Séance du 5 avril 2000
M. le président. Art. 1er. - L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 273. - La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1 rectifié, MM. About et Poniatowski proposent de compléter le texte présenté par l'article 1er pour l'article 273 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « La prestation compensatoire cesse de plein droit d'être due si le conjoint qui en est créancier contracte un nouveau mariage, vit en état de concubinage notoire ou conclut un pacte civil de solidarité. »
Par amendement n° 60 rectifié, M. Eckenspieller propose de compléter, in fine, le texte présenté par l'article 1er pour l'article 273 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « La prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère cesse de plein droit en cas de remariage du créancier, ou si celui-ci conclut un pacte civil de solidarité ou s'il vit en concubinage notoire. »
Par amendement n° 2, M. About propose de compléter le texte présenté par l'article 1er pour l'article 273 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, elle cesse de plein droit d'être due si le créancier, ayant contracté une nouvelle union et se trouvant engagé dans une procédure de divorce, se voit attribuer une nouvelle prestation compensatoire. »
Par amendement n° 61, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le texte présenté par l'article 1er pour l'article 273 du code civil par deux alinéas ainsi rédigés :
« La prestation compensatoire cesse de plein droit d'être due si le conjoint qui en est créancier contracte un nouveau mariage, vit en état de concubinage notoire ou conclut un pacte de solidarité.
« Elle cesse également de plein droit d'être due si le créancier, ayant contracté une nouvelle union et se trouvant engagé dans une procédure de divorce, se voit attribuer une nouvelle prestation compensatoire. »
La parole est à M. About, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié.
M. Nicolas About. Pour m'en tenir à la logique que j'ai développée tout à l'heure, considérant que la prestation compensatoire visée à l'article 1er ne concerne que le capital, auquel je reconnais une nature patrimoniale, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
La parole est à M. Eckenspieller, pour défendre l'amendement n° 60 rectifié.
M. Daniel Eckenspieller. On a beaucoup parlé dans la discussion générale de la situation des personnes divorcées qui se remarient. Pour ne pas reprendre tous les arguments qui ont été développés, je me bornerai à constater que l'Etat et les caisses de retraite, dans les cas de remariage, sont exonérés de plein droit du maintien de la pension de réversion.
On ne voit pas au bénéfice de quel argument le simple particulier serait, lui, tenu à des obligations résultant d'un lien rompu, souvent d'ailleurs d'un commun accord, alors même que les obligations de l'Etat et des caisses de retraite sont, elles, assises sur l'achat de droits au travers de cotisations versées pendant 37,5 années, voire davantage.
Il paraîtrait pour le moins équitable qu'en la circonstance les mêmes causes soient génératrices des mêmes effets.
M. le président. La parole est à M. About, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Nicolas About. Même s'il est parfaitement choquant de voir quelqu'un obtenir en quatre ou cinq ans deux prestations compensatoires sous forme de capital, pour rester logique avec ce que je viens de dire et considérant le capital comme un patrimoine, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 61.
M. Gérard Le Cam. Comme nous avons tous pu le constater, les situations dramatiques dont nous avons eu connaissance proviennent du caractère non révisable du versement de la prestation compensatoire, qu'elle prenne la forme d'un capital ou d'une rente. C'est du moins l'interprétation qu'ont fait les juges de l'article 273 du code civil, issu de la loi de 1975, qui dispose que la prestation « ne peut être révisée en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité. »
Cela a déjà été dit, ni le remariage du créancier, ni le chômage du débirentier, ni sa mise à la retraite ou encore sa liquidation judiciaire n'ont été considérés comme des changements imprévus dans les ressources ou les besoins des parties justifiant une révision de la prestation compensatoire.
Quant à la notion d'« exceptionnelle gravité », elle a été interprétée d'une façon tout aussi stricte par la jurisprudence. Il n'y a guère qu'en cas de maladie grave que les juges se montrent plus tolérants.
En première lecture, le Sénat avait retenu une rédaction qui nous agréait en ce qu'elle assouplissait les conditions de révision de la prestation compensatoire en prévoyant la possibilité d'une telle révision « en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties ».
L'Assemblée nationale n'a pas retenu cette rédaction, et c'est regrettable.
Déjà en 1998, pour aller encore plus loin, mon ami Robert Pagès proposait, par amendement, que la charge de la prestation compensatoire cesse de plein droit en cas de remariage ou de concubinage notoire.
Aujourd'hui, je reprends cet amendement en élargissant la possibilité d'une révision en cas de conclusion d'un PACS et de cumul de plusieurs prestations compensatoires.
Il s'agit, vous l'aurez compris, d'éviter les situations qui ont abouti, dans les faits, au résultat inverse du but recherché initialement par la loi de 1975.
Cette disposition présente, en outre, le double avantage d'éviter une nouvelle saisine des tribunaux entraînant de nouveaux frais pour les personnes concernées.
Bien sûr, vous allez me répondre que de telles situations entrent, avec les présentes dispositions, en considération pour décider d'une révision.
Certes ! Cependant, cela nécessite de saisir à nouveau les juridictions compétentes, déjà asphyxiées, et entraîne des frais supplémentaires pour les personnes qui sont déjà, financièrement, dans des situations pour le moins difficiles et qui pourront très difficilement faire face à de nouvelles dépenses.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° 61.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 60 rectifié et 61 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme l'a très bien dit notre collègue Nicolas About, à partir du moment où ces amendements visent le capital, ils ne sont pas d'une pertinence parfaite. Aussi, ne serait-ce que pour ce motif, je pourrais me contenter de dire que la commission des lois y est défavorable.
L'Assemblée nationale n'a d'ailleurs pas eu un avis différent de celui du Sénat. Elle a simplement substitué au mot : « substantiel », le mot : « important ». Vous vous souvenez, mes chers collègues, que nous avions eu une très longue discussion en première lecture à ce sujet, le Gouvernement étant favorable aux termes : « imprévu » et « important », alors que nous, nous préférions l'adjectif : « substantiel ».
Certes, ces discussions sont importantes, mais l'essentiel est de dire que, en considération des changements qui peuvent intervenir dans les conditions de vie des ex-époux, il faut prévoir un dispositif permettant la révision. Précisément, l'Assemblée nationale et le Sénat ont prévu cette possibilité de révision.
Au demeurant, tous les amendements qui donnent un caractère d'automaticité à la suppression de la prestation compensatoire ne nous paraissent pas pertinents car il s'agit de situations individuelles. Vouloir systématiquement supprimer cette prestation provoquerait bien des « dégâts » que l'on n'aurait pas prévus.
C'est pourquoi la commission, comme cela a été le cas en première lecture au Sénat et à l'Assemblée nationale, n'accepte pas ces amendements. On comprend bien les difficultés dans lesquelles peuvent se trouver certaines personnes, mais ce serait aller trop loin que de les adopter. Certes, l'obligation de secours disparaît dès lors que le mariage est rompu, à ce sujet, nous n'avons pas changé le texte. Mais quand l'obligation de secours disparaît, elle est remplacée par une obligation patrimoniale matérialisée soit sous forme de capital, soit sous forme de rente.
On doit donc donner une possibilité de révision lorsque les conditions de vie ont changé de façon importante, mais il ne faut pas aller au-delà et conférer un caractère d'automaticité à ces dispositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 60 rectifié et 61 ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercierai tout d'abord d'accepter ma présence en remplacement de Mme Guigou, qui est retenue à l'Assemblée nationale.
M. Pierre Fauchon. Nous ne nous en plaignons pas ! (Sourires.)
M. le président. Le Gouvernement est un !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je souscris tout à fait à l'argumentation que vient de développer M. le rapporteur. Nous sommes opposés à ces amendements, qui changent complètement le caractère lié au versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. Il ne serait pas raisonnable de compenser le déséquilibre intervenu dans la situation des conjoints, à la suite de la rupture du lien matrimonial à partir de considérations qui interviendraient après le jugement.
L'hypothèse visée apparaît très marginale. La pratique montre qu'il existe une corrélation entre l'octroi d'une prestation compensatoire et la durée du mariage. D'ailleurs, la proposition de loi introduit expressément la durée de l'union dans les critères d'attribution de la prestation compensatoire.
M. le président. L'amendement n° 60 rectifié est-il maintenu, monsieur Eckenspieller ?
M. Daniel Eckenspieller. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 60 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 17 |
Contre | 295 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er