Séance du 14 juin 2000
M. le président. « Art. 12 bis. - Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présentera un décret modifiant le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer et visant à supprimer le titre Ier dudit décret. »
Sur l'article, la parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. A l'Assemblée nationale, nos collègues députés ont décidé de proposer au Gouvernement la suppression par décret de la prime d'éloignement des fonctionnaires. Je souhaiterais formuler deux remarques.
Tout d'abord, lorsqu'on avait entamé cette discussion sous l'ancien gouvernement, il était question de réaffecter cette somme - 400 millions de francs - dans l'économie locale, notamment pour créer des postes d'enseignants parce que, outre-mer, en particulier à la Réunion, nous connaissons des retards très importants. Je note qu'on propose au Sénat de supprimer cette prime d'éloignement, mais quid des 400 millions de francs ?
Ensuite, je voudrais faire remarquer au Gouvernement qu'il est peut-être dangereux de supprimer brutalement cette prime. En disant cela, je pense notamment aux enseignants des universités, aux praticiens hospitaliers, aux enseignants qui travaillent dans la forêt guyanaise, car nous risquons de connaître des problèmes quant à la qualité du travail des fonctionnaires. (M. Bourdin applaudit.)
M. le président. Par amendement n° 204, M. Othily propose de rédiger comme suit cet article :
« Les indemnités d'installation et d'éloignement versées aux fonctionnaires civils et militaires affectés outre-mer sont supprimées.
« Est créé un fonds d'aménagement du territoire et des infrastructures dont les modalités de versement aux collectivités d'outre-mer ainsi que la composition de son comité directeur sont fixées en Conseil d'Etat.
« Le montant des sommes affectées à ces indemnités au titre de l'année 2000 est transféré au fonds d'aménagement du territoire et des infrastructures afin de combler les retards de développement.
« Pour l'année 2001, les sommes versées au fonds d'aménagement du territoire et des infrastructures sont calculées sur la base de l'enveloppe établie pour l'année 2000 indexée sur le taux de l'inflation. Pour les années postérieures, l'enveloppe retenue est celle arrêtée l'année précédente majorée du taux de l'inflation. »
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Les qualités professionnelles des Guyanais, des Martiniquais, des Guadeloupéens et des Réunionnais sont équivalentes à celles des Français de l'hexagone.
Il ne s'agit pas de faire jouer une quelconque préférence locale. Un inspecteur divisionnaire de la Poste et des télécommunications originaire des DOM ne doit pas figurer sur une liste d'attente pour permettre à un fonctionnaire métropolitain de payer le pavillon qu'il s'est acheté avec sa prime d'installation ou sa prime d'éloignement pour sa retraite. Moi, je dis non à de telles pratiques, je dis qu'il faut supprimer cette prime d'éloignement qui avait un sens autrefois, mais qui n'en a plus aujourd'hui en raison de l'évolution des moyens de transports.
La première fois que mon père, qui était magistrat, a été affecté en métropole, c'était à Angoulême, il nous a fallu faire pratiquement trois semaines en bateau ; ensuite, il a été nommé à la Réunion et il y a eu plusieurs mois de voyage. A l'époque, la prime d'éloignement se justifiait. Aujourd'hui, non.
Par ailleurs, il faut que le Gouvernement s'engage à nous dire aujourd'hui ce qu'il va faire des sommes ainsi économisées.
Pour notre part, nous proposons qu'un fonds spécial soit créé afin de rattraper le retard que l'outre-mer a pris depuis 365 ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission des lois, après un très large débat, a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 204, présenté par M. Othily.
Si cet amendement est rejeté, nous en resterons au texte adopté par l'Assemblée nationale, qui est ainsi rédigé : « Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présentera un décret modifiant le décret n° 52-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunérations des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer et visant à supprimer le titre Ier. »
Monsieur Othily, la commission des lois a émis un avis défavorable non sur la suppression de la prime d'éloignement, mais sur l'affectation des crédits qui y sont affectés.
La première année, le fonds sera approvisionné mais, les années suivantes, cette prime d'éloignement tendrait à zéro. C'est la raison pour laquelle, fort astucieusement, - mais je vous connais suffisamment pour ne pas m'en étonner - vous avez prévu : « Pour l'année 2001, les sommes versées au fonds d'aménagement du territoire et des infrastructures sont calculées sur la base de l'enveloppe établie pour l'année 2000 indexée sur le taux de l'inflation. Pour les années postérieures, l'enveloppe retenue est celle arrêtée l'année précédente majorée du taux de l'inflation. »
En réalité, ce processus n'a rien à voir avec la prime d'éloignement. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 204, qui va à l'encontre de l'ordonnance de 1959, laquelle régit les finances publiques. En effet, il crée un principe d'affectation, alors que les finances publiques et le budget de l'Etat répondent au principe de non-affectation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 204.
M. Georges Othily. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, je souhaite rectifier mon amendement pour revenir non sur la suppression des indemnités, mais sur l'affectation des sommes en question et laisser ce soin au Gouvernement, en précisant simplement qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les possibilités d'affectation ou d'utilisation des crédits ainsi disponibles. Rien ne s'oppose à cela !
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Une telle rectification ne modifierait pas l'avis de la commission, qui est défavorable à l'amendement dans sa totalité.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Nous opposons à cet amendement, rectifié ou non, l'article 40 de la Constitution, c'est évident !
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Cet amendement est en effet contraire aux principes fondamentaux des finances publiques, qui sont codifiés par l'ordonnance de 1959.
Le principe de non-affectation fait que l'on ne peut pas supprimer des dispositions et affecter les ressources ainsi dégagées. Sinon, il n'y aurait plus de budget de l'Etat !
M. Georges Othily. Alors, que faire ?
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Michel Sergent, au nom de la commission des finances. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 204 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12 bis.
(L'article 12 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12 bis