SEANCE DU 19 OCTOBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 234, MM. Raffarin, Garrec, Haenel, Humbert et de Rohan
proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel rédigé comme
suit :
« A. - Les véhicules ferroviaires destinés au transport régional de voyageurs
dont l'acquisition a été financée par une région sont exonérés de taxe
professionnelle.
« B. - Les pertes de ressources pour l'Etat résultant du A ci-dessus sont
compensées, à due concurrence, par le relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts et le reversement par l'Etat aux
collectivités concernées des montants correspondants. »
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Par cet amendement, il s'agit de modifier le dispositif afin de tenir compte
de l'accroissement exponentiel de la taxe ferroviaire qui sera à la charge des
régions. Ce texte permettrait une prise en compte soit par exonération, soit
par compensation de la taxe professionnelle sur le matériel.
Le dispositif est absurde : d'un côté, l'Etat nous donne de l'argent et, de
l'autre, nous devons rendre cet argent à l'Etat sur le matériel. Nous entrons
ainsi dans un système dont nous connaissons bien les insuffisances.
Je sais que M. le ministre nous a entretenus de ces questions. Mais il serait
très important, si on ne pouvait obtenir l'exonération, qu'il soit tenu compte
de la taxe professionnelle dans la dotation.
Tel est le sens de la démarche du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
est défavorable à l'amendement.
Je me souviens que nous avions déjà évoqué cette question lors de la première
lecture et que j'avais mis en avant le caractère discriminatoire et
éventuellement anticonstitutionnel d'une telle démarche. En effet, la
suppression proposée ne s'applique que sur un type de situation et de
matériel.
Je rappelle par ailleurs que la SNCF a bénéficié du droit de porter à trente
ans la durée d'amortissement pour le nouveau matériel TER à partir du 1er
janvier 1997. Il s'ensuit une diminution de moitié de la taxe sur les nouveaux
matériels, qui conduit la SNCF à appliquer le taux de 1,5 % dans sa facturation
aux régions.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 234, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 52.
Par amendement n° 235, MM. Raffarin, Garrec, Haenel, Humbert et de Rohan
proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel rédigé comme
suit :
« A. - Il est créé un fonds de développement des transports collectifs
régionaux, départementaux et locaux, alimenté par 50 % des recettes
supplémentaires de taxe intérieure sur les produits pétroliers telles qu'elles
résultent des majorations de taux décidés chaque année par la loi de
finances.
« Ce fonds est réparti entre les autorités organisatrices de transport, au
niveau régional, départemental et local, sur la base des dépenses assumées par
elles, sur leurs ressources propres, pour le financement des infrastructures de
transport collectif, du matériel, de la modernisation des gares et du déficit
de fonctionnement du service public de transport collectif.
« Les modalités de répartition de ce fonds sont fixées par un décret en
Conseil d'Etat.
« B. - Les éventuelles pertes de ressources pour l'Etat résultant du A
ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par un relèvement de la taxe
intérieure sur les produits pétroliers. »
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il s'agit encore de questions d'ordre financier, monsieur le président. Il
s'agit de proposer la création d'un fonds des transports publics régionaux,
départementaux et locaux, c'est-à-dire un fonds qui permette aux différentes
autorités organisatrices de bénéficier de moyens financiers.
Nous sommes en effet très préoccupés par un certain nombre de décisions
récentes de nos différents partenaires, notamment de la SNCF, qui nous font
craindre des difficultés financières majeures.
Quand nous apprenons par la presse que la SNCF est candidate, au Royaume-Uni,
à l'exploitation de lignes et qu'elle est prête à y investir dix milliards de
francs - nous en parlions encore récemment avec M. de Rohan - alors qu'on nous
discute le montant de chaque compensation, quand nous voyons que la SNCF se
lance dans la mondialisation et qu'on laisse les régions dans une situation
fragile, nous sommes très inquiets.
M. Charles Revet.
C'est inacceptable !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il m'a été rapporté que, récemment, le président de la SNCF s'est exprimé
devant 1 200 cadres... réunis dans un lieu sans doute choisi par hasard, le
Futuroscope de Poitou - Charentes
(Sourires),
et qu'il a alors déclaré
que, compte tenu de la difficulté de mesurer l'ampleur du déficit du TER, il
était urgent de le transférer à d'autres.
Quand on prend connaissance de tels propos et que l'on sait, de surcroît,
qu'il est impossible d'obtenir des comptes attestés au premier semestre 2001,
on ne peut que choisir la prudence et s'employer à la création d'un fonds de
développement des transports collectifs.
Les intentions du Gouvernement sont claires. M. Gayssot pourrait même
m'accuser d'être un soutien trop vaillant de sa politique
(Sourires)
car, au fond, ce que je souhaite, ce que nous souhaitons,
c'est qu'il y ait de l'argent pour développer la politique des transports.
Il ne faudrait pas que tout cela conduise à assécher les finances des
partenaires locaux et que, finalement, ce soit le transport collectif qui en
souffre. Cela ne nous satisferait ni les uns, ni les autres.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
est défavorable à cet amendement, mais je souhaite m'en expliquer.
Monsieur Raffarin, vous avez dû mal entendre les propos du président de la
SNCF. Ce dernier a, comme nous, le souci que le transfert des compétences soit
assorti d'un transfert aux régions des moyens correspondants.
Actuellement, le trafic SNCF se développe : le trafic des marchandises comme
le trafic voyageurs ou le trafic régional. Je ne sais pas, à cette heure-ci, ce
que seront les comptes à la fin de l'année, mais je peux vous dire que la
progression est tout de même assez importante.
Lorsque j'avais fixé comme objectif le doublement du trafic marchandises en
dix ans, certains avaient souri et s'étaient demandé si cela était possible,
compte tenu de la période antérieure. Nous en sommes pourtant aujourd'hui à une
augmentation du trafic marchandises de 7 % à 9 % !
Lors d'une réunion du comité des investissements à caractère économique et
social, la proposition d'achat de plusieurs centaines de locomotives destinées
uniquement au fret a même été acceptée !
Voilà où en est le développement du trafic des marchandises de la SNCF, et
vous connaissez ma volonté, à l'échelle de l'Europe, de contribuer à le
développer encore.
En matière d'endettement, monsieur Raffarin, vous faites une confusion ! Ce
n'est pas la SNCF qui est concernée, c'est Via GTI, une filiale. Vous qui
connaissez, comme moi, les questions économiques savez que la Via GTI n'est pas
une filiale endettée. Au nom de quoi empêcherait-on, surtout si cela peut être
utile, y compris dans une perspective de développement du transport ferroviaire
dans tous les pays d'Europe, une filiale qui n'est pas endettée de participer à
l'amélioration et au développement du rail européen ? Ne faites pas de
confusion des genres dans ce domaine !
Enfin, s'agissant du chiffre de 10 milliards de francs que vous avez évoqué,
ne vous fiez pas à tout ce que vous avez pu lire à ce sujet ! Ne connaissant
pas exactement le montant, je ne m'avancerai pas sur ce point, mais il est
certain que le chiffre que vous avez évoqué est excessif.
En conclusion, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 235.
M. Charles Revet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet.
Je voterai, bien entendu, l'amendement n° 235 déposé par nos collègues.
Monsieur le ministre, nous partageons tous votre souhait de développer les
transports collectifs tant de voyageurs que de marchandises. Mais encore
faudrait-il que la SNCF y mette un peu de bonne volonté. Je vous assure qu'il
est extrêmement difficile de remettre en service, là où pourtant s'exprime une
demande, des lignes secondaires...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je le sais.
M. Charles Revet.
... qui apporteraient de la clientèle aux grandes lignes, que ce soit les TGV
ou les autres lignes principales.
De plus, la SNCF impose des conditions quasi insupportables pour les
collectivités locales. Alors si, comme vous, nous nous posons la question de
savoir s'il ne faut pas développer à l'étranger un certain nombre d'activités,
nous ne voulons pas que cela se fasse au détriment de l'échelon local.
Monsieur le ministre, si les choses vont mieux, c'est, nous le savons très
bien, grâce aux quelques transferts de charges, qui ont permis d'alléger la
situation de la SNCF, et non pas grâce aux résultats d'une gestion complètement
transformée, qui, du reste, mérite encore de l'être.
Cet amendement a pour objet de créer un fonds permettant aux collectivités
locales d'accélérer l'amélioration des dessertes locales et régionales. Je ne
comprends pas, monsieur le ministre, que vous soyez défavorable à une
proposition qui conforte pourtant ce que vous dites vouloir développer. Je
comprendrais mieux que vous réexaminiez votre position pour abonder dans le
sens des auteurs de l'amendement.
M. François Gerbaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Je voterai naturellement l'amendement n° 235, et je voudrais revenir sur le
propos de M. Raffarin relatif à l'engagement de la SNCF en Grande-Bretagne à
hauteur de 10 milliards de francs, chiffre contesté par M. Gayssot.
Certes, compte tenu de la sécurité du réseau ferroviaire en Grande-Bretagne,
l'intervention de la SNCF est judicieuse : la SNCF pourrait jouer le rôle d'un
nécessaire SAMU !
Je souhaite toutefois qu'elle s'explique à ce sujet car, si le fait de
prolonger la ligne au-delà du tunnel sous la Manche paraît être un problème
franco-anglais, il s'agit en réalité d'un problème surtout français dans la
mesure où l'insécurité du rail britannique n'est pas un exemple à suivre !
Voilà pourquoi l'Etat doit conserver une responsabilité importante dans ce
domaine et pourquoi il est important d'obtenir de la SNCF plus de clarté sur
cette voie-là !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je partage tout à fait la demande qui vient d'être formulée d'entendre la SNCF
sur ce point parce que, comme le dit très justement M. Gerbaud, il est très
important d'expliquer que de tels investissements peuvent être positifs.
Pour ma part, comme le président du conseil régional du Limousin, M. Robert
Savy, je ne comprends pas ces suppressions d'arrêts juste avant les
négociations et la régionalisation du ferroviaire.
J'ai appris, par exemple, par la presse la suppression de la ligne
Nantes-Bordeaux, qui traverse toute la Charente-Maritime. J'ai l'impression que
la SNCF transfère par avance un certain nombre de prestations au réseau TER.
Cela nécessite tout de même des explications !
En attendant, ne faisons pas de procès d'intention...
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 235, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 52.
Article 52 bis A