SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 908, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Hubert Haenel.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous préciser vos intentions au sujet de
la reconnaissance officielle des médecines non conventionnelles, tout
particulièrement de la médecine anthroposophique ? Les éléments que vous m'avez
adressés en réponse à une question écrite que je vous avais posée à cet égard
étaient, en effet, quasi « ésotériques », ce qui explique que je revienne à la
charge.
Dans sa résolution du 27 mai 1997, le Parlement européen constate que le
recours d'une partie de la population des Etats membres de l'Union à certaines
médecines non conventionnelles ne peut être ignoré. Partant de ce constat, il
considère qu'il est important d'assurer aux patients une liberté de choix
thérapeutique aussi large que possible en leur garantissant, bien sûr, le plus
haut niveau de sécurité, l'information la plus correcte sur l'innocuité, la
qualité, l'efficacité et les éventuels risques des médecines dites « non
conventionnelles », ainsi qu'une protection contre les personnes non
qualifiées.
Dans cette même résolution, le Parlement européen demande à la Commission de
s'engager dans un processus de reconnaissance des médecines non
conventionnelles et, notamment, d'élaborer en priorité une étude approfondie
sur l'innocuité, l'opportunité, le champ d'application et le caractère
complémentaire et/ou alternatif de chaque discipline non conventionnelle.
Or, lorsque je vous ai interrogée, madame la secrétaire d'Etat, par le biais
d'une question écrite, sur la reconnaissance officielle de la médecine
anthroposophique, vous m'avez répondu, le 7 septembre dernier, qu'il s'agissait
d'« une tradition mystique et ésotérique d'origine occidentale » qui ne faisait
pas partie des médecines conventionnelles pour lesquelles la France avait
entrepris certaines actions dans la perspective de s'engager dans un processus
de reconnaissance officielle, dans l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du
Parlement européen.
Vous ajoutiez que, parallèlement à ces actions, vous veilliez à protéger les
malades des déviances - charlatanisme, sectes... - qui sont nombreuses en ce
domaine. Vous étiez là parfaitement dans votre rôle.
Or, madame la secrétaire d'Etat, la médecine anthroposophique fait bien partie
des médecines non conventionnelles pour lesquelles le Parlement européen invite
la Commission à entamer des études approfondies.
Si vous travaillez effectivement dans l'esprit de cette résolution, vous ne
pouvez donc ignorer cette médecine. En effet, le Parlement indique, dans son «
sixième considérant », que certaines médecines non conventionnelles bénéficient
d'une forme de reconnaissance légale dans certains Etats membres, en
particulier la médecine anthroposophique. Il ajoute, dans son « huitième
considérant », qu'une évolution des législations s'est déjà manifestée,
notamment par l'introduction des médicaments dans la pharmacopée, et cite en
exemple la médecine anthroposophique en Allemagne.
Nous sommes là bien loin, convenez-en, de la description que vous avez faite,
madame la secrétaire d'Etat, d'une application d'une idée mystique
traditionnelle de l'Occident suspecte de sectarisme et de charlatanisme !
Il va de soi que le double principe de la liberté pour les patients de choisir
la thérapeutique qu'ils souhaitent et de la liberté pour les praticiens
d'exercer leur profession implique qu'il faut garantir l'innocuité et la
qualité des traitements dispensés, assurer une formation appropriée des
praticiens, codifier leur statut professionnel et introduire les remèdes de ces
médecines dans la pharmacopée européenne.
En conclusion, nos concitoyens sont en droit de connaître votre position,
madame la secrétaire d'Etat. Celle-ci doit être claire et déterminée à l'égard
tant de la médecine anthroposophique que de la mise en oeuvre des études
nécessaires à l'engagement, le cas échéant, d'une procédure de reconnaissance
officielle de celle-ci par la France afin d'en finir une bonne fois pour toutes
avec les ambiguïtés actuelles et, parfois, avec les procès en sorcellerie
engagés ici ou là.
Nos concitoyens sont en droit d'attendre des pouvoirs publics qu'ils prennent
une position officielle dans le cadre national et européen.
M. le président.
La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous appelez mon attention sur les mesures qui ont été prises en France pour
assurer la reconnaissance de la médecine anthroposophique.
Je récuse le qualificatif de « charlatanisme », mais je maintiens que la
médecine anthroposophique s'inspire d'un mouvement mystique et ésotérique
d'origine occidentale. Ce n'est pas une technique médicale reconnue, et elle
n'a fait l'objet d'aucune évaluation validée scientifiquement.
Si la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen, à laquelle se réfère
votre question, constitue une première étape dans la voie de la reconnaissance
des médecines non conventionnelles, elle présente le caractère d'une
recommandation et ne saurait avoir actuellement une valeur contraignante.
Par ailleurs, la directive 92/73/CEE du 22 septembre 1992 élargissant le champ
d'application des directives précédentes concernant le rapprochement des
dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux
médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les médicaments
homéopathiques, sur laquelle vous vous fondez pour solliciter la reconnaissance
de la médecine anthroposophique, ne réglemente pas à proprement parler deux
types de médicaments, respectivement homéopathiques et anthroposophiques.
Ce texte se borne à préciser, dans ses considérants d'introduction - et non
dans son dispositif -, que les médicaments anthroposophiques ne sont
assimilables aux médicaments homéopathiques que dans la mesure où ils sont
décrits dans une pharmacopée officielle et préparés selon une méthode
homéopathique. Loin de placer les deux types de médicaments sur un même pied,
cette assertion illustre parfaitement les limites que rencontre actuellement le
concept de médecine anthroposophique.
Sur l'ensemble de ces sujets, le Gouvernement français observe une attitude
pragmatique. Il s'est, en conséquence, déjà engagé dans un travail sur
l'ouverture à des non-médecins de la pratique de certaines techniques jusque-là
réservées aux médecins, telles que l'ostéopathie ou la chiropraxie. La
reconnaissance de la médecine anthroposophique ne fait pas, pour le moment,
partie de ses préoccupations.
(M. Leclerc applaudit.)
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Je crois, madame le secrétaire d'Etat, que nous restons dans l'ambiguïté
complète.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Ah non !
M. Hubert Haenel.
Je ne demande pas une reconnaissance de la médecine anthroposophique, je
souhaite simplement que l'on soit clair,...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Nous sommes clairs !
M. Hubert Haenel.
... car les personnes qui suivent ce type de traitement sont en droit de
savoir quelle est la position officielle à cet égard, et si vous comptez ou non
vous engager non pas dans la voie de la reconnaissance de cette médecine, mais
dans des études suffisamment approfondies sur la question.
La réponse que vous venez de me faire s'inscrit donc dans le droit-fil de
celle que vous avez apportée à ma question écrite. Je m'en tiendrai là pour le
moment, mais je pense, soit dit entre nous, que ce n'est pas sérieux, car nos
concitoyens sont en droit d'attendre des indications de la part des pouvoirs
publics.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
Je suis contraint de vous demander d'être brève, madame le secrétaire d'Etat,
car nous dépassons très largement les temps de parole prévus.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
J'indiquerai simplement d'un mot que ce n'est pas
parce que certaines personnes font confiance à ce type de médecine que je vais
vous dire que c'est une pratique reconnue et validée scientifiquement !
Rien ne me permet aujourd'hui d'affirmer cela, et rien ne me permet de
rassurer les adeptes de cette médecine au sujet d'une validation scientifique
qui n'existe pas.
M. Dominique Leclerc.
Elle a raison !
CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ
DES SALARIÉS EXPOSÉS À L'AMIANTE