Séance du 27 juin 2000







M. le président. La parole est à M. Madrelle, auteur de la question n° 840, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, vous connaissez le problème aussi bien que moi.
Je veux de toute urgence appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les conséquences dramatiques des retards accumulés dans les travaux d'aménagement de la RN 10, en Nord Gironde - une question sur ce sujet a également été posée à l'Assemblée nationale.
Cette route figure parmi les plus dangereuses de notre pays et détient le triste record du nombre des victimes.
L'élaboration du projet d'autoroute A 10 Paris-Bordeaux avait, en son temps, suscité de longs débats sur le choix du tracé. Finalement, l'option privilégiant la desserte rapprochée du littoral avait été retenue, le gouvernement de l'époque ayant choisi le tracé par Niort au détriment d'Angoulême. Les Charentais, meurtris, avaient obtenu en 1972 l'assurance de M. Olivier Guichard, ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme de l'époque, que, parallèlement à la construction de l'autoroute A 10, serait aménagée la RN 10 entre Poitiers et Saint-André-de-Cubzac à deux fois deux voies afin de ne pas pénaliser leur territoire, dont fait partie le Nord Gironde.
Voilà trente ans que l'autoroute A 10 est ouverte à la circulation, mais l'aménagement de la RN 10 n'est toujours pas achevé. Les poids lourds désertant massivement l'autoroute pour des raisons de rentabilité économique privée se retrouvent en file quasi ininterrompue sur une route totalement inadaptée, faisant ainsi régner l'insécurité et la peur parmi les populations riveraines. La section qui reste à aménager en Gironde est comprise entre Marsas et la limite nord du département, sur une longueur de douze kilomètres.
Les travaux sont programmés et entièrement financés, mais ils n'ont pas commencé. Rien n'a été exécuté pendant cinq ans, au cours du XIe Plan, à l'exception de quelques ouvrages d'art débouchant sur le néant. Les arguments avancés par les services de l'Etat, tels que les fouilles archéologiques, le remembrement, les appels d'offres infructueux, servent de prétexte à de nouveaux retards.
L'inquiétude est grande, sur place, notamment parmi les élus et les populations, qui n'ont plus confiance dans les services de l'équipement. Cette inertie, alors même que le contrat de plan Etat-région vient d'être voté et prévoit les crédits nécessaires à l'achèvement du projet, est intolérable. On est en pleine schizophrénie, d'autant que l'on ne prend pas en compte la volonté affichée par le ministère de lutter contre l'insécurité routière.
L'enjeu des travaux est particulièrement important, surtout compte tenu de l'arrivée prochaine du TGV entre Angoulême et Bordeaux, dans le même secteur, et de la nécessité pour tous d'avoir une visibilité suffisante pour organiser la vie locale. Il n'est plus possible d'attendre six, sept ou huit ans pour réaliser ces douze kilomètres de la mort. Les financements sont là.
Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour mettre un terme à notre cauchemar ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je tiens à vous indiquer, mon cher collègue, que je m'associe personnellement à votre question.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. Gayssot due aux raisons que j'ai eu l'occasion d'évoquer.
Entre Marsas et la limite nord du département de la Gironde, sur l'itinéraire Poitiers - Bordeaux, un parti d'aménagement de la route nationale 10 en route express à deux fois deux voies et échangeurs dénivelés a été retenu sur la base d'un doublement de la route existante et de nouvelles déviations à créer.
L'estimation de cette opération s'élève à 310 millions de francs ; 120 millions de francs ont déjà été mis en place en 1999 au titre du XIe Plan et 190 millions de francs sont inscrits au nouveau contrat de plan pour la période 2000-2006. Ces crédits ont permis de commencer les travaux de la déviation de Cavignac, dont quatre ouvrages viennent d'être élargis.
L'évolution de la conjoncture économique au cours des derniers mois, particulièrement dans la région Aquitaine, a conduit à des retards inacceptables dans les appels d'offres intervenus en 1999.
Si les travaux correspondants ont ainsi été momentanément retardés, c'est pour respecter l'objectif de réalisation de l'ensemble de l'opération entre Marsas et la limite nord du département de la Gironde, avec le financement total de 310 millions de francs.
M. Gayssot vous confirme la commande passée à ses services pour que ce projet prioritaire soit mis en oeuvre dans la première partie du contrat de plan. Une fois son aménagement achevé, cet itinéraire sera pleinement satisfaisant du point de vue de la sécurité.
En attendant, une politique de traitement des zones les plus dangereuses est entreprise. Il s'agit en particulier du traitement, en 1999, de plusieurs points noirs situés aux abords du passage à niveau de Laruscade, qui a donné, à ce jour, des résultats satisfaisants.
Dans le cadre de l'effort national en faveur de la sécurité routière, le ministre a donné des instructions à la direction départementale de l'équipement de la Gironde afin qu'elle soit particulièrement attentive aux aménagements simples qui pourront être réalisés dans l'attente de la mise à deux fois deux voies. Une campagne de sécurisation des accotements sera mise en oeuvre pendant l'été.
M. Philippe Madrelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour votre réponse, qui me laisse pourtant sur ma faim.
Le chantier de mise à deux fois deux voies de la RN 10 au nord de la Gironde est en retard, et toutes les justifications avancées par vos services locaux n'y changent rien : l'hécatombe continue. Et je réfute toute approche statistique telle que celle qui a été avancée par la direction départementale de l'équipement de la Gironde, selon laquelle le taux des accidents ne se situerait pas très au-delà de la moyenne constatée sur les routes ordinaires à deux voies.
Le « ressenti » par les populations concernées du danger permanent provoqué par le « mur de camions » qui empruntent quotidiennement cette route totalement inadaptée à ce trafic commande que des mesures concrètes soient prises ; je crois qu'il faut aller plus loin très vite.
A ce titre - j'attire votre attention sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat - il apparaît que quasiment la moitié des poids lourds présents sur cette route sont en transit sur des trajets allant au-delà de Poitiers au nord et de Saint-André-de-Cubzac au sud. Pour ces derniers, la seule explication à ce choix d'itinéraire est leur volonté d'échapper au péage de l'autoroute, qui constitue l'itinéraire de rechange.
Les élus des communes concernées du Nord Gironde et toutes leurs populations réclament, au minimum et dans un premier temps, l'interdiction de la circulation des poids lourds en transit entre Poitiers et Saint-André-de-Cubzac (Applaudissements sur les travées socialistes.)

MISE À DISPOSITION DES CRÉDITS PRÉVUS
PAR LE RAPPORT MINGASSON