SEANCE DU 5 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, ma question s'adressait à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité, mais elle a eu la courtoisie, hier soir, de me faire savoir qu'elle
ne pourrait pas être présente aujourd'hui. C'est Mme Ségolène Royal, ministre
déléguée à la famille et à l'enfance, qui me répondra.
Voilà quelques jours, Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a
déclaré qu'elle ne voulait pas laisser de bombes à retardement dans les pieds
de ses successeurs.
Or, depuis plusieurs mois, le conseil d'administration de l'UNEDIC est en
panne. Depuis plusieurs mois, les partenaires sociaux ont travaillé sur une
nouvelle convention, aboutissant, dans sa dernière mouture, à un accord
représentant 80 % des partenaires dans un dispositif paritaire.
Et, depuis plusieurs mois, nous assistons à un refus systématique d'agrément
de cette convention, pour des raisons qui nous paraissent plus politiciennes
que sociales.
M. Jacques Mahéas.
Mais non !
M. Jean Delaneau.
Pourquoi refuser ce qui a été accepté dans des conditions identiques en 1992,
lors de l'instauration de l'allocation unique dégressive, combattue à l'époque
par les mêmes organisations syndicales : la CGT et Force ouvrière ?
Est-ce à cause de l'échec de la tentative de mainmise, pour ne pas parler de
hold-up, sur les fonds de l'UNEDIC pour le financement des 35 heures ?
M. René-Pierre Signé.
Oh non !
M. Jean Delaneau.
Est-ce parce que les quinze milliards de francs que prévoit la convention dans
sa dernière réécriture semblent insuffisants ?
Est-ce par obstination : rester dans la voie qui a conduit, sans concertation
véritable avec les partenaires sociaux, à imposer la généralisation de la
réduction obligatoire du temps de travail, cette voie que, récemment, M. Edmond
Maire qualifiait de « caricature d'étatisme » ?
MM. Gérard Larcher et Charles Revet.
Eh oui !
M. Jean Delaneau.
Est-ce parce que l'UNEDIC sort du rôle dans lequel le Gouvernement veut la
contenir, de filet de sécurité pour les chômeurs, et s'occupe de ce qui ne la
regarderait pas, leur réinsertion, alors que son sigle qu'opportunément M.
André Bergeron a tenu à rappeler récemment signifie : Union nationale
interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce ?
M. René-Pierre Signé.
Il s'en inquiète un peu tard !
M. Jean Delaneau.
Est-ce, enfin, parce que vous craignez les conséquences pour l'avenir de la
politique sociale d'un accord entre employeurs et salariés ?
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué à la famille et à l'enfance.
Monsieur le sénateur, Mme
Aubry est actuellement retenue par les discussions sur le dossier que vous
évoquez ! C'est déjà un démenti à l'absence de concertation que vous venez
d'invoquer !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sourires sur
celles des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Monsieur le sénateur, vous êtes suffisamment au fait de ces dossiers pour
savoir que, si le paritarisme est la règle depuis 1958, l'Etat a toujours été
partie prenante dans le dossier de l'indemnisation des chômeurs, d'abord en
veillant, par la procédure d'agrément, à ce que les conventions d'assurance
chômage garantissent les droits des chômeurs, de tous les chômeurs, et en
prenant en charge ceux qui ne sont pas précisément couverts par l'UNEDIC.
Par conséquent, la présence du Gouvernement aux côtés des partenaires sociaux
se justifie pleinement, d'autant plus que, pour la première fois dans
l'histoire de l'UNEDIC, les signataires de l'accord ont choisi d'intervenir
très largement et délibérément dans le champ strict de la responsabilité de
l'Etat. C'est la différence majeure avec la convention d'assurance chômage de
1992, dont les signataires étaient restés, comme par le passé, dans le champ de
l'indemnisation du chômage, avec des mesures concernant uniquement les montants
d'allocations, les conditions d'accès aux allocations et les montants des
cotisations. C'est d'ailleurs déjà le sens de la réponse que Mme Aubry avait
donnée, à l'époque, à la Cour des comptes, réponse qui a été plusieurs fois
évoquée et que je tenais à vous rappeler.
Certes, une intervention des partenaires sociaux qui appelle des modifications
réglementaires et législatives n'est pas en soi critiquable et peut,
d'ailleurs, être souhaitable et fructueuse dans un dialogue social. Mais chacun
doit alors comprendre que le Gouvernement vérifie que les droits des chômeurs,
dont il est garant, sont respectés.
Au surplus, monsieur le sénateur, nous sommes dans un Etat de droit avec une
hiérarchie des normes, comme M. le Premier ministre l'a encore rappelé
récemment ; des dispositions contractuelles n'engageant que leurs signataires
ne sauraient donc s'imposer au Parlement, qui vote la loi pour tous.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, dans son champ de compétences,
a exprimé ses réserves très en amont des négociations sur un certain nombre de
points qui, vous ne l'ignorez pas, restent en discussion ; il l'a fait
notamment s'agissant de la question de la contrainte qui pèserait sur les
chômeurs obligés d'accepter des emplois ne correspondant pas à leur
qualification. D'ailleurs, je m'interroge sur le caractère légal d'un
dispositif rétroactif qui restreindrait les droits des chômeurs pour des
cotisations déjà versées.
Bref, le Gouvernement exerce là l'ensemble de ses compétences. C'est cette
démarche qu'il poursuit encore aujourd'hui en reprenant les discussions. Les
Français veulent la clarté et la transparence sur ces dossiers, et les chômeurs
veulent que leurs préoccupations soient prises en compte. Voilà ce qui,
aujourd'hui, sous-tend l'action du Gouvernement.
(Applaudissements sur les
travées socialistes. - M. Renar applaudit également.)
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