous et je l'applique !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, cet amendement n'est pas conforme à la
jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 45 de la
Constitution, car il est sans lien direct avec une quelconque disposition
restant en discussion au cours de cette nouvelle lecture.
Mais, surtout, cet amendement n'est pas conforme à la décision du conseil des
ministres des Communautés européennes de décembre 1989 ni à la jurisprudence de
la Cour de justice des Communautés européennes.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
N'importe quoi !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas moi qui dit le droit, madame
Michaux-Chevry !
Cette décision et cette jurisprudence interdisent en effet la création d'une
taxe d'effet équivalent à un droit de douane. Or c'est bien le cas avec la taxe
prévue par votre amendement qui frappe les produits et les marchandises
pénétrant sur le territoire des deux communes de l'archipel du nord de la
Guadeloupe.
Tels sont donc les deux motifs pour lesquels, loin de tout esprit polémique,
le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le Président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous excuse parce que vous connaissez mal le
fonctionnement des collectivités de l'outre-mer.
Le président du conseil régional que je suis fixe la taxe qu'on appelle
l'octroi de mer, qui a été prorogée par la loi de 1992 et qui a reçu l'aval des
instances communautaires.
A Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, l'octroi de mer ne s'applique pas parce
que ces communes n'en veulent pas !
Quant au droit de quai, cher rapporteur, c'est une taxe qui est perçue à
l'arrivée des marchandises sur le port. Elle est toute différente de l'octroi
de mer, qui touche toutes les marchandises entrant dans les départements
d'outre-mer.
Pour des raisons historiques, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, on ne
payait ni pour l'octroi de mer ni pour le fonds routier. Monsieur le sécrétaire
d'Etat, vous venez de demander que Saint-Martin et Saint-Barthélemy se voient
appliquer une taxe sur l'essence achetée en zone hollandaise, que nous payons,
que vous payez, et qui profite à la zone hollandaise.
Je ne fais que demander la même chose pour l'octroi de mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment pouvez-vous admettre que, sur l'île de
Marie-Galante, où la population est très pauvre, on paye l'octroi de mer sur le
lait, sur le beurre, sur le pain, sur les livres, mais que, à Saint-Martin et à
Saint-Barthélemy, on en soit exonéré ?
Permettez-moi de vous préciser, mes chers collègues, combien nous versons
chaque année, au titre de l'octroi de mer, à Saint-Martin, où cette taxe ne
s'applique pas : 80 millions de francs ! S'agissant de Saint-Barthélemy, le «
cadeau » est de 20 millions de francs ! Je signale que la ville de
Pointe-à-Pitre ne touche, elle, au titre de l'octroi de mer, que 23 millions de
francs !
L'exécutif régional que je suis demande donc que soit prévue une dérogation à
la loi de 1992 qui a fixé les compétences exclusives de la région en matière
d'octroi de mer, afin que ces îles se voient appliquer l'octroi de mer. Et ce
n'est pas parce qu'elles sont confrontées à la zone hollandaise qu'elles
doivent bénéficier d'un régime particulier !
De toute façon, monsieur le secrétaire d'Etat, la collectivité régionale a le
droit d'intervenir, ce que je ne manquerai pas de faire même si ce sont mes
amis politiques.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Madame Michaux-Chevry, s'il s'agissait simplement de
procéder à une sorte d'harmonisation fiscale concernant Saint-Martin et
Saint-Barthélemy, je serais tenté de vous suivre.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mais c'est cela !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Malheureusement, je vous le répète, les décisions
européennes s'y opposent de la façon la plus catégorique.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 36.
Article 36 bis