SEANCE DU 26 OCTOBRE 2000
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois
sur la proposition de loi constitutionnelle n° 432, je donne la parole à M.
Dubrule pour explication de vote.
M. Paul Dubrule.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
décentralisation recule si elle perd le levier financier.
Quel élu local n'aurait pas envie d'adhérer à la « République territoriale »
voulue par les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle que nous
examinons aujourd'hui, à plus forte raison si la culture de cet élu local est
celle d'un chef d'entreprise ?
Personne n'est dupe de la réalité : pour tout pouvoir, le nerf de la guerre
réside dans l'autonomie financière - ce n'est pas une nouveauté - et la perte
de cette autonomie, même partielle, est, en l'espèce, un lourd handicap pour
les collectivités locales.
Aucun chef d'entreprise n'accepterait de perdre insidieusement son autonomie
financière - pour les régions, par exemple, cette autonomie est déjà la plus
faible des régions européennes - ou simplement une part de celle-ci, comme sont
obligés de le faire les présidents de région, qui dépendent à 55 % des
dotations de l'Etat. Quant aux maires, ils ne peuvent accepter de passer en
dessous des 48 % de la part de fiscalité locale actuelle dans les ressources
globales de leur commune.
Peut-on encore parler d'autonomie financière pour ces collectivités
territoriales ?
Il est indispensable et urgent de réformer les structures de l'Etat et de la
décentralisation, en les simplifiant, d'abord, et en leur donnant, ensuite, de
vrais moyens financiers.
La décentralisation doit aller de l'avant. Or, elle est stoppée. Pis, elle
fait marche arrière.
Nous sommes, nous, élus locaux, des responsables, et l'on nous fait glisser,
sans le dire, d'une position de gestionnaires à une situation au mieux de
négociateurs-quémandeurs vis-à-vis de l'autorité centrale, au pire de
redistributeurs de dotations attribuées, généreusement ou non, par l'Etat.
Quels que soient les gouvernements en place, ils ne pourront échapper à ces
nouvelles demandes des citoyens, qui visent à simplifier l'organisation
territoriale, à clarifier le partage des compétences et à appliquer le principe
de subsidiarité.
Nous devons passer de la décentralisation octroyée à la décentralisation
contractuelle, fondée sur le dialogue, la responsabilité et la complémentarité
des partenaires.
Quant à l'Etat, qu'il remplisse ses fonctions, toutes ses fonctions, entre
autres ses missions de contrôle, mais qu'il laisse les élus locaux libres
d'exercer les leurs. Qu'il leur en laisse aussi les moyens.
Je considère que ce texte est un premier pas vers une redéfinition de la
décentralisation et du rôle de l'Etat que nous attendons tous.
Son adoption permettra d'enrayer la lente dégradation de la relation entre les
élus et leurs administrés ou leurs électeurs. Cette relation doit reposer sur
la confiance. Celle-ci ne peut revenir que si le législateur parvient à assurer
la stabilité des règles, des ressources et des charges. C'est pour cette raison
que je voterai la proposition de loi constitutionnelle.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Charrasse.
M. Michel Charasse.
Afin de ne pas allonger nos débats, j'indiquerai simplement que, pour les
raisons qui ont été avancées tout au long de ce débat par les orateurs
intervenant en son nom, le groupe socialiste votera contre l'ensemble du texte,
comme il l'a fait sur chacun des trois articles.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de
ce débat, je constate que tout le monde se félicite de la décentralisation et
convient de l'intérêt des lois de décentralisation de 1982 et 1983. C'est
formidable !
Dans le même temps, tout le monde souhaite en corriger les faiblesses, voire
les contradictions, en posant un nouveau socle, en donnant un nouveau souffle,
comme l'a dit notre collègue Josette Durieu.
Il est d'autant plus dommage que, avec le dépôt circonstanciel de cette
proposition de loi constitutionnelle, on ait finalement choisi d'opposer les
unes aux autres les initiatives menées dans ce domaine, plutôt que de chercher
à les réunir et à pousser plus loin le nécessaire rapprochement des citoyens
des collectivités territoriales.
Car tel est bien le problème. Or, les propositions qui nous sont faites
aujourd'hui sont bien en deçà des problèmes que posent les rapports entre
citoyens et collectivités. Pour nous, une avancée dans la décentralisation ne
peut se faire qu'au travers d'une démocratisation des collectivités.
Par ailleurs, il semble que, dans le cadre de cette dimension citoyenne plus
affirmée, la proposition de loi constitutionnelle aurait mérité de plus amples
développements sur deux points essentiels.
Tout d'abord, la péréquation financière n'apparaît en fin de compte qu'en
filigrane dans le texte proposé, alors que c'est la condition essentielle de la
garantie d'un des droits fondamentaux des citoyens : l'égalité devant les
charges publiques. C'est ce mécanisme qui constitue en effet, à l'heure
actuelle, le garde-fou le plus efficace contre les inégalités. Il ne fonctionne
pas suffisamment ; il faudrait s'en préoccuper bien davantage.
Ensuite, affirmer que « l'existence d'une fiscalité locale est un enjeu majeur
pour la démocratie locale, car elle permet de renforcer le lien entre l'élu, le
citoyen et le contribuable », aurait dû conduire à s'attarder un peu plus sur
la consistance de la citoyenneté.
J'évoquerai, notamment, le cas de ces nombreux étrangers, contribuables à part
entière des communes, des départements et des régions, parfois depuis de
longues années, et pour qui le renforcement de l'autonomie fiscale fera qu'ils
se sentiront peut-être un peu plus contribuables locaux mais guère plus
citoyens.
Je n'aborderai pas de nouveau la question de l'inévitable réforme du Sénat. Le
débat aura lieu, cela ne fait aucun doute, mais il ne trouve pas sa place ici,
même si la majorité sénatoriale prend la mauvaise habitude d'utiliser toutes
les occasions pour « grignoter » du terrain, comme l'a rappelé ce matin M.
Mauroy.
Je préfère conclure mon propos par le souhait que le débat se poursuive avec
sérieux et non pas au travers d'un coup politique.
Pour ces raisons, comme l'a annoncé mon collègue Robert Bret, nous ne voterons
pas cette proposition de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la
proposition de loi constitutionnelle n° 432.
Je rappelle qu'en application de l'article 59 du règlement le scrutin public
est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 221 |
Contre | 99 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR et également M. le rapporteur applaudit.)
6