SEANCE DU 4 OCTOBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 20, M. Huriet, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les ressources de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale sont constituées par une fraction fixée à 2 % du produit de la taxe générale sur les activités polluantes visée aux articles 266 sexies à 266 terdecies du code des douanes.
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus pour le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale visé à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est compensée par le relèvement à due concurrence du droit de consommation visé à l'article 575 du code général des impôts affecté à ce fonds. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cet amendement vise à affecter 2 % de la TGAP aux ressources de l'agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Actuellement, la taxe générale sur les activités polluantes est affectée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Il faut donc compenser la perte de recettes pour ce fonds par le relèvement des droits sur les tabacs, qui sont déjà, pour partie, affectés à ce fonds. Tel est l'objet du II de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La taxe générale sur les activités polluantes a été créée en 1999 pour être déconnectée du montant des ressources nécessaires à la protection de l'environnement. En d'autres termes, cette taxe, contrairement à celle que vous avez citée et dont bénéficiait l'ADEME autrefois, n'est pas affectée.
Le rôle de la TGAP est de décourager la pollution en en faisant apparaître le véritable coût, et non de financer les établissements publics sous tutelle du ministère. Au contraire de ce que vous avez dit tout à l'heure dans votre intervention liminaire, elle a d'abord été, lors de son année zéro voilà deux ans, constituée grâce à la transformation de taxes affectées à l'ADEME en ressources fiscales, ce qui n'a d'ailleurs pas empêché les crédits budgétaires affectés à l'ADEME de progresser fortement en 1999 et en 2000.
Il me paraît par ailleurs curieux et à vrai dire prématuré, si vous en reteniez le principe, de fixer à 2 % du produit de la TGAP - soit, cette année, 160 millions de francs - le montant des ressources dont l'agence aura besoin en 2001 et de fixer durablement les ressources d'une agence à un pourcentage de la TGAP dont on ne sait ce qu'elle produira dans quelques années. Il me semble de meilleure gestion de déterminer chaque année le budget de l'agence en fonction du travail qui lui est demandé et des besoins qui en résultent.
Je suis certaine que vous êtes aussi soucieux que moi de la bonne gestion des deniers publics et que vous vous rallierez donc à ce point de vue.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. François Autain. Je demande la parole contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je suis résolument contre cet amendement n° 20, qui n'a d'ailleurs pas pour objet, me semble-t-il, d'assurer le financement de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Comme l'a indiqué Mme la ministre tout à l'heure, celui-ci est prévu dans la loi de finances pour 2001. Par conséquent, il n'y a aucune raison d'y pourvoir.
L'objet réel de cet amendement est, en fait, de déséquilibrer le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et, ce faisant, de porter un coup à la loi sur les 35 heures, que la majorité sénatoriale n'arrive décidément pas à assimiler ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Guy Fischer. Voilà bien le véritable objectif !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Ce n'est pas sérieux !
M. François Autain. Je dénonce le contenu idéologique de cet amendement (Rires sur les mêmes travées) comme je dénonçais, tout à l'heure, le contenu idéologique des propos tenus par M. Seillière. Mais je ne pensais pas que vous le rejoindriez, monsieur le rapporteur, et j'en suis désolé.
Je n'ai rien à ajouter aux propos tenus par Mme Voynet et auxquels je souscris.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement n° 20, qui, s'il était adopté, modifierait le vote que je compte émettre sur cette proposition de loi, ce que je regretterais infiniment.
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous pratiquez la lutte des classes sans le savoir ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Il ne faut pas se fier aux apparences !
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Avant d'intervenir sur l'amendement, je voudrais indiquer combien je suis sensible aux réflexions de notre collègue M. Autain. Il fait partie d'un groupe qui soutient un gouvernement qui n'a pas peur d'équilibrer le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale avec des fonds issus de la branche famille ! Nous n'acceptons donc aucune leçon de morale cette année de ce point de vue, monsieur Autain ! Mais nous reviendrons sur le sujet dans quelques semaines...
M. François Autain. Ce n'était pas une leçon de morale !
M. Charles Descours. Permettez au rapporteur que je suis du projet de loi de financement de la sécurité sociale de vous dire que, derrière les associations familiales, nous saurons nous faire entendre sur ce point !
J'en viens à l'amendement n° 20 lui-même.
Je suis opposé à la TGAP. En effet, comme Mme Voynet l'a indiqué, on pouvait espérer que cette taxe serait destinée aux transports en commun. En fait, elle sert à alimenter le budget général de l'Etat. Certes, ce n'est pas une taxe affectée, comme l'a dit Mme la ministre ; mais il s'agit d'un impôt supplémentaire qui pénalise un certain nombre d'industriels et de petits artisans. De plus, elle va être augmentée dans le projet de loi de finances ou dans le collectif budgétaire de fin d'année.
Je ne veux donc pas donner le sentiment qu'en votant cet amendement je légitime une taxe à laquelle je suis opposé. Je m'abstiendrai donc. En revanche, je comprends la motivation de notre rapporteur, qui veut donner une structure financière convenable à la nouvelle agence.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Par courtoisie à l'adresse de Mme la ministre, nous étions convenus de ne pas rouvrir la discussion sur la TGAP. Mais M. Autain ayant pour le moins fait montre d'une certaine provocation par sa déclaration,...
M. François Autain. Ce n'est pas moi qui ai déposé l'amendement !
M. Pierre Hérisson. ... permettez moi de rappeler que nous soutenons l'amendement n° 20 de M. Huriet, sans pour autant légitimer et rouvrir la discussion sur le bien-fondé de la TGAP et sur une partie de son utilisation aujourd'hui.
Ce commentaire était pour le moins déplacé (M. François Autain s'exclame.) et faire un procès d'intention au rapporteur me paraît d'autant plus injustifié que ce n'était pas le sens du débat relatif à cet amendement tendant à utiliser la taxe générale sur les activités polluantes pour financer des activités qui, somme toute, ont pour objet la sécurité. Cette utilisation qui est proposée de la TGAP est d'une certaine façon plus logique que celle qui en est faite aujourd'hui !
Je tenais à faire ce commentaire et à bien rappeler qu'il n'y avait aucune intention de provocation dans cet amendement que je soutiendrai.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Par courtoisie pour M. Hérisson, je ne rouvrirai pas le débat sur la TGAP. En fait, il ne s'agit pas vraiment de courtoisie ; il s'agit de convictions politiques. Nous devrions pouvoir parler de tous les sujets qui nous intéressent !
Je dirai très courtoisement à M. Descours que la TGAP ne représente pas un impôt en plus. Nous avons eu le souci de travailler à pression fiscale constante. Parallèlement au regroupement de taxes existantes au sein de « l'outil TGAP », parallèlement à la mise en place d'assises nouvelles année par année, nous procédons à des baisses, notamment de charges sociales, qui n'ont pas dû vous échapper, même si elles ont échappé, semble-t-il, aux petits artisans dont vous craignez qu'ils puissent être frappés par le renchérissement de la TGAP cette année.
Je vous le rappelle, monsieur Descours, nous avons annoncé hier que seules seraient concernées les entreprises qui consomment plus de cent tonnes d'équivalents pétrole par année. Il y a donc très peu de petits artisans concernés !
J'ajoute que de très larges abattements, qui peuvent aller jusqu'à 95 % du montant de la taxe, sont prévus et que l'on pourra même aller au-delà pour les industriels qui s'engageront dans des accords volontaires de réduction de leurs émissions. Vous savez que ce dispositif a été longuement négocié avec les industriels eux-mêmes sur la base d'un livre blanc qui a été préparé conjointement par le ministère de l'industrie et le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La TGAP est donc, finalement, une autre façon d'inciter à la réduction des émissions polluantes. Elle ne constitue en aucun cas un impôt en plus ; j'y ai veillé. Vous vous souviendrez peut-être que l'année dernière, au moment où certains rêvaient d'alourdir la taxe sur la mise en décharge des déchets, nous avons souhaité ne pas le faire puisque nous ne pouvions pas, dans le même temps, baisser d'autres prélèvements.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Madame la ministre, je voudrais dire très courtoisement que j'ai été déçu, car le Sénat, dans la démarche que je lui propose en l'instant, était animé par la volonté de vous rendre service et d'apporter à la politique de l'environnement, dont vous êtes responsable, des moyens qui vraisemblablement, quoi qu'on fasse, risquent d'être constamment insuffisants. Le Sénat était prêt donc à vous aider dans votre action, mais, pour des raisons que je ne comprends pas très bien, vous refusez le soutien de la Haute Assemblée !
Au-delà de la boutade, madame la ministre, permettez-moi de citer, selon le Gouvernement, l'objet de l'écotaxe lors de sa création : « Il s'agit d'assurer une plus grande cohérence dans le financement de la politique de l'environnement. »
Nous sommes d'accord : à l'origine, elle se substituait aux cinq taxes parafiscales qui étaient affectées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Vous avez supporté sans broncher - apparemment tout au moins - une sorte de dépossession de moyens financiers qui, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, ont été détournés de leur objectif premier.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mais l'ADEME a des moyens qui augmentent !
M. Claude Huriet, rapporteur. Pourquoi, à ce moment-là, ne pas l'avoir fait bénéficier de l'écotaxe, qui était quand même ce qui correspondait à la philosophie de départ ? Je voudrais dire aussi très courtoisement à notre collègue M. Autain, que le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale s'élève actuellement à hauteur de 100 milliards de francs environ et que le prélèvement que je propose de créer par cet amendement serait de l'ordre de 100 millions de francs. Par conséquent, je refuse le procès d'intention qui vient de m'être fait pas notre collègue M. Autain selon lequel, à travers cet amendement, je souhaiterais mettre en péril l'équilibre financier - ô combien difficile aujourd'hui - de tout ce qui touche à la réduction du temps de travail. Donc ayez présente à l'esprit cette proportion qui montre que les intentions de la Haute Assemblée, sur ce point comme sur d'autres, sont tout à fait pures.
Mais, madame la ministre, à l'occasion de ce débat, je suis amené à m'interroger sur votre volonté d'avoir une agence performante répondant à l'urgence, à la nécessité et à l'ampleur des problèmes auxquels elle doit apporter une réponse.
Vous avez dit tout à l'heure en aparté, lorsque tel ou tel était intervenu à la tribune pour parler de la modestie des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001, soit 37 millions de francs, que l'on en était au début. Permettez-moi de vous donner les chiffres qui avaient été inscrits dans la loi de finances pour 1999 pour des agences créées en 1998, mais qui ne sont devenues opérationnelles qu'au mois de mars 1999 : il s'agissait de 405 millions de francs, dont 174 millions de francs de financement de l'Etat, pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de 198 millions de francs pour l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de 62 millions de francs pour l'Institut de veille sanitaire.
Nous considérons que ces 37 millions de francs sont tout à fait insuffisants, ne serait-ce que pour exprimer une volonté politique qui a été rappelée à plusieurs reprises autant par vous que par M. le premier ministre, et pour doter l'agence des moyens nécessaires à sa mise en route. Par conséquent, 37 millions de francs, ce n'est pas assez et, au fond, cet amendement - qu'il est, bien entendu, hors de question que je retire - avait pour objet, entre autres, de conforter cette agence dès sa naissance.
M. Pierre Hérisson. Bravo !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je n'ai pas l'intention de poursuivre un débat sur la TGAP dans son principe. Je dois cependant vous faire remarquer que l'ADEME n'a jamais eu autant de moyens qu'aujourd'hui et que la budgétisation de l'ADEME a été justifiée par le changement d'ère auquel nous avons opéré.
En effet, nous ne sommes plus à l'époque où l'on pouvait craindre que la collectivité nationale ne soit pas attentive aux questions de protection de l'environnement et de maîtrise de l'énergie, et il ne s'agit pas de regretter cette époque.
Nous en avons fini avec une époque où l'on cherchait avant tout à dégager les moyens nécessaires à la réparation des dégâts ou à mutualiser des moyens qui permettaient aux pollueurs de s'exonérer de toute responsabilité à l'égard de la collectivité.
Vous n'avez pas le droit, monsieur le rapporteur, de comparer les moyens que nous proposons pour une structure entièrement nouvelle - des emplois nouveaux, des moyens nouveaux - avec les moyens qui avaient été dégagés pour permettre simplement la perpétuation du fonctionnement des structures existantes, à partir desquelles ont été créées tant l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que l'Agence de sécurité sanitaire des aliments. Il est bien évident que les salaires des agents du CNEVA devaient continuer à être payés même si on mettait en place l'Agence de sécurité sanitaire des aliments. On ne peut donc pas vraiment comparer les choses.
Pour terminer, vous me permettrez une petite note un peu humoristique.
Pendant plusieurs années, nous avons constaté que les pertes de recettes qui étaient suggérées par les parlementaires étaient en général compensées par des relèvements de la TIPP. (Protestations sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Charles Descours. Jamais ici !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je note que l'on semble en avoir terminé avec cette époque. Aujourd'hui, on propose de relever le droit de consommation visé à l'article 575 du code général des impôts. Cela me plaît bien d'ailleurs, monsieur le sénateur, parce que, pas plus que vous, je n'abuse du tabac, et je trouve que c'est aussi un élément intéressant pour la santé !
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Le FOREC, madame la ministre, est alimenté pour une part par une taxe sur le tabac, que je sache ! Nous ne sommes donc pas incohérents - vous n'avez d'ailleurs pas parlé d'incohérence.
En tout cas, je crois pouvoir dire qu'en ce qui concerne les textes du ressort de la commission des affaires sociales, jamais nous n'avons envisagé de gager une dépense supplémentaire par une modification de la TIPP. Nous avons toujours gagé les nouvelles dépenses que nous proposions par des taxes sur l'alcool et le tabac.
Je pense qu'en tant que médecins nous pouvons terminer sur ce point par un accord plein et entier.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Article 3