Séance du 29 mai 2000
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Pelchat propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article L. 34-10 du code des postes et télécommunications, une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Accès à la boucle locale
«
Art. L. 34-11.
- A compter du 1er janvier 2001, les exploitants de
réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de
l'article L. 36-7 font droit dans des conditions objectives, transparentes et
non discriminatoires, aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale
émanant des titulaires d'une autorisation délivrée en application de l'article
L. 33-1, en vue de fournir des services de télécommunications à haut débit.
« L'accès à la boucle locale fait l'objet d'une convention de droit privé qui
est communiquée à l'Autorité de régulation des télécommunications. Les tarifs
de l'accès à la boucle locale reflètent les coûts correspondants, notamment les
coûts de renouvellement des lignes d'abonnés. Ils sont établis de manière à
éviter une discrimination fondée sur la localisation géographique.
« En cas de litige entre deux opérateurs concernant l'application du présent
article, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie dans
les conditions fixées à l'article L. 36-8. »
« II. - Après le cinquième alinéa (4°) de l'article L. 36-6 du même code, il
est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières de
l'accès à la boucle locale, conformément à l'article L. 34-11. »
« III. - Après le troisième alinéa (2°) du II de l'article L. 36-8, il est
inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les conditions de l'accès à la boucle locale prévu à l'article L. 34-11.
»
Par amendement n° 133 rectifié
bis
, MM. Joyandet, de Broissia et Marini
proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Il est inséré, après l'article L. 34-10 du code des postes et
télécommunications, une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Accès à la boucle locale
«
Art. L. 34-11.
- A compter du 1er janvier 2001, les exploitants de
réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de
l'article L. 36-7 font droit dans des conditions objectives, transparentes et
non discriminatoires, aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale
émanant des titulaires d'une autorisation délivrée en application de l'article
L. 33-1, en vue de fournir des services de télécommunications à haut débit.
« L'accès à la boucle locale fait l'objet d'une convention de droit privé qui
est communiquée à l'Autorité de régulation des télécommunications. Les tarifs
de l'accès à la boucle locale reflètent les coûts correspondants, notamment les
coûts de remplacement des lignes d'abonnés. Ils sont établis de manière à
éviter une discrimination fondée sur la localisation géographique.
« En cas de litige entre deux opérateurs concernant l'application du présent
article, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie dans
les conditions fixées à l'article L. 36-8. »
« II. - Après le cinquième alinéa (4°) de l'article L. 36-6 du même code, il
est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières de
l'accès à la boucle locale, conformément à l'article L. 34-11. »
« III. - Après le troisième alinéa (2°) du II de l'article L. 36-8, il est
inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les conditions de l'accès à la boucle locale prévu à l'article L. 34-11.
»
Par amendement n° 142 rectifié
bis
, MM. Hérisson, Gérard Larcher et
Trégouët proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - L'article L. 32 du code des postes et télécommunications est complété
par un 16° ainsi rédigé :
« 16° Boucle locale.
« On entend par boucle locale, la ou les paires métalliques reliant la prise
de l'utilisateur au répartiteur principal. »
« II. - Le chapitre II du titre Ier du livre II est complété par une section 7
ainsi rédigée :
« Section 7
« Accès à la boucle locale
«
Art. L. 34-11. -
A compter du 1er janvier 2001, les exploitants des
réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de
l'article L. 36-7 font droit dans des conditions objectives, transparentes et
non discriminatoires, aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale
émanant des titulaires d'une autorisation délivrée en application de l'article
L. 33-1, en vue de fournir des services de télécommunication, à haut débit.
« L'accès à la boucle locale fait l'objet d'une convention de droit privé qui
est communiquée à l'Autorité de régulation des télécommunications. Cette
convention détermine, dans le respect des dispositions du présent code et des
décisions prises par l'Autorité de régulation des télécommunications en
application de l'article L. 36-6, 5°, les conditions techniques et financières
de l'accès à la boucle locale. Les tarifs de l'accès à la boucle locale
reflètent les coûts correspondants, notamment les coûts de renouvellement des
lignes d'abonnés. Ils sont établis de manière à éviter une discrimination
fondée sur la localisation géographique.
« En cas de litige entre deux opérateurs concernant l'application du présent
article, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie dans
les conditions fixées à l'article L. 36-8. »
« III. - Après le cinquième alinéa (4°) de l'article L. 36-6 du même code, il
est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières de
l'accès à la boucle locale, conformément à l'article L. 34-11. »
« IV. - Les deux premiers alinéas du I de l'article L. 36-8 du même code sont
rédigés comme suit :
« En cas de refus d'interconnexion ou d'accès à la boucle locale, d'échec des
négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution
d'une convention d'interconnexion, d'accès à la boucle locale ou d'accès à un
réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications
peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.
« L'Autorité de régulation des télécommunications se prononce, dans un délai
fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de
présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions
équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion,
l'accès à la boucle locale ou l'accès spécial doivent être assurés. »
La parole est à M. Pelchat, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Michel Pelchat.
Je pense que cet amendement sera largement commenté dans la suite du débat,
j'en ai d'ailleurs personnellement longuement parlé dans mon exposé
liminaire.
Il s'agit de lever le monopole sur la boucle locale, qui conditionne l'accès à
haut débit à l'Internet pour un grand nombre de nos concitoyens.
On peut passer son temps à se lamenter sur les faiblesses de la pratique de
l'Internet, qui peut avoir différentes raisons. Outre les problèmes de
formation, il y a aussi, n'en doutons pas, des raisons économiques à cette
faiblesse, et ce sont ces raisons qui peuvent être combattues par la levée du
monopole sur les boucles locales.
Je n'ai pas besoin d'expliquer ici de quoi il s'agit techniquement : cet
amendement reprend, à la virgule près, celui que le Gouvernement a déposé à
l'Assemblée nationale mais qu'il n'a finalement pas pu, ou pas voulu, faire
adopter, alors que, il le reconnaît lui-même, aucune des instances autorisées à
s'exprimer sur ce sujet, que ce soit au niveau national ou au niveau européen,
n'a émis un avis défavorable, bien au contraire.
Nous sommes en train d'expliquer que cette loi favorisera l'accès du plus
grand nombre, des gens les plus modestes, à l'Internet. Eh bien, voilà une
occasion inespérée d'aller dans ce sens ! Nous nous interrogions tout à l'heure
pour savoir si tout le monde serait équipé pour le numérique hertzien en raison
des équipements nécessaires. Or, il faut le savoir, chaque année, une manne
considérable est prélevée dans la poche de nos concitoyens qui utilisent le
téléphone ou le téléphone mobile. Ainsi, savez-vous que, l'année dernière,
l'opérateur historique, qui bénéficie du monopole sur la boucle locale, a
réalisé 9 milliards de francs d'excédents de recettes par rapport à ce qui
était prévu pour financer le service universel ? Je vous laisse imaginer ce
qu'il serait possible d'en faire !
Au demeurant, le directeur des relations internationales extérieures de cet
opérateur historique, dans un colloque au Sénat que j'évoquais tout à l'heure,
a recommandé la levée du monopole sur la boucle locale, en insistant sur
l'intérêt de cette opération pour l'activité économique et pour le
développement de l'Internet à haut débit.
L'opérateur historique lui-même, lorsqu'il intervient dans un pays où il y a
également un opérateur historique, engage des procédures pour y lever le
monopole sur la boucle locale, en utilisant tous les arguments que nous
utilisons ici.
C'est pourquoi il me paraîtrait assez étonnant que cet amendement, qui est
similaire à celui que le Gouvernement avait lui-même déposé à l'Assemblée
nationale sur le même sujet, ne puisse pas être adopté. Je pense d'ailleurs
qu'il en ira de même pour les amendements qu'ont déposés mes collègues MM.
Joyandet et Hérisson, parce que je ne veux pas me distinguer particulièrement :
je crois qu'il y a un très large consensus et, si j'ai été le premier à
intervenir, c'est parce que j'ai été le premier à déposer un amendement sur le
sujet. Mais je sais que mes collègues sont convaincus par ce raisonnement, le
même raisonnement qui avait conduit le Gouvernement, je l'ai dit, à déposer un
amendement similaire à l'Assemblée nationale. Tout le monde est favorable à
cette mesure !
De plus, notre attachement à l'Europe est ici en cause, puisque vous savez que
la Commission nous a recommandé d'être opérationnels au 1er janvier 2001. Or,
vous le savez aussi, le texte sur les nouvelles régulations économiques ne
viendra pas en discussion avant le mois d'octobre prochain, voire plus tard.
Dans ces conditions, pour que la levée du monopole sur la boucle locale soit
opérationnelle le 1er janvier 2001, légiférons dès aujourd'hui ! Il est même
déjà presque trop tard, serais-je tenté de dire.
Jusqu'à quand reportera-t-on l'adoption de cette disposition ? Combien de
milliards de francs seront ainsi encore confisqués par l'opérateur historique,
qui feront défaut au développement d'une activité économique au détriment des
moins favorisés, ceux qui sont soit les plus éloignés, soit les moins fortunés
?
Mme Danièle Pourtaud.
Que n'y avez-vous pensé en votant votre loi sur la dérégulation.
M. Michel Pelchat.
Madame Pourtaud, je vous en prie, ne défendez pas l'indéfendable ! Il y a des
sujets d'intérêt général sur lesquels la polémique mérite d'être dépassée, sur
lesquels tout le monde doit se retrouver.
Comment, d'ailleurs, pouvez-vous être en contradiction sur ce point avec des
gens qui partagent vos opinions et qui ont adopté exactement les mêmes
positions que celles que je défends aujourd'hui ? Je suis sûr que, au fond de
vous-même, par delà la polémique que vous recherchez toujours, vous êtes
convaincue que j'ai raison - mais ce n'est même pas moi qui ai raison, ce sont
les faits !
Cette position conforme à l'intérêt général, défendue par moi mais également
par ceux de mes collègues qui vont me succéder, notre assemblée s'honorerait en
l'adoptant.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet, pour défendre l'amendement n° 133 rectifié
bis
.
M. Alain Joyandet.
Cet amendement est quasiment le même que celui que vient de défendre M.
Pelchat, qui a pratiquement tout dit.
J'ajouterai simplement que, pour l'aménagement du territoire, l'enjeu est très
important. Plusieurs de nos collègues ont insisté sur l'impérieuse nécessité
d'équiper l'ensemble du territoire français, de ne pas laisser 10 %, 15 %,
voire 20 % de nos concitoyens à l'écart des services, notamment du service de
l'Internet à haut débit. Le réseau est tout trouvé ; seul le dégroupage nous
permettra d'atteindre cet objectif. Il s'agit donc bien d'un sujet d'intérêt
général.
S'agissant de la tarification, il est évident que le dégroupage favorisera une
baisse des prix et permettra ainsi de rentabiliser un certain nombre de
services - je pense également à l'accès à l'Internet gratuit.
Et le dégroupage aurait encore bien d'autres avantages ! C'est donc vraiment
une proposition de bon sens, un bon sens partagé sur tous les bancs et sur
toutes les travées de nos deux assemblées, le blocage ayant été jusqu'à présent
plus politique que vraiment technique.
Enfin, pour faire un peu d'histoire, je dirai que, chaque fois qu'on s'est
fondé sur le monopole, on a retardé l'entrée de la France dans la société de
l'information. Rappelons-nous, mes chers collègues, l'avance que la France
avait prise avec le Minitel ! Pourquoi le Minitel n'a-t-il pas été une
expérience concluante à l'international ? Simplement parce que, en raison du
monopole, les coûts de communication ont été tels que, à un moment donné,
l'expérience n'a pas été couronnée de succès.
Il n'y a donc que des avantages à voter une telle mesure.
Je ne sais si ces quelques arguments, après le propos de M. Pelchat, que je
fais mien, serviront à convaincre ; j'espère, en tout cas, qu'ils nous
permettront d'avancer.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, pour présenter l'amendement n° 142 rectifié
bis.
M. Pierre Hérisson.
Je ne reviendrai pas sur les arguments qui viennent d'être avancés. Je ferai
simplement observer que l'amendement n° 142 rectifié
bis
apporte des
précisions complémentaires, notamment en ce qui concerne les tarifs d'accès à
la boucle locale et l'interconnexion.
Madame le ministre, je souhaite revenir sur la méthode.
Je suis, avec treize autres collègues parlementaires - sept députés et six
sénateurs - membre de la commission supérieure du service public des postes et
télécommunications. Nous avons été saisis en urgence par M. Christian Pierret,
voilà maintenant quelques mois, pour émettre un avis sur un amendement qui, mot
à mot, est celui qu'a présenté M. Pelchat. Nous nous sommes exécutés, et la
commission supérieure du service public des postes et télécommunications a
émis, toutes sensibilités politiques confondues, un avis unanime favorable à
cet amendement.
Cet amendement a donc été introduit dans le texte sur les nouvelles
régulations économiques, sur lequel nous fondions, les uns et les autres, un
certain nombre d'espoirs, et plus particulièrement concernant le sujet qui nous
occupe présentement.
Curieusement, cet amendement a disparu. Je n'insisterai pas sur les raisons
qui ont pu conduire M. le secrétaire d'Etat à le retirer dans la discussion du
projet relatif aux nouvelles régulations économiques. Chacun appréciera avec la
sensibilité qui est la sienne et comprendra bien comment les choses se sont
passées.
J'ai eu l'occasion de le dire dans la discussion générale, nous sommes
aujourd'hui dans une situation pour le moins difficile. Vous l'avez dit,
vous-même, madame le ministre, les technologies évoluent très rapidement, et
vous m'avez rappelé que nous ne pouvions pas dire que nous prenions du retard
sur un certain nombre de sujets.
Or, en l'occurrence, sur ce sujet, nous prenons un retard considérable par
rapport aux sociétés concurrentes dans notre pays. Nous ne pouvons pas attendre
plus longtemps.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues Gérard Larcher et René
Trégouët, nous proposons aujourd'hui, sans plus attendre, compte tenu de
l'urgence, cet amendement rédactionnel un peu plus complet, qui a pour objet de
favoriser le dégroupage et l'accès à la boucle locale dans des conditions
précises et, conformément à l'avis unanime qui a été émis par la commission
supérieure du service public des Postes et Télécommunications voilà quelques
semaines.
(M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président.
Que est l'avis de la commission sur les trois amendements ?
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur.
Tous trois prévoient un dégroupage de la boucle locale,
c'est-à-dire l'obligation faite à l'opérateur propriétaire de la boucle locale
de mettre la boucle à la disposition de ses concurrents pour leur permettre de
fournir directement des services locaux à l'abonné, sans avoir à construire une
boucle alternative. Cela correspond à un véritable besoin lié au développement
des nouvelles technologies de la communication, qu'il convient de mettre à la
disposition du plus grand nombre dans les meilleures conditions.
Peu de monde conteste cette analyse et les implications qu'en tirent les
amendements. Cependant, lorsque les trois amendements ont été présentés à la
commission, nous avons été frappés par le fait que chacun d'entre eux faisait
preuve malgré tout d'une insuffisance partielle.
Ainsi, au moment où la commission allait émettre un avis défavorable sur les
trois amendements, je lui ai proposé d'accepter l'inscription dans le projet de
loi des modalités d'accès à la boucle locale.
Le choix entre les trois propositions de nos collègues ne s'imposait toutefois
pas d'emblée. En effet, il étaient tous trois complémentaires, d'où un
nécessaire effort d'harmonisation.
L'amendement n° 1 reprend l'amendement déposé, puis retiré, par le
Gouvernement à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi sur les
nouvelles régulations.
Ce qui lui manque, d'abord, c'est une définition de la boucle locale. Cette
expression un peu curieuse ne peut figurer dans la loi sans son explication.
Ensuite, l'amendement précise que les tarifs d'accès à la boucle locale des
concurrents de France Télécom doivent refléter les coûts de « renouvellement »
des lignes d'abonnés et éviter une discrimination fondée sur la localisation
géographique. Il me semble préférable de parler du « remplacement », afin de
permettre clairement la participation des concurrents aux frais de construction
d'une infrastructure moderne et non simplement au coût de la reconstruction du
réseau à l'identique.
L'amendement n° 133 rectifié
bis
utilise la notion de rempacement, mais
ne comporte pas de définition de la boucle locale. C'est sa seule
insuffisance.
Quant à l'amendement n° 142 rectifié
bis
, il comporte la définition de
la boucle locale, élément majeur qui fait défaut aux autres amendements, il
mentionne la participation des concurrents au coût de remplacement du réseau et
il prévoit la nécessité de fixer les tarifs d'accès à la boucle locale de
manière à assurer une péréquation géographique.
Je propose donc aux auteurs des deux premiers amendements de bien vouloir se
reconnaître dans l'amendement synthétique n° 142 rectifié
bis
.
M. Michel Pelchat.
Il faut les fusionner !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur.
Cela permettrait à la commission d'émettre un avis favorable
à l'adoption de cet amendement, qui serait ainsi le fruit du travail de
l'ensemble des trois équipes qui ont travaillé sur le sujet.
J'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 142 rectifié
bis
et
j'invite les auteurs des deux autres à se reconnaître dans cet amendement.
M. le président.
Monsieur Pelchat, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Michel Pelchat.
Non, monsieur le président. Je souhaite que nous puissions nous entendre sur
l'amendement qui semble le plus complet parce qu'il comporte une définition de
la boucle locale, qu'il ne me paraissait pas absolument nécessaire de définir
quand on s'adresse au législateur et non pas au grand public. Cela étant,
prenons-en acte !
Le plus simple me semble être de fusionner les trois amendements et de nous
rassembler sur l'amendement n° 142 rectifié
bis
, qui a le plus de
chances d'être adopté.
M. le président.
Cette suggestion vous agrée-t-elle, monsieur Joyandet ?
M. Alain Joyandet.
Si j'ai bien compris, il aurait suffi que j'indique au début de mon texte : «
On entend par boucle locale la ou les paires métalliques reliant la prise de
l'utilisation au répartiteur principal. » J'étais tout à fait prêt à rectifier
mon amendement dans ce sens.
Cela étant, si la commission souhaite que je le retire, ou si elle préfère que
nous les fusionnions, j'en suis d'accord. Mais je persiste tout de même à dire
que le texte proposé par M. Hérisson n'est pas tout à fait le même que celui
que nous proposons.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement émet un
avis défavorable.
Pourtant, je dois dire que, sur le fond, les amendements défendus par MM.
Pelchat, Hérisson et Joyandet concernant la levée du monopole sur la boucle
locale correspondent à l'intention du Gouvernement, telle qu'elle s'est
d'ailleurs exprimée à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi
sur les nouvelles régulations économiques, de développer l'Internet à haut
débit.
Mais nous estimons que, par leur objet, ces amendements n'appartiennent pas au
champ d'application de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication.
Je tiens cependant à confirmer devant la Haute Assemblée l'engagement du
Gouvernement de faire aboutir ce projet avant le 1er janvier 2001, comme
d'ailleurs nous devons le faire pour être en règle avec l'Europe, par une
disposition qui sera prise au niveau le plus pertinent, y compris, si
nécessaire, par la voie réglementaire.
Un travail gouvernemental est d'ores et déjà en cours. Je précise, pour bien
montrer que le Gouvernement ne diffère pas, que, dès la mi-juin, le Premier
ministre réunira un comité interministériel pour la société de l'information
avec deux sujets prioritaires inscrits à l'ordre du jour : l'Internet à haut
débit et la réduction de l'inégalité d'accès au numérique, de la « fracture »
numérique.
Je suis donc défavorable aux amendements pour les raisons que j'ai dites, mais
je tenais à confirmer l'attachement du Gouvernement à une solution rapide de ce
problème.
M. Henri Weber.
Très bien !
Les amendements de MM. Pelchat et Joyandet sont rectifiés pour être identiques
à l'amendement n° 142 rectifié
bis
de M. Hérisson.
Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié, 133
rectifié
ter
et 142 rectifié
bis.
M. Michel Pelchat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Il se trouve que je connais quelque peu les intentions du Gouvernement pour ce
qui est de la voie réglementaire ; je sais qu'il est prévu de procéder à la
levée du monopole par un décret.
Je l'ai dit dans mon exposé initial, cette voie me paraît fragile parce
qu'elle est susceptible de recours sur le plan juridique, alors qu'une
disposition législative aurait été beaucoup plus solide, aurait donné une
meilleure garantie.
De plus, la mesure aurait pu être adoptée dès ce soir par le Sénat et sans
doute très rapidement par l'Assemblée nationale en dernière lecture, voire en
commission mixte paritaire. Nous aurions ainsi gagné un peu de temps.
Mais ce n'est pas là l'essentiel. L'essentiel, c'est la fragilité de la voie
réglementaire sur le plan judiciaire. Cette voie réglementaire, vous le savez
bien, madame le ministre, est sujette à recours, et qui dit recours dit
forcément allongement des procédures et aucune garantie d'être opérationnel au
1er janvier 2001.
Voilà la raison pour laquelle mes collègues et moi-même avons estimé qu'il
était préférable de faire adopter cette disposition dans le présent projet de
loi compte tenu du volet important qu'il consacre à l'Internet.
M. René Trégouët.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët.
L'Internet à haut débit aura, à mon avis, autant d'importance pour le
développement de ce réseau dans notre pays qu'a pu en avoir, voilà quelques
années, l'arrivée de la concurrence pour le téléphone portable.
Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer cet après-midi, trois technologies
permettront cet Internet rapide : l'ADSL grâce au dégroupage, la boucle locale
radio et l'UMTS.
Or, nous sommes obligés de maintenir une synchronisation dans l'arrivée de ces
trois technologies, derrière lesquelles se profilent des intérêts majeurs.
Si nous ne le faisions pas, nous faillirions à notre mission.
Madame le ministre, vous nous avez dit que vous alliez choisir la voie
réglementaire. Notre collègue M. Pelchat vient de faire remarquer qu'en
choisissant cette option vous preniez une voie dangereuse. Il aurait été
préférable, et de loin, compte tenu des intérêts en jeu que ce soit la loi qui
définisse le dégroupage pour permettre le développement rapide de l'ADSL.
Les enjeux sont importants et les décisions qui vont être prises dans les
prochaines semaines sont graves. Tout d'abord, l'Autorité de régulation des
télécommunications va attribuer les licences pour la boucle locale radio, et,
pour cette couverture très rapide, chaque mois gagné sur les concurrents est
capital.
Par ailleurs, M. le Premier ministre et le Gouvernement préciseront leur
position dans quelques jours quant au téléphone de troisième génération
UMTS.
Très vite, la concurrence va s'ouvrir. Je pense donc très sincèrement qu'en
cet instant le Gouvernement commet une erreur en refusant pour l'ADSL la voie
législative. C'est pourquoi j'apporterai mon total soutien à l'amendement qui
va être voté.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Madame le ministre, vous nous dites que le Gouvernement traitera cette
question par la voie réglementaire. Nous ne pouvons pas nous contenter de cette
réponse.
Ce problème avait été étudié avec intelligence et efficacité par le ministre
lui-même ; et, sans explication, il opte aujourd'hui non plus pour la voie
législative, mais pour la voie réglementaire. Il y a là une anomalie dans le
fonctionnement de nos institutions qui mérite d'être soulignée devant notre
assemblée.
Nous avons également le devoir de défendre la prépondérance de la voie
législative par rapport à la voie réglementaire, d'autant plus que, compte tenu
de l'importance du sujet, la voie réglementaire est totalement inappropriée.
Par ailleurs, comme l'a dit un membre de la commission supérieure des Postes
et Télécommunications, je veux revenir sur l'engagement et sur la promesse du
ministre concernant la transcription de la directive européenne sur La Poste.
Chat échaudé craint l'eau froide ! Le ministre avait promis par écrit de
déposer un projet de loi avant le 31 décembre 1999. Au mois de mai 2000, nous
n'avons toujours rien vu.
Nous sommes désolés de le dire mais, les ministres ne respectant pas leurs
engagements, nous ne pouvons pas avoir confiance dans une nouvelle promesse
dont nous avons toutes les raisons de croire qu'une fois de plus elle ne sera
pas tenue.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Mes chers collègues, l'occasion est excellente pour le Sénat de montrer sa
volonté de progrès...
M. Henri Weber.
C'est assez rare !
M. Michel Caldaguès.
... car ce texte est un texte de progrès.
Bien sûr, cela présente peut-être pour certains l'inconvénient de faire mentir
certaines campagnes. C'est une raison de plus pour que le groupe du RPR
n'hésite pas à voter cet amendement et assortisse son vote de sa marque de
satisfaction et de reconnaissance à nos amis Joyandet, Trégouët et de Broissia
qui ont activement participé à l'élaboration de ce dispositif.
(M. Weber
s'exclame.)
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Je vais aller un peu à l'encontre de la satisfaction qui semble générale car,
selon moi, l'amendement de M. Pelchat, suivi voire « amélioré » par d'autres
membres de la majorité sénatoriale, ne vise qu'à mettre un terme à la situation
de monopole dont bénéficie encore France Télécom sur la boucle locale.
(M.
Hérisson proteste.)
Le développement de l'Internet à haut débit est le prétexte tout trouvé pour
envisager l'ouverture à la concurrence sur le terrain de la boucle locale.
Je vous rappellerai, pour mémoire, monsieur Pelchat, que seuls les efforts
d'investissement de France Télécom, sous l'impulsion de Valéry Giscard
d'Estaing - que vous connaissez bien - ont permis de doter l'ensemble des
foyers de notre pays de l'accès à la téléphonie. Il s'est agi à l'époque d'un
effort important d'investissements réalisé sur les deniers publics.
Dans ce contexte, il n'est pas souhaitable qu'au hasard du texte que nous
examinons l'accès à la boucle locale soit ouvert à la concurrence.
Nous sommes, pour notre part, favorables à une politique audacieuse de France
Télécom en direction des accès haut débit à l'Internet.
En effet, en dépit des efforts tarifaires réalisés par cette société, le coût
des connexions à l'Internet reste encore un frein,
a fortiori
pour le
haut débit, au développement de la société de l'information, comme fut un
frein, d'une certaine manière, le manque d'ambition en matière d'accès au
câble.
Dès lors que l'accès à la boucle locale serait autorisé à certains exploitants
privés, plus rien ne viendrait justifier d'imposer à France Télécom des
missions de service public en matière de couverture du territoire national, par
exemple.
Le texte qui nous est proposé profite du développement de l'Internet pour
ouvrir le dernier bastion des missions de France Télécom.
Si, comme nous le pensons, - avec d'autres, naturellement -, le haut débit est
une voie prometteuse pour le développement de l'Internet, France Télécom - dont
le principal actionnaire reste l'Etat à 62 % - doit développer ces technologies
afin de garantir aux particuliers comme aux entreprises une offre cohérente et
attractive.
Nous attendons beaucoup du Gouvernement, madame la ministre, pour qu'il aille
dans cette direction, conformément aux souhaits du Premier ministre que vous
avez rappelés il y a un instant.
Pour le moment, notre groupe votera contre l'amendement qui nous est proposé,
et pour lequel il demande un scrutin public.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission.
Madame la ministre, votre intervention était
intéressante, mais elle nous a donné toutes les raisons de voter l'amendement
de nos collègues MM. Hérisson, Joyandet et Pelchat.
Vous avez reconnu que la contrainte de temps était très forte et qu'il fallait
faire vite. Vous avez dit que l'on ne pouvait pas faire autrement et que, pour
des raisons techniques, il fallait le faire. Notre collègue M. Trégouët a
développé sur ce point une argumentation très forte à laquelle on ne peut que
se rallier.
Dans ces conditions, madame la ministre, pourquoi ne reprenez-vous pas ici les
dispositions que vous aviez proposées à l'Assemblée nationale, il est vrai dans
un autre texte ? Si nous étions sûrs que cet autre texte viendrait très vite en
discussion, sans doute pourrions-nous l'attendre ! Mais nous savons bien qu'il
y a de forts risques pour qu'il ne vienne pas de sitôt ! Or, nous sommes
pressés, vous l'avez reconnu ; nous avons donc toutes les raisons de voter cet
amendement.
A l'Assemblée nationale, il est vrai, le Gouvernement a reculé - ce n'est pas
la peine d'insister - sous la pression d'une partie de sa majorité. Elle avait
bien le droit de s'exprimer. Le Gouvernement, lui, aurait pu résister, mais il
ne l'a pas fait. Aujourd'hui il se réfugie donc dans la voie réglementaire, ce
qui est pour le moins une facilité et peut-être même une dérobade, madame la
ministre.
Nous pensons pour notre part que c'est au législateur d'intervenir, et ici
nous pouvons mieux résister qu'ailleurs à certaines pressions.
Monsieur Renar, vous venez de développer une argumentation selon laquelle le
vote de cet amendement pourrait entrer en contradiction avec les missions de
service public qui sont imposées à l'opérateur que nous ne citons pas mais
auquel nous pensons tous. Ce n'est pas le cas, mon cher collègue, car, dans
l'amendement, il est prévu un dédommagement financier.
MM. Alain Joyandet, Michel Pelchat et Pierre Hérisson.
Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission.
Les opérateurs qui auront accès aux boucles
locales devront participer à la couverture du territoire national.
M. Pierre Hérisson.
C'est la loi !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission.
Par conséquent, nous avons toutes les raisons
de voter ce soir ce texte tel qu'il nous est proposé. J'espère, madame la
ministre, que le Gouvernement finira par comprendre que le vote que le Sénat va
émettre est dans son intérêt et du pays tout entier.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 rectifié, 133 rectifié
ter
et 142 rectifié
bis
, acceptés par la commission et repoussés
par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission et du
groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
69:
Nombre de votants | 235 |
Nombre de suffrages exprimés | 235 |
Majorité absolue des suffrages | 118 |
Pour l'adoption | 213 |
Contre | 22 |
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Article 1er