SEANCE DU 4 OCTOBRE 2000


AGENCE FRANÇAISE DE SÉCURITÉ SANITAIRE
ENVIRONNEMENTALE

Discussion d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 318, 1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale. [Rapport n° 476 (1999-2000.]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'impact des atteintes portées à l'environnement sur leur santé préoccupe de plus en plus nos concitoyens. De nombreux sondages récents l'ont montré et, en tant que ministre chargée de l'environnement, je suis de plus en plus souvent interpellée par des citoyens qui ne s'émeuvent pas seulement d'être confrontés à telle ou telle pollution ou nuisance, mais qui veulent savoir quelles en sont les conséquences possibles pour leur santé.
Il y a donc, sur le lien « environnement-santé », une véritable attente de la population, à laquelle les pouvoirs publics se doivent de répondre.
Au demeurant, il faut le dire, nous partageons ces inquiétudes. Le rapport rédigé par Odette Grzegrzulka et André Aschieri rassemble des données qui montrent la progression spectaculaire de certaines pathologies et conduit à rechercher la responsabilité que la dégradation de l'environnement peut avoir dans cette progression.
C'est pourquoi je me suis réjouie de l'initiative d'André Aschieri et des députés Verts de faire inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une proposition de loi tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
C'est pourquoi aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a souhaité que cette proposition de loi vous soit soumise le plus rapidement possible. Je suis donc heureuse que nous puissions débattre aujourd'hui du texte qui a reçu l'approbation de l'Assemblée nationale et que le Gouvernement souhaite voir adopter rapidement.
Depuis 1997, le Gouvernement et le Parlement, dont le rôle dans ce domaine a été prépondérant, ont mené une action en profondeur pour améliorer l'organisation de la sécurité sanitaire dans notre pays. Dominique Gillot, qui peut légitimement être fière du travail accompli, reviendra sur ce point tout à l'heure.
S'agissant plus spécifiquement de la sécurité sanitaire environnementale, je voudrais d'abord rappeler que la gestion des risques sanitaires liés à l'environnement n'est pas une préoccupation nouvelle des ministres de l'environnement. C'est en effet une responsabilité majeure de mon ministère, depuis sa création, que de prévenir les pollutions et les risques, notamment ceux qui sont susceptibles de concerner la santé humaine.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est d'abord dans le domaine de l'environnement que l'approche de précaution s'est imposée. Inscrits dans la déclaration de Rio en 1992, les principes de prévention et de précaution figurent maintenant dans le traité de l'Union européenne. Cette approche, reprise à l'échelon national dans la loi Barnier en 1995, doit être déclinée dans toutes les politiques, au niveau tant des principes que des pratiques. Le Conseil européen de Nice, en novembre prochain, nous donnera d'ailleurs l'occasion de faire adopter une résolution en ce sens par les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze.
A l'échelon communautaire, depuis une vingtaine d'années, les ministres de l'environnement ont adopté des législations tendant à améliorer la qualité de l'air, à préserver les ressources en eau, à réduire la nocivité des déchets. Chacune de ces décisions a été guidée par des préoccupations sanitaires, même si elles n'étaient pas les seules. Je pense, par exemple, aux travaux qui ont été accomplis ces dernières années en ce qui concerne les normes maximales admissibles de plomb dans l'eau potable ; je pense encore à la limite du taux de benzène acceptable dans les carburants.
La semaine prochaine, je compte d'ailleurs faire adopter par mes collègues une position commune sur une directive concernant la pollution par l'ozone, qui conduira à réduire de manière importante les valeurs limites autorisées relatives à ce polluant, et donc à engager des actions vigoureuses pour en réduire la concentration.
Vous l'aurez compris, il n'est pas rare que, tour à tour, les mêmes interlocuteurs nous pressent de prendre des mesures pour réduire la diffusion de substances polluantes et nous reprochent les coûts engendrés par les stratégies qui visent à nous faire respecter nos engagements en matière et d'environnement et de santé.
A l'échelon national, l'ensemble de la législation environnementale, qui vient d'être rassemblée dans le nouveau code de l'environnement - loi sur l'eau, lois sur les déchets, loi sur les installations classées pour la protection de l'environnement notamment - est appliquée avec le souci de réduire les impacts des activités humaines sur l'environnement et sur la santé.
C'est le cas, par exemple, des actions vigoureuses que j'ai engagées avec mon ministère pour réduire les émissions de dioxine des incinérateurs.
Vous aurez, comme les membres du Gouvernement, noté avec intérêt, mais sans doute aussi avec inquiétude, la publication par un épidémiliologiste bisontin Jean-François Viel et son équipe, des résultats d'une étude qui met en évidence l'excès de cas de certains cancers au voisinage d'incinérateurs.
Les progrès sont réels, mais beaucoup reste à faire et l'effet des décisions prises est long à se faire sentir.
La mission d'Odette Grzegrzulka et André Aschieri a auditionné une centaine de personnes issues des administrations centrales et des services déconcentrés, des milieux scientifiques et associatifs, des entreprises. Leur rapport a insisté sur la nécessité de renforcer la cohérence du dispositif de sécurité sanitaire environnementale en matière d'évaluation des risques, afin de fournir au Gouvernement les informations qui lui sont nécessaires pour mener son action. Pour ce faire, il a préconisé la création d'une agence qui compléterait le dispositif instauré par la loi du 1er juillet 1998.
Les trois propositions de loi déposées par chaque groupe de la majorité plurielle permettent de concrétiser cette ambition. Une volonté commune anime le Parlement et le Gouvernement sur ce sujet, ainsi qu'en témoigne l'adoption en première lecture, le 25 avril dernier, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale, du texte aujourd'hui en discussion, ainsi qu'en témoigne aussi le sérieux de vos travaux, monsieur le rapporteur, que j'ai suivis avec intérêt.
Il s'agit maintenant de mettre en place très rapidement cette agence, sur la base de ces principes et en veillant à doter notre pays d'un dispositif opérationnel.
La création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, répond, en effet, au besoin de développer et de renforcer les capacités et la cohérence de l'expertise sur l'impact des facteurs de l'environnement sur la santé. Cette expertise est en effet à la fois insuffisante et dispersée dans un nombre important d'organismes. La nouvelle agence devra assurer une meilleure coordination entre les organismes existants tout en disposant d'une capacité scientifique d'expertise et de synthèse propre ainsi que de moyens administratifs et financiers pour construire un partenariat contractuel avec les établissements publics, les universités, les entreprises et les bureaux d'études concernés. Cette agence pourra se saisir ou être saisie de toute question portant sur l'impact sanitaire de l'environnement. Elle préparera des avis qui seront rendus publics en même temps qu'ils seront transmis au Gouvernement.
Vous l'avez indiqué dans votre rapport, deux options étaient envisageables : fédérer les organismes concernés au sein d'une même agence ou créer un organisme jouant le rôle de tête de réseau et doté de moyens humains et budgétaires significatifs ainsi que du statut lui permettant d'assurer la cohérence du travail d'évaluation des risques dans ce domaine.
Vous avez fait le choix, monsieur le rapporteur, de la première option, mais sans en tirer toutes les conséquences, puisque le regroupement auquel vous proposez de procéder ne concerne que quelques organismes parmi tant d'autres qui devraient être également concernés si nous suivions votre raisonnement. Je suis, bien sûr, sensible à votre argument concernant le poids relatif de l'AFSSE, en termes de budget et de personnels, par rapport aux agences déjà créées. Il me semble, cependant, qu'il ne s'agit pas seulement de compter les emplois. Il s'agit aussi de voir si l'éventuelle fusion d'organismes fait sens.
Il me semble - je l'ai dit à maintes reprises - que les questions que nous avons à traiter aujourd'hui sont nettement plus complexes que celles qui furent abordées hier. Qu'il s'agisse de produits de santé ou même d'alimentation, c'est en effet une filière qu'il convient là d'expertiser. Le problème change de dimension quand on s'intéresse à l'environnement.
On me permettra de citer ici quelques phrases tirées de l'avis du comité de la prévention et de la précaution, que j'ai sollicité à cet effet. « Pour créer les autres agences de sécurité sanitaire, il a été possible de s'appuyer sur des structures déjà existantes dont les missions étaient assez proches. Ici, le contexte est différent, car l'agence va être en charge des liens entre santé et environnement et ce domaine transversal n'est justement pas traité par une seule institution, mais réparti entre diverses institutions de manière cloisonnée par milieu, population ou méthode.
« On peut citer les organismes spécialisés et les centres de recherche publics suivants, qui ont une compétence indiscutable et qu'il serait extrêmement difficile, voire illogique, de regrouper : l'INRA, le CEMAGREF, le BRGM, l'OPRI, l'IPSN, l'INERIS, l'INRS, l'IFREMER, le CNRS, l'INSERM, les écoles vétérinaires, les facultés de médecine, les facultés de pharmacie.
« Ce qui manque, dans ce contexte éclaté et cloisonné, ce n'est pas une nouvelle institution lourde, mais une forte capacité d'intégration, de coordination et d'impulsion des recherches en amont, c'est-à-dire d'ingénierie de la connaissance scientifique utile à l'évaluation des risques pour la santé. »
J'arrête là ma citation, mesdames, messieurs les sénateurs, mais la démonstration est extrêmement argumentée.
C'est pourquoi le Gouvernement n'a pas changé de position. Il reste favorable à la deuxième option. Je suis en effet convaincue que le renforcement de nos capacités d'expertise sera à court terme plus efficacement assuré par une meilleure coordination entre les organismes existants, par le renforcement de ceux-ci, par la création d'une tête de réseau, que par leur regroupement au sein d'une agence unique qui constituerait un Meccano complexe perdant de vue les objectifs qui doivent nous guider.
A cela, je vois au moins trois raisons.
Premièrement, le réseau à constituer est vaste. Il ne se limite pas à quelques organismes. Les risques sanitaires liés à l'environnement du travail sont plutôt étudiés par l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, l'INRS, et ceux qui sont liés à l'habitat par le Centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB.
Des équipes appartenant à de nombreux organismes de recherche s'intéressent également à l'évaluation des risques sanitaires liés à l'environnement, qu'il s'agisse de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, pour le milieu marin, du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, pour les sols, ou de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, pour l'agriculture. Tous ces organismes ont une part importante de leur activité qui n'est pas liée directement à la problématique santé-environnement, et la qualité de notre expertise aurait sans doute à souffrir d'une séparation des équipes qui étudient dans le même organisme l'impact d'un même polluant sur l'être humain, sur la faune ou sur la flore. S'y ajoutent des contraintes fortes liées au découpage de ces organismes, s'agissant notamment du statut, de la tutelle, des règles administratives ou des rémunérations. Quel chantier !
Deuxièmement, regrouper certains de ces organismes risque de déséquilibrer l'agence, qui, sans faire mieux que les organismes qu'elle intégrerait sur leur coeur d'activité, pourrait retarder son investissement sur les autres sujets.
Troisièmement, le constat qui a été fait est un constat de carence. Les missions qui sont fixées à l'agence ne sont, pour l'essentiel, remplies par personne. Elles ne peuvent l'être au détriment des missions actuelles des organismes qui seraient intégrés, missions qui sont également nécessaires.
A ce titre, je considère comme faisant partie de ma mission de tout faire pour éviter que soit affaibli un organisme que je cherche à renforcer depuis trois ans. L'Institut national de l'environnement industriel des risques, l'INERIS, constitue maintenant un pôle d'expertise incontesté en matière d'évaluation des risques industriels et chimiques. Ses budgets ont été en progression constante depuis 1998.
Mais si les effectifs de l'INERIS se montent à 430 personnes et son budget à 265 millions de francs, le service qui est aujourd'hui chargé de l'expertise des risques sanitaires est composé de 25 personnes pour un budget de 22 millions de francs, soit moins de 10 % des effectifs et moins de 10 % des budgets.
L'essentiel de ses missions est ailleurs, et le Gouvernement ne peut pas s'en passer : l'expertise de l'INERIS m'est en effet indispensable lorsqu'il s'agit d'évaluer les risques liés à l'explosion d'un silo ou à celle d'un véhicule fonctionnant au GPL dans un parking, sujets qui ne sont pas de la compétence de la future agence.
Quant à l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, que vous proposez d'intégrer également à l'AFSSE, le Gouvernement a effectivement décidé de le fusionner à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN, dans le cadre d'un établissement public autonome chargé de la sûreté nucléaire et de la radio-protection.
Cette solution, suggérée par le rapport que M. Jean-Yves Le Déaut a remis au Premier ministre le 7 juillet 1998, nous l'avons retenue après un long travail interministériel au terme duquel il est apparu qu'une séparation institutionnelle entre sûreté nucléaire et radio-protection en matière d'expertise et d'évaluation n'avait pas de justification. On sait, par exemple, que, d'ores et déjà, des travaux sur le radon et la dosimétrie biologique ont été conduits par l'IPSN depuis plusieurs années.
Ce regroupement des compétences d'expertise et de recherche en matière de risque nucléaire constituera un progrès important dans sa crédibilité et sa capacité d'action. C'est pourquoi je défends cette orientation devant vous aujourd'hui, et c'est pourquoi je ne pourrai pas donner mon accord à l'amendement de votre commission sur ce sujet.
Je suis par ailleurs convaincue que l'intégration de l'expertise sur le nucléaire au sein de l'AFSSE, avec les moyens dont elle dispose déjà, déséquilibrerait complètement cette agence. Les problématiques sur lesquelles nous savons tous qu'il est urgent de travailler - produits chimiques, pollution de l'air, métaux lourds - passeraient au second plan au regard des enjeux économiques, industriels et stratégiques que représente le domaine nucléaire. Elles auraient peu de chance d'être étudiées de manière prioritaire dans un organisme qui ne serait, par construction, pas fait pour les traiter.
Vous ne pouvez pas accuser le Gouvernement, monsieur le rapporteur, de vouloir créer une coquille vide. J'ai obtenu que soit proposé au Parlement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001, de doter sur mon budget l'agence de 10 millions de francs en dépenses ordinaires et de 10 millions de francs en crédits incitatifs de recherche imputés sur le budget civil de recherche et de développement technologique qui m'est délégué.
Dominique Gillot, de son côté, devrait doter l'AFSSE de montants sensiblement équivalents.
Le budget total de l'agence pourrait ainsi être, dès 2001, de 37 millions de francs et 35 emplois nouveaux seraient créés.
Bien sûr, ces crédits devront croître à l'avenir pour permettre à l'agence de recruter des experts de haut niveau, à l'autorité reconnue, capables d'assurer un véritable travail d'évaluation et de synthèse sur les données disponibles et de définir des axes de recherche dans les domaines de compétence de l'agence.
Mais, fondamentalement, je pense que ce qui assurera l'autorité de l'AFSSE, c'est qu'elle sera le seul point d'entrée des commandes du Gouvernement sur toute question touchant aux liens entre l'environnement et la santé, et qu'elle seule sera habilitée à rendre des avis sur ces questions en réponse aux saisines du Gouvernement.
Comme le texte voté par l'Assemblée nationale nous y invite, la possibilité d'intégrer dans l'AFSSE des organismes existants devra être examinée d'ici à deux ou trois ans, une fois un premier bilan accompli. Nous verrons mieux à ce moment là si l'agence a su drainer vers les pouvoirs publics l'ensemble des informations produites de façon décentralisée par le réseau d'expertise qu'elle aura constitué ou si, au contraire, il est nécessaire de regrouper le dispositif au sein d'un organisme unique.
La solution qui émergera alors n'ira pas dans le renforcement de la notion d'agence d'objectif, entendue au sens d'une agence qui a pour mission d'atteindre des résultats, ce qui est plus ambitieux et plus motivant que de gérer des moyens. Or, c'est bien le résultat dont nous avons besoin.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter le texte adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de ma collègue Dominique Voynet, je souhaite rappeler l'action sans précédent qu'a menée le Gouvernement depuis 1997 pour l'organisation de la sécurité sanitaire dans notre pays, avec l'aide, notamment, des sénateurs.
Qu'il me soit permis de rendre ici hommage au travail remarquable qu'a conduit Claude Huriet au sujet de la sécurité sanitaire et à sa capacité d'entraîner nombre de ses collègues sur ce champ particulièrement sensible qui mobilise l'attention du Gouvernement.
Les leçons que nous avons su tirer des drames sanitaires que nous avons connus voilà quelques années nous ont amenés à redéfinir le rôle des pouvoirs publics en matière de risque et de sécurité sanitaires. En quelques années, on a pu observer un véritable bouleversement de l'organisation de l'administration de la santé. De nouvelles institutions ont été créées, de nouvelles réglementations ont été édictées ; nous avons mis en place ou renforcé des procédures de vigilance, d'évaluation ou de contrôles. Beaucoup a été fait, notamment en matière d'organisation.
La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, votée, ce qui est exemplaire, à l'unanimité par les deux assemblées, a permis la transformation du réseau national de santé public en Institut de veille sanitaire, chargé de suivre l'état de santé de la population, de détecter et de mesurer les conséquences de toute menace pour la santé publique quelle qu'en soit l'origine.
Cette loi a également permis l'intégration de tous les produits de santé dans les compétences de l'Agence du médicament, qui est devenue l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ainsi que la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments dont nous nous félicitons quasiment chaque jour de l'activité.
Ces agences créées pour assurer la protection de la santé publique représentent, sans conteste, l'innovation la plus significative de l'évolution qu'a connue le service public de la santé ces dernières décennies. Elles répondaient à l'émergence d'une demande nouvelle, celle d'assurer la sécurité face à l'ensemble des risques sanitaires, notamment ceux qui sont liés à l'activité du système de santé ou à la consommation alimentaire.
Quatre principes fondent l'action des autorités sanitaires : un principe d'évaluation des risques encourus et des bénéfices escomptés ; un principe d'indépendance des experts et une séparation totale des fonctions de police de celles qui accompagnent le développement des filières économiques concernées ; un principe de transparence pour permettre l'alerte précoce, le débat contradictoire, la confrontation des expertises, le partage de l'information et le débat public au moment de la décision ; enfin, une attitude de précaution pour n'accepter que les risques justifiés par les bénéfices attendus et faire prévaloir les impératifs de santé et de sécurité.
A cet égard, la priorité du secrétariat d'Etat à la santé a été de mettre en place un dispositif de réduction des risques. Cette démarche a contribué à l'émergence du principe de précaution pour guider l'action de la puissance publique.
Dans un contexte marqué par l'incertitude, il est nécessaire de protéger la santé de l'homme et de faire prévaloir les impératifs de santé et de sécurité sur la liberté des échanges. Tel est le sens du principe de précaution. Nous devons le rappeler souvent au risque de nous retrouver face à un vocable qui recouvre tout et, en même temps, peu de chose.
Le principe de précaution ne saurait être considéré comme un frein au progrès, mais doit, au contraire, être envisagé comme un principe d'action et non d'abstention, comme une incitation forte à la recherche. Soulever ce principe doit toujours être l'occasion d'un débat public, fondé sur une information objective et accessible, qui éclaire la réflexion de tous et précède la décision politique.
Je me réjouis de cette proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, qui vient compléter le dispositif de sécurité sanitaire, conformément à l'engagement du Premier ministre annoncé l'année dernière lors de la clôture des états généraux de la santé, et ainsi donner corps aux recommandations du rapport de Mme Grzegrzulka et de M. Aschieri, que Mme Dominique Voynet a cité à plusieurs reprises dans son intervention.
La nécessité d'une agence chargée d'évaluer les risques sanitaires environnementaux n'est sûrement pas contestable. Pollution urbaine, radon, pesticides, saturnisme, amiante, dioxines sont autant de risques qui illustrent l'importance d'une connaissance plus précise des risques réels et des conséquences sur la santé pour, le cas échéant, renforcer le dispositif de prévention, faire cesser la nuisance, l'altération, sinon la source pathogène.
L'attente de l'opinion publique est forte pour disposer d'une meilleure information concernant les atteintes de l'environnement sur l'homme. Elle attend qu'en tout domaine soit renforcée la sécurité sanitaire, conformément aux priorités retenues par le Gouvernement.
La population attend une politique sanitaire environnementale transparente, cohérente et globale, fil conducteur des différentes politiques sectorielles mises en oeuvre dans le champ des milieux naturels, des pollutions industrielles, mais aussi dans l'environnement professionnel ou celui de notre vie quotidienne.
A cet égard, est-il nécessaire de rappeler que la notion d'hygiène des milieux a été à l'origine même de la santé publique ?
Le champ que devra couvrir cette agence est donc vaste. L'identification de l'impact de l'environnement sur la santé impose une connaissance de tous les milieux, qu'ils soient naturels ou artificiels, prenant en compte, notamment, les substances chimiques, nouvelles ou anciennes, et les risques physiques.
En ce domaine, les risques sont multiples, les expertises font appel à des métiers et à de nombreux organismes très variés, que Dominique Voynet a cités tout à l'heure. Il convient donc d'assurer la coordination de la sécurité sanitaire environnementale et de garantir la cohérence et la transversalité des actions menées pour prévenir et limiter ces risques.
Cette nouvelle agence devra permettre l'organisation, le développement et la coordination de l'évaluation des risques sanitaires environnementaux.
L'expertise est nécessaire pour éclairer les pouvoirs publics et leur permettre de prendre les décisions pertinentes. Or, actuellement, cette expertise apparaît dispersée, insuffisante et cloisonnée ; cela a été expliqué précédemment.
L'exemple du radon, caractérisé par des expertises contradictoires issues de divers organismes, illustre la nécessité de synthèse en la matière. Ce n'est que lorsque des recommandations consensuelles ont été formulées, en l'occurrence par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France - CSHPF - que les pouvoirs publics ont été en mesure de définir et de mettre en oeuvre une politique nationale de surveillance.
A ce jour, plus de 4 000 établissements recevant du public ont pu être contrôlés par les services déconcentrés de l'Etat, dans le cadre de directives édictées par les ministres en charge de la santé et du logement.
La création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale doit donc être l'occasion d'une rationalisation du système d'expertise et d'une simplification pouvant conduire à une modification des rôles et des compétences des organismes intervenant dans ce dispositif pour en accroître l'efficacité et assurer la complémentarité de tous les intervenants.
Bien sûr, le rôle du Conseil supérieur d'hygiène publique de France sera amené à évoluer. La question de sa suppression apparaît toutefois prématurée et ne peut en tout état de cause s'envisager de manière isolée.
Nous attendons de cette future agence le développement de l'expertise dans le champ de la santé environnementale, une analyse des risques renforcée et une transparence vis-à-vis de l'opinion.
Il va de soi que l'évaluation doit être indépendante, que cette indépendance soit garantie par le statut des organismes ou par la rigueur des processus de validation scientifique. D'ores et déjà, une dotation de près de 40 millions de francs, dont la moitié sur le budget du ministère de la santé, est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2001 en vue de sa mise en place.
Au-delà de la structure et de son organisation, sur lesquelles Mme Voynet vient de rappeler la position du Gouvernement, il me paraît utile de souligner l'importance et les difficultés que nous rencontrons au quotidien pour modifier les mentalités et les réflexes.
Il s'agit aujourd'hui tout autant de forger une culture sécuritaire commune, entre médecins et ingénieurs épidémiologistes, environnementalistes et hygiénistes que de renforcer les synergies entre ministères.
Outre cette future agence, et la collaboration avec l'Institut de veille sanitaire, le Comité national de sécurité sanitaire est le lieu à même de renforcer ce rapprochement.
Il faut également souligner l'importance du travail collectif sur le terrain, car c'est bien en situation d'alerte ou de gestion que se forge le savoir-faire commun.
Je voudrais, pour terminer, vous faire partager ma réflexion et mes convictions en ce qui concerne le futur et, d'abord, sur l'impossible disparition de tout risque sanitaire.
En effet, quel que soit le dispositif mis en place, il faut continuer de viser à réduire ces risques, mais on ne pourra jamais tous les éviter. L'une des questions fondamentales, pour l'avenir, sera notre capacité à appréhender les risques et à apporter la réponse appropriée - c'est-à-dire à proportionner les moyens dont dispose la collectivité à leur gravité - en mettant en place le cadre démocratique nécessaire de débat sur ces sujets.
Dans ce débat citoyen, en charge de la santé, je réaffirmerai la préoccupation qui, à mon sens, doit prévaloir, quels que soient les produits concernés et les modes d'exposition, à savoir la santé de l'homme et de la femme. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, que la proposition de loi soumise à notre examen vise à créer, se situe dans le droit-fil de la réflexion lancée par notre commission qui a conduit à l'adoption de la loi du 1er juillet 1998 sur le renforcement de la veille sanitaire et le contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Lors de l'élaboration de la proposition de loi sénatoriale, une priorité avait été accordée à la refonte des structures administratives sanitaires et des règles de droit, dans les domaines les plus aisés à définir et aux conséquences les plus immédiates pour la santé, à savoir ceux des produits de santé et des aliments destinés à l'homme.
En 1998, l'Assemblée nationale avait introduit dans la loi, sur l'initiative de MM. André Aschieri et Jean-François Mattei, un article 13 prévoyant que le Gouvernement remettrait un rapport « sur l'opportunité et la faisabilité de la création d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement ».
Le 18 mai 1998, le Premier ministre a confié à M. Aschieri et Mme Grzegrzulka une mission d'analyse et de réflexion relative à « la prévention, l'évaluation et la gestion des risques sanitaires liés à des perturbations de l'environnement », notamment à la création d'une « agence de sécurité environnementale ».
Il est intéressant de ce point de vue de constater que le Premier ministre n'avait pas repris exactement les termes du législateur et avait introduit la notion de « sécurité environnementale », qui est plus large que celle de « sécurité sanitaire environnementale ».
Ce rapport a été rendu public le 16 novembre 1998. Les députés recommandaient au Premier ministre des mesures d'amélioration de la coordination au sein de la sphère gouvernementale par la mise en place d'un plan national pluriannuel « santé environnement », la formalisation accrue de la coopération interministérielle et la création d'un Haut Comité scientifique en santé environnementale pour mieux coordonner le travail des comités scientifiques existants.
Sur le plan institutionnel, les députés recommandaient le renforcement de la veille environnementale et la création d'une agence de sécurité sanitaire environnementale.
La présente proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 25 avril dernier, vise à créer cette nouvelle agence, complétant ainsi le dispositif mis en place sur l'initiative du Sénat qui comprend aujourd'hui trois organismes coordonnés par un Comité national de la sécurité sanitaire.
D'abord, l'Institut de veille sanitaire, l'IVS, est chargé de détecter tout événement susceptible d'affecter la santé de la population, d'alerter les pouvoirs publics et de formuler des recommandations.
Ensuite, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, est chargée de l'évaluation des bénéfices et des risques liés à l'utilisation de l'ensemble des produits de santé ou à finalité sanitaire ainsi que des produits cosmétiques.
Enfin, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, est chargée d'évaluer les risques sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les aliments destinés à l'homme ou aux animaux.
La nouvelle agence, qui aurait pour mission de « contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement », compléterait le dispositif destiné à fournir des éléments d'évaluation aux responsables politiques pour éclairer leurs décisions et elle serait en relation avec l'IVS, dont la mission d'alerte serait mieux affirmée dans le domaine de l'environnement et elle serait placée sous l'autorité du Comité national de sécurité sanitaire présidé par le ministre de la santé.
A la lecture du texte transmis par l'Assemblée nationale, la commission a constaté que le concept d'environnement et son contenu n'étaient pas clairement définis. La notion d'environnement est très large et il ressort des nombreuses auditions que j'ai effectuées que, afin de mieux cerner le rôle de la future agence, il faut préciser la notion de milieu et celle de risque. Concernant les milieux, il convient de distinguer entre milieu naturel et milieu modifié par l'homme. L'environnement naturel englobe l'air, l'eau et les sols, qui peuvent faire l'objet de pollutions diverses. A un certain degré, la concentration de substances toxiques peut avoir une incidence sur la chaîne aliementaire, d'où des problèmes de frontière avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; ils devront être tranchés par le Comité national de sécurité sanitaire. Mais il faut également tenir compte des milieux créés par l'homme, qu'il s'agisse de l'environnement domestique ou professionnel.
S'agissant des facteurs de risques sanitaires qui peuvent affecter l'homme, trois catégories doivent être dinstinguées selon la nature du risque.
Les risques biologiques, dus aux virus, aux microbes, aux bactéries, sont les plus anciennement connus. Ils ont donné naissance à la notion d'« hygiène publique ».
Les risques chimiques sont parfois aigus, telles les grandes pollutions dues au mercure ou à la dioxine, parfois insidieux, telle la pollution due aux nitrates ou à l'amiante.
Les risques physiques enfin peuvent recouvrir des risques accidentels, comme les explosions de silos ou les accidents telluriques, mais aussi les conséquences des rayonnements, qu'il s'agisse des rayonnements ionisants ou des rayonnements non ionisants, notamment des ondes électromagnétiques à haute ou basse fréquence.
Pour porter une appréciation sur une telle agence, il faut analyser trois critères : la nécessité de sa création, l'ampleur et les difficultés des missions qui lui seront assignées et l'efficacité des moyens prévus.
La nécessité d'une agence de sécurité sanitaire environnementale est incontestable aux yeux de la commission.
L'attente de l'opinion est à la mesure des inquiétudes que suscite la dégradation de divers indicateurs concernant l'environnement. Qui plus est, les atteintes à l'environnement font généralement l'objet d'une forte médiatisation qui conduit l'opinion à mettre en cause les « pouvoirs publics ».
Dans les sociétés modernes, les progrès techniques et le développement économique peuvent provoquer un accroissement de l'exposition des individus à des risques environnementaux chroniques ou accidentels, du fait des nuisances et des pollutions diverses, mais aussi de l'apparition de plus en plus rapide de substances ou de techniques nouvelles dont les effets peuvent n'apparaître que tardivement sur la santé.
L'opinion ressent parfois confusément l'existence d'un risque sur lequel elle ne détient que peu d'information.
Les résultats du baromètre du Comité français d'éducation pour la santé rendus publics - heureuse coïncidence ! - le 3 octobre dernier sont particulièrement instructifs et nous devons en tenir compte tout au long de notre débat.
Parmi les risques qui inquiètent le plus les Français, apparaissent la pollution de l'air - 63,5 % - les aliments transformés ou pollués - 60,2 % - la pollution de l'eau - 56 % - et le risque nucléaire - 54,8 %. Les thèmes liés à l'environnement figurent donc parmi les craintes les plus répandues. Mais il est tout aussi révélateur que plus de la moitié des Français - 53,2 % - se considèrent mal informés sur la pollution de l'air et les deux tiers sur la pollution de l'eau.
L'une des missions importantes de la nouvelle agence sera d'informer nos concitoyens.
S'agissant des nouvelles substances introduites par l'homme dans son environnement, aucune information claire n'est disponible sur les seuils de doses dangereuses, sur l'impact des temps d'exposition et sur les synergies qui peuvent exister entre les différentes substances. Nos concitoyens éprouvent donc un sentiment général de défiance à l'égard des autorités, qui semblent incapables de hiérarchiser les priorités en matière de protection contre les risques sanitaires environnementaux. Toute crise risque dès lors de pousser à prendre des mesures disproportionnées et peu cohérentes au regard du risque réel. Le traitement de la perception du risque par des mesures spectaculaires risque de l'emporter sur le traitement rationnel de ce même risque.
Ce sentiment de défiance, comme dans le domaine alimentaire, est largement nourri par le foisonnement, le cloisonnement et la dispersion des organismes chargés aujourd'hui de procéder à l'analyse, à l'évaluation et à l'expertise des risques sanitaires environnementaux.
Votre rapporteur a déjà constaté, en 1997, lors de la mission d'information présidée par M. Charles Descours, combien il était difficile de dresser la liste des organismes compétents en matière de sécurité alimentaire. Il en est de même aujourd'hui pour ce qui concerne les risques liés à l'environnement.
De fait en matière d'évaluation des risques, le dispositif actuel se caractérise par une multiplicité d'organismes, vous l'avez souligné l'une et l'autre, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat. Quelques organismes qui sont dotés de la personnalité morale sont plus particulièrement concernés.
L'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, dont nous n'avons pas fini de parler, est un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il est chargé de réaliser ou de faire réaliser des études et des recherches permettant de prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens, ainsi que sur l'environnement. Il faudra m'expliquer pourquoi il serait incongru de rattacher l'INERIS à l'agence.
Il faut citer également, malgré son statut particulier, l'Institut national de recherche et de sécurité. Il s'agit d'une association « loi de 1901 » financée par une contribution de la branche « accidents du travail », c'est-à-dire par les cotisations des employeurs, dont la gestion est paritaire et qui a pour objet de contribuer à l'amélioration de la sécurité et de l'hygiène au travail.
Parmi les établissements publics, l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, placé sous l'autorité des ministres de la santé et du travail, exerce les missions d'expertise, de surveillance et de contrôle propres à assurer la protection de la population contre les rayonnements ionisants. Là encore, il faudra me convaincre que l'OPRI n'a pas sa place dans une agence de sécurité sanitaire environnementale !
Mais, à eux seuls, ces grands organismes n'épuisent pas la liste des structures compétentes. Dans son rapport sur la sécurité nucléaire, M. Jean-Yves Le Déaut dénombre près de dix-neuf services ou organismes rattachés à six ministères différents dans le seul domaine des radiations ionisantes. Le moment n'est-il pas venu de mettre un peu d'ordre et de cohérence dans cette multitude d'organismes ? Il y a en effet de quoi y perdre son latin !
Hors rayonnements ionisants, il existe plusieurs organismes d'expertise et d'aide à la décision se présentant sous forme de comités ou de conseils au sein de différents ministères, auxquels il faut ajouter les divers organismes qui jouent un rôle en matière de veille environnementale, c'est-à-dire de détection des perturbations de l'environnement. Je cite, dans mon rapport écrit, une dizaine d'organismes ou de services, et cette liste n'est pas exhaustive !
Ainsi le constat dressé dans le rapport remis au Premier ministre par M. Aschieri et Mme Grzegrzulka - il est confirmé par un récent rapport du Haut comité de la santé publique - n'apparaît-il que trop pertinent, ce qui n'est pas pour nous surprendre ! Les auteurs de ce rapport regrettent la dispersion des dispositifs de veille, la multiplicité des structures de conseil concurrentes, l'absence de vision globale des enjeux, les cloisonnements persistants.
Le constat établi par votre commission a fait apparaître que le dispositif français souffre de deux défauts majeurs.
Premier défaut, il est peu lisible : en cas de crise, l'opinion, les médias, et parfois même les pouvoirs publics, sont déroutés. Dans une organisation dispersée, aucun organisme ne dispose à lui seul d'une crédibilité suffisante.
Second défaut, son rapport coût-efficacité est faible : la diversité des organismes concernés, leur taille souvent insuffisante, le recoupement nécessaire de leurs analyses entraînent à l'évidence une perte de temps, une déperdition d'énergie et de moyens.
Le contraste est frappant avec les Pays-Bas, qui disposent d'un instrument puissant à travers l'Institut national de la santé publique et de l'environnement, le RIVM, que je suis allé visiter il y a quelques semaines, rassemblant sur un site unique de multiples compétences et des laboratoires nombreux qui permettent à cet organisme d'exercer des attributions importantes en matière de santé environnementale.
Si la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale est nécessaire, il faut souligner l'ampleur et la difficulté de sa mission.
En effet, comme on l'a vu, le champ de l'environnement est extrêmement vaste et les voies que peuvent emprunter les facteurs de risque sanitaire sont multiples. Ce sont souvent plusieurs facteurs qui augmentent la probabilité que survienne un état pathologique.
Si, dans les années soixante et soixante-dix des procédures de surveillance et de contrôle ont été mises en place pour diminuer les risques liés à de fortes doses de contaminants, tout reste à faire pour étudier et prévenir, les conséquences des expositions chroniques et multiples à des quantités de polluant faible. La toxicité à long terme liée à des doses minimes est difficile à évaluer, d'autant que le temps de latence est variable.
Comme l'indique le rapport Aschieri-Grzelgrzulka, l'écueil à éviter est de considérer qu'un phénomène invisible, parce que l'on ne s'est pas donné les moyens de l'observer, n'existe pas.
La question de la sécurité alimentaire était déjà plus complexe que celle des produits de santé dont la fabrication était bien définie et déjà bien encadrée : il a fallu assurer le contrôle sanitaire de l'ensemble de la filière alimentaire « de la fourche à la fourchette ». En matière de sécurité sanitaire environnementale, le champ d'observation se dilate encore : pour analyser et prévenir les risques, des moyens considérables seront nécessaires.
Sous sa forme actuelle, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale est-elle à la mesure de l'enjeu ? A vrai dire, votre commission tout comme votre rapporteur doivent faire part d'une certaine déception.
Tout d'abord, la définition de la mission de l'agence est imprécise. La proposition de loi indique seulement que « l'agence a pour mission de contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement » et d'évaluer les risques sanitaires qui sont liés à l'environnement. La mission de la nouvelle agence est donc assez floue.
Autre point surprenant : le risque radioactif n'est pas explicitement intégré dans le champ des compétences de l'agence alors que le Gouvernement annonce un décret portant sur la refonte du dispositif de sûreté et radioprotection nucléaire français.
Enfin, la nouvelle agence telle qu'elle est conçue actuellement, ressemble fort à une « coquille vide ».
Madame la ministre, il ne suffit pas d'inscrire 37 millions de francs au budget et de créer trente-cinq emplois pour remplir une coquille ! L'agence n'est pas une « agence de moyens » ; c'est une simple « agence d'objectifs » chargée ex nihilo de mobiliser la capacité d'expertise des organismes existants et d'en assurer une meilleure coordination. Encore sait-on par expérience qu'il ne suffit pas de coordonner les expertises - dont les conclusions sont parfois opposées - pour avoir fait avancer la question que l'on veut résoudre !
En l'état, l'agence ressemble plus à un « institut » ou à un « observatoire » - ou encore au haut comité scientifique en santé environnementale, dont la création avait été suggérée dans le rapport de M. Aschieri et de Mme Grzegrzulka - qu'à une agence au sens de la loi du 1er juillet 1998.
Il existe d'ailleurs au Québec un organisme dont les attributions sont proches de l'AFSSE actuelle, qui a pour rôle de coordonner les positions et les programmes au sein de l'administration et de faciliter la concertation avec le réseau de santé publique en matière de santé environnementale. Cet organisme, qui ressemble à l'agence telle qu'elle ressort des travaux de l'Assemblée nationale, est dénommé Comité de santé environnementale. Vous voyez qu'à travers la querelle de mots il y a quelque chose de fondamental qui nous oppose, mais je ne doute pas que le débat nous permettra de rapprocher nos points de vue.
Une « tête de réseau » n'est pas une agence au sens d'un véritable instrument d'aide à la décision pour le responsable politique. Les deux agences créées en 1998 ont vocation à présenter les enjeux scientifiques et techniques d'une question, afin de permettre au responsable politique de prendre en toute connaissance de cause les décisions. Elles doivent répondre à trois impératifs : compétence, transparence et indépendance.
Plutôt que d'ajouter un nouvel organisme d'expertise dans un secteur qui en compte déjà beaucoup, nous nous accordons sur ce point, il est préférable de rechercher les moyens d'engager, dès maintenant, une réorganisation du dispositif actuel. Sinon, à quoi bon légiférer ?
Votre commission ne peut accepter de laisser le dispositif issu de l'Assemblée nationale en l'état, sauf à qualifier le nouvel organisme « d'office » ou « d'observatoire » de la sécurité sanitaire environnementale. Cette démarche n'aurait alors de sens que si cet organisme était conçu comme une première étape avant la création d'une véritable agence. L'article 3 du texte qui prévoit, dans un délai de deux ans, un rapport sur la rationalisation du système national d'expertise en matière de sécurité sanitaire environnementale s'inscrirait alors dans une telle démarche.
Cette solution a semblé à votre commission peu compatible avec les attentes de l'opinion, d'autant que la loi du 1er juillet 1998 avait déjà prévu la remise d'un rapport sur cette question et qu'au fond, en trois ans, nous n'aurions guère progressé.
Pour faire de l'agence un outil performant et la doter d'une capacité d'expertise lui donnant efficacité et crédibilité, l'alternative est la suivante : soit doter l'agence d'un haut niveau de moyens humains et budgétaires, importants et pérennes, permettant de recruter des chercheurs de haut niveau, à l'autorité reconnue, capables d'assurer un travail d'expertise, d'évaluation et de synthèse sur les données disponibles et de définir des axes de recherche dans les domaines où la France prend quelque retard ; soit, autre démarche que votre commission a privilégiée, créer l'agence en la dotant d'un « noyau dur » à partir d'organismes existants qui, du fait de leur autorité reconnue et de leur expérience, lui donnent une existence « réelle » et non « virtuelle ».
Une démarche comparable a contribué à la création de l'AFSSA par le transfert du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, et lui a donné l'assise de départ nécessaire, ce dont chacun désormais se félicite.
Votre commission vous proposera d'adopter, outre plusieurs amendements rédactionnels, trois modifications de fond à la proposition de loi.
Les amendements rédactionnels sont nécessaires pour effectuer les coordinations requises par l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du code de la santé publique par ordonnance du 15 juin 2000.
Votre rapporteur souligne que, ce faisant, il n'entend pas demander à votre Haute Assemblée de ratifier implicitement l'ensemble du code de la santé publique. Celui-ci, composé de 2 300 articles, devra faire l'objet d'un examen attentif à l'occasion de l'adoption du projet de loi de ratification déposé devant le Sénat le 13 juillet dernier.
Sur le fond, il vous sera proposé tout d'abord de préciser dans la loi que la mission d'évaluation porte sur les risques physiques, chimiques ou biologiques liés à l'environnement naturel, domestique et professionnel, qui résultent notamment de la pollution de l'air, des eaux et des sols ainsi que des rayonnements ionisants ou non ionisants.
Il est proposé ensuite de constituer la nouvelle agence par absorption de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, dont les compétences sont proches de celles de la nouvelle agence. Votre commission a posé le principe que les garanties statutaires des personnels des deux organismes devraient en tout état de cause être maintenues.
En dotant l'agence d'un noyau dur, votre commission n'entend pas créer une agence « attrape-tout » qui aurait vocation à absorber, peu à peu ou rapidement, l'ensemble des organismes compétents à un titre ou à un autre pour l'expertise des liens entre la santé et l'environnement.
Dans notre esprit, l'agence pourra procéder par elle-même à des études ou à des expertises, mais elle pourra le faire également en prenant appui sur les services et sur les établissements publics compétents avec lesquels elle pourra nouer - c'est d'ailleurs le voeu de l'Assemblée nationale - des relations contractuelles de partenariat durable. Nous avons conservé cette disposition, tout en étant conscients que les relations contractuelles de partenariat durable seraient d'autant plus solides que l'agence serait plus forte.
Il reste la question essentielle des moyens financiers dont l'agence devra être dotée pour remplir ses missions : les 37 millions de francs prévus comme base de départ en budget annuel sont tout à fait insuffisants si l'on veut une agence réellement efficace et « rapidement opérationnelle », conformément à votre souhait.
Le budget de l'INERIS s'élevait à 260 millions de francs en 1999. C'est la raison pour laquelle votre commission a souhaité présenter, ce matin, un amendement visant à garantir que 2 % de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, seront affectés au financement de la nouvelle agence, s'inscrivant ainsi dans la logique même de cette taxe, qui avait pour objet, à l'origine, d'appliquer le principe « pollueur-payeur » et qui était d'ailleurs destinée, mes chers collègues, au financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME. Pourquoi ce qui était bon pour l'ADEME ne le serait-il pas pour l'AFSSE ?
Mes chers collègues, c'est en modifiant ainsi le texte qui nous est soumis que le Sénat pourra faire oeuvre utile, en donnant à cette agence les moyens d'exister et de jouer le rôle qui doit être le sien pour répondre aux attentes souvent inquiètes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Autain. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. François Autain. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vient de le rappeler notre collègue M. Claude Huriet, le texte qu'il nous revient d'examiner aujourd'hui répond au rendez-vous que nous nous étions fixé avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement lors de la discussion de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Ce rendez-vous avait été fixé unanimement puisque, dans un contexte politique chaque jour plus difficile, la sécurité sanitaire demeure, heureusement pour nos concitoyens, un sujet de réflexion consensuel. Ce rendez-vous était nécessaire puisqu'il convenait en effet de compléter notre dispositif de sécurité sanitaire mis en place, pour l'essentiel, en 1998 sur l'initiative de la Haute Assemblée.
Ce dispositif - ai-je besoin de le rappeler ? - comprend l'Institut de veille sanitaire, dont notre rapporteur a rappelé la mission d'évaluation des risques et d'alerte, les deux agences chargées de contrôler la qualité et la sécurité des produits destinés à l'homme, auxquels ils convient d'ajouter, me semble-t-il, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Cette agence - dont, il est vrai, on parle moins - a été créée en 1996 et est chargée de mieux garantir la qualité et la sécurité des actes thérapeutiques. Elle a, me semble-t-il, un rôle à jouer qui doit être signalé dans cet ensemble.
Afin de coordonner l'action développée par ces trois piliers et d'impliquer pleinement la responsabilité politique dans la définition d'une stratégie globale, a été enfin institué un Comité national de la sécurité sanitaire. Vous vous en souvenez, monsieur le rapporteur, s'agissant du contrôle des produits, nous souhaitions tous, à l'époque, plutôt une agence unique - je regrette de ne pouvoir vous citer, madame la secrétaire d'Etat, mais vous n'étiez pas encore là, hélas ! et Mme la ministre de l'environnement, à cette époque, n'était pas directement concernée par ce débat alors qu'elle le devient avec la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, ce dont nous devons tous nous féliciter. Nous souhaitions tous, disais-je, une agence unique, à l'instar du modèle américain, en accord avec le nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, qui, au lendemain de sa nomination, dans sa déclaration de politique générale s'était prononcé en faveur d'une telle agence.
C'est finalement le système bipolaire qui l'a emporté - avant d'en arriver, sans doute bientôt, au système tripolaire ! - au terme d'un arbitrage difficile entre les thèses défendues par le ministère de la santé et les thèses défendues par le ministère de l'agriculture.
De la même manière, nous avions envisagé un élargissement des missions de l'Institut de veille sanitaire à l'ensemble des questions relatives à la sécurité environnementale, à l'instar des Centers for Disease Control, les CDC américains, qui ont une mission globale d'évaluation et d'alerte s'agissant des risques qui pèsent sur l'homme dans ses rapports avec son environnement.
Voilà pourquoi, selon moi, il eût sans doute été préférable de compléter les compétences de l'Institut de veille sanitaire plutôt que de créer une nouvelle agence.
Pourquoi, me direz-vous ? Je ne reviendrai pas longuement sur les arguments déjà développés voilà deux ans. En quelques mots, je dirai seulement qu'évaluer et alerter doivent reposer sur une méthodologie commune qui, depuis l'expertise jusqu'à l'accomplissement de la mission de contrôle et la communication avec le public - j'insiste beaucoup sur ce point - donne à l'action de l'Etat, en matière de sécurité sanitaire, une unité sans laquelle elle n'est pas comprise par nos concitoyens.
Tel est le fondement du système de sécurité sanitaire américain, dont nous nous sommes inspirés et qui a permis, outre-Atlantique mieux qu'en Europe, de traverser les récentes crises sanitaires. Je tenais à le dire cette année comme il y a deux ans.
Toutefois, le réalisme m'impose, cette année comme il y a deux ans, de retenir la proposition qui nous est faite de la création d'une nouvelle agence. Mais je vous mets en garde de ne pas aggraver, ce faisant, l'éparpillement des moyens qui, malheureusement, est la règle dans notre système de veille et de sécurité environnementale.
Or notre rapporteur a suffisamment montré, pour que je n'y revienne pas, dans le domaine de la sécurité environnementale peut-être plus encore que dans celui des produits de santé et des aliments que nous examinions il y a deux ans, l'extraordinaire dispersion d'institutions parfois redondantes. Lorsque nous savons, par ailleurs, qu'elles effectuent leurs missions dans l'ignorance les unes des autres, on peut effectivement s'inquiéter sur la qualité et l'efficacité du travail qui est ainsi effectué.
Notre constat commun me conduit, comme lui, à donner une mission autre que celle de simple expertise à la nouvelle agence, en y intégrant les moyens de l'INERIS, dont les compétences - je regrette, madame la ministre de l'environnement, d'aller un peu à l'encontre des objectifs que vous vous êtes fixés - épousent une grande part du champ que nous entendons couvrir aujourd'hui.
Je conviens que, compte tenu de son statut, mais aussi de l'intérêt qu'il y aurait plutôt à le rattacher à l'Institut de veille sanitaire, l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles doit rester à l'écart de notre discussion, même si un rapprochement est hautement souhaitable dans le champ des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Il n'en reste pas moins vrai que cet organisme doit se rénover pour ne plus donner prise aux critiques qui lui sont faites en ce qui concerne notamment son manque d'indépendance et de transparence ; mais j'y reviendrai tout à l'heure.
Reste, évidemment, l'autre sujet central des propositions de notre rapporteur, je veux parler de la sécurité sanitaire dans le domaine nucléaire.
A l'évidence, deux logiques s'opposent.
La première, celle de notre rapporteur, postule que l'unité des moyens est un facteur essentiel de l'efficacité en matière de sécurité sanitaire et le conduit à proposer le rattachement de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants à l'agence que nous créons aujourd'hui. Mais il ne va pas jusqu'au bout de sa logique, puisqu'il laisse de côté l'Institut de protection et de sûreté nucléaire. Et pourtant, j'estime quant à moi, et je ne suis pas le seul, que la sûreté nucléaire fait partie intégrante de la sécurité nucléaire au même titre que la protection des personnes.
Mais on voit bien, ne serait-ce qu'en raison de sa dimension - plus d'un millier d'experts et de chercheurs, un budget de 450 millions de francs - qu'un tel organisme ne peut être intégré à l'agence sans déséquilibrer l'ensemble, l'éventuelle fusion entre l'INERIS et l'OPRI que nous propose le rapporteur ne concernant que quelque six cents personnes et un budget de 345 millions de francs sans compter les amputations de personnel et de budget auxquelles on sera conduit en constituant cette agence. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles M. le rapporteur n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique.
Le nucléaire a été conçu à l'origine comme un domaine spécifique - il le demeure d'ailleurs - sans que le législateur ait été beaucoup sollicité, ce que nous pouvons tous regretter. Certes, on nous a fait miroiter le dépôt d'un projet de loi sur la transparence nucléaire, mais nous ne voyons toujours rien venir. Il nous est tout de même permis d'espérer puisque M. le Premier ministre en a parlé lors des journées parlementaires socialistes à Lyon.
Pour toutes ces raisons, il serait, me semble-t-il, dangereux et irréaliste de ramener cet institut de sûreté nucléaire dans le droit commun sans période de transition.
L'autre logique, défendue dans un rapport datant de juillet 1998 signé par notre collègue M. Jean-Yves Le Déaut et, du moins avais-je cru le comprendre, soutenu par le Gouvernement, consiste au contraire à créer un instrument unique de radioprotection et de sûretê nucléaire qui résulterait de la fusion de l'OPRI et de l'IPSN et qui intégrerait les questions de sécurité sanitaire rassemblant ainsi dans un même organisme la totalité de ce champ de compétences très spécifiques. On créerait ainsi en quelque sorte une quatrième agence consacrée à la sûreté nucléaire. On n'en est pas à une agence près ! Il en existe trois, pourquoi pas quatre dès lors que le champ de compétences de chacune de ces agences est bien limité, ce qui est, je crois, le cas aujourd'hui.
Cette option, je dois le reconnaître, n'est pas mauvaise en soi. Elle opère le rapprochement entre deux cultures, celle des médecins et celle des ingénieurs. Elle associe l'expertise et la recherche avec l'IPSN à la surveillance de l'environnement et la protection des travailleurs et de la population avec l'OPRI.
Cependant, ne doit-on pas craindre que, dans un tel schéma, la dimension sanitaire de la sécurité nucléaire ne soit reléguée au second plan...
M. Charles Descours. Très bien ! Bien sûr !
M. François Autain. ... au profit de la sûreté nucléaire ?
M. Charles Descours. Industrielle !
M. François Autain. Que peuvent peser en effet les quelque deux cents agents de l'OPRI face aux effectifs cinq fois supérieurs de l'IPSN ?
A cet égard, il n'est pas inutile de signaler que, si la France est le pays qui fabrique le plus d'électricité d'origine nucléaire, elle est aussi celui qui consacre les moyens les plus réduits à la radioprotection. Il y a là un vrai problème auquel me semble-t-il, madame le ministre de l'environnement, vous ne manquerez pas d'être sensible, problème que, selon moi, l'excellent rapport de notre collègue M. Le Déaut n'a pas suffisamment pris en considération.
On voit donc que chaque logique a ses avantages et ses inconvénients.
J'ajouterai enfin - je vous fais part d'une réflexion personnelle - qu'on peut trouver pour le moins étrange qu'une agence de sécurité environnementale soit déchargée d'une mission qui entre directement dans ses compétences, à savoir les rayonnements ionisants. S'il existe en effet un domaine qui concerne l'environnement, c'est bien celui des rayonnements - comme vous l'avez d'ailleurs mentionné dans votre amendement, monsieur le rapporteur.
Dans quel schéma se trouvera mieux prise en compte la sécurité sanitaire ? Faut-il conserver des systèmes de sécurité différents pour le nucléaire et les autres pollutions ? Il est difficile de répondre à cette question qui nous est aujourd'hui posée.
La proposition du rapporteur est une première réponse. Elle n'est sans doute pas unique et définitive. La navette entre nos deux assemblées doit, à mon sens, nous permettre d'affiner cette réponse.
Tourner le dos aujourd'hui à la proposition de notre rapporteur signifierait que nous renonçons à engager ce débat.
Telle est la raison pour laquelle, madame la ministre, je souhaite laisser toute sa chance au débat et ne pas écarter, à cette étape de la discussion parlementaire, la proposition de M. le rapporteur.
Il ne faudrait pas, toutefois, que la décision que prendra de toute façon, avec ou sans moi, la Haute Assemblée laisse penser au Gouvernement que, décidément, la tâche devient trop difficile pour poursuivre l'oeuvre aujourd'hui engagée. La loi de 1998 a montré que les deux assemblées et le Gouvernement savaient surmonter leurs désaccords et trouver un compromis, tant chacun mesure l'importance qu'attachent nos compatriotes à la sécurité sanitaire - cela a déjà été dit mais il est bon de le répéter - et la place que celle-ci occupe dans une perception plus citoyenne de l'action de l'Etat.
Ayant pris ainsi position sur l'essentiel, vous me permettrez de revenir sur trois aspects particuliers.
Je voudrais vous dire d'abord, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'importance que j'attache à ce que ces agences nouvelles ne s'ajoutent pas mais se substituent autant que faire se peut aux trop nombreuses instances qui exercent aujourd'hui des compétences en matière de sécurité environnementale.
Pour marquer cette volonté, je vous proposerai tout à l'heure, par voie d'amendement - c'est un amendement « révolutionnaire » ! - de supprimer le conseil supérieur de l'hygiène publique de France.
Il fallait oser, n'est-ce pas ? (Sourires.)
M. Guy Fischer. On ne vous le fait pas dire !
M. François Autain. Quand on relit les attributions qui lui sont confiées depuis près d'un siècle, on ne peut qu'être frappé par leur coïncidence avec celles qui sont aujourd'hui dévolues, avec les moyens considérables qui sont désormais les leurs, aux agences de sécurité sanitaire.
Vous observerez, madame la ministre, que je n'ai pas touché au comité de précaution et de prévoyance ! (Mme le ministre et Mme le secrétaire d'Etat sourient.)
M. Charles Descours. Révolutionnaire mais pas anarchiste !
M. François Autain. Réaliste !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce comité n'a pas été créé par une loi.
M. François Autain. Oui ! Vous voulez dire que je ne pouvais pas y toucher ; vous avez raison.
En fait, il s'agit de marquer une volonté de consolidation et de simplification du dispositif actuel.
Il faudra bien d'autres initiatives, dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui comme dans celui qui nous occupait il y a deux ans, pour atteindre cet objectif.
Comment ne pas redire aujourd'hui, par exemple, combien les compétences qui sont encore dévolues à la DGCCRF compromettent l'action de nos agences de sécurité des produits ?
Aux agences d'agir et à l'Etat de coordonner !
Je voudrais également reprendre à mon compte ici deux propositions faites par Philippe Kourilsky et Geneviève Viney dans leur rapport au Premier ministre sur le principe de précaution.
Parce que nous avons fait le choix de la dispersion des agences et que les experts ne se sont pas multipliés à proportion, ce rapport propose la création d'un organisme supplémentaire destiné à coordonner le choix et la définition des missions confiées à l'expertise.
Je soutiens pleinement cette proposition et je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement à son sujet et, plus généralement, savoir quelles suites il entend donner aux recommandations contenues dans ce rapport. Le principe de précaution est en effet au coeur de nos préoccupations, car il a un lien direct avec le sujet que nous traitons aujourd'hui.
J'en soutiens une autre fondée sur le constat des difficultés de communication de l'Etat en matière scientifique.
Certes, il nous faut surveiller, expertiser, protéger, mais nous avons besoin d'une autorité compétente et reconnue pour informer, expliquer et orienter.
Pour illustrer mon propos, je ne prendrai qu'un exemple, parce que le plus récent : il s'agit du naufrage de l' Erika, auquel je suis particulièrement sensible étant un élu de Loire-Atlantique ; comme vous le savez, c'est un département qui a été très touché par la marée noire, qui l'est encore, d'ailleurs.
L'affaire de l' Erika s'est caractérisée par une absence d'information sur le risque faible. Lorsque ce risque a été connu du grand public, les élus locaux avaient décidé de renvoyer tous les bénévoles chez eux.
M. Claude Huriet, rapporteur. Eh oui !
M. François Autain. Or ces derniers auraient sans doute accepté de courir un risque faible s'ils en avaient eu une parfaite connaissance et s'ils avaient reçu en temps utile des informations sur les moyens de s'en prémunir.
L'expérience du naufrage de l' Erika montre que la réflexion sur la santé environnementale à laquelle nous nous livrons aujourd'hui n'est pas suffisante. Elle doit s'accompagner d'une réflexion sur la communication en direction de nos concitoyens.
Aujourd'hui, dans notre pays, nous manquons de journalistes scientifiques, et les moyens qui leur sont accordés sont très limités. L'Etat lui-même, je viens de le montrer, ne sait pas bien communiquer sur les risques qui pèsent sur la sécurité sanitaire, au prix d'une incompréhension dramatique de l'opinion publique.
Le rapport Kourilsky suggère, à juste titre, la création d'une agence de presse scientifique, que celle-ci naisse de l'initiative privée ou de l'initiative publique. J'aimerais là encore, madame la ministre, connaître votre point de vue sur ce problème.
J'achèverai mon propos sur une note plus polémique, mais aussi un peu plus souriante, même si certains sourires risquent d'être quelque peu crispés.
La définition du risque sanitaire environnemental m'a toujours paru nécessaire, et je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, quand vous proposez un amendement dans ce sens. Cette définition m'apparaît encore plus nécessaire aujourd'hui, depuis que j'ai pris connaissance avec effarement des déclarations de M. Seillière parues dans le dernier numéro de la revue Risques. C'est une revue qui est très difficile à trouver, mais on est vite récompensé des efforts que l'on a dû faire pour l'obtenir.
Voilà ce que dit M. Seillière en réponse à une interview de M. Ewald, qui est aussi une personnalité très compétente en matière de risques... surtout lorsqu'il s'agit d'assurances !
« Autour du risque, on trouve une sorte de succédané de la lutte des classes. Je veux dire que les batailles sur le risque, la sécurité alimentaire ou sanitaire, la sécurité des produits, sont aussi la manière moderne de lutter contre les entreprises innovantes, une manière d'en contester la légitimité. Quand on ne peut plus combattre l'entreprise au nom du profit et de l'exploitation, on utilise le risque, la protection de la santé et l'environnement, ce n'est pas nécessairement moins efficace. »
J'ignorais, monsieur le rapporteur, qu'en militant depuis des années, avec le talent et la persévérance que l'on vous connaît, en faveur de la sécurité sanitaire, vous étiez devenu un adepte ou, mieux encore, un acteur de la lutte des classes. (Sourires.) C'est en tout cas la conclusion que je tire des propos de M. Seillière, même s'il ne s'agit, comme celui-ci l'a indiqué, que d'un succédané de lutte des classes. Vous semblez apparemment vous en contenter, et je crois que c'est bien comme cela !
Pour ma part, je voulais soumettre à votre réflexion ma proposition, celle de créer une nouvelle agence pour prémunir les salariés du secteur privé contre les risques que leur font courir le MEDEF et son président, que nous pourrions à notre tour comparer respectivement à un succédané de patronat de combat et à un succédané de patron de droit divin ! ( Sourires. )
Plus sérieusement, ces propos de M. Seillière nous aident à comprendre peut-être un peu mieux le comportement de certaines entreprises en matière de protection sanitaire de leurs salariés. A cet égard, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de septembre 1999 sur le fonctionnement de l'INRS nous apprend comment la direction de Pechiney a obtenu de cette institution que les conclusions d'une expertise qui établissait le lien de causalité existant entre la manipulation de l'aluminium sur une longue période et l'apparition de la maladie d'Alzheimer soient purement et simplement supprimées.
Sans doute a-t-on là un début d'explication des difficultés que rencontre la refondation sociale, notamment dans le domaine de la médecine du travail.
Il n'empêche qu'est ainsi formulée de façon très claire la nouvelle idéologie du patronat,... des entrepreneurs, veux-je dire. Je pense qu'il était important que les salariés soient informés des nouvelles conséquences que l'application de cette idéologie dans les entreprises pouvait avoir sur leur santé.
Cela tendrait à prouver que la refondation sociale ne passe pas par la négation des préoccupations de nos concitoyens. Certes, M. Bernard Kouchner avait raison de rappeler constamment à l'opinion publique que le « risque zéro » n'existe pas. Mais il ajoutait toujours, n'en déplaise à M. Seillière, qu'il appartenait à l'Etat, ainsi qu'aux entreprises citoyennes, de convaincre que tout était fait pour limiter au mieux le risque.
Tel est bien le sens de la démarche que nous engageons ensemble aujourd'hui. Nous devons rester sur le terrain consensuel que, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, nous avons jusqu'à présent choisi de suivre.
Tel est le voeu que je forme avant que ne s'engage la discussion des articles, dont l'objet doit être non de constater les désaccords mais, au contraire, de rechercher ensemble des solutions communes. Sachons, pour cela, madame la ministre, donner un peu de temps au temps et laisser la navette faire son oeuvre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord dire à notre ami M. Autain que le problème du risque est effectivement important. Il a même donné naissance à une nouvelle science : la cindynique, qui a déjà fait l'objet de colloques, notamment à Sophia Antipolis, et qui a de fort nombreuses applications.
Ainsi les sociétés d'assurance estiment-elles à 500 milliards de francs le coût, pour elles, des conséquences de l'effet de serre. L'effet de serre n'est pas une théorie ; il a des conséquences mesurables, non seulement, hélas ! en nombre de morts - certains estiment que la multiplication des cyclones tropicaux a provoqué plusieurs millions de morts - mais aussi en termes financiers.
Une proposition de loi préparée depuis trois ans par André Aschieri et soutenue par Jean-François Mattei, votée par l'Assemblée nationale à l'unanimité, puis étudiée en grand détail au Sénat par Claude Huriet, avec l'approbation de la commission des affaires sociales, c'est évidemment un texte sur le fond duquel nous sommes globalement tous d'accord.
Certes, et j'ai bien écouté le discours de Mme la ministre, des divergences existent en ce qui concerne les missions qu'il convient de confier à l'agence qu'il est proposé de créer et ce que deviendront les structures préexistantes ; selon M. Huriet, celles-ci devraient constituer le « noyau dur » de la nouvelle agence.
En tout cas, il est essentiel que cette nouvelle agence soit dotée de moyens. A cet égard, la proposition d'amendement de la commission concernant la TGAP me paraît important, ne serait-ce que parce qu'il correspond bien à l'esprit de la taxe en question, et aussi à ce que veulent nos compatriotes, à savoir renforcer la sécurité pour eux-mêmes et pour l'environnement. Nous le savons tous ici, il s'agit là d'une demande forte.
Je tiens donc à vous remercier, madame la ministre, des 37 millions de francs que vous avez pu mettre en place dès cette année afin que cette agence existe. Cela étant, vu l'ampleur des domaines en cause, les fonds alloués à l'agence devraient connaître une forte progression.
De même que pour d'autres établissements, tels que l'agence pour les économies d'énergie, l'affectation d'une taxe ou d'une part du produit d'une taxe correspond à une certaine logique.
Je n'ignore pas que beaucoup de ces taxes se trouvent prises dans une sorte de trou noir : elles servent en fait à améliorer la présentation du budget de l'Etat. Mais il y a aussi le cas, par exemple, de l'Institut français du pétrole, auquel est affectée une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il n'y a donc pas là une véritable innovation.
La précision que veut apporter notre rapporteur à propos des rayonnements ionisants et non ionisants est importante. S'agissant des rayonnements ionisants, autant l'intégration de l'OPRI dans l'agence ne me paraît pas anormale, autant la fusion entre l'OPRI et l'IPSN ne me semble pas une bonne chose.
Le cadre contractuel que l'IPSN développe, par exemple avec le CHU Saint-Antoine ou au sein du groupe radiologie du Nord-Cotentin, présente incontestablement des potentialités. Précisément, ces potentialités, la future agence, en tant qu'agence de moyens et de financement, pourra les concrétiser.
J'ai néanmoins été très frappé par l'observation de Mme la ministre concernant les préoccupations que ne manqueraient pas d'avoir les responsables de la nouvelle agence si, dès le départ, ils étaient confrontés au problème de l'intégration de plusieurs organismes au sein de ladite agence, s'agissant notamment de l'aménagement des statuts des personnels, même si l'on maintient les avantages acquis. J'ai moi-même, dans un passé un peu lointain, eu des responsabilités de ce type au sein de l'administation française et je sais que cela dévore vraiment beaucoup d'énergie.
La formule à laquelle songeait Mme la ministre m'a fait penser au CNRS première manière, qui n'avait pas de personnel propre. Il finançait les universités, les établissements de recherche, etc. Et cela ne marchait pas si mal ! Je dirai même que beaucoup d'universitaires, d'une certaine façon, regrettent cette formule.
Je crains là aussi - et je m'en excuse auprès du rapporteur - qu'une trop grande dépendance vis-à-vis du personnel dont on a la charge directe n'affecte le rôle de coordination de multiples structures que l'on ne pourra pas toutes rassembler, sauf à créer un énorme « machin ». D'où mon incertitude sur ce point. Mais nous serons certainement amenés à en débattre plus à fond.
Il n'est pas évident que, dès le départ, il faille intégrer différents organismes. Inéluctablement, on devra intégrer des équipes, des parties d'équipes, tout en renforçant les moyens de ceux à qui l'on empruntera des experts.
En tout cas, ce problème mérite d'être étudié plus en détail.
Je consacrerai la deuxième partie de mon intervention aux ondes électromagnétiques et à l'utilisation, de plus en plus large, des fréquences hertziennes.
En tant que membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, j'ai été saisi d'une demande concernant, d'une part, les conséquences, notamment économiques, de l'évolution scientifique et technologique dans le secteur des télécommunications et, d'autre part, les effets des téléphones portables sur la santé. De fait, de plus en plus de personnes s'interrogent sur ces effets.
La première étude réalisée sur le sujet résultait d'une initiative de l'Académie des sciences, prise lors du colloque « Communication mobile. - Effets biologiques », organisé en avril 2000 sous l'égide de son conseil pour les applications, le CADAS.
La future académie des sciences de l'ingénieur a dégagé un certain nombre de conclusions qui sont les suivantes.
A moyen terme, avec les normes GSM et UMTS, le risque sanitaire lié à la téléphonie mobile peut être considéré comme faible : d'une part, l'évolution technologique des terminaux tend à diminuer l'exposition cérébrale ; d'autre part, dans la gamme de fréquences de deux gigahertz actuellement utilisée, aucune étude dosimétrique - sur l'animal - ou épidémiologique sérieuse n'a mis en évidence d'effets biologiques significatifs.
Cependant l'Académie des sciences fait remarquer que le nombre de personnes exposées, qu'il s'agisse des enfants, des personnes âgées ou des malades, augmente.
Par conséquent, sur le plan sanitaire, on ne sait pas très bien où l'on en est.
Cela étant, les réglementations européennes fixent un facteur de sécurité de 5 au-delà des limites d'exposition prévues pour les travailleurs ou dans les zones contrôlées.
A plus long terme, les réseaux mobiles s'intégreront dans une constellation de différents réseaux, dont certains pourraient être implantés sur les personnes elles-mêmes. Cela signifie qu'il y aurait une augmentation massive du nombre des émetteurs classiques et de petits émetteurs peu puissants, mais dont certains seraient au contact direct du corps humain.
Cela signifie surtout que la gamme des fréquences utilisées risque d'augmenter considérablement. Si l'on va jusqu'à prendre en considération les ondes millimétriques, qui correspondent à quelques dizaines de gigahertz, cette situation risque d'accroître l'exposition du corps tout entier à une multitude de champs électromagnétiques, surtout si l'on place sur certaines parties du corps des émetteurs susceptibles de se coupler avec des éléments contenus dans la peau. Or on ne sait pas quels dommages pourraient en résulter.
Si j'en parle ici c'est parce qu'il existe une agence nationale des fréquences, qui pour le moment, se borne à donner des accords d'utilisation de cette denrée extrêmement rare.
Il y a aussi des fréquences dont on sait qu'elles n'ont pratiquement pas de nocivité - je pense en particulier à toutes les fréquences de radio ou de télévision - dont une partie du spectre va être totalement rendue disponible, notamment grâce à la numérisation, laquelle permettra de multiplier par dix ce qui correspond à une bande de fréquence donnée.
La France aura-t-elle besoin de soixante programmes d'émissions de télévision à but éducatif ? Ces fréquences ne pourraient-elles pas être utilisées, en particulier, pour remplacer des mobiles de troisième ou de quatrième génération qui, eux, seraient beaucoup plus nocifs s'ils étaient dans des hautes fréquences ? Ce problème est posé.
Il est certain, en tout cas, que c'est l'une des tâches que, me semble-t-il, l'agence que nous allons créer devra prendre en charge, en utilisant les experts là où ils se trouvent, car c'est véritablement un domaine qui est totalement à défricher.
Pour moi, la priorité est, je le répète, de donner tous les moyens nécessaires à cette nouvelle agence et de se demander comment ces moyens y seront intégrés. Il faudrait savoir si la loi laissera la possibilité d'y intégrer une partie de tel ou tel organisme. Je pense notamment à l'INERIS ou à l'OPRI, ou encore à l'Institut de protection et de sécurité nucléaire, l'IPSN, voire à d'autres organismes.
Par ailleurs, le système de conventionnement doit être renforcé.
En outre, l'agence doit être compétente pour un domaine dont le développement est si rapide qu'il n'avait pas été prévu voilà deux ou trois ans : celui des mobiles et de la téléphonie, source d'agressions par électromagnétisme dont l'importance est proportionnelle à la puissance des micro-ondes en contact avec la matière vivante - et qui n'a rien à voir avec les fours à micro-ondes ! On peut donc s'interroger, notamment, sur la répartition des fréquences.
Cet exemple peut paraître hors sujet, mais il montre bien, je crois, combien ce point est essentiel. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR).
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir écouté notre collègue M. Autain, je me suis demandé si je devais prendre la parole, car la critique du texte tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale à laquelle je vais me livrer sera beaucoup moins sévère que la sienne. Cependant, j'approuve pour l'essentiel les propos de M. Autain, surtout ceux qu'il a tenus avant de tomber dans la revue de presse ! (Sourires.)
M. François Autain. Ah !
M. Charles Descours. Je formulerai trois observations.
La première porte sur la pertinence de l'agence que nous envisageons de créer.
D'abord - question que je me posais déjà auparavant -, une agence de sécurité sanitaire environnementale est-elle vraiment nécessaire dans le dispositif actuel ? En effet, le champ couvert par la notion de risques liés à l'environnement est tellement vaste que les responsables de l'agence risquent rapidement de disperser leurs efforts. J'avais déjà attiré l'attention de M. Aschieri sur ce point lorsqu'il nous avait invités, il y a quelques années, à écouter un membre de l'agence de l'environnement américaine dans une salle de l'Assemblée nationale.
Ensuite, lorsqu'il s'est agi, en 1998, de réformer le système de sécurité sanitaire, M. Huriet et moi-même avons évidemment jugé important de légiférer en premier lieu sur des produits ou des substances faciles à définir ou à repérer.
Pour les produits de santé, le champ d'observation est constitué par des substances, des procédés ou des molécules bien identifiés, dans un cadre de production facile à déterminer. Pour les produits alimentaires, la tâche était assurément plus difficile techniquement - administrativement aussi, d'ailleurs - puisque certains sont entièrement fabriqués par l'homme, d'autres d'origine naturelle. Mais on connaît bien les circuits de commercialisation de l'ensemble des aliments destinés à l'homme.
Enfin, je voudrais insister sur un point qui nous a toujours soutenus pendant la longue marche pour la création de ces deux agences - elle a connu deux gouvernements ! - il s'agit de la lutte contre le cloisonnement des organismes, contre le travail en « tuyaux d'orgue » qui existait - et existe encore aujourd'hui - dans les agences ou dans les instituts travaillant dans le secteur de l'environnement, quelle que soit la qualité des acteurs.
Le nombre d'agences, instituts et organismes que vous avez cités tout à l'heure, madame la ministre, montre bien que la tâche sera encore plus difficile dans le domaine de l'environnement que dans le domaine des produits alimentaires ou des produits de santé.
En effet, lorsqu'on parle de pollution de l'eau, de l'air, des sols et des sous-sols, le champ d'étude et d'analyse devient infiniment plus large. Pour étudier l'impact de l'environnement sur la santé, il est nécessaire de tenir compte d'une intrication de facteurs sans pouvoir toujours établir de relation claire de cause à effet entre une nuisance causée à l'environnement et un problème de santé.
Je prendrai l'exemple de la pollution atmosphérique. Le nombre des décès connaît assurément des augmentations liées aux pics de pollution. Mais force est de constater que les personnes touchées étaient déjà fortement fragilisées sur le plan respiratoire, et ce pour des raisons purement médicales et extérieures à l'environnement : c'est un raccourci journalistique qui fait dire que tant de morts sont dus chaque année à la pollution. C'est faux, c'est médicalement faux ! On constate certes que des personnes fragilisées meurent parce qu'elles sont exposées à des circonstances défavorables du point de vue de la qualité de l'air, mais le processus est plus compliqué qu'il n'y paraît !
D'une certaine façon, on peut se demander si, en matière d'environnement, la priorité ne devrait pas être accordée à l'observation des données épidémiologiques susceptibles d'être mises en rapport avec l'environnement. Mais ce travail d'alerte, lorsque des maladies surviennent dans le voisinage d'une installation industrielle ou lorsque l'utilisation d'une nouvelle technique entraîne des pathologies inattendues, doit revenir - M. le rapporteur et M. Autain l'ont dit - à l'Institut de veille sanitaire, qui pourrait être doté d'une section particulière consacrée au recueil des données en relation avec l'environnement.
La nouvelle agence sera utile lorsqu'il s'agira d'établir des normes. Mais pourra-t-elle vraiment procéder - surtout compte tenu des conditions dans lesquelles ce texte nous est transmis par l'Assemblée nationale - à l'évaluation de tous les risques environnementaux ? Je ne le crois pas. Sur quels critères restreindra-t-elle éventuellement son champ de travail et laissera-t-elle de côté tel ou tel domaine ? Ne risque-t-on pas de passer à côté des vrais problèmes ?
Présenter des études épidémiologiques sérieuses démontrant des certitudes en matière de risques sanitaires liés à l'environnement est donc un véritable défi.
Deuxième observation : je partage le point de vue de M. le rapporteur lorsqu'il met en évidence que le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale est une véritable « coquille vide ».
Il s'agit d'une « coquille vide », d'abord, parce que les attributions de l'agence restent floues. On s'en remet en quelque sorte à la capacité des futurs responsables de l'agence à se faire entendre, responsables d'organismes qui étaient présents avant eux et qui auront donc, si ce n'est pas une certaine antériorité la primauté des moyens. Etant donné le nombre des organismes déjà présents sur le marché de la santé environnementale, comme l'ont souligné tous les orateurs, on peut imaginer que la nouvelle agence aura bien du mal à se faire entendre et, a fortiori, à faire parler tous les acteurs du système d'une même voix. C'est la raison pour laquelle il faut aller plus loin que ne le fait le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale. Toutefois, on risque évidemment de créer une agence sans pouvoir et sans moyens.
Il s'agit d'une « coquille vide », ensuite, parce que l'on ne voit pas sur quelles fondations pourra se construire la nouvelle agence. L'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé s'est appuyée sur l'Agence du médicament. En matière alimentaire, il est clair que le CNEVA a fourni un socle à partir duquel l'AFSSA peut travailler, malgré les conflits dans ce domaine.
Madame le ministre, vous n'étiez pas, à l'époque, chargée de ce dossier. Je rappellerai donc la bataille à laquelle l'intégration du CNEVA dans l'AFSSA a donné lieu dans cet hémicycle même, où l'on trouvait sur toutes les travées des adversaires de l'intégration : il faut savoir que l'intégration d'organismes existants dans les nouvelles agences ne va pas de soi.
« Coquille vide », enfin, parce que les 37 millions de francs de subventions annoncés paraissent, en l'état actuel des choses, une somme bien faible au regard des 137 millions de francs alloués à l'AFSSPS et des 198 millions de francs donnés à l'AFSSA.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pas la première année !
M. Charles Descours. En effet ! Et nous nous sommes toujours félicités que le Gouvernement augmente les moyens de ces deux agences. J'espère qu'il continuera !
En fait, paradoxalement, l'AFSSE a le champ le plus important à couvrir et les moyens les plus faibles. C'est pourquoi je partage l'avis de M. le rapporteur et de M. Autain quant à la nécessité de donner un peu de substance à cet organisme, encore à l'état latent, en lui donnant un noyau dur.
La solution retenue par la commission consiste à intégrer l'OPRI et l'INERIS.
Pour ce qui concerne l'INERIS, chacun conviendra que la place de cet organisme est bien dans la nouvelle agence, quelles que soient les réticences exprimées ici ou là, pour des raisons corporatistes que nous connaissons bien depuis la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
S'agissant de l'OPRI, organisme que je connais bien puisque le Premier ministre de l'époque, M. Juppé, m'avait chargé d'un rapport sur l'exposition des personnels médicaux et paramédicaux aux rayonnements dans les hôpitaux, j'approuve totalement ce qui vient d'être dit par plusieurs orateurs. L'exposition des personnels aux rayonnements dans les hôpitaux est en effet considérable et sans commune mesure avec celle des personnels de l'industrie - le facteur est probablement supérieur à cent pour un. Et si l'IPSN, que je connais bien également - un des membres de votre cabinet, madame, en fut le directeur - est tourné vers l'industrie, l'OPRI est d'abord chargé de protéger nos concitoyens des rayonnements ionisants.
Je le répète, un effort doit être accompli dans les hôpitaux. Or, faire fusionner l'OPRI et l'IPSN reviendrait à priver le ministère de la santé des relations particulières qu'il a avec l'OPRI aujourd'hui et qu'il avait avec le service central de protection contre les rayonnements ionisants, le SCPRI, hier.
Par conséquent, je soutiens la décision qu'a prise Claude Huriet d'intégrer l'OPRI à l'agence. S'il ne l'avait fait, j'aurais moi-même présenté un amendement allant dans ce sens.
Je souhaite qu'à l'occasion de la navette parlementaire un accord intervienne entre les deux chambres - je crois que c'est aussi le voeu de M. le rapporteur - pour que ces problèmes, qui intéressent tous nos concitoyens, ne soient pas prétexte à des affrontements de type politicien.
Si l'Assemblée nationale devait revenir au texte tel qu'il nous est soumis aujourd'hui, il faudrait nous poser la question de l'utilité de cette agence. Celle-ci nous reviendrait alors, en deuxième lecture, en moins bonne forme que celle dans laquelle le Sénat la laissera à l'issue de cette séance, grâce aux améliorations apportées par les amendements que présente la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, très légitimement, nos concitoyens accordent une importance grandissante aux questions environnementales et à leurs répercussions sur la santé.
Cette prise de conscience est du reste souhaitable, tant il est vrai que la protection de l'environnement nous concerne tous et devrait nous permettre, sur bien des questions, de nous retrouver.
Personnellement, j'appelle de mes voeux l'émergence d'un véritable « contrat environnemental avec les Français » fondé sur la pédagogie, l'information des populations, la concertation, avant toute prise de décision.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui - adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, je le rappelle - peut apparaître comme un exemple du rassemblement qui doit prévaloir sur des sujets aussi essentiels pour la qualité de vie et la santé des Français.
Il s'agit, nous le savons, de parfaire et de compléter l'édifice dont les bases ont été jetées par la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Nous connaissons tous le rôle éminent du rapporteur, notre collègue Claude Huriet, dans la genèse et l'émergence de ce dispositif de sécurité sanitaire, et je voudrais personnellement lui rendre hommage pour le travail accompli.
Nous devons légiférer, car nous ne pouvons plus nous contenter, face à une crise sanitaire, de réagir dans l'urgence. Dorénavant, nous devons nous donner les moyens de prévenir plutôt que de guérir, et de répondre à l'attente grandissante des citoyens en matière d'information et de transparence.
Il s'agit, en quelque sorte, d'opposer une véritable exigence éthique à la présomption de faute qui prévaut actuellement, aux yeux de l'opinion publique, en matière de sécurité sanitaire. Rigueur et transparence doivent être les fondements de notre politique.
Vous l'aurez compris, j'approuve donc le principe de la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale.
L'actualité de ces dernières années a mis au jour, en effet, de véritables drames et des risques bien réels.
Les pollutions de l'air, des sols, des zones humides et des nappes phréatiques par les nitrates, les pesticides et autres produits phytosanitaires, les conséquences parfois préoccupantes de l'épandage - je lisais récemment encore un article sur un cas de mortalité de moutons vraisemblablement consécutive à une intoxication par du cuivre apporté sur les terrains - les pollutions qui peuvent aussi exister dans l'environnement professionnel ou l'environnement domestique, l'impact largement méconnu des organismes génétiquement modifiés sur la santé des consommateurs et les écosystèmes, bien d'autres motifs d'interrogation encore, doivent nous inciter à la plus grande vigilance.
Chaque jour, en France, 400 personnes meurent du cancer, et nous savons maintenant ou présumons que de réelles implications environnementales figurent au nombre des multiples facteurs de cette terrible maladie.
Bien sûr, le cas de l'amiante est présent dans tous les esprits.
Dans les années 1960-1970, la population a pris essentiellement conscience de la croissance d'une pollution visible. Je pense, entre autres exemples, aux décharges sauvages, aux nombreuses épaves de véhicules automobiles alors disséminées dans toute la France, à diverses formes de pollutions industrielles et à bien d'autres nuisances ou détériorations du cadre de vie.
Depuis lors, des progrès considérables ont été accomplis, il faut le reconnaître.
Aujourd'hui, en revanche, on est plutôt soumis à des pollutions moins visibles, plus insidieuses, donc plus inquiétantes aux yeux des Français.
Or, bien évidemment, ce n'est pas parce que les risques sont diffus, mal connus, voire controversés, ce n'est pas parce que des pathologies peuvent apparaître après de très longues années, qu'il ne faut pas agir.
Au contraire, le principe de précaution, défini dans la loi Barnier du 2 février 1995, trouve ici un champ d'application particulièrement évident.
Par ailleurs, je rejoins largement les observations de M. le rapporteur sur la nécessité de faire de l'agence de sécurité sanitaire environnementale un véritable outil d'évaluation des risques, crédible et efficace, pour la mise en oeuvre de la politique de sécurité sanitaire.
Or, que constate-t-on avec le texte qui nous est soumis ?
Nous constatons, tout d'abord, cela a été rappelé, des imprécisions dans la définition même du champ de compétences de la future agence et de ses procédures d'action. Nous constatons, ensuite, un manque de moyens.
Il lui faut, en particulier, des moyens de recherche.
Ainsi, comme le souligne judicieusement M. le rapporteur, la réponse à la question de savoir si l'Agence possède ses propres laboratoires ou si elle fait appel à des compétences extérieures n'est pas forcément claire, puisque, en l'état actuel du texte, il est indiqué que l'agence « procède ou fait procéder à toute expertise, analyse ou étude nécessaire en prenant appui sur des organismes extérieurs avec lesquels elle noue des relations contractuelles de partenariat durable ».
Par ailleurs, suivant en cela une même approche que celle qui a prévalu lors de la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments avec le transfert du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, M. le rapporteur propose de donner une assise plus solide à la nouvelle agence en intégrant dès l'origine l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI.
Nous avons commencé à le faire, mais nous aurons encore largement à débattre de cette question et de l'intégration du risque physique radioactif dans les attributions de la future agence.
Pour ma part, je suis assez favorable à la proposition de la commission.
Je pense qu'il ne faut pas non plus surajouter les instruments d'évaluation, d'autant moins que l'ensemble du dispositif de sécurité sanitaire a vocation, me semble-t-il, à un horizon plus ou moins lointain, à déboucher vraisemblablement sur une agence unique.
Par ailleurs, je note avec un grand intérêt la suggestion qui vient de nous être faite par M. le rapporteur de renforcer la nature et le niveau des moyens financiers alloués à la future agence.
En l'état actuel, le Gouvernement ne nous annonce qu'un budget de l'ordre de 37 millions de francs pour 2001, à l'évidence insuffisant pour satisfaire à l'ambition d'une véritable agence de sécurité sanitaire environnementale, et très en deçà des budgets des organismes de sécurité sanitaire déjà existants.
Au contraire, la création de l'agence pourrait être l'occasion d'affecter très directement une partie des ressources d'une écotaxe ciblée, digne de ce nom, et non détournée de sa vocation environnementale comme l'est, d'ores et déjà, la taxe générale sur les activités polluantes.
Je terminerai mon propos en soulignant toute l'importance de la dimension européenne.
A l'évidence, les pollutions ne connaissent pas les frontières, et tout édifice de sécurité sanitaire ne peut se concevoir en vase clos.
La France a un rôle déterminant à remplir : elle doit à la fois innover et impulser. Or, je ne suis pas certain que notre pays soit forcément toujours en pointe.
Je rappelle, par exemple, qu'il appartient, suivant une répartition des tâches, à chaque Etat membre de l'Union, conformément au règlement CEE 793/93, d'évaluer les risque pour les substances chimiques existantes prioritaires.
La France apparaît en retrait et n'a pas, en ce domaine, toute la place qui devrait lui revenir.
Quel rôle pourrait alors jouer la nouvelle agence française de sécurité sanitaire environnementale ?
Quelle est, madame la ministre, la vision du Gouvernement sur la future politique européenne des produits chimiques ?
Plus généralement, en cette période de présidence française de l'Union européenne, quelles initiatives notre pays compte-t-il prendre pour renforcer une Europe de la sécurité sanitaire encore largement à construire ?
L'Europe comme la France doivent, en effet, développer une véritable culture de la prévention sanitaire, et d'évaluations des risques.
Ce doit être l'une des priorités fortes des pouvoirs publics.
Au demeurant, l'honneur du politique n'est-il pas avant tout de s'extraire des pressions du quotidien pour anticiper. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi devrait permettre à la recherche française de combler, par la création de l'agence, le retard qu'elle a accumulé en matière de sécurité sanitaire environnementale. La prévention ne mobilise en France qu'à peine 2 % des dépenses santé, et les questions liées à l'environnement, qui concernent pourtant tous les grands problèmes de santé, n'ont jusqu'à présent été traitées que de façon dispersée.
Quatre missions seront ainsi confiées explicitement à l'agence, que je résumerai par : impulser, informer, coordonner et veiller à une représentation efficace de la France tant sur le plan européen qu'international.
Impulser : cela ne pourra se faire sans une poursuite des efforts en matière de politique de recherche. Parce que l'environnement est une notion très large et qu'il n'existe en France qu'une centaine de chercheurs travaillant spécifiquement sur cette question, il convient de promouvoir davantage la recherche et sa formation en sécurité sanitaire environnementale, encore trop mal vue car pluridisciplinaire. Les récentes déclarations de la nouvelle directrice générale du CNRS, qui souhaite engager l'établissement sur une réflexion stratégique concernant l'interdisciplinarité, sont, sur ce point, rassurantes. Cela suppose aussi, comme l'ont démontré de nombreux rapports, une réaction rapide de la recherche devant les thématiques nouvelles.
Informer : cette mission doit bien évidemment être remplie en cas de crise, mais aussi de façon continue, en direction non seulement des décideurs mais aussi du citoyen, dont la préoccupation sur les questions de santé environnementale est croissante, mais dont la confiance envers la recherche française a été de multiples fois mise à mal en raison d'une information peu compréhensible pour tous.
Pourquoi ne pas sensibiliser les jeunes en instaurant des conventions entre l'éducation nationale et la recherche qui permettraient aux chercheurs de se rendre dans les établissements afin d'expliquer leur travail aux élèves mais aussi aux enseignants ?
Coordonner : ce sera pour l'agence une vaste mission tant les organismes de recherche sont nombreux, concurrentiels et dispersés. Une mise en réseau des bases de données est indispensable. La création de lieux de mutualisation des informations pour les professionnels, les élus et les citoyens serait particulièrement pertinente. Il faut développer aussi les partenariats entre les organismes de recherche, les universités et le secteur industriel.
Enfin, l'agence aura pour mission de fournir au Gouvernement l'expertise et l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre des règles communautaires et des accords internationaux relevant de son domaine de compétence. L'agence doit avoir une dimension européenne. Au-delà, il faut créer - et je sais que le Gouvernement profite de la présidence de l'Union européenne pour faire avancer la question - les conditions pour que soit mise en place une véritable communauté scientifique européenne.
Il faut harmoniser aussi parce que la libre circulation des biens et des personnes entraîne l'harmonisation des problèmes de santé publique, et parce que les pays candidats à l'élargissement n'ont pas toujours notre approche des problèmes environnementaux.
Il convient d'harmoniser, enfin, car les différences qui existent entre les systèmes nationaux, entre les avancées dans tel ou tel domaine et la diversité des approches sont un atout pour l'Europe à condition de favoriser le débat scientifique.
La mobilité des étudiants, doctorants et chercheurs, à l'échelle communautaire, doit permettre un recrutement au niveau européen. Les collaborations entre les régions frontalières doivent être développées. Plus largement, la création de réseaux thématiques pour la mise en commun des savoirs est indispensable et la Commission doit être en mesure de financer des infrastructures, par l'intermédiaire du développement de programmes européens de la recherche.
De plus, la conférence sur le financement des infrastructures de recherche, qui s'est tenue à Strasbourg en septembre dernier, a notamment avancé la proposition de confier à l'ESF, la Fondation européenne de la science, le soin d'établir l'analyse des besoins scientifiques et des priorités. Ce serait une avancée considérable et l'agence que nous souhaitons créer pourrait notamment être associée à ce travail. La France, dans le domaine de la recherche, doit rattraper ses retards en matière de communication des informations et de participation aux travaux européens.
Il faut donner une impulsion politique pour que nos ambitions de recherche soient communes et performantes. Nous avons toute confiance, à cette fin, en notre nouveau ministre de la recherche, avec qui, d'ailleurs, il serait intéressant de débattre des perspectives de la recherche au sein de notre hémicycle dans le cadre d'une question portant sur un sujet européen.
L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale doit être mise en place rapidement et être dotée de moyens suffisants pour contribuer efficacement à la recherche française. Les propositions de mon collègue M. François Autain vont en tout cas en ce sens. Cette agence devra servir d'exemple pour d'autres pays européens où les recherches en santé environnement sont encore loin d'être des priorités, lorsqu'elles existent. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 avril dernier, l'Assemblée nationale adoptait, à l'unanimité des présents, le texte qui nous est proposé aujourd'hui et qui prévoit la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Il apparaît en effet que notre pays était jusqu'à présent plutôt démuni dans la veille sanitaire pour ce qui concerne les risques liés à l'environnement. Cette carence est d'autant plus préoccupante que la question environnementale prend à présent une place particulière aux yeux de nos compatriotes et que de récents événements, pour ne parler que de la catastrophe de l' Erika, au large de la Bretagne, sont venus nous rappeler que les risques environnementaux doivent être cernés au mieux. Ces risques couvrent le vaste champ de la relation entre santé et environnement, pour reprendre l'expression de l'excellent rapport de notre collègue M. Claude Huriet.
Les risques biologiques provoqués par les virus, les microbes et les bactéries sont amplifiés par l'accélération de la circulation des hommes, des aliments et des marchandises à l'échelle planétaire.
Les risques chimiques, tels que le mercure, l'amiante, le plomb, les éthers de glycol, le benzène et la dioxine, montrent bien les conséquences de l'absence du principe de précaution, tant dans le domaine de la mise en oeuvre de matériaux nouveaux ou d'inventions que du recyclage de ceux-ci.
Les risques physiques, enfin, comme les explosions de silos, les accidents telluriques, les rayonnements électriques ou électromagnétiques, les ultraviolets et le bruit, montrent aussi que, très souvent, on a mis la charrue devant les boeufs. En témoignent les soupçons de lésions provoquées par l'usage intensif des téléphones portables ou, voilà quelques années, par l'utilisation des fours à micro-ondes.
Les dangers sont donc nombreux, qu'ils soient ou non liés à l'activité humaine, activité souvent guidée par le profit au mépris du respect de l'environnement. La prise de conscience de ces risques progresse, au plan tant national que mondial. Cependant, les mesures qui ont été prises ou qui doivent l'être sont sans commune mesure avec les risques encourus.
Déjà en 1998, nous devions nous prononcer sur la création de deux agences. Ainsi, l'Agence du médicament devenait l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et, à la même date, était créée l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Certes, la mise en place de ces agences répondait à la montée d'exigences nouvelles de nos concitoyens qui veulent être légitimement rassurés pour ce qui concerne le système de santé ou la consommation alimentaire. Mais encore s'agissait-il de mettre en place une organisation administrative à même de garantir l'indépendance de l'expertise scientifique.
Restait dès lors ce qui nous occupe aujourd'hui, à savoir la mise en place d'une agence concernant les risques environnementaux.
Sur ce terrain, notre pays se devait de rattraper un certain retard, alors même que de nombreux organismes, dont la réputation n'est pas à mettre en cause, participent, chacun dans les domaines qui lui sont propres, d'une certaine manière, de la veille sanitaire. L'effort que nous devons donc fournir est d'accomplir la restructuration des moyens existants, ce qui n'exclut pas - mais j'y reviendrai - de réels moyens pour l'agence que nous souhaitons voir mise en place.
La prévention du risque environnemental doit être au centre des missions de l'agence dans une période où se développent de manière très inquiétante les affections liées à la dégradation de notre environnement : si les plus notoires sont les affections respiratoires liées à la pollution atmosphérique, mais bien d'autres existent.
Dans ce contexte, les quatre principes rappelés par notre collègue André Aschieri, à l'Assemblée nationale, à savoir l'évaluation des risques liés à l'environnement et, pour ce faire, l'indépendance de l'agence, le strict respect du principe de précaution et la transparence, sont des objectifs que nous partageons pleinement et qu'il conviendra de faire vivre au-delà même de la proposition de loi qui nous est soumise et au-delà des clivages politiques. L'absence d'outils de prévention adaptés nous a amenés, ces dernières années, à réagir aux nuisances environnementales, généralement d'ailleurs sous la pression de nos concitoyens qui incitaient le pouvoir politique à agir sur des dossiers aussi importants que l'amiante, le saturnisme, les pollutions de l'air, de l'eau, des sols.
Peut-être convient-il de rappeler que, très souvent, trop souvent, des impératifs « économiques » aux termes courts conduisent aux stratégies d'évitement, voire à la seule réaction, alors même qu'il nous faudrait anticiper le risque environnemental, dans l'intérêt même des générations à venir et de la planète tout entière.
Nous ne pouvons plus, comme par le passé, attendre l'apparition des effets nocifs des dérèglements environnementaux pour intervenir.
Le principe de précaution doit guider en permanence le politique et les pouvoirs publics sur les différents risques que pourrait faire peser sur l'environnement tel ou tel produit.
Si la notion de sécurité environnementale est apparue dans un contexte de défiance de nos concitoyens, il convient de tout mettre en oeuvre pour que la transparence prévale en matière d'environnement, car, à tout le moins, certaines formes d'« obscurantisme » alimentent les frayeurs, comme peut en témoigner l'absence d'un débat d'ampleur sur la politique énergétique dans notre pays, débat dont la nécessité se voit particulièrement accentuée par les problèmes récents du stockage des déchets nucléaires et par la flambée des prix des carburants.
La proposition de loi que nous examinons est le résultat d'un assez large consensus, et de nombreux parlementaires ont directement ou indirectememt pensé la mise en place d'un tel organisme public.
Cette nouvelle structure répond donc bien à une nécessité de coordonner les différentes structures existantes et de participer à leur mise en synergie.
Nous ne pouvons être que particulièrement favorables à cette proposition de loi, dont le bien-fondé n'est plus à démontrer ; cependant, nous restons attentifs à l'évolution que pourrait connaître ce texte au Sénat, au regard des amendements déposés. Aussi réservons-nous notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai brièvement, ayant pris la précaution, dans mon exposé introductif, de détailler de façon assez précise la position du Gouvernement.
Tout d'abord, en réponse à M. le rapporteur, je voudrais rappeler deux éléments.
Monsieur Huriet, vous avez pointé les résistances qui ont accompagné l'inclusion du CNEVA dans ce qui est devenu l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et considéré que, aujourd'hui, chacun s'en félicite.
Laissez-moi vous dire que tel n'est pas réellement mon point de vue. En effet, le CNEVA reste, pour l'essentiel, composé de personnes et d'équipes qui sont chargées de tâches n'ayant rien à voir avec les missions de l'AFSSA. Il s'agit, en quelque sorte, d'un noyau dur virtuel qui, à bien des égards, alourdit la gestion sans donner effectivement les moyens dont l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a besoin au quotidien. Comme vous le savez parfaitement, le directeur de l'agence sollicite, au vu des questions qui lui sont posées par les pouvoirs publics, des experts qui sont trouvés dans les organismes existants en fonction de leurs compétences et des champs dans lesquels ils travaillent. Ces experts sont donc issus de différents organismes de recherche, et c'est tout à fait le modèle que nous proposons pour l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Monsieur le rapporteur, vous avez ensuite évoqué les missions de l'INERIS en considérant que, compte tenu de ces dernières rien ne s'opposait finalement à faire de cet institut le futur noyau dur de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
J'ai essayé de détailler, tout à l'heure, les moyens en crédits et personnel de l'INERIS affectés au champ de la sécurité sanitaire environnementale, et je peux vous dire qu'ils en représentent à peu près 10 %. Pour l'essentiel, cette structure exerce de très nombreuses responsabilités et émet des avis dans des champs très variés ; je pense notamment aux risques liés à l'utilisation des véhicules fonctionnant au GPL - je citais tout à l'heure le risque d'explosion - au comportement de différents matériaux en milieu confiné ou ouvert, au risque d'explosion de silos, au comportement du front de taille de carrière, aux conditions de stockage de gaz pour essayer d'évaluer la distance à préserver à l'égard des habitations ; je pense encore aux risques liés à l'ennoyage des galeries de mines ou au transport par pipe-lines de substances diverses, notamment dans le cas particulier du pipe-line prévu entre Feyzin et Saint-Alban, par exemple.
Dire que l'INERIS a vocation à devenir le noyau dur de l'AFSSE me paraît tout à fait exagéré. J'ai besoin, pour ma part, des services rendus dans le domaine de l'évaluation des risques industriels, et je peux vous dire que le conseil d'administration de l'établissement et les syndicats partagent mon avis à cet égard, non pas par souci de préserver les statuts ou les habitudes du personnel mais parce qu'ils connaissent particulièrement la diversité des missions de cet établissement. Une évolution de l'INERIS ne pourrait à mon avis pas se faire au détriment de ses missions traditionnelles, qui constituent encore aujourd'hui 90 % de celles-ci.
M. Autain a demandé tout à l'heure ce que pèseraient, en cas de rapprochement de l'OPRI et de l'IPSN, les 250 agents de l'OPRI face aux agents nettement plus nombreux de l'IPSN. Pour moi, la radioprotection et la sûreté nucléaire ne sont pas des champs antagonistes, loin s'en faut ! On est en train non pas de soumettre les questions de sûreté ou de radioprotection aux impératifs économiques ou industriels mais de mettre en cohérence les approches de sûreté et de radioprotection.
La fusion de l'IPSN et de l'OPRI envisagée par le Gouvernement vise à renforcer les capacités de recherche et d'expertise en ce qui concerne à la fois la sûreté et la radioprotection. D'ores et déjà, les effectifs des deux organismes sont équivalents en radioprotection, même si l'OPRI a aussi marginalement un rôle de police et même si l'IPSN a surtout, pour sa part, des activités de recherche. On compare donc des choses qui ne sont pas comparables. En effet, on compare un organisme qui fait surtout de l'expertise et de la police et un autre qui fait surtout de l'expertise et de la recherche avec, de ce fait, des effectifs relativement variés et inégaux.
Mais il s'agit bien de permettre à l'ensemble des ministères concernés par la maîtrise des risques de disposer d'une capacité d'évaluation plus forte. Aujourd'hui, bien sûr, ce n'est pas le cas. L'idée est que le ministère de l'environnement et le ministère de la santé travaillent de concert sur des thèmes sur lesquels, d'ailleurs, des équipes travaillent souvent, aujourd'hui, de façon parallèle. J'ai cité l'exemple du radon ou de la dosimétrie. Ce sont des sujets qui concernent nos deux ministères.
M. Descours a dit tout à l'heure des choses qui avaient les apparences de la sagesse. Monsieur le sénateur, personne ne prétend bien sûr que, lors d'un pic de pollution, la pollution seule provoque la mort. D'ailleurs, personne ne le dit !
M. Charles Descours. Ce n'était pas mon propos !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il s'agit bien de vies raccourcies, de vie amputées,...
M. Charles Descours. Oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... la pollution de l'air touchant pour l'essentiel des personnes déjà fragiles.
Mais ce n'est pas toujours le cas. Ainsi, pour ce qui est de l'exposition à l'amiante, de l'exposition aux ethers de glycol, de l'exposition au plomb, il s'agit bien de personnes qui étaient parfaitement saines et qui se retrouvent malades du seul fait de l'exposition à un risque qui n'est pas acceptable. Les problèmes de saturnisme, les problèmes de métaboglobinémie touchent pour l'essentiel des enfants, et vous savez que les problèmes sociaux s'ajoutent aux problèmes sanitaires et environnementaux. Je souhaite donc que l'on y réponde de façon sérieuse. Il est vrai que les titres lapidaires des journaux ne rendent pas compte de la complexité et de l'ampleur du sujet.
Quant à l'exposition aux rayonnements ionisants dans les hôpitaux, laissez-moi vous dire que ce n'est pas un problème d'expertise. L'expertise est faite, et on connaît le problème : c'est un problème de respect de la réglementation, notamment dans le cadre de la médecine du travail.
Je crois que l'on doit bien se garder, en mettant en place l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, de tout mélanger, et c'est malheureusement un sujet sur lequel la tentation de le faire est grande. On a abondamment argumenté sur le fait qu'il ne fallait pas mélanger les tâches qui tombaient dans le cadre de l'INRS, par exemple, et celles que l'on attendait d'une agence d'expertise, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. En tout cas, je tiens à ce que cette confusion n'ait pas lieu et à ce que recherche, expertise, et mise en oeuvre des dispositions réglementaires, notamment dans un cadre partenarial avec les partenaires sociaux, ne soient pas confondues.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Afin que ces arguments ne soient pas développés à plusieurs reprises au cours de la discussion des amendements que je défendrai dans un instant, vous me permettrez, madame le ministre, de vous lire une courte citation en ce qui concerne le CNEVA.
Vous avez participé, me semble-t-il, à l'audition publique que la commission des affaires sociales avait organisée en ce qui concerne la mise en place des agences. (Mme le ministre fait un signe de dénégation.) Il n'y avait pas encore d'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, et c'est sans doute ce qui explique le fait que vous n'ayez pas été entendue. En tout cas, d'autres ministres se sont exprimés au nom du Gouvernement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'ai essayé de vous convaincre qu'il fallait associer le ministère de l'environnement ! Je n'ai pas été assez convaincante à l'époque, et je suis sûre que vous le regrettez !
M. Claude Huriet, rapporteur. Je le regretterai peut-être moins en fonction de la réponse que vous me donnerez dans un instant !
J'avais interrogé le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments en ces termes : « Ma deuxième question concerne le CNEVA quant à son mode de financement à travers des partenaires industriels, d'autant plus que le CNEVA garde ses attributions premières en matière de recherche. Il m'a été dit dernièrement que le CNEVA n'avait pas changé et que le fait de l'avoir mis dans l'AFSSA n'était qu'une sorte d'illusion, que l'on avait changé l'enveloppe mais que cela n'avait pas modifié l'exercice de ses missions. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? » Je n'ai pas cité mes sources !
Voici la réponse donnée, sur ce point, par le directeur général de l'AFSSA : « Le CNEVA a été intégré dans l'agence, il n'existe plus. Nous avons eu le souci de ne pas déstabiliser des laboratoires qui rendaient un certain nombre de services essentiels, en particulier dans le domaine sanitaire, tout en les faisant évoluer. » Je compte sur vous, si nous parvenons à mettre l'INERIS dans l'AFSSE, pour contribuer à cette évolution positive. « Leur mode de fonctionnement actuel a été beaucoup influencé par leur intégration dans l'agence ; nous avons complètement revu la liste et les conditions des partenariats pour garantir l'indépendance de leurs travaux. Nous avons ainsi défini des thématiques prioritaires, etc. »
Par conséquent, contrairement à l'information dont je n'avais pas cité les sources, il semble bien, d'après les propos que vous venez de tenir, que le transfert du CNEVA dans l'AFSSA est un élément positif et qu'il ne s'agit pas d'un corps étranger, sous peine alors de mettre en cause l'analyse que fait le directeur général de sa propre institution.
Il est envisagé, à la suite du débat, de « laisser le temps au temps », selon l'expression employée par l'un de nos collègues.
Il est vrai que, si l'on pouvait compter sur les textes réglementaires et la volonté de l'exécutif pour donner peu à peu une consistance à cette agence, dont vous devez reconnaître avec nous qu'elle en manque aujourd'hui, eh bien, pourquoi pas ? Mais nous avons quand même une expérience qui est tout à fait inquiétante, madame le ministre, et qui concerne les dispositions introduites dans la loi par un amendement de M. Autain, concernant l'AFSSA, et prévoyant que sont déterminées par décret en Conseil d'Etat « les modalités selon lesquelles les compétences, moyens, droits et obligations de laboratoires publics intervenant dans les domaines traités par l'Agence lui sont transférés ».
Or que sommes-nous obligés de constater, madame le ministre ? C'est que cette loi date de 1998 et que, depuis lors, aucun texte réglementaire n'a été publié pour engager, comme le législateur l'avait souhaité, les transferts des compétences, moyens, droits et obligations des laboratoires publics. Cette expérience négative nous laisse donc très sceptiques quant à la volonté de l'exécutif de faire en sorte que, par une disposition d'application peut-être plus progressive, les laboratoires ayant à connaître de la sécurité sanitaire environnementale puissent un jour être transférés à une agence qui est, pour l'instant, je le répète, une coquille vide.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier