Séance du 30 mars 2000
M. le président. L'article 2 quater a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 9, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Il est inséré, après l'article 15-1 du même code, un article ainsi rédigé :
« Art. 15-2. - Les enquêtes administratives relatives au comportement d'un officier ou d'un agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police judiciaire associent l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête compétent. Elles peuvent être ordonnées par le ministre de la justice et sont alors dirigées par un magistrat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à introduire dans ce projet de loi une disposition adoptée par le Sénat dans le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, dont la discussion s'est trouvée interrompue, pour renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.
Il paraît souhaitable, comme l'a d'ailleurs réclamé à plusieurs reprises dans cette enceinte M. Haenel, que les enquêtes relatives au comportement des officiers et agents de police judiciaire associent l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête compétent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Nous avons eu cette discussion en première lecture du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, texte, hélas ! gelé en raison de l'opposition manifestée à la tenue du Congrès.
M. Hubert Haenel. Dommage !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Dommage, oui ! Je suis bien évidemment prête à revenir devant vous très vite, dès lors que le Congrès aura été réuni, pour poursuivre en deuxième lecture la discussion du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale.
En attendant, pourquoi ne pas introduire dans le texte dont nous discutons aujourd'hui les dispositions concernant la police judiciaire ?
Lors de la discussion en première lecture du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, j'avais indiqué, s'agissant de cet amendement, que j'étais tout à fait d'accord avec la première phrase, mais que je ne pouvais m'associer à la seconde. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Cet amendement procède à un véritable mélange des genres, et je ne pourrai donc pas le voter.
C'est, à mon sens, à la chaîne hiérarchique de faire le travail : ce qui est administratif relève de l'autorité administrative et non de l'autorité judiciaire. Il existe une inspection générale de la police nationale, une inspection générale des services à la préfecture de police...
M. Michel Charasse. Et à la gendarmerie !
M. Christian Bonnet. Oui ! Il semble que l'on n'ait rien eu de sérieux à leur reprocher, à la différence de bien des cas dans d'autres circonstances ; pour ma part, je ne vois donc pas pourquoi, en dépit du fait qu'il s'agit de la reprise d'une suggestion de M. Haenel, on ferait un premier pas vers ce que souhaitait tout à l'heure M. Bret à la fin de son intervention.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Bonnet, et j'en suis fort attristé. Mais je me souviens avoir présenté ce texte et obtenu son vote lors de la discussion en première lecture du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale. Cet amendement est très sage et constitue un minimum.
Les possibilités d'action des magistrats et du ministre de la justice sur la police judiciaire posent un vrai problème. Certains soutiennent, non sans raisons, même si on peut discuter ces dernières, que la police judiciaire remplit des missions d'auxiliaire de la justice et qu'elle doit donc être subordonnée à l'autorité judiciaire, indépendante des autorités de police tout court, et, disons-le, mes chers collègues, du ministère de l'intérieur.
On peut formuler des réserves, essentiellement d'ordre technique et tenant à une certaine culture qui est la nôtre, à l'égard de cette position, réserves qui sont tout à fait respectables.
On a donc cherché, au moins pour les cas litigieux qui donnent lieu à des inspections, à faire en sorte que, dans la démarche d'inspection, soient associées les préoccupations de la justice et celles du ministère de l'intérieur qui ne sont pas nécessairement les mêmes : si elles sont convergentes au ciel, elles ne le sont pas nécessairement sur terre !
Il est donc prudent que, dans les cas particuliers où une enquête doit être menée, celle-ci le soit conjointement par les services d'inspection des deux ministères.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. L'inspection générale de la police nationale exerce d'abord une fonction d'inspection ordinaire et systématique des différents services de police, notamment ceux de police judiciaire. Pour employer une formule familière, il me semble alors tout à fait normal que la justice ne mette pas son nez dans ces affaires.
Mais lorsqu'un officier de police judiciaire est soupçonné d'avoir commis une infraction dans l'exercice de ses fonctions,...
M. Michel Charasse. Il ne s'agit plus alors d'une enquête administrative !
M. Hubert Haenel. ... je ne vois pas pourquoi les deux inspections ne seraient pas associées. En effet, nous avons parfois constaté dans le passé des divergences de vues troublantes entre l'appréciation portée par l'enquête administrative sur les dysfonctionnements des services de police judiciaire et celle qui est portée par les enquêteurs qui, eux, sont sous mandat de justice.
J'ai déjà eu l'occasion de citer l'exemple du procureur général d'une cour d'appel de province qui, constatant le mauvais fonctionnement du SRPJ d'une grande ville de l'est de la France, avait demandé aux services de police judiciaire de Paris de procéder à une inspection. Celle-ci a eu lieu et, lorsque le procureur général s'est étonné qu'on ne lui en ait pas communiqué les résultats, on lui a répondu qu'il n'avait pas à en avoir connaissance.
Si l'amendement n° 9, qui rejoint celui de M. Fauchon et le mien, avait pour effet qu'enfin les services du ministère de l'intérieur s'ouvrent un peu, il ne serait pas inutile. Comme l'ont dit l'ensemble des procureurs généraux, la mise en place de cette inspection générale aurait au moins un avantage : pendant des années, on ne reviendrait plus sur cette idée récurrente de rattachement de la police judiciaire aux services de la justice.
Je remercie donc la commission des lois et son rapporteur d'avoir repris à leur compte cette démarche qui aura, je l'espère, une conséquence positive, à savoir qu'enfin on admettra au ministère de l'intérieur que la police judiciaire, lorsqu'elle exerce ses fonctions, est sous mandat de justice.
Bien entendu, je voterai des deux mains cet amendement.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Nous voterons cet amendement, mais je voudrais poser une question à la commission : en l'espèce, il s'agit d'une enquête administrative, qui concerne donc le comportement professionnel non délictueux d'un officier de police. En effet, si ce comportement était délictueux, l'enquête ne serait pas administrative !
Dans ces conditions, ne serait-il pas utile de prévoir que le magistrat qui peut être appelé à diriger l'enquête, à la demande du garde des sceaux, est celui qui participe à l'autorité disciplinaire et ne peut être qu'un magistrat de l'ordre administratif ? En effet, je ne vois pas comment un magistrat de l'ordre judiciaire pourrait intervenir dans une enquête purement administrative, dont l'issue est soit le tiroir aux oubliettes soit le conseil de discipline.
J'ajoute que le groupe socialiste approuve que l'inspection des services judiciaires soit associée aux travaux des autres inspections, mais considère qu'il faudra penser un jour à faire la même chose pour les magistrats, afin que l'inspection des services judiciaires ne soit pas seule à s'occuper d'eux, en catimini.
M. Pierre Fauchon. Qu'entendez-vous par « en catimini » ?
M. Michel Charasse. La même chose que vous, mais interprété à l'inverse ! (Sourires.)
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Pour répondre à la question de M. Charasse, je dirai qu'il a idéalement raison, mais que, dans la pratique, il faut reconnaître qu'il est difficile, chaque fois qu'une question se pose, de demander préalablement à la juridiction de décider si c'est administratif ou si c'est judiciaire ! Au demeurant, les deux qualifications peuvent être mêlées dans certains cas. L'inspection judiciaire participe donc à l'enquête.
On ne peut soulever pour chaque dossier une question préjudicielle, sauf à paralyser le dispositif prévu par l'amendement pour lequel vous vous apprêtez à voter, monsieur Charasse !
Je considère donc que vous avez attiré notre attention sur une question importante, mais que vous n'allez pas jusqu'au bout de votre raisonnement.
M. Michel Charasse. Si cela signifie, monsieur le rapporteur, que le magistrat peut être soit de l'ordre administratif soit de l'ordre judiciaire selon le cas, mon objection tombe.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Christian Bonnet. Je vote contre !
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 quater est rétabli dans cette rédaction.
M. Christian Bonnet. M. Charasse a parfaitement raison !
M. Hubert Haenel. Comme souvent !
Article 3 (coordination)