Séance du 7 juin 2000
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour
2000.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 31 minutes ;
Groupe socialiste : 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans
l'intitulé du présent projet de loi, il y a les mots « finances » et «
rectificative ».
S'agissant des finances, il ne me semble pas anormal qu'en dernier ressort
l'Etat connaisse une évolution dans la masse réelle de ses recettes, et il faut
se réjouir que ce soit en plus.
Ce qui peut paraître plus anormal, c'est l'existence de recettes cachées car
des obligations ne sont pas remplies. Je cite, par exemple, le report en 1999
du versement à l'Etat de la dette de la CADES, la caisse d'amortissement de la
dette sociale. Nous verrons bien, mais il est vraisemblable que cela ressortira
comme par miracle à la fin de l'année 2000.
A propos de la CADES, je vous réitère ma demande, madame la secrétaire d'Etat,
pour que le Gouvernement communique à la commission des finances et à moi-même
le tableau d'amortissement de cette dette. Jusqu'à présent, nous n'avons pas pu
l'obtenir.
Par ailleurs, il me semblerait logique que l'excédent de la sécurité sociale
soit affecté en priorité au remboursement de cette dette qui, je le rappelle,
est le stock de déficits antérieurs de la sécurité sociale. Cela éviterait de
faire prendre des risques aux générations futures puisque, lors de la dernière
consolidation, l'échéance de remboursement de cette dette a été portée de
treize ans à dix-huit ans.
En ce qui concerne la partie rectificative, c'est l'occasion de corriger un
certain nombre d'erreurs que chacun constate et sur lesquelles tout le monde
est d'accord.
J'évoquerai deux amendements que nous examinerons et qui me semblent
significatifs.
Le premier a trait à la fiscalité des entreprises de services de moins de cinq
salariés. Sont concernés les titulaires de bénéfices non commerciaux, les
agents d'affaires et intermédiaires de commerce qui n'ont pas bénéficiés de la
baisse de la taxe professionnelle car le mode de calcul de leur prélèvement est
différent.
Le second amendement concerne la baisse de la TVA dans la restauration. Il
faut mettre fin au scandale de l'avantage que représente pour les
fast
foods
l'application d'une TVA de 5 % seulement. Nous critiquons sans cesse
les méfaits culturels de ces établissements, mais ils bénéficient là d'un
avantage indu.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
J'évoquerai également trois sujets qui ne font pas l'objet d'amendements,
mais qui me paraissent très importants et sur lesquels vous pourrez, je
l'espère, madame la secrétaire d'Etat, nous apporter une réponse positive.
Je vous avais interrogée sur la suppression du décalage de remboursement de la
TVA concernant les collectivités locales. Il manque effectivement quelque 0,9
%. Dans votre proposition de baisser d'un point la TVA, il n'y a rien en faveur
des collectivités locales. Je pense que vous avez là une excellente occasion de
réparer cet oubli.
Les entreprises, agricoles ou non, qui ont été durement touchées par la
tempête, vont voir leurs indemnisations considérées comme des bénéfices
exceptionnels et donc être imposés comme tels, de la même façon que leur sera
prélevée une cotisation sociale importante.
Ainsi, entre une augmentation des coûts de construction que, à l'heure
actuelle, on peut chiffrer à environ 30 % et les prélèvements exceptionnels que
je viens d'évoquer, il manquera à peu près la moitié de la somme nécessaire à
la reconstitution de leur outil de travail. Je pense, madame la secrétaire
d'Etat, qu'il y a là une excellente occasion de montrer que l'Etat, avec ses
recettes, peut mettre un terme à cette difficulté.
Les éleveurs dont les troupeaux ont été abattus à cause de l'ESB, la maladie
de la « vache folle », connaissent exactement la même situation. C'est plus de
25 % du montant de l'indemnisation qui leur est accordée qui sera prélevée, et
ils sont donc dans l'incapacité de renouveler leur cheptel. Il me semble tout
de même anormal que l'Etat profite de ces circonstances difficiles pour
prélever un impôt supplémentaire qui empêchera les éleveurs de reformer leur
troupeau.
M. Gérard Cornu.
C'est même scandaleux !
M. Hilaire Flandre.
C'est du racket !
M. Philippe Adnot.
J'avais déjà évoqué cette question devant vous, madame la secrétaire d'Etat,
et vous vous étiez engagée à essayer de trouver une solution. J'attends avec
intérêt de savoir quelles mesures concrètes vous compter prendre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
hasards de l'ordre du jour du Sénat font de cette première semaine de juin un
minimarathon budgétaire. Après nous être projetés hier dans le futur, nous
voici de nouveau à la tâche pour rectifier le présent, avant de nous replonger
dès demain dans le passé, avec le projet de loi de règlement définitif du
budget de 1998. Il convient de féliciter notre rapporteur général, M. Philippe
Marini, de la qualité de ses travaux.
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai !
M. Serge Vinçon.
Comme toujours !
M. Gérard Cornu.
Ses réflexions et ses propositions nous permettront d'effectuer un travail de
qualité sur ce collectif budgétaire.
Quatre mois après avoir été adopté par le Parlement, le budget pour 2000 doit
être rectifié, à la demande du Gouvernement. Ce que nous disions en décembre
dernier était la vérité : les hypothèses sur lesquelles était construit le
budget n'étaient pas sincères, à savoir des dépenses mal estimées et des
recettes fiscales sous-estimées.
Il convient, pour les analyser, de rappeler les justifications qui ont été
avancées par le Gouvernement à l'appui de ce collectif budgétaire. Il s'agit,
d'une part, de la nécessaire prise en compte des recettes supplémentaires
résultant de la croissance. Il s'agit, d'autre part, d'un ajustement des
dépenses à de nouveaux besoins.
Le Gouvernement annonce un montant de recettes fiscales supplémentaires de 51
milliards de francs, qu'il propose de répartir comme suit : 40 milliards de
réductions d'impôts et 11 milliards de francs de dépenses nouvelles.
Sur le montant global des recettes supplémentaires, nous avons le sentiment
que nous allons revivre, en 2000, la mauvaise pièce que le Gouvernement nous a
jouée en 1999. S'agissant de la croissance, tout d'abord, le collectif est
fondé sur un taux de 3,6 % - on nous a expliqué qu'il s'agit d'un taux
intermédiaire entre 3,4 % et 3,8 % ; c'est incontestable ! - au lieu des 2,8 %
du budget 2000, dont tout le monde dénonçait la forte sous-évaluation. Cette
prévision révisée reste en deçà de ce qui est prévu par la plupart des
instituts de conjoncture, qui tablent sur une croissance dépassant 4 %.
Personne ne se plaindra d'un taux de croissance de plus de 4 %, sauf peut-être
nos compatriotes lorsqu'ils comprendront que le Gouvernement, par cette
sous-estimation, leur confisque
in fine
une partie des fruits de la
croissance.
Comment peut-on faire confiance au Gouvernement, alors que le rapport
préliminaire de la Cour des comptes sur le budget de 1999 montre que les
recettes supplémentaires pour l'an dernier dépassaient de 27 milliards les 30,7
milliards reconnus par le Gouvernement devant le Sénat, après, il faut bien le
dire, quelques tergiversations ? La fin de l'année 2000 verra, comme la
précédente, le Gouvernement multiplier les reports de recettes ou les retards
d'encaissement pour masquer la réalité des recettes.
La Cour des comptes chiffre ainsi à 18 milliards de francs les recettes non
fiscales de 1999 reportées à 2000, auxquelles s'ajoutent 9 milliards de francs
de recettes fiscales tardivement encaissées. Ces 27 milliards de francs qui
auraient dû être comptabilisés en 1999 auraient permis de réduire d'autant le
déficit budgétaire. Le résultat de 1999 était donc un déficit non pas de 206
milliards de francs, mais de 179 milliards de francs. La piètre performance
affichée par le Gouvernement en 2000 en matière de réduction du déficit
budgétaire est pire. Non seulement avec 215 milliards de francs, le déficit
2000 est supérieur au déficit de 1999, mais il convient d'y ajouter, par
orthodoxie budgétaire, les 27 milliards de francs précités pour arriver à 242
milliards de francs. On en revient, peu ou prou, au niveau de déficit constaté
en 1998.
Pour bien comprendre que la réduction du déficit budgétaire n'est plus une
priorité pour le Gouvernement, en dépit des avertissements répétés des
autorités communautaires, il suffit de constater que ce collectif ne réduit le
déficit que de 50 millions de francs, c'est-à-dire d'un montant égal aux
crédits supplémentaires accordés à la création artistique ou aux initiatives
d'économie solidaire. Loin de nous l'idée de considérer ces secteurs comme
minimes, mais, au sein de la politique budgétaire de l'Etat, la réduction des
déficits est, pour nous, porteuse d'enjeux plus primordiaux. Ce choix du
Gouvernement n'a pourtant pas fait l'objet de commentaires de la part des
membres de la majorité plurielle. Chacun ses priorités, mais ce ne sont pas les
nôtres !
Nous avons entendu à plusieurs reprises Mme la secrétaire d'Etat au budget
railler la politique budgétaire que nous soutenions entre 1993 et 1997. Cette
politique a présenté au moins deux avantages : elle mettait les discours en
conformité avec les actes, contrairement à ce que fait le gouvernement actuel,
et elle a réduit le déficit budgétaire de 6,4 % à 3,5 % du produit intérieur
brut.
A l'occasion du débat d'orientation budgétaire, il nous a été indiqué que
toutes les marges de manoeuvre supplémentaires dégagées par la croissance d'ici
à la fin de cette année seraient affectées à la réduction du déficit
budgétaire.
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a d'ailleurs une
idée assez précise de ces marges de manoeuvre puisque M. Fabius a annoncé un
déficit budgétaire pour 2000 autour de 200 milliards de francs, ce qui reste
très élevé par rapport à nos partenaires européens et au taux de croissance
rectifié de 2000.
Les mesures fiscales incluses dans ce collectif budgétaire appellent divers
commentaires.
Il convient tout d'abord de rappeler que l'année 1999 a été marquée par la
collecte de 113 milliards de francs d'impôts d'Etat supplémentaires, chiffre
qui figure dans le rapport de la Cour des comptes et ne peut donc être
contesté.
M. Roland du Luart.
C'est vrai !
M. Gérard Cornu.
Sur ces 113 milliards de francs, le Gouvernement propose de n'en restituer que
80 milliards en 2000.
Pour l'impôt sur le revenu, le même raisonnement doit être tenu : plus de 30
milliards de francs d'augmentation en 1999, et seuls 11 milliards de francs
restitués en 2000 avec la baisse des taux des deux premières tranches du
barème. C'est largement insuffisant.
Le Gouvernement indique que cette mesure permettra de sortir du barème 650 000
contribuables. Certes, mais il faut se souvenir que, en 1999, avec la réduction
du plafond du quotient familial, ce sont 1,3 million de personnes
supplémentaires qui ont été assujetties à l'impôt sur le revenu. En 2000, il
restera donc encore 650 000 contribuables à l'impôt sur le revenu qui le sont
devenus en 1999, à cause de la politique fiscale du Gouvernement.
M. Roland du Luart.
Tout à fait exact !
M. Gérard Cornu.
Les états mensuels des recettes fiscales de l'Etat que l'on retrouve sur le
site Internet du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sont
pleins d'enseignements, mes chers collègues.
Les derniers chiffres disponibles à la fin du mois d'avril laissent présager
de bien mauvaises surprises pour les contribuables, comme en 1999, lorsque ces
derniers recevront leur dernier tiers provisionnel ou leur dernière mensualité.
Les recettes de l'impôt sur le revenu ont progressé de 6,1 % par rapport au
mois d'avril 1999, soit, sur un an, 20 milliards de francs supplémentaires.
On est loin des 11 milliards de francs généreusement rendus par le
Gouvernement !
Pour l'impôt sur les sociétés, les résultats sont aussi intéressants, avec une
progression des recettes de 20,8 % entre avril 1999 et avril 2000, ce qui
représente plus de 17 milliards de francs en sus.
Ajoutez à cela une progression des recettes de TVA de 3 % et une augmentation
de la TIPP de 4 % pour comprendre qu'il sera à nouveau difficile au
Gouvernement d'expliquer aux Français que les impôts baissent alors que les
prélèvements obligatoires continuent de progresser.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Théorème de Strauss-Kahn !
M. Gérard Cornu.
C'est là une mise en garde dont l'auteur, alors président de l'Assemblée
nationale et aujourd'hui sur d'autres bancs, nous permettra de la reprendre à
notre compte.
Vos propositions en matière d'impôt sur le revenu ne sont pas assez
ambitieuses au regard des moyens dont vous disposez. C'est pourtant là que
devrait porter l'essentiel de l'effort de l'Etat.
Le Premier ministre a annoncé un budget pour 2001 dont la priorité sera la
baisse des impôts directs. Nous sommes sceptiques sur ce que sera l'ampleur de
cette baisse. La seule véritable réforme passe par une réduction du nombre des
tranches, un élargissement de l'assiette et une baisse des taux, y compris le
taux marginal.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ah !
M. Gérard Cornu.
Cette réforme s'apparente, en fait, à celle que le Gouvernement a
malencontreusement arrêtée en 1997.
On ne peut pas parler de la trop forte pression fiscale subie par nos
compatriotes sans en évoquer l'une des conséquences majeures : la
délocalisation de personnes physiques contribuables de l'impôt sur le revenu
et/ou redevables de l'ISF. La note remise à ce sujet par le Gouvernement en
annexe du présent collectif se caractérise par des avertissements de la
direction générale des impôts sur le caractère incomplet de l'étude et le
manque d'informations disponibles.
Le président de la commission des affaires économiques nous a communiqué hier,
à l'occasion du débat d'orientation bugdétaire, des données très précises à ce
sujet, qui seront complétées par les travaux de la mission d'information nommée
par le Sénat.
Le deuxième allégement concerne la taxe d'habitation. Vous prévoyez de
supprimer la part régionale de la taxe d'habitation et de remplacer les
mécanismes actuels de dégrèvement par un plafonnement unique. Cette
proposition, sur laquelle le soutien de sa majorité a fait défaut au
Gouvernement, puisque ce dernier a dû recourir à une seconde délibération après
la suppression, par l'Assemblée nationale, de l'article 6, remet à l'évidence
en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités
locales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Absolument !
M. Gérard Cornu.
Nos suffrages iront plutôt à l'excellente proposition de M. le rapporteur
général, qui aboutit à un allégement de la taxe d'habitation équivalent sans
suppression de la part régionale, mais par la remise en cause des frais
d'assiette et de recouvrement des taxes locales qui atteignent des taux
prohibitifs.
Le dernier volet de vos propositions fiscales, madame la secrétaire d'Etat,
concerne la baisse d'un point de la TVA. En dépit des très fortes réserves
exprimées par le ministère de l'économie des finances et de l'industrie, qui
semblait préférer les baisses ciblées, l'annonce en a été faite par le Premier
ministre, et il convient maintenant d'exécuter cette mesure fort onéreuse,
puisqu'elle s'élève à 18 milliards de francs pour 2000 et à 31 milliards de
francs en année pleine.
Les effets de cette décision de réduction prise en période de croissance ne
seront pas à la hauteur des attentes du Gouvernement. Les consommateurs finaux
ne bénéficieront pas ou presque pas - chacun, ici peut bien le reconnaître - de
la baisse du taux, qui sera absorbée par les circuits de distribution.
D'ailleurs, les consommateurs s'aperçoivent peu d'une baisse d'un point du
taux de TVA, et une telle diminution n'est au demeurant pas suffisante pour
inciter à consommer davantage.
Les premiers chiffres publiés par la direction générale de la concurrence et
de la consommation sur les effets de cette mesure, entrée en vigueur le 1er
avril dernier, justifient nos craintes : la baisse du taux normal de la TVA a
été répercutée entre 57 % et 65 % suivant la nature des magasins étudiés ; ce
sont donc de 11 à 13 milliards de francs qui, chaque année, ne seront pas
répercutés sur les consommateurs.
Face aux 51 milliards de francs de recettes supplémentaires, le Gouvernement
propose 11 milliards de francs de dépenses nouvelles, dont on peut
immédiatement suite regretter qu'elles n'aient pas été financées par
redéploiements budgétaires. Ce point a d'ailleurs été déjà évoqué par M. le
rapporteur général ainsi que par M. le président de la commission des
finances.
Nous tenons à faire part de notre préoccupation quant à la gestion de la
dépense publique par le Gouvernement. Chacun sait que rien ne peut se faire
sans maîtrise des dépenses. Or, que constatons-nous à la lecture du rapport de
la Cour des comptes ? Alors que le Gouvernement s'était engagé sur une
augmentation des dépenses de 1 % en volume en 1999, le résultat final est de
2,8 %. Triste performance !
En ce qui concerne le volet « dépenses », il convient de revenir sur le
problème posé par le déséquilibre du fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, institué par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000. Il manque 7 milliards de francs
de ressources à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du mois de
décembre dernier. Ce fonds est un établissement public à caractère
administratif dont les comptes doivent être équilibrés soit par des recettes
affectées, soit par une subvention de l'Etat. Il n'y a rien, dans le collectif
budgétaire, qui vienne procéder à cet équilibre, ce qui remet en cause sa
sincérité.
Je dirai quelques mots sur les finances locales, pour dénoncer l'attitude de
certains députés qui, moins d'un an après l'adoption de la loi sur
l'intercommunalité, profitent de ce collectif budgétaire pour remettre en cause
l'équilibre qui avait été trouvé en commission mixte paritaire à propos de
l'intégration de la redevance d'assainissement dans le coefficient
d'intégration fiscale.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Gérard Cornu.
On ne peut pas se parer des habits de promoteur de l'intercommunalité et
installer les établissements publics de coopération intercommunale dans
l'insécurité juridique et l'instabilité financière. Nous en reparlerons à
l'occasion de l'examen des articles, mais sachez déjà que nous ne saurions
admettre de telles méthodes.
M. Jacques Oudin.
Bravo !
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Gérard Cornu.
Le coût des nombreuses créations de communautés d'agglomération n'a pas été
intégralement pris en compte dans ce collectif budgétaire seulement 250
millions de francs, alors qu'il fallait 497 millions de francs, soit deux fois
plus.
Le budget pour 2001 devra intégrer 500 millions de francs pour la dotation de
solidarité urbaine, 150 millions de francs pour la dotation de solidarité
rurale, 200 millions de francs pour les conséquences du recensement et 500
millions de francs pour la coopération intercommunale, soit un total de 1 350
millions de francs qu'il convient de budgétiser dès maintenant.
A l'évidence, ce projet de loi de finances rectificative pour 2000 manque de
souffle et les marges de manoeuvre dégagées par la croissance ne sont pas
utilisées à bon escient. Le déficit budgétaire pour 2000 est supérieur à celui
de 1999. Les dépenses ne sont pas maîtrisées.
Le groupe du Rassemblement pour la République soutiendra les propositions de
la commission des finances, qui visent à modifier en profondeur ce collectif
afin de le rendre plus en phase avec les légitimes attentes de nos compatriotes
qui produisent des richesses et créent des emplois.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
plus-values fiscales dégagées en 1999 et celles qui sont prévisibles pour l'an
2000 engendrent un mouvement de plus de 50 milliards de francs. C'est donc dans
un débat quant à la répartition des fruits de la croissance que nous nous
plaçons.
Pour ce qui nous concerne, nous avons demandé, voire « porté » ce collectif,
afin de mieux répondre tant aux revendications exprimées ces derniers temps,
notamment dans les écoles, dans les hôpitaux et dans les services publics que,
plus généralement, aux besoins exprimés dans notre pays.
Je ne reviendrai pas sur tous ces mouvements sociaux ; mais nous nous devons
de lever les doutes des uns et des autres sur la répartition de la croissance
et, en même temps, de donner le signe précurseur de bouleversements plus
profonds à venir dans le cadre de la loi de finances de 2001.
Bien sûr, nous voyons dans ce collectif une première réponse au financement de
besoins clairement identifiés, mais nous y voyons aussi, malheureusement, des
financements qui nous apparaissent plus comme un saupoudrage que comme une
réponse réelle à la demande.
C'est notamment le cas pour l'éducation nationale, avec 2 % des crédits de ce
collectif.
Nous apprécions évidemment l'effort qui est accompli, avec des ouvertures de
crédits pour 1 milliard de francs, mais nous estimons que c'est encore trop
peu. De multiples défis doivent, en effet, être relevés : comment mieux former
les jeunes ? Comment leur permettre d'accéder aux métiers de demain ?
Même si M. le ministre de l'éducation nationale s'est engagé dans une large
concertation avec l'ensemble des acteurs de l'éducation, nous estimons utile,
pour notre part, que ce collectif soit l'occasion de marquer plus nettement
encore notre attachement commun à l'école de la réussite en majorant de 1
milliard de francs les crédits ouverts par le projet de loi initial.
C'est aussi le cas concernant le plan de modernisation des établissements
hospitaliers, qui recouvre des questions comme le statut des internes, celui
des personnels ou les moyens nécessaires à l'adaptation des établissements.
N'en déplaise à notre collègue Charles Descours, les 2,6 milliards de francs
correspondent à une partie de ce que demandaient les agents et que nous-mêmes
demandions.
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Nous aussi !
M. Thierry Foucaud.
Tout laisse cependant penser, monsieur Descours, que les sommes mobilisées
vont apparaître insuffisantes pour faire face aux besoins tels qu'ils
s'expriment au cas par cas de l'analyse de la situation de chaque
établissement.
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Demandez avec moi un collectif sur la loi de
financement !
M. Thierry Foucaud.
Une autre préoccupation concerne l'emploi des jeunes et le devenir du plan
emploi-jeunes.
Il nous semble important que l'on crée les conditions d'une intégration dans
l'emploi et dans les statuts existants des jeunes concernés et qu'ils puissent,
par exemple, passer tel ou tel concours.
L'expérience des emplois-jeunes doit donc être validée dans le rapport qu'elle
a permis de créer entre la population et certains services publics, comme dans
le rapport qu'elle a recréé entre ces jeunes et l'emploi. Il serait dommage que
cet acquis, faute de sortie positive, soit dilapidé.
Nous proposerons donc un amendement visant à mettre à la disposition des
collectivités et des administrations accueillant aujourd'hui ces jeunes, sous
forme de crédits d'intervention à répartir, les sommes nécessaires à la
réalisation de toute action susceptible de positiver l'acquis et l'expérience
des emplois-jeunes.
Vous comprendrez qu'au-delà de certains engagements pris par le Gouvernement
en matière européenne c'est aussi le respect des engagements pris devant le
peuple en 1997 qui doit guider les choix budgétaires de notre pays.
Répondre aux besoins collectifs, oeuvrer à rendre plus efficace la dépense
publique, la majorer, au besoin, en fonction des priorités du développement
social et de celui du pays, voilà ce qui doit être au coeur de la démarche du
gouvernement de la gauche plurielle.
Cela dit, revenons-en aux recettes de ce collectif budgétaire.
Compte tenu de la date de sa discussion, ce projet de loi de finances
rectificative présente, bien entendu, d'autres caractéristiques qu'un collectif
de fin d'année, qui tend un peu, dans l'absolu, à « solder les comptes de
l'exercice ».
Plus de 40 milliards de francs sont mobilisés par la baisse des impôts, qui
concerne d'abord l'impôt sur le revenu, la taxe sur la valeur ajoutée et la
taxe d'habi-tation.
Nous aurons évidemment l'occasion, dans le cadre de la discussion des
articles, de revenir plus complètement sur les mesures qui sont préconisées,
mais permettez-moi d'emblée de poser un certain nombre de questions.
Nous sommes évidemment très favorables à la réduction du taux normal de la
taxe sur la valeur ajoutée, et nous souhaitons d'ailleurs clairement que soit
définitivement effacée, dans un proche avenir, la majoration décidée par la
majorité de droite en 1995.
Cher collègue Gérard Cornu, vous venez de dire que 1 % de moins, cela ne se
voit pas ; mais permettez-moi de dire que 2 % de plus en 1995, cela s'est vu
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous n'avions pas la croissance !
M. Thierry Foucaud.
Ni la même politique non plus !
M. Guy Fischer.
Ne défendez pas l'indéfendable, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il fallait bien équilibrer les comptes !
M. Thierry Foucaud.
Nous pensons qu'il faut même envisager d'aller plus loin en matière de droits
indirects, car les taxes sur l'essence et le fioul sont trop importantes et
pèsent sur la consommation des produits pétroliers. Et je ne suis pas seul à le
dire, pas plus que le groupe communiste républicain et citoyen : c'est ce que
disent toutes les Françaises et tous les Français.
M. Jean-Claude Carle.
Tout le monde le dit, en effet ! Nous sommes d'accord à cet égard.
M. Thierry Foucaud.
Si nous apprécions la mesure sur l'impôt sur le revenu, nous attendons que,
pour renforcer son efficacité, soit réalisée une évolution sensible de son
assiette.
Le maintien de nombreuses dispositions dérogatoires favorables aux placements
et revenus financiers ne participe pas des objectifs généraux de justice
fiscale, de redistribution sociale et d'efficacité économique que l'impôt sur
le revenu doit essayer d'atteindre.
Comment tolérer, en effet, que persiste aujourd'hui un tel décalage entre la
contribution sociale généralisée et l'impôt sur le revenu, les salaires et
revenus assimilés étant largement plus soumis à imposition ?
Le choix d'un allégement de la contribution sociale généralisée aurait pu être
effectué, étant immédiatement palpable par l'ensemble de nos compatriotes, dont
celles et ceux qui ne paient pas aujourd'hui d'impôt sur le revenu et que
l'aménagement du barème ne concerne donc pas.
S'agissant des impôts locaux, nous estimons là encore que le choix opéré est
pleinement justifié et légitime, mais qu'il mérite de manière évidente d'être
intégré à une réforme plus générale de la fiscalité locale.
Réduire la taxe d'habitation est un bon choix, mais cela ne clôt pas le débat,
en particulier sur la taxe professionnelle, la révision des valeurs locatives,
l'importance relative des dotations et de la fiscalité dans le budget des
collectivités locales.
En effet, venant après la suppression progressive de la part imposable assise
sur les salaires, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation
participe tant de la réduction des capacités autonomes de gestion des
collectivités territoriales que d'une spécialisation des recettes fiscales qui
peut poser problème.
De plus, la charge fiscale pesant sur les ménages demeure assez largement
supérieure à celle qui est imposée aux contribuables de la taxe
professionnelle.
Nous attendons donc du débat sur ce projet de loi de finances rectificative
comme du débat sur le projet de loi de finances pour 2001 qu'ils permettent de
prendre mieux en compte ces réalités.
Nous avons eu l'occasion de le souligner dans le cadre de la discussion des
orientations budgétaires, et c'est particulièrement valable ici.
Nous nous plaçons donc dans ce débat sur une ligne claire : nous partageons
une part importante des choix opérés par le texte, mais nous estimons
nécessaire, dans certains domaines, de relancer la réflexion et de formuler des
propositions libérées de critères de gestion trop restrictifs.
Le groupe des sénateurs et des sénatrices communistes républicains et citoyens
entend marquer ce débat en faisant des propositions pour aider à développer la
politique menée par la majorité de gauche plurielle.
Il se situera donc clairement à l'encontre des propositions de la majorité
sénatoriale, dont l'indignation fiscale s'avère une fois de plus pour le moins
sélective et se plie sans cesse au dogme de la réduction des dépenses
publiques.
Nous faisons et ferons de nos propositions et de nos observations un élément
dynamique de la démarche politique de la gauche plurielle, répondant par là
même aux attentes qu'expriment nos compatriotes.
En fin de compte, pour revenir, en quelque sorte, au point de départ de mon
intervention et faire un lien avec le très intéressant débat d'orientation que
nous avons eu hier, permettez-moi de vous poser une question, madame le
secrétaire d'Etat.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a annoncé un
nouveau collectif budgétaire de fin d'année, collectif qui ramènerait le
déficit final des comptes publics pour 2000 à moins de 200 milliards de francs,
et plus précisément aux alentours de 195 milliards de francs.
M. Hilaire Flandre.
Cela fait combien de SMIC ?
M. Thierry Foucaud.
Cela signifie-t-il que l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui n'a
qu'une portée relative et une valeur d'étape, en quelque sorte, puisque le
rythme d'encaissement des recettes fiscales est suffisamment soutenu pour que
de nouvelles marges voient le jour ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est probable !
M. Thierry Foucaud.
L'état de l'exécution budgétaire fin avril 2000 nous apporte d'ailleurs des
indications significatives : le déficit a été réduit de près de 25 milliards de
francs par rapport à avril 1999, et cette réduction est imputable tant à la
maîtrise des dépenses, en baisse de près de deux points, qu'au dynamisme des
recettes, avec des rendements en hausse de trois points pour la TVA, de six
points pour l'impôt sur le revenu et de plus de vingt points pour l'impôt sur
les sociétés.
Ce sont près de 25 milliards de francs de recettes fiscales nouvelles qui ont
été perçues en quatre mois, et je pense que les mesures de réduction d'impôt
prévues par le collectif actuel ne ralentiront pas fortement ce mouvement de
progression.
Nous ne nous en plaindrons d'ailleurs pas forcément, le niveau des rentrées
fiscales attestant l'amélioration de la situation économique. Nous estimons
donc qu'une part plus importante des marges existantes doit, dès lors, être
effectivement consacrée à répondre aux besoins, notamment sociaux.
Les amendements que nous défendrons au fil de l'examen des articles porteront
sur ce point.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen de ce collectif témoigne de la capacité du Gouvernement à accompagner
la reprise économique tout en permettant aux Français de bénéficier des fruits
de la croissance retrouvée. Il montre également que la politique de réformes se
poursuit.
Que n'a-t-on entendu sur les travées de la majorité sénatoriale : les 35
heures, les emplois-jeunes, toutes ces mesures devaient pénaliser notre
économie, freiner l'investissement et casser la croissance. Force est de
constater qu'à jouer les oiseaux de mauvaise augure, il arrive, bien
heureusement, qu'on se trompe !
Que vous le vouliez ou non, chers collègues de la majorité sénatoriale, le
Gouvernement a su rapidement gagner la confiance de nos concitoyens, alors que
vous aviez mis si peu de temps pour la perdre. Et cette confiance retrouvée
s'inscrit dans la durée !
Aujourd'hui, sur ce collectif, 40 milliards de francs sont réservés à des
baisses d'impôts, sur un total de 51,4 milliards de francs, qui viennent
s'ajouter aux 40 milliards de francs votés en loi de finances initiale.
Ce niveau de recettes exceptionnel est dû à un niveau de croissance rarement
atteint, qui dépasse les prévisions les plus optimistes tout en étant supérieur
à ceux de nos principaux partenaires. La France est devenue la locomotive
économique de l'Europe.
La réduction de notre déficit se poursuit et atteindra, en fin d'année, 200
milliards de francs environ. Le taux de chômage, encore trop élevé, est passé
sous la barre des 10 % de la population active. Nous nous réjouissons tous de
ces résultats, que la plupart d'entre nous n'avaient pas imaginés.
La baisse de la TVA de 20,6 % à 19,6 % entraîne une hausse du pouvoir d'achat
des ménages qui peut être évaluée à 18,5 milliards de francs. Elle fait suite
aux baisses ciblées, en particulier à celle qui s'applique aux logements
sociaux et aux travaux d'entretien et de réhabilitation des logements, où le
taux est passé de 20,6 % à 5,5 %.
Nos concitoyens sont sensibles à ces mesures, qu'ils apprécient d'autant plus
qu'ils considèrent cet impôt comme particulièrement injuste.
L'allégement de l'impôt sur le revenu de 11 milliards de francs prévu dans ce
collectif permet, lui aussi, une hausse du pouvoir d'achat des ménages, due à
la baisse, pour l'imposition des revenus de 1999, des taux d'imposition des
deux premières tranches du barème, qui passent de 10,5 % à 9,5 % et de 24 % à
23 %. Cette baisse profite relativement plus aux foyers de condition modeste ou
moyenne, puisque 650 000 foyers supplémentaires seront exonérés de l'impôt sur
le revenu.
J'en viens à la réduction de la taxe d'habitation. Pour la rendre plus juste
et plus efficace économiquement tout en n'affectant pas les ressources des
collectivités locales - puisqu'elle sera compensée par dégrèvement en 2000 et
par une compensation dans la DGF à partir de 2001 - la suppression de la part
régionale a été choisie. Elle représente 5,8 milliards de francs.
Le remplacement du dégrèvement actuel par un plafonnement de la taxe en
fonction du revenu fiscal de référence des redevables modestes et moyens
représente, lui, 5,2 milliards de francs. C'est donc 11 milliards de francs de
pouvoir d'achat supplémentaire qui seront injectés dans l'économie.
Je n'aurai garde d'oublier les 190 millions de francs d'allégements fiscaux
dus à diverses mesures.
Notre solidarité s'exprime aussi en direction des victimes des intempéries :
inondations, cyclones, marée noire, tempêtes. A cet effet, 10 milliards de
francs sont prévus dans ce collectif.
Nous ne pouvons que nous réjouir, par ailleurs, des crédits supplémentaires
alloués à l'éducation nationale et aux hôpitaux. Nos concitoyens sont en effet
attachés à leur système de soins et de protection sociale. Nous sommes loin des
orientations de M. Juppé, qui avait fixé l'augmentation des dépenses
hospitalières à 1 % !
Bien qu'elle ne suffise pas à corriger toutes les inégalités, l'augmentation
de 2,4 % décidée cette année témoigne de la volonté du Gouvernement de faire
fonctionner notre service public dans de meilleures conditions. C'est seulement
ainsi que nous pourrons garantir des soins de qualité à tous.
Vous nous proposez, madame la secrétaire d'Etat, un plan de diminution des
prélèvements fiscaux de 120 milliards de francs entre 2000 et 2003, auxquels
s'ajoutent les 40 milliards de francs prévus dans ce collectif, soit un total
de 160 milliards de francs.
Cet effort très significatif me paraît raisonnable ; il permet de préserver
les capacités d'investissement de l'Etat tout en maintenant les services
publics indispensables à l'équilibre social et territorial de notre pays.
Monsieur le rapporteur général, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt un article
publié dans
La Tribune,
dans lequel vous écrivez qu'il faut aller « plus
loin, plus vite, plus fort ».
Vous êtes insatiable, monsieur le rapporteur général !
M. Serge Vinçon.
Il a raison !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ai encore de l'appétit !
M. Gérard Miquel.
Les réductions de prélèvements fiscaux proposées par le Gouvernement vous
paraissent trop faibles. Vous proposez des baisses massives et durables
d'impôts et de cotisations sociales,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voilà !
M. Gérard Miquel.
... à hauteur de 250 milliards de francs.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voudrais aider le Gouvernement !
M. Gérard Miquel.
Vous critiquez la proposition de suppression de la part régionale de la taxe
d'habitation, mesure de justice sociale s'il en est, et vous proposez de
diminuer l'impôt sur le revenu sur certaines tranches.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Toutes les tranches !
M. Gérard Miquel.
Là, je crains le pire !
Pour ce qui est des réductions des cotisations patronales, que vous souhaitez,
il faudrait vous mettre d'accord avec vos collègues députés, qui, eux,
proposent une réduction de la part salariale.
En fait, il semble qu'il manque un volet essentiel à toutes vos propositions.
En effet, dans quel secteur ferez-vous baisser les dépenses publiques :
l'éducation, la santé, la justice, la sécurité, la défense - je vous ai entendu
réclamer plus de crédits pour la défense - ou les investissements structurants
? Pour être crédible, vous devriez aller au bout de votre démarche.
De 1993 à 1997, vous n'avez eu de cesse d'augmenter les prélèvements. Ainsi,
le taux de la TVA a été majoré de deux points. Inutile de souligner que ces
augmentations restent ancrées dans toutes les mémoires !
Aujourd'hui, le Gouvernement va à son rythme, et les Françaises et les
Français apprécient la méthode équilibrée retenue. Bien sûr, sa réussite agace
parfois certains d'entre vous, mais les résultats obtenus démontrent de façon
évidente la justesse des mesures prises.
Monsieur le rapporteur général, évoquant, tout comme M. le président de la
commission des finances, l'attribution des quatre réseaux de téléphonie mobile
de troisième génération, dont on attend un résultat financier de 130 milliards
de francs, vous avez dénoncé la façon dont cette somme serait utilisée. M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a pourtant donné
des explications très précises sur cette utilisation et sur la méthode
retenue.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Eh bien, si vous trouvez que c'était précis !
M. Gérard Miquel.
Souvenez-vous, monsieur le rapporteur général, de la manière dont a été
utilisée la soulte de France Télécom ! A l'époque, que je sache, je ne vous ai
pas entendu la dénoncer !
M. Philippe Marini,
repporteur général.
Cela n'a rien à voir, cela a été décidé par le
Parlement !
M. Gérard Miquel.
Bien sûr, cela a été décidé par le Parlement, mais ces 37,5 milliards de
francs qui ont été affectés au budget général en 1997 étaient destinés à un
autre usage.
A tout prendre, je préfère la méthode utilisée pour les 130 milliards de
francs qui vont arriver progressivement dans les caisses de l'Etat au cours des
prochaines années à celle qui a été employée en 1997 pour la soulte de France
Télécom.
Je terminerai mon propos en constatant que la politique volontariste du
Gouvernement porte aujourd'hui ses fruits, en alliant efficacité économique et
justice sociale.
C'est pourquoi le groupe socialiste, dans son ensemble, apportera un soutien
sans réserve à ce collectif que vous nous proposez, madame la secrétaire
d'Etat.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
débat est quelque peu paradoxal. En effet, on a l'habitude de discuter ici d'un
collectif budgétaire en cas de changement de gouvernement ou de majorité.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce sera peut-être le cas !
M. Serge Vinçon.
Présage !
M. Yves Fréville.
A la suite d'un rapport de MM. Nasse et Bonnet, le gouvernement de M. Jospin
avait trouvé bon le budget que la majorité sénatoriale avait adopté, avec la
majorité d'alors de l'Assemblée nationale, puisqu'il n'y avait pas eu besoin de
faire un collectif budgétaire.
M. Jean-Pierre Demerliat.
A ce moment-là, il n'y avait pas d'argent en trop !
M. François Autain.
C'est sûr !
M. Yves Fréville.
Et voilà que, lorsque apparaît une croissance dite « exceptionnelle », mais
qui n'a rien d'exceptionnelle puisque la France.
M. Yves Fréville.
... se situe dans la moyenne mondiale, le Gouvernement, totalement surpris,
nous présente un collectif budgétaire !
Il semble bien - M. le rapporteur général l'a très bien dit - qu'il s'agisse,
en réalité, de l'examen de rattrapage de l'épisode de la vraie-fausse cagnotte
de 1999.
Au fond, il est d'assez bonne guerre que la majorité plurielle ait rappelé au
Gouvernement, et à Bercy, que certaines réalités électorales ne devaient pas
être ignorées, qu'il existait un calendrier des élections locales et nationales
et que, par conséquent, certains changements de politique s'avéraient
nécessaires, surtout après le coup de semonce résultant de l'annonce de
prélèvements obligatoires atteignant le niveau record de 45,7 % du PIB, soit
0,8 % de plus que l'année passée - du jamais vu !
J'ai néanmoins apprécié, hier soir, l'humour de M. le ministre des finances,
qui nous a expliqué que ce n'était pas là l'objet essentiel du collectif, qu'il
s'agissait uniquement d'obtenir l'autorisation de 10 milliards de dépenses
supplémentaires.
Je suis très étonné que l'on n'ait pas trouvé d'autre méthode pour arriver à
ce même résultat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Un décret d'avance !
M. Yves Fréville.
Oui, un décret d'avance qui aurait été régularisé dans le collectif de fin
d'année, comme cela est régulièrement le cas.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Absolument ! On le fait chaque année.
M. Yves Fréville.
Cet argument des dépenses supplémentaires me paraît d'autant plus faux que Mme
le secrétaire d'Etat n'a pas manqué de nous dire tout à l'heure que l'on
verrait sans doute des dépenses disparaître, qu'il ne s'agissait que de
plafonds de dépenses et que, par conséquent, rien n'obligeait à dépenser tout
ce qui avait été inscrit.
La réalité est donc bien celle que j'ai dite : nous avons là un programme qui
prépare à certaines échéances.
De plus, mes chers collègues, ce collectif change une donne essentielle, je
dirai même marque une rupture, avec la fin du processus de réduction du déficit
budgétaire.
Nous avions un déficit budgétaire qui était, en exécution, l'an passé, de 206
milliards de francs ; nous avons aujourd'hui 50 milliards de francs de recettes
supplémentaires. Et que voyons-nous ? Que le déficit budgétaire reste à 215
milliards de francs.
Bien sûr, s'il y a encore des recettes supplémentaires, il nous est dit que
peut-être à la fin de l'année !... Je voudrais en avoir la certitude parce
qu'il y a toujours, en fin d'année, des dépenses supplémentaires à financer,
comme l'a très bien dit M. Descours. Nous aurons sans doute la note du FOREC à
payer.
En tout cas, je note un changement complet de ligne directrice, l'abandon de
la réduction progressive du déficit budgétaire, le choix fait de réduire les
impôts d'aujourd'hui au détriment des impôts de demain, comme cela a été dit en
conclusion par M. le rapporteur général.
Ne voulant pas reprendre l'ensemble du débat que nous avons eu hier soir, je
ferai porter mon propos simplement sur deux points.
Ma déception, au fond, est grande, d'abord, quant aux progrès de la
transparence. Vous avez dit tout à l'heure, madame le secrétaire d'Etat, que la
transparence était l'idée maîtresse de ce collectif budgétaire.
Mon inquiétude est encore plus vive, ensuite, quant à votre vision à courte
vue de certaines réformes fiscales, et je me contenterai, à cet égard,
d'aborder le problème de la réforme des finances locales.
Tout d'abord, devons-nous parler, dans ce collectif, d'obscurité ou de
transparence ? Il faut choisir !
Je formulerai quatre remarques.
D'abord, j'aurais parfaitement compris la nécessité d'un collectif s'il avait
été fondé sur une révision en forte hausse des prévisions de croissance. Or,
vous nous proposez une révision à 3,6 %. C'est effectivement 0,8 % de mieux que
ce que l'on prévoyait à la mi-1999, et je m'en réjouis, mais ce n'est jamais
que la moyenne mondiale, ainsi que je l'ai dit.
Ce qui m'étonne - et c'est là que je vois quelque obscurité dans vos propos -
c'est qu'une telle accélération aujourd'hui reconnue, acquise, de 0,8 % - il ne
s'agit pas de savoir si nous aurons encore plus à la fin de l'année - ne
produirait qu'une dizaine de milliards de francs de ressources
supplémentaires.
Ma deuxième remarque - on l'a dit et redit, mais il faut parfois enfoncer le
clou ! - c'est que vous engrangez une quinzaine de milliards de francs de
recettes non fiscales qui ont été reportées de 1999 sur 2000 par un simple jeu
de cavalerie qui vous a valu un sévère rappel à l'ordre de la Cour des comptes,
entendez des versements différés de la Caisse d'amortissement de la dette
sociale, la CADES, de la Compagnie française d'assurance pour le commerce
extérieur, la COFACE, et de la Caisse des dépôts, versements que l'on avait
omis d'appeler pour le 31 décembre.
Si ces ressources avaient été encaissées avant le 31 décembre, conformément à
la volonté du Parlement, le déficit budgétaire en aurait été réduit d'autant.
Aussi, la seule façon logique, à mes yeux, de couvrir cette grave irrégularité
eût été de réduire le déficit exactement du même montant dans ce collectif :
les 15 milliards de francs auraient dû être encaissés l'année dernière et
auraient servi à réduire le déficit ; comme cela n'a pas été fait, il fallait
le faire cette année.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Exactement !
M. Yves Fréville.
Telle est, me semble-t-il, la deuxième irrégularité.
Ma troisième remarque relative à l'obscurité a trait à ce qu'on appelle, dans
le jargon financier, le rebasage des recettes de l'an 2000, à la suite d'une
sous-évaluation des recettes de l'an passé. C'est une opération purement
technique, mais pas inintéressante, dans le détail de laquelle je n'entrerai
pas.
Ce qui est intéressant, c'est que la Cour des comptes nous informe que
l'opération de cavalerie de fin 1999 concernait également les comptes
d'imputation provisoire de la TVA à hauteur de 9 milliards de francs, qui
s'ajoutaient donc aux 15 milliards de francs dont je viens de parler.
Il aurait été parfaitement logique que ces 9 milliards de francs
supplémentaires réapparaissent en sus des recettes de cette année. Or, tel
n'est pas le cas. D'où ma question très simple : cela veut-il dire que vous
comptez, à la fin de l'année, recommencer l'opération une nouvelle fois, en
créant de nouveaux comptes d'imputation provisoire, avec 9 milliards de francs
supplémentaires ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Jusqu'en 2002 !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas l'envie qui manque !
M. Yves Fréville.
J'ai tout de même pris acte, madame le secrétaire d'Etat, de votre promesse
que les éventuelles recettes supplémentaires serviraient à réduire le déficit.
Nous attendons ; nous verrons bien ce qu'il en sera lors du collectif de fin
d'année.
J'ajoute - ce sera ma dernière remarque concernant les problèmes de
transparence - qu'il faut supprimer une absurdité qui réduit de façon
totalement fictive les recettes et les dépenses de l'Etat dans l'article
d'équilibre. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Mes chers collègues, certains d'entre nous vont voter - je ne préjuge pas des
votes - 11 milliards de francs de réduction de la taxe d'habitation,
c'est-à-dire 11 milliards de francs de dégrèvement. Tout citoyen sensé pourrait
croire, bien entendu, qu'il y aura, de ce fait, 11 milliards de francs de
dépenses supplémentaires dans le budget de l'Etat. Eh bien, pas du tout ! Les
dépenses ne vont pas augmenter ; ce sont les recettes de l'Etat qui vont
diminuer de 11 milliards de francs parce que l'on rembourse les contribuables
locaux de cette somme !
Permettez-moi de dire que ce jeu d'écriture prend des allures de plus en plus
graves parce que, en 1999, le total des dégrèvements d'impôts locaux s'est
élevé à 64 milliards de francs, 64 milliards de francs qui, véritablement,
échappent à une lecture saine et cohérente du budget général.
Voilà quelques remarques sur les problèmes d'obscurité ou de transparence.
Je voudrais maintenant aborder une question de fond et dire mon inquiétude
quant à la vision à courte vue de la réforme de la fiscalité locale que traduit
ce collectif.
En affectant 40 milliards de francs à la baisse des impôts, le Gouvernement se
donnait les moyens de procéder à une vraie politique de réforme fiscale. Mais
il a préféré la technique du saupoudrage ; nous avons abordé ce sujet au cours
de la nuit dernière, je n'y reviendrai pas. Je rappellerai simplement que mon
groupe regrette très vivement que le Gouvernement ne se soit pas engagé dans
une politique de réduction du « coin fiscal », c'est-à-dire de l'écart entre
les salaires bruts et les salaires nets par une politique de crédit d'impôt qui
aurait bénéficié à tous les salariés dont les revenus sont inférieurs à 1,3
fois le SMIC. Mais ce que vous nous proposez, c'est un allégement de taxe
d'habitation à hauteur de 11 milliards de francs.
Cet allégement est-il justifié ? Je voudrais commencer par demander si l'Etat
est partiellement responsable de certaines injustices en matière de taxe
d'habitation. Je crois que oui, et cela pour deux raisons essentielles.
Il est tout à fait vrai - notre collègue M. Delfau le rappelait hier soir -
que les collectivités, qui lèvent une forte taxe d'habitation, sont souvent
celles qui perçoivent peu de taxe professionnelle. Et si cette situation
subsiste, c'est bien parce que notre politique de péréquation est absolument
insuffisante. Faute d'avoir corrigé suffisamment les inégalités de potentiel
fiscal entre nos communes, nos départements, on est entré voilà déjà quinze ou
vingt ans dans une mécanique absolument démentielle qui consiste à essayer de
corriger les inégalités par des dégrèvements qui concernent les contribuables,
lesquels dégrèvements et compensations s'élèvent actuellement à près de 90
milliards de francs. Comme des sommes énormes sont ainsi mises au service de
cette politique, on ne dispose plus de sommes pour la péréquation.
Or, ce que nous propose le Gouvernement, c'est d'aller encore plus loin dans
cette direction : non contents d'abandonner la péréquation, on corrige à coups
de dégrèvements l'absence de péréquation.
Ensuite, et tout le monde ne sera sans doute pas d'accord avec mes propos -
comme le rappelait hier notre collègue M. du Luart, pas un gouvernement n'a eu
le courage de mettre en application la révision des bases locatives. Comment
voulez-vous que des évaluations cadastrales vieilles d'une trentaine d'années
aient encore quelque sens et ne conduisent à des situations individuelles
iniques en matière de taxe d'habitation.
J'ajouterai - et cela a été bien vu par la commission - que ces injustices
sont doublées pour les propriétaires accédants, car, elles concernent non
seulement les bases de la taxe d'habitation, mais également celles de la taxe
foncière, pour laquelle, d'ailleurs, les dégrèvements sont négligeables, et qui
frappe aussi les organismes d'HLM puisqu'elle est comprise dans leurs
charges.
Madame le secrétaire d'Etat, vous aviez l'occasion d'utiliser la marge de
manoeuvre du collectif pour mettre enfin en place cette révision des bases en
atténuant les transferts de charges qu'elle engendrerait et en redonnant ainsi
un fondement sain à notre fiscalité locale frappant les ménages.
Nous savons tous que le principal blocage à lever résulte de la décision de
créer un groupe spécifique d'évaluation pour les HLM. De ce fait, si l'on
appliquait la réforme de 1990 telle quelle, plus une commune comprendrait
d'HLM, dont les valeurs ont été réduites, plus la charge de la taxe
d'habitation serait reportée sur les autres habitants.
Il aurait suffi - et cela aurait pu être accepté par votre majorité plurielle
- de recycler une partie de ces ressources en faveur des communes comptant de
nombreux logements HLM, et vous auriez rendu la réforme viable.
Telles sont les responsabilités de l'Etat. Le Gouvernement n'ayant pas voulu
s'engager dans la politique à long terme que je viens de préconiser, ses
propositions à court terme sont néanmoins inacceptables à la fois pour les
collectivités locales et pour les contribuables locaux.
Pourquoi s'être engagé dans cette politique ? Je me le demande !
Véritablement, ces propositions gouvernementales vont tout à fait à l'encontre
de la politique de décentralisation et d'autonomie des collectivités locales
que vous prétendez défendre. Dans ce domaine, votre politique est quelque peu
schizophrène, à moins qu'il ne s'agisse d'une politique de Gribouille - je ne
sais comment la qualifier - puisque vous faites, d'un côté, ce qu'il ne faut
pas faire, de l'autre.
Plusieurs de nos collègues ont d'ailleurs très bien démontré - c'est pourquoi
j'irai très vite - qu'il n'y a plus d'autonomie locale si les collectivités ne
conservent pas la possibilité de fixer librement au moins une partie de leurs
ressources. Or l'indice de dépendance, c'est-à-dire le rapport des
compensations et des dégrèvements à la fiscalité directe locale, explose. Si la
liberté d'agir des collectivités locales se limite à affecter entre diverses
dépenses des enveloppes fixées par l'Etat, ce sont de véritables principaux
fictifs qui renaissent, et la décentralisation est mort-née.
De plus, et c'est un argument fort, il faut que les élus locaux soient
fiscalement responsables devant leurs électeurs également contribuables puisque
le marché « politique » - employons le mot même s'il fait hurler certains - ne
peut fonctionner que si plus de dépenses locales se traduisent par plus de
cotisations sur la feuille d'impôt, que moins de dépenses conduisent à moins
d'impôts. Comment voulez-vous autrement juger de l'efficacité des équipes
municipales ou départementales ?
A cet égard, votre réforme est deux fois discutable.
Vous supprimez la part régionale de la taxe d'habitation. Alors, quel est le
lien qui demeurera entre la région et l'ensemble des ménages appartenant à
cette région ? Il n'y a pas d'autres impôts que la taxe d'habitation qui,
aujourd'hui, lie la région à tous ses électeurs. Bien sûr, on pourrait imaginer
d'autres impôts : une taxe sur le téléphone ou une taxe régionale sur le
revenu. Mais ce n'est pas l'enjeu. Vous supprimez le seul lien, et je crois,
par conséquent, que la commission a eu parfaitement raison de le maintenir,
faute d'une autre réforme proposée par le Gouvernement.
Mais, surtout, votre mécanisme de dégrèvement est totalement
déresponsabilisant. Certes, vous avez raison de le simplifier, mais en fait
vous allez cumuler tous les inconvénients des anciens systèmes. Quand on
regarde les chiffres - et vous avez publié un rapport fort intéressant sur la
taxe d'habitation - plus une commune élève sa pression fiscale, plus elle
augmente le taux de la taxe d'habitation et plus l'Etat va verser à ses
contribuables des dégrèvements. On aboutit à une situation où, dans les grandes
villes qui pratiquent des taux d'imposition élevés, 50 % de la population
bénéficie d'exonérations, de dégrèvements de taxe d'habitation.
Le dégrèvement, c'est l'anesthésie du contribuable local. Dès lors, quel
intérêt y a-t-il à gérer avec rigueur une ville si la moitié des électeurs n'en
constate pas les effets ?
Par voie de conséquence, le mécanisme des dégrèvements est devenu totalement «
contre-péréquateur ».
J'ai étudié les chiffres, de votre rapport, madame le secrétaire d'Etat. J'ai
calculé combien les dégrèvements rapportaient dans chaque département. Les
résultats sont absolument extraordinaires.
Savez-vous, mes chers collègues, quel est le département où les dégrèvements
apportés par l'Etat sont les plus élevés ?... Les Alpes-Maritimes avec plus de
500 francs par habitant.
Savez-vous quel est le département qui bénéficie le moins de cette politique
de l'Etat ? Il s'agit d'un département dont personne n'imaginait la richesse :
la Lozère !
Si cet exemple ne vous satisfait pas, j'indique que le département qui précède
la Lozère dans ce classement est celui de la Haute-Saône, avec un dégrèvement
de 100 francs par habitant. Le département des Alpes-Maritimes - quand j'évoque
le département, il s'agit en fait de l'ensemble de ses collectivités locales et
de ses habitants - est-il le plus pauvre de France, et la Lozère est-elle le
département le plus riche ? Evidemment non.
Cette politique déresponsabilisante, dont les effets vont à l'encontre de la
péréquation, ne peut pas être considérée comme une politique fiscale
rationnelle.
J'aurai également l'occasion, lors de l'examen des articles, de montrer que le
mécanisme de dégrèvement proposé se fonde sur une formule de calcul
fallacieuse, mais je crois que la commission a eu parfaitement raison de faire
en sorte que cette réforme des finances locales soit ramenée à sa juste mesure
en rétablissant la part régionale de taxe d'habitation. Pour le reste, le
chantier doit rester ouvert.
Je conclurai mon propos, madame le secrétaire d'Etat, en vous disant que j'ai
apprécié à sa juste valeur le « don gratuit » - c'est une formule qui était
employée sous l'Ancien Régime - de 250 millions de francs que le Gouvernement,
dans sa générosité, a accordé aux collectivités locales, qui avaient été taxées
à hauteur de 500 millions de francs au titre de la dotation de compensation de
la taxe professionnelle, ce qui avait valu à certaines d'entre elles une
réduction de 16,5 % de leurs recettes à ce titre.
Madame le secrétaire d'Etat, l'Etat incite à la création de communautés
d'agglomération, et c'est très bien.
M. le président.
Et des communautés urbaines !
M. Yves Fréville.
En effet, monsieur le président, des communautés urbaines aussi. Il se réjouit
de leur succès, vous l'avez dit tout à l'heure. Il avait promis, lors de nos
discussions, que le recours éventuel sur la DCTP ne commencerait qu'en 2001. Et
voilà que le Gouvernement ne se révèle pas capable, alors qu'il dispose de 50
milliards de francs de recettes supplémentaires, d'en dégager 1 % pour tenir
non pas un engagement juridique, car ce n'en était pas un, je le reconnais
parfaitement, mais du moins une promesse morale de faire en sorte que toutes
les communautés d'agglomération reçoivent de l'Etat les 250 francs par habitant
qui leur avaient été promis.
Si c'est à partir de comportements de ce type que les relations financières
doivent être établies entre l'Etat et les collectivités locales, il ne pourra
s'agir de relations de confiance.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce collectif appelle de la part de
notre groupe beaucoup de réticences. Je me réjouis de constater que la
commission, dans la limite du possible, a pu en corriger les plus graves
erreurs, mais ce n'est naturellement que lors du vote du collectif de fin
d'année que nous vérifierons, madame le secrétaire d'Etat, si le déficit
budgétaire est bien réduit et si vous avez engagé une véritable politique de
réforme fiscale.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, hier
après-midi, le groupe des Républicains et Indépendants, par la voix de notre
collègue Roland du Luart, a dénoncé un débat d'orientation budgétaire qui tend
à devenir un débat de « désorientation » politique.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous en administre, si vous me permettez
l'expression, la preuve par dix et non par neuf : dix milliards de francs
d'ouvertures nettes de crédits inscrits dans le collectif budgétaire alors que
le ministre de l'économie nous parle de maîtrise des dépenses. Dix milliards de
francs, c'est considérable ! C'est plus de trois fois le budget de la jeunesse
et des sports. Mme Buffet ferait beaucoup de choses avec une telle somme.
Dix milliards de francs pour quoi faire ? Madame le secrétaire d'Etat, vous
nous dites que cet argent est d'abord destiné à financer la réparation des
dégâts causés par la marée noire et les tempêtes de la fin de l'année dernière.
Très bien, car la solidarité nationale doit jouer dans ce domaine. Mais cela
peut et devrait se faire à enveloppe constante. Cela n'excuse pas le dérapage
global des dépenses de l'Etat. Des économies auraient peu être réalisées
ailleurs, grâce à de vraies réformes structurelles.
Je constate par exemple que l'on prévoit 1 milliard de francs de plus pour
l'enseignement scolaire. Je dirai, au risque de choquer, que c'est attristant !
L'école a besoin d'une vraie réforme structurelle, pas d'un nouveau saupoudrage
de crédits, pour un gain politique à court terme mais aucun résultat à moyen ou
à long terme. J'ai été l'un des rapporteurs de la commission d'enquête sur la
situation et la gestion des personnels enseignants. Le coût de la mauvaise
gestion des personnels peut être chiffré à 10 milliards de francs.
Nous sommes donc sûrs que le milliard de francs de dépenses nouvelles
n'améliorera en aucun cas la qualité de l'enseignement. Il permettra tout juste
de calmer temporairement la grogne de certains personnels.
Je pourrai dire la même chose de la politique de la ville : 450 millions de
francs supplémentaires sont prévus, mais pour quel résultat ? Pour quelle
politique ? La méthode actuelle est un échec : jamais les phénomènes de
violence et d'insécurité n'ont été aussi forts.
Ces deux exemples - éducation et politique de la ville - montrent l'échec des
politiques centralisées. L'Etat est incapable de faire face aux corporatismes
et, de ce fait, apporte une seule réponse : le toujours plus budgétaire.
Il est urgent de mettre un terme à autant de pertes en ligne. Il suffit de
voir le temps que l'Etat met à débloquer les aides aux sinistrés de la marée
noire et des tempêtes !
Nous devons inverser le sens de la démocratie et rapprocher le plus possible
la décision de l'action. Nous devons passer d'une démocratie descendante à une
démocratie ascendante. C'est sur le terrain que se posent les vrais problèmes.
C'est donc là que doivent être prises les décisions.
Mes chers collègues, nous devons mettre fin au toujours plus et refuser la
fuite en avant budgétaire.
C'est pourquoi notre groupe approuve la démarche de la commission des finances
qui propose de financer les 10 milliards de francs de dépenses nouvelles par
redéploiement, ce qui permet de diminuer d'autant le déficit budgétaire. C'est
là un choix raisonnable et une décision responsable.
Le Gouvernement nous promet la lune. Nous préférons garder les pieds sur
terre. Notre pays doit préparer l'avenir et non pas s'en tenir à la
satisfaction de tel ou tel corporatisme. Ne jouons pas avec l'avenir des
générations futures, avec leurs impôts, avec leurs retraites.
Comme d'habitude, l'Etat est très doué pour donner des leçons aux autres et il
se montre généreux avec l'argent qui n'est pas le sien, que ce soit celui des
contribuables ou celui des collectivités locales.
Il rend aujourd'hui 40 milliards de francs aux Français, après leur en avoir
prélevé des centaines depuis 1997.
Il propose de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation, mais sans
toucher aux frais d'assiette et de recouvrement qu'il perçoit lui-même ; notre
commission des finances propose très justement d'y remédier.
Il nous parle de transparence alors que la Cour des comptes ne cesse de le
rappeler à l'ordre.
Le Gouvernement nous présente un collectif qui prévoit un déficit budgétaire
de 215 milliards de francs en 2000, soit près de 10 milliards de francs de plus
qu'en 1999. Mais, dans le même temps, il laisse entendre que ce déficit
pourrait n'être finalement que de 200 milliards de francs.
Voilà donc un gouvernement qui envisage un nouveau surplus de recettes d'une
quinzaine de milliards de francs. Les « cagnotteries » continuent !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est que l'on appelle la transparence !
M. Jean-Claude Carle.
C'est la transparence, en effet !
Voilà un ministre de l'économie et des finances qui présente au Parlement un
projet de budget en admettant lui-même que les chiffres peuvent ne pas être
exacts. Devons-nous y voir une nouvelle manière de pratiquer la « transparence
» budgétaire ?
Le précédent ministre de l'économie niait farouchement tout surplus fiscal.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On voit où cela l'a conduit !
M. Jean-Claude Carle.
Le nouveau en reconnaît l'existence, sans pour autant accepter de l'inscrire
dans le collectif budgétaire et d'en discuter avec le Parlement.
Hier, le Gouvernement privait secrètement les parlementaires de leur droit de
regard sur une bonne partie du budget. Aujourd'hui, il ne s'en cache même plus,
il le fait ouvertement.
Il ne pouvait mieux manifester son mépris pour le Parlement et ce, bien
au-delà des clivages politiques.
Une fois de plus, le Gouvernement excelle dans l'art du leurre en attirant
l'attention sur certains points pour mieux cacher l'essentiel.
Le Sénat doit-il tomber dans le piège et examiner seulement les sujets que le
Gouvernement accepte d'aborder ? Non ! Nous devons dénoncer cette caricature de
la démocratie et dire ce que nous voulons vraiment pour notre pays.
Faire du saupoudrage budgétaire ne fait pas une politique. Si le ciblage peut
paraître habile, le résultat sera décevant.
Des dépenses supplémentaires doivent s'inscrire dans une perspective de
réforme. Le Gouvernement se contente d'ouvrir les vannes. Les milliards
risquent, une fois encore, de se perdre dans les siphons des
administrations.
Chacun sait que ces dépenses nouvelles ne peuvent suffire, par exemple, à
pallier l'absence de véritable politique hospitalière, pas plus qu'ils ne
résoudront la crise du collège ou de l'enseignement professionnel.
Le Gouvernement pratique la politique du carnet de chèque ou du droit de
tirage. Il veut apaiser la fièvre sans soigner le mal. Le Sénat doit proposer
une autre voie, celle de la réforme de l'Etat et de la fiscalité.
C'est ce qu'attendent nos compatriotes face à la mondialisation et à
l'évolution inquiétante des régimes sociaux, et c'est dans cet esprit que notre
groupe aborde l'examen de ce projet de loi de finances rectificative, en
saluant le travail de notre commission des finances, de son président et de son
rapporteur général, dont nous soutiendrons les initiatives et les propositions.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci !
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme
vous avez pu le constater tout à l'heure en écoutant l'intervention de mon
excellent collègue M. Charles Descours ; la commission des affaires sociales a
demandé à être saisie pour avis de ce projet de loi de finances
rectificative.
Pourquoi cette procédure exceptionnelle ? Est-ce parce que, pour la première
fois depuis quatorze ans, les comptes de la sécurité sociale sont enfin
équilibrés ? Est-ce parce que le chômage vient de passer sous la barre des 10 %
? Est-ce pour célébrer la première année de mise en oeuvre de la CMU, qui
permet enfin l'accès au tiers payant de six millions de Français ? Est-ce pour
fêter à sa manière la première année d'application des 35 heures, à laquelle la
majorité de notre assemblée est particulièrement attachée...
(Sourires)
notamment la majorité de la commission des affaires sociales,
à laquelle j'appartiens ?
Je me perds en conjectures. Certes, j'ai cru comprendre, monsieur le
rapporteur général, que vous ne pensiez pas que du bien de la politique du
Gouvernement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous avez bien compris !
M. François Autain.
En écoutant mon collègue Charles Descours, j'ai aussi cru comprendre qu'il
n'appréciait pas véritablement la nouvelle « étape » hospitalière - pour
reprendre un terme utilisé par Mme Aubry - décidée par le Gouvernement...
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Enfin !
M. François Autain.
... comme le lui permettent pourtant les crédits inscrits dans le collectif
budgétaire qui nous est aujoud'hui soumis.
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Ne soyez pas caricatural !
M. François Autain.
Il est vrai que la fonction d'opposant - que je connais bien - n'incline pas
toujours à reconnaître les mérites d'un Gouvernement qui a su, aussi rapidement
et aussi bien, répondre à l'appel des personnels hospitaliers.
En 1995, il avait fallu attendre beaucoup plus longtemps pour que le
Gouvernement daigne entendre les salariés qui étaient descendus dans la rue.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'y avait pas d'argent !
M. François Autain.
Depuis la signature du protocole du 13 mars dernier et après deux mois de
discussion, les praticiens hospitaliers et le Gouvernement ont su établir un
réel climat de confiance qui laisse bien augurer de la réunion du comité de
suivi qui se tiendra le 9 juin prochain.
Permettez-moi de vous féliciter, madame le secrétaire d'Etat, d'avoir inscrit
les crédits qui permettront au Gouvernement de respecter ses engagements à
l'égard des personnels hospitaliers. Il n'y rien de choquant à ce qu'une partie
de ces crédits soit inscrite dans le budget de l'Etat.
Je vous ai aussi entendu, monsieur le rapporteur pour avis, déplorer l'absence
de collectifs sociaux - c'est pour vous une critique récurrente - au motif
notamment que les crédits destinés au financement du protocole du 14 mars
dernier, c'est-à-dire ceux qui sont affectés au personnel hospitalier, seraient
supportés par l'assurance maladie, modifiant ainsi l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie. Vous oubliez sans doute, ce faisant, la
jurisprudence du Conseil constitutionnel qui estime que le recours au collectif
social ne saurait être obligatoire.
Vous avez aussi critiqué le retard apporté à la constitution du fonds de
financement des 35 heures créé par la dernière loi de financement de la
sécurité sociale en oubliant un peu vite que, à son époque, un Premier
ministre, je pense qu'il s'agissait de M. Juppé, avait lui aussi tardé...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Heureusement qu'il était là, sinon que diriez-vous
?
M. François Autain.
J'aurais pu évoquer son prédécesseur !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ça commence à dater !
M. François Autain.
C'est long, pour vous, je le reconnais, mais cela ne fait que trois ans !
M. Juppé avait donc mis un certain temps à constituer les conseils de
surveillance des caisses de sécurité sociale annoncés à la fin de 1995...
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Oui, mais nous avions protesté et je ne vous ai pas
entendu !
M. François Autain.
Vous n'aviez pas protesté publiquement avec autant de véhémence !
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Comment ? On l'avait menacé d'une conférence de
presse ! Faites-en autant avec M. Jospin !
M. François Autain.
Faisant ce constat, je me demande quelle est la vraie raison de la saisine
pour avis de la commission des affaires sociales.
Elle s'inquiète de la cohérence des comptes de l'Etat avec ceux de la sécurité
sociale et elle accuse ni plus ni moins le Gouvernement de mensonge.
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Je n'ai pas dit cela !
M. François Autain.
C'est ce que j'avais cru comprendre, même si l'on sent une hésitation sur la
vraie nature de ce mensonge.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le manque de transparence !
M. François Autain.
Je m'explique : le Premier ministre a annoncé l'an dernier à la conférence de
la famille qu'il entendait inscrire dans le droit la pérennisation de fait de
la majoration de l'allocation de rentrée scolaire en faisant de l'allocation
majorée une véritable prestation familiale.
Le Premier ministre a ajouté que, dès lors, le coût de cette prestation, comme
celui de toutes les autres d'ailleurs, devrait être supporté, à terme, par la
Caisse nationale des allocations familiales.
Ce transfert, parfaitement fondé sur le plan social, était aussi parfaitement
justifié sur le plan financier, puisqu'au déficit de la branche famille laissé
par les deux gouvernements précédents, lié en grande partie à une loi qu'ils
n'avaient pas financée, le Gouvernement a substitué une situation excédentaire
durable.
Réduire un peu le déficit de l'Etat, en prenant soin, année par année, de
garantir l'équilibre de la branche famille, avec, au bout de la route, une
prestation sociale consolidée, je me demande où est l'erreur !
(M. le
rapporteur pour avis s'exclame.)
Aussitôt dit aussitôt fait, la loi de financement pour l'an 2000 a prévu, à
titre provisionnel, une première tranche de transfert de 2,5 milliards de
francs, en promettant, à titre de contrepartie, de décharger la branche famille
des dépenses du FASTIF, soit 1 milliard de francs.
Mieux, dans l'article 9 du projet de loi initial de financement de la sécurité
sociale pour 2000, le Gouvernement garantissait les ressources de la CNAF, en
précisant notamment que cette garantie tenait compte des crédits d'Etat
correspondant à la part prise par celui-ci dans le financement de la majoration
de l'allocation de rentrée scolaire.
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Pas du tout ! Vous ne faites pas attention à ce que
je dis.
M. François Autain.
On ne pouvait mieux tenir l'engagement pris par le Premier ministre devant la
conférence de la famille et la promesse que, de toute façon, la caisse
disposerait des ressources nécessaires.
Malheureusement, le Conseil constitutionnel n'a pas voulu de cet article 9 et
l'a annulé au motif qu'il ne respectait pas le principe de l'annualité
budgétaire.
Le Gouvernement a, dès lors, respecté la décision du Conseil constitutionnel.
Pouvait-il faire autrement ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, il ne pouvait pas faire autrement.
M. François Autain.
La loi de financement, comme je l'ai déjà dit, a anticipé la part laissée
cette année à la Caisse nationale d'allocations familiales.
Dans quelques jours, le Premier ministre rendra compte devant la conférence de
la famille de la première étape de réalisation de son engagement. Il le fera
chaque année jusqu'à ce qu'il soit pratiquement réalisé.
Ensuite, rien ne s'opposera à ce que la part revenant de l'Etat soit inscrite,
en conséquence, comme elle l'est d'une manière immuable depuis 1993, dans le
collectif budgétaire d'automne. Pourquoi en serait-il autrement cette année
alors que tous les indicateurs économiques sont au vert ?
Ainsi, l'une des deux hypothèses les plus pessimistes imaginée par M. le
rapporteur pour avis doit être écartée.
A l'évidence, l'autre de ces deux hypothèses les plus noires est également
écartée : le Gouvernement ne reviendra pas sur l'engagement pris devant la
conférence de la famille, l'an dernier, de pérenniser à terme la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire. Nul doute qu'il le confirmera, comme le
suggère le rapporteur pour avis lui-même, devant la conférence de la famille le
15 juin prochain.
Cette manière de faire est conforme - je le dis parce que vous aimez, cher
Charles Descours, le citer - au souhait du Président de la République qui veut
plus de dialogue social et plus de concertation privilégiée avec les
partenaires sociaux et les acteurs du système de protection sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur pour avis.
Décidément !
M. François Autain.
Dès lors, il reste la dernière hypothèse envisagée par la majorité de la
commission des affaires sociales et qui voudrait que le Gouvernement ait
différé l'inscription de la contribution de l'Etat afin de laisser à la caisse
la charge de trésorerie.
Je note que, ce faisant, le Gouvernement n'agira pas autrement que ses
prédécesseurs. Je précise toutefois que cette charge de trésorerie pèse
désormais sur une caisse dont les résultats financiers laissent apparaître de
forts excédents. Il faut reconnaître qu'il n'en a pas toujours été ainsi !...
Je n'aurai pas l'indélicatesse de rappeler certains déficits que nous avons
connus.
Enfin, je relève, pour revenir à la question initiale que je posais et y
répondre, que la saisine pour avis de la commission des affaires sociales
n'avait pas de vraie raison.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur pour avis, plutôt que de procéder
à un examen critique avec une rigueur notariale du calendrier retenu par le
Gouvernement pour garantir les équilibres généraux des finances publiques de
l'année 2000, je vous suggère d'inviter la commission à réfléchir à
l'amélioration de notre système de protection sociale.
Pas plus tard que lundi, d'ailleurs, le Président de la République - je vais
finir par le citer plus souvent que vous ne le faites - nous y invitait tous. A
cette invitation-là, si vous nous la proposez, je répondrai !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, centrer mon propos sur les
conséquences des intempéries qui ont, chacun s'en souvient, profondément
marqué, je dirais même traumatisé, une grande partie du pays les 25 et 27
décembre dernier ainsi que sur les mesures prises par le Gouvernement pour
faire face aux lourds dégâts occasionnés par cette catastrophe naturelle
majeure qui a touché plus des deux tiers du territoire.
L'arrêté portant état de catastrophe naturelle est à ce titre explicite, car
il concerne soixante-neuf départements.
Face à une situation encore critique aujourd'hui, ce collectif budgétaire
consacre les engagements du Gouvernement envers toutes les victimes des
intempéries : particuliers, entreprises et collectivités territoriales. Ce sont
près de 5,5 milliards de francs qui nous sont proposés dans ce projet de loi de
finances rectificative et qui recouvrent des mesures aussi diverses que la
remise à neuf des bâtiments et ouvrages collectifs endommagés, les baisses ou
exonérations d'impôts ou les mesures en faveur des exploitants forestiers ; et
je suis loin d'être exhaustif !
Ces crédits traduisent donc bien un réel effort de solidarité nationale et
correspondent, en outre, aux mesures d'urgence qui ont été prévues par le
Premier ministre, lorsque celui-ci s'est rendu immédiatement sur les lieux les
plus durement touchés par les intempéries.
Mes chers collègues, je souhaite m'étendre un peu plus longuement sur les
mesures prises en faveur des communes dans ce vaste plan gouvernemental.
En Haute-Vienne, l'un des départements les plus touchés avec la Dordogne et la
Charente-Maritime, des milliers d'hectares de forêt ont été complètement
dévastés, des centaines de kilomètres de routes communales ont été endommagées,
des centaines de kilomètres de lignes électriques et téléphoniques ont été
mises hors service et des centaines de kilomètres de rivière et des dizaines de
ponts ont été encombrés par des embâcles et le sont encore ; hélas ! parfois
encore.
Madame la secrétaire d'Etat, j'ai bien conscience qu'il nous est imposé une
certaine rigueur budgétaire, néanmoins il serait difficile d'expliquer aux
Français qui ont été privés d'électricité parfois pendant des semaines, aux
maires qui ont vu leurs dépenses de fonctionnement et d'investissement
augmenter considérablement, voire exploser, et ce de manière bien évidemment
imprévue et imprévisible, il serait difficile, donc, de leur expliquer que le
respect des grands équilibres budgétaires prime sur l'aide que l'Etat se doit
de leur apporter !
Mes chers collègues, les décisions prises par le Gouvernement sont à la mesure
de ces événements. Elles répondent à des situations d'une extrême gravité et
d'une urgence absolue ; et résolvent les problèmes les plus immédiats.
Toutefois, s'agissant des collectivités locales, certains progrès pourraient
encore être accomplis. Cela nécessiterait quelques efforts budgétaires
supplémentaires, car les estimations des nouvelles charges résultant de cette
catastrophe n'ont pu, et ne peuvent encore, dans un grand nombre de communes,
être convenablement estimées. En effet, en ce qui concerne notamment les
routes, les ponts et, de manière plus générale, tous les ouvrages d'art, on ne
pourra évidemment faire le bilan définitif que plus tard, peut-être dans
plusieurs années.
Comme je l'ai déjà dit, les dégâts causés par la tempête ont occasionné un
grand nombre de dépenses exceptionnelles pour faire face à l'urgence, dépenses
à la charge des collectivités locales non seulement pour les personnels -
heures supplémentaires, frais liés à la restauration et à l'hébergement des
bénévoles - mais aussi pour la réfection des routes communales, la restauration
des fossés, etc. Depuis décembre dernier, les dépenses des personnels ont
augmenté de plus de 15 % dans la plupart des communes !
En outre, certains dégâts, je l'ai déjà dit, notamment ceux qui affectent la
voirie communale, ne sont pas encore correctement appréciés et pourraient ne se
révéler pleinement, au mieux, qu'à l'automne prochain, sous les effets du gel
et du débardage des chablis.
Madame la secrétaire d'Etat, je profite de l'occasion qui m'est donnée
aujourd'hui pour poursuivre le débat et anticiper sur les prochaines échéances
budgétaires. Pourquoi ne pas envisager, en conséquence, d'abonder la dotation
globale de fonctionnement et la dotation globale d'équipement attribuées aux
collectivités locales les plus durement sinistrées, dans le cadre du projet de
loi de finances pour 2001 ? Les majorations de ces dotations pourraient être
déterminées en fonction d'éléments tout à fait objectifs qui sont maintenant
presque tous répertoriés, tels que le nombre d'hectares de forêt détruits, de
kilomètres de routes endommagées, ou en fonction, bien évidemment, de l'ampleur
des surcharges de frais de personnels des communes.
Ces éléments chiffrés ou faciles à chiffrer permettraient d'établir le compte
précis de ce que chaque commune pourrait percevoir et de ce dont elle a
absolument besoin, afin de prolonger, dans le cadre du prochain budget - et
sans doute des suivants - l'élan de solidarité nationale qui a été donné par le
gouvernement de Lionel Jospin.
Au total, ces deux majorations, de la DGF et celle de la DGE, nécessaires au
maintien de la cohésion de notre territoire ainsi qu'au principe d'égalité
devant les charges publiques, pourraient ne pas se révéler très coûteuses et ne
pas dépasser le milliard de francs par an. Les grands équilibres
macroéconomiques seraient maintenus et la solidarité nationale renforcée.
Il reste à étudier, madame la secrétaire d'Etat, comment ces majorations
pourraient, techniquement, être inscrites dans la prochaine loi de finances et
les suivantes si besoin est, cela dans le respect, bien évidemment, de l'équité
entre communes.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
Gouvernement a montré sur ce point précis du traitement des conséquences des
tempêtes, comme sur tous les autres, qu'il savait apporter des solutions
efficaces et pertinentes aux problèmes les plus difficiles. Ce collectif en
est, si besoin en était, une preuve supplémentaire. C'est pourquoi les
socialistes voteront votre projet de loi de finances rectificative.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je commencerai par répondre à M. le rapporteur général, puisque
c'est lui qui a ouvert la discussion.
M. Marini ne conteste pas la pertinence de la maîtrise des dépenses ; il ne
conteste pas l'opportunité de baisser les impôts ; il ne conteste pas non plus
la nécessité de réduire les déficits. Néanmoins, j'ai cru comprendre que le
projet de collectif que nous proposons à la Haute Assemblée ne lui agrée pas
tout à fait, et je crains d'utiliser une litote en m'exprimant ainsi !
En effet, s'il ne remet pas en cause, les dépenses proposées, notamment pour
répondre aux dommages causés par les intempéries, les dépenses pour la
solidarité, pour le renforcement du service public, en revanche il nous propose
des redéploiements et c'est un débat que nous devrions mener de manière
extrêmement rigoureuse. Sur ce point, je ne vois pas très bien sur quels postes
on nous suggère de faire des économies, de faire porter les réductions de
dépenses. J'en déduis que celles-ci portent sur les 10 milliards de francs
supplémentaires que nous proposons d'ouvrir.
A propos de la fiscalité, vous nous avez dit qu'il s'agissait de baisses
d'impôt éparses, et que nous avions une approche de la fiscalité plus
électoraliste que structurante. Ce sont des propos un peu rudes et emportés,
contrairement à ce que j'entends depuis les quelques mois que je fréquente la
Haute Assemblée ! Pour autant, j'en accepte tout à fait l'aspect polémique.
Cependant, sur le fond, vous avez reconnu, dans votre rapport notamment, que
la baisse de l'impôt sur le revenu allait dans le bon sens. Vous avez adhéré à
la refonte des mécanismes de dégrèvement de la taxe d'habitation et je ne peux
que me féliciter de ces approches constructives.
En revanche, vous vous êtes dit déçu, et de ce point de vue on n'en sera pas
très surpris. Mais que veut-on ? cinquante milliards de francs de recettes, 40
milliards de francs de baisse d'impôt et 10 millliards de francs affectés à des
dépenses qui nous paraissent indispensables pour la collectivité, c'est
peut-être décevant de votre point de vue, mais je crois que c'est en tout cas
extrêmement clair eu égard à la construction de ce collectif et aux objectifs
que nous cherchons à atteindre.
S'agissant du cas particulier de la taxe d'habitation, vous nous avez indiqué
que vous déposeriez des amendements, dont un viserait à remettre en cause la
suppression de la part régionale. Si je reconnais que votre proposition a sa
logique, je ne partage pas, loin de là, l'idée selon laquelle cette suppression
briserait le lien citoyen qu'entretient le contribuable avec la collectivité
régionale. Je vous ferai simplement remarquer que, en vous rabattant sur les
frais d'assiette, comme nous le verrons de façon plus approfondie au cours de
ce débat, vous déplacez assez nettement la cible, qui ne se limite pas
seulement aux redevables de la taxe d'habitation, car les frais d'assiette
concernent l'ensemble des revenus des impôts locaux.
M. Gérard Cornu.
Caricature !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
M. le président de la commission des finances comme M.
le rapporteur général ont abordé le problème de la réduction du déficit. Je
souhaite redire à l'un et à l'autre que les recettes fiscales prévues dans ce
collectif sont associées à taux de croissance qui, comme je l'ai indiqué, est
de 3,6 %, taux moyen de croissance prévu par l'INSEE au moment où nous avons
déposé ce collectif. Cette évaluation me paraît confirmée par celle que vous
avez vous-même demandée, à juste raison.
Je ne crois pas prudent, à ce stade de l'année, de n'entendre que les sirènes
des quelques instituts de conjoncture, selon lesquels le taux de croissance
serait supérieur à 4 %. Comme l'a fort bien dit M. Fréville, nous verrons bien,
dans quelques mois, ce que la croissance de l'année 2000 sera. A ce stade, je
m'en tiens à une évaluation moyenne.
Si la croissance est plus forte, ce que bien évidemment nous espérons, et vous
partagez, je crois, cet espoir, alors, les recettes elles-mêmes seront plus
fortes. De plus, comme chaque année, les dépenses inscrites en loi de finances
initiale, corrigée par le collectif soumis à votre assemblée, en ce moment même
n'atteindront pas forcément, une fois exécutées, le plafond autorisé par le
Parlement.
Enfin, si nous espérons, en exécution, que le déficit sera inférieur à celui
qui était prévu en loi de finances initiale, il nous paraîtrait imprudent de
traduire dès maintenant cette baisse de déficit. Reste que nous avons bon
espoir que cela soit possible, compte tenu de tout ce que j'ai dit sur
l'évolution des recettes fiscales.
Je considère par conséquent qu'il s'agit de notre part d'un geste de
transparence, et je souhaite qu'il soit salué comme tel.
Le président de la commission des finances s'est également interrogé sur le
calendrier du collectif qui vous est soumis ; je m'en étonne un peu. Selon lui,
ce collectif n'était pas indispensable et, à ce stade de l'année, nous aurions
pu procéder autrement. Il me semble pourtant qu'il eût été difficile de
procéder autrement dans la mesure où nous souhaitions pouvoir faire bénéficier
les Français, dès cette année, des baisses d'impôts de 40 milliards de francs
qui sont proposées aujourd'hui. Or ne pas présenter de collectif aujourd'hui,
c'eût été renvoyer ces baisses d'impôts à l'année 2001. Inscrites dans le
collectif d'automne ou dans le projet de loi de finances pour 2001, les baisses
d'impôts n'auraient pu être effectives en 2000.
Quant aux dépenses, fallait-il là encore, comme il est de règle, renvoyer la
ratification des dépenses du collectif en fin d'année ? Le fait de recourir au
décret d'avance, qui était une solution alternative, n'aurait pas été plus
respectueux, loin de là, à l'égard du Parlement, et celui-ci n'y aurait pas
nécessairement gagné sur le plan de sa mission de contrôle.
Enfin, s'agissant de la transparence, sujet que vous avez vous-même évoqué,
monsieur le président de la commission, les engagements pris par M. Laurent
Fabius hier soir devant vous et par moi-même sont très clairs. Je ne doute pas
que vous nous jugerez sur nos actes ; c'est ainsi que nous concevons les
choses.
Vous vous êtes interrogé sur les recettes de la troisième génération des
téléphones mobiles, en vous inquiétant de ne pas les voir figurer dans ce
projet de collectif. La raison est simple : il ne s'agit pas de recettes pour
2000, c'est pourquoi elles ne figurent pas dans le collectif de printemps.
Elles ne figureront pas non plus dans le collectif d'automne, je le précise
d'emblée, en espérant que vous ne nous ferez donc pas à nouveau part de votre
inquiètude à ce moment-là.
M. Descours s'est fait l'écho des préoccupations de la commission des affaires
sociales. Il a réitéré son souhait, déjà exprimé hier soir, de voir le
Parlement saisi d'une loi de financement de la sécurité sociale rectificative
similaire à la loi de finances rectificative dont nous discutons en ce moment.
Il comprendra que je laisse à ma collègue Martine Aubry le soin de lui répondre
sur ce point particulier.
Pour le reste, je pense que M. Descours comprendra également que nous devons
attendre les annonces que fera le Premier ministre lors de la conférence de la
famille.
Au demeurant, monsieur le sénateur, j'aurais apprécié que vous notiez l'effort
qui est fait dans la présente loi de finances rectificative en faveur du
secteur hospitalier dans son ensemble. Cela étant, votre contestation ne
portait pas sur le fond me semble-t-il.
Je tiens également à souligner les efforts que compte faire le Gouvernement
pour introduire une transparence plus grande dans cet exercice délicat qu'est
la coordination entre la loi de finances, qui concerne l'Etat, et la loi de
financement, qui concerne la sécurité sociale. Nous nous sommes en effet
engagés à déposer à l'automne un document dit « jaune », qui récapitulera
l'ensemble de ces relations financières. Nous souhaitons que ce document plus
lisible rende plus compréhensible une matière que, à juste titre, vous
qualifiez de complexe.
M. Adnot s'est inquiété du sort réservé aux 5 milliards de francs de la caisse
d'amortissement de la dette sociale, la CADES, qui n'ont pas été encaissés en
1999. Je l'invite tout simplement à se reporter à l'état A du présent collectif
budgétaire, où cette somme figure en toutes lettres. J'espère ainsi avoir
apaisé son inquiétude.
Par ailleurs, il a soulevé plusieurs questions relatives à la fiscalité,
notamment sur le sort réservé aux indemnités reçues après un sinistre et qui,
pour des raisons comptables évidentes, constituent soit une augmentation
d'actifs, soit un produit. Ces indemnités compensant une perte de stock, une
perte de marchandises, ne doivent pas déboucher nécessairement sur une
imposition. J'ajoute, sans trop entrer dans les détails de la technique
fiscale, que des mécanismes spécifiques et avantageux permettent d'adosser la
fiscalisation de ces indemnités et l'amortissement des biens qui sont
remplacés.
Il a également évoqué la taxe professionnelle sur les bénéfices non
commerciaux et des questions relatives à la restauration. Je me propose
d'aborder ces questions de manière détaillée lors de la discussion des
articles.
M. Cornu nous promet une croissance supérieure à 4 %. Comme je l'ai dit tout à
l'heure, je ne peux que partager cet espoir mais, dans les fonctions qui sont
les miennes au sein du Gouvernement, vous comprendrez que je ne puisse être
aussi affirmative. Il n'est pas question pour nous d'échapper à un débat sur le
partage des fruits de la croissance puisque, comme vous le savez, nous avons
annoncé que, si la croissance et, par conséquent, les recettes fiscales,
étaient supérieures à celles qui étaient prévues dans ce collectif, nous les
affecterions à une réduction du déficit. Cet engagement, pris devant
l'Assemblée nationale, je le réitère devant la Haute Assemblée.
M. Cornu s'est également ému de l'évolution des prélèvements obligatoires. Son
inquiétude est partagée par M. le rapporteur général. Sur ce sujet, bien connu
de vous tous, je rappelle qu'il faut simplement reconnaître les faits.
Tout d'abord, je tiens à rappeler, comme l'a fait M. Laurent Fabius hier soir,
que certains pays décomptent, dans les prélèvements obligatoires, tout ce qui,
par exemple, concerne les retraites complémentaires - c'est notre cas ; ce
n'est pas celui de l'Allemagne - ce qui,
a priori,
fausse la
comparaison.
J'en viens ensuite à l'évolution du taux des prélèvements obligatoires même si
je ne reprends pas un théorème devenu célèbre aujourd'hui.
Dans la mesure où un taux, c'est une fraction, avec un numérateur et un
dénominateur - en l'occurrence le numérateur est constitué des prélèvements
obligatoires et le dénominateur de la croissance - dans la mesure, également,
où les prélèvements obligatoires sont constitués pour moitié à peu près des
impôts prélevés au titre des revenus de l'année précédente, le ralentissement
du taux de croissance se traduit, à législation fiscale constante, par une
augmentation du taux des prélèvements obligatoires. Voilà qui m'amène - là
encore, je ne fais que répéter des principes que vous connaissez bien - à
distinguer l'effet croissance de l'effet taux. Nous connaissons une croissance
forte : nous abaissons le taux de la fiscalité et les prélèvements obligatoires
augmentent. Cette situation est bien évidemment plus enviable que celle qu'ont
connue nos prédécesseurs qui, avec plus d'impôts, avaient une croissance moins
forte. De ce point de vue, pour une bonne compréhension, il est utile, comme le
fait M. Laurent Fabius, d'opérer une distinction entre les prélèvements
obligatoires et les impôts, et, en l'occurrence, leur baisse respective.
M. Foucaud a évoqué l'ampleur des besoins qui se manifestent dans le domaine
de l'éducation nationale, secteur très important, et la santé. Il souligne, à
juste raison, que ces besoins sont certainement supérieurs aux ouvertures
opérées dans ce collectif. Je suis évidemment très sensible à cette
préoccupation et je rappelle que l'éducation nationale, comme je l'ai dit voilà
quelques instants, est, depuis 1997, une priorité budgétaire du Gouvernement.
Le ministre de l'éducation nationale, qui s'est engagé dans une concertation
avec les organisations syndicales de ce secteur, prépare en ce moment un plan
pluriannuel dont les premiers effets seront traduits dans le projet de loi de
finances pour 2001. Nous aurons par conséquent l'occasion d'en reparler d'ici à
quelque temps.
En ce qui concerne les questions fiscales, je me réjouis de vous voir
souscrire à la mesure qui consiste à baisser le taux de TVA. Cette mesure,
ajoutée à l'ensemble des dispositions prises dans ce domaine depuis trois ans,
représente un effort considérable, qui se traduira en pouvoir d'achat, en
emplois et en allègement des charges pour les familles.
En matière d'impôts locaux, les préoccupations que vous exprimez sont très
légitimes. Vous avez bien voulu admettre que les réformes envisagées vont dans
le bon sens, qu'il s'agisse de la taxe professionnelle ou de la taxe
d'habitation. Vous reconnaissez aussi que l'autonomie de gestion des
collectivités locales est préservée. En tout cas, le fait que nous attendions
les propositions de la commission présidée par votre collègue M. Pierre Mauroy
indique que nous n'en n'avons pas terminé sur l'ensemble de ces sujets.
M. Miquel, quant à lui, s'est demandé, comme moi tout à l'heure, comment nous
pouvions répondre aux redéploiements qui sont proposés par M. le rapporteur
général. Je crois que nous partageons le même sentiment d'obscurité à l'égard
de ces propositions.
Je le remercie d'avoir salué et reconnu pour ce qu'elles sont les mesures
fiscales qui sont contenues dans ce collectif. Elles sont favorables au pouvoir
d'achat des Français, de tous les Français, je tiens à le souligner, en
particulier des plus modestes d'entre eux. Dans l'avenir, la même préoccupation
animera le Gouvernement afin d'instaurer plus de solidarité, d'encourage
l'activité, notamment l'activité salariée, mais aussi d'encourager la reprise
d'activité, action très importante à notre sens.
M. Fréville a déclaré, après M. le président de la commission des finances,
qu'il aurait préféré un décret d'avance. Cela m'étonne un peu ; j'ai déjà eu
l'occasion de m'exprimer sur ce point.
Il a exprimé également une inquiétude en matière de transparence. Sans doute
n'avons-nous pas la même conception de ce mot puisque, je le répète, ce
collectif me semble participer d'une transparence que je qualifierai d'active,
en tout cas supérieure à celle d'un décret d'avance.
En matière de fiscalité, il a dit des choses intéressantes quoique un peu
contradictoires ; il m'excusera de ce jugement.
En effet, monsieur le sénateur, vous avez souhaité un allégement immédiat de
la taxe d'habitation. Cela a déjà été demandé par le Parlement à l'automne
dernier, par le biais d'un amendement adopté par les deux assemblées. Or il me
semble que la réponse apportée par le collectif répond bien à la demande qui a
été faite.
S'agissant de la révision, évidemment, c'est une autre paire de manches ! Vous
l'avez reconnu vous-même. Vous en avez souligné toute la difficulté, notamment
à propos du secteur des HLM. Vous avez également reconnu que c'était en enjeu
de long terme. Pour notre part, nous essayons de traiter les choses les plus
indispensables le plus rapidement possible.
Vous vous êtes demandé si la réforme proposée rapprocherait vraiment le
citoyen de la région. En tout cas, si nous avons fait ce choix de supprimer la
part régionale de la taxe d'habitation, c'est parce que nous avons considéré
que cela représentait 7,8 % du produit fiscal des régions, 93 francs par
habitant et 225 francs en moyenne par article. Dans ces conditions, il ne nous
a pas semblé que nous outrepassions ce qui était raisonnable en la matière.
Vous avez également beaucoup blâmé le système des dégrèvements, ce qui n'est
pas tout à fait, je crois, le point de vue du rapporteur général.
Vous avez repris un argument que j'avais déjà entendu développer à l'Assemblée
nationale par M. Méhaignerie, qui reproche à l'Etat, d'une certaine manière, de
trop compenser les département déjà riches. Mais si l'on considère les données
non plus par habitant mais pour l'ensemble des départements, on constate par
exemple que, dans les Alpes-Maritimes, les dégrèvements représentent 11 % de la
taxe d'habitation, soit 288 millions de francs, alors que, dans le département
du Nord, ils représentent 15 % de la prise en charge, soit 418 millions de
francs. Alors, entre les deux départements quel est le plus riche ? Je vous
laisse le soin d'apporter vous-même la réponse, elle me paraît évidente.
M. Carle a apporté un soutien énergique aux propositins d'économie qui ont été
faites par la commission des finances.
Ces dix milliards de francs lui paraissent correspondre à des choix
raisonnables, à des décisions responsables. Là encore, je me demande sur quel
chapitre précisément, sur quel type de dépenses exactement l'on souhaite ainsi
revenir. Il me semble que c'est seulement lorsque nous le saurons que nous
pourrons juger du caractère responsable ou non de la proposition. Je crois
qu'en matière de redéploiement vous nous promettez un peu la lune, monsieur le
rapporteur général, si je puis reprendre une expression que vous avez
employée.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M'autorisez-vous à vous interrompre, madame le
secrétaire d'Etat ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Mais certainement, monsieur le rapporteur général.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de Mme le
secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voudrais simplement, madame le secrétaire d'Etat,
me référer à la page 30 du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat
d'orientation budgétaire, car la réponse à la question que vous nous posez s'y
trouve.
Vous écrivez : « Le financement des priorités de dépenses de l'Etat pour 2001
sera facilité par le redéploiement des ressources publiques. » Nous, nous
disons que vous pouvez aller un peu plus vite.
Vous ajoutez très justement que compte tenu de la forte progression de
l'emploi, il y aura une baisse du chômage, et vous précisez : « Cette évolution
positive a une incidence directe sur la politique de l'emploi ou sur certains
minima sociaux. »
Vous écrivez encore : « Les interventions en faveur de l'emploi pourraient
progressivement retrouver leur niveau de la fin des années 1980, à mesure que
la situation de l'emploi s'améliore, avec une répartition des outils de la
politique de l'emploi plus axée sur le traitement durable du chômage et de
l'exclusion... De la même façon, le nombre des allocataires de certains minima
sociaux est sensible au retour d'une croissance durable marquée par une
progression soutenue du pouvoir d'achat... Depuis trois ans, les lois de
finances dégagent chaque année 30 milliards de francs d'économies, au fur et à
mesure que des programmes anciens voient leur utilité se réduire. »
Nous prétendons que les redéploiements, vous pouvez les faire en appliquant
vos propres principes. Car vous vous gardez volontairement de la marge dans
l'exécution budgétaire de 2000. D'ailleurs, le ministre de l'économie et des
finances ne dit pas autre chose quand il annonce qu'à la fin de l'année le
déficit atteindra 200 milliards de francs. Cela veut dire qu'il préjuge en
quelque sorte les marges qui vont pouvoir être dégagées du fait des économies
que vous allez réaliser sur des dépenses d'intervention sociale aujourd'hui
surdimensionnées compte tenu de la baisse du chômage et de la belle
conjoncture, dont tout le monde se réjouit, bien entendu.
Ainsi, madame le secrétaire d'Etat, la réponse à la question que vous nous
posez, vous la trouvez dans vos propres documents. Nous ne sommes nullement en
désaccord sur le fond.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, les rédéploiements,
nous savons les faire puisque, depuis que nous élaborons des lois de finances,
c'est-à-dire depuis l'été 1997, nous avons, année après année - et le rapport
l'indique très clairement - redéployé régulièrement des crédits entre les
différents budgets, à hauteur d'une trentaine de milliards de francs par an.
En outre, lorsque nous procédons à des redéploiements, nous indiquons
précisément sur quoi ils portent et la représentation nationale les vote année
après année.
Monsieur Autain, je vous remercie d'avoir souligné que le Gouvernement tenait
ses engagements à l'égard du secteur hospitalier.
Vous avez également bien voulu rappeler les préoccupations qui sont les nôtres
en matière de politique familiale. Vous ne m'en voudrez pas de laisser à M. le
Premier ministre le soin de donner, le 15 juin prochain, la primeur des
annonces à la conférence de la famille.
Enfin, M. Demerliat a souligné à quel point les décisions que le Gouvernement
a prises à la suite des tempêtes ont été à la hauteur de leurs conséquences
souvent dramatiques.
Vous souhaitez, monsieur le sénateur, qu'un effort complémentaire puisse ête
consenti dans le cadre de la loi de finance pour 2001.
M. Michel Moreigne.
Et il a raison !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je crois sage d'attendre l'automne pour en reparler.
Nous aurons eu, d'ici là, le temps de faire l'inventaire des éventuels besoins
supplémentaires qui pourraient surgir. L'effort déjà accompli est très
important, mais il va de soi que, si c'était nécessaire, il serait complété.
En conclusion, j'insisterai sur le fait que ce débat a vu s'exprimer une
demande générale de plus de transparence.
M. le rapporteur général s'est ému de ce que, au-delà du présent collectif et
de ce qu'il est possible d'y traduire de manière fiable et l'état actuel de nos
connaissances, le ministre de l'économie et des finances lui ait indiqué que
notre objectif en matière de déficit se situait autour de 200 milliards de
francs. Je vois là, pour ma part, une affirmation parfaitement claire de notre
ambition.
M. Lambert a critiqué les évaluations de recettes du collectif. Là encore, je
ne peux que redire qu'elles sont le fruit d'évaluations qui sont assez bien
partagées par un certain nombre d'experts.
J'aimerais que le Sénat soit reconnaissant au Gouvernement de ses efforts en
matière de transparence. Il ne faut pas, dans ce domaine, céder à la facilité
des effets d'annonce. Ce qui compte, c'est ce que l'on fait effectivement, et
non la future bonne mesure, qui est toujours meilleure que celle qu'on vient
d'annoncer. Il serait sage de s'en souvenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
Article 1er