SEANCE DU 5 OCTOBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis qu'il a été engagé, le processus de paix au Proche-Orient connaît alternativement des moments d'espoir et des moments de doute.
Voilà seulement deux semaines, on pouvait penser que des progrès importants avaient été réalisés, en particulier sur l'une des questions les plus difficiles, à savoir le statut futur de Jérusalem. Et soudain, l'espoir d'une solution proche s'est de nouveau évanoui avec le retour de la violence et son cortège dramatique de morts et de blessés.
Il est clair - vous l'avez d'ailleurs dit, monsieur le ministre - que cette nouvelle flambée de violence a fait suite à la visite en grande pompe à l'esplanade des Mosquées du leader du Likoud, Ariel Sharon, spécialiste des provocations meurtrières.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Claude Estier. Comme il était prévisible, les Palestiniens ont réagi avec colère, et l'on est retombé dans l'engrenage sanglant « manifestations-répression », étant entendu que l'on peut se demander si les moyens de répression employés du côté israélien ne sont pas disproportionnés. On doit en tout cas constater que la quasi-totalité des dizaines de morts et des centaines de blessés de ces derniers jours, y compris plusieurs enfants, sont palestiniens.
La France, nous le savons, a condamné ces violences et s'est employée activement à aider au retour au calme. Le fait que Paris ait été, hier, le lieu de rencontre de tous les protagonistes de ce drame confirme la confiance qu'ont les uns et les autres dans l'action de notre pays.
Mais il semble bien que toutes les difficultés n'ont pas pu être levées. L'accord qui paraissait acquis - plusieurs journaux en faisaient leurs titres ce matin - a été remis en cause dans la nuit et ne sera donc pas finalisé comme il était prévu aujourd'hui, en Egypte, même si, sur place, la situation paraît en ce moment plus calme.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé réellement hier autour de Mme Albright et à l'Elysée, s'il existe encore une chance de reprise rapide des négociations et quel peut être le rôle de la France pour que le processus de paix soit relancé et débouche enfin sur une solution assurant la coexistence entre l'Etat d'Israël et un Etat palestinien ? (Applaudissement sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Hamel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je ne reviendrai pas sur la provocation que nous avons dû dénoncer et que vous avez rappelée, et sur ses conséquences, à savoir près de quatre-vingts morts, dont soixante-quatorze Palestiniens, et près d'un millier de blessés, essentiellement palestiniens, et concentrerai plutôt ma réponse sur ce qui s'est passé hier.
Hier, à la demande du président Clinton, MM. Arafat et Barak avaient accepté de venir à Paris pour rencontrer séparément Mme Albright. Celle-ci a mis plusieurs heures avant de les convaincre de se parler à trois.
Que s'est-il passé après ? A partir du milieu de l'après-midi et jusque vers vingt-trois heures trente, ils ont parlé, ce qui est déjà une chose. Ils ont accepté de donner des indications, des instructions - appelons cela comme l'on veut - à leurs différentes troupes pour essayer de faire retomber la tension, et ce qui se produira aujourd'hui sur le terrain sera déterminant pour savoir si ces instructions sont tout de suite suivi d'effet.
Ensuite, ils ont essayé de se mettre d'accord sur d'autres points, notamment sur une éventuelle commission d'enquête demandée par les Palestiniens mais refusée, telle qu'elle était demandée, par M. Barak, et un accord n'a pu être obtenu à cet égard.
Ce qui s'est passé à Paris, hier, représente donc quelque chose : au plus fort de la crise, MM. Arafat et Barak se sont reparlé, et c'est un signe qu'ils se sentaient en confiance pour le faire à Paris. Ils ont ainsi un peu progressé. Mais le problème, et même la partie la plus urgente de ce dernier, n'est pas résolu. On ne peut pas considérer l'incendie comme complètement éteint puisque les questions de déploiement des forces de sécurité ou de retrait des armes lourdes, par exemple, ne sont pas encore traitées.
La discussion n'a pas pu continuer en Egypte aujourd'hui, car M. Barak a décidé de ne pas s'y rendre, M. Arafat n'ayant pas pris les engagements qu'il lui demandait. Bref, on est entre les deux.
Cela dit, je pense que, encore plus que nous, MM. Barak et Arafat sont conscients de l'enjeu ; ils savent bien qu'ils sont sur un volcan, et la discussion va donc se poursuivre d'une façon ou d'une autre. Pour ma part, je ne désespère pas que l'on puisse en revenir malgré tout, après cette terrible tragédie, à la discussion de fond dont on revoit la nécessité absolue. Par conséquent, s'il n'y a pas de perspective de paix, telle est la situation dans laquelle ils se trouvent. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SITUATION AU PROCHE-ORIENT