Séance du 23 mars 2000
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. About pour explication de vote.
M. Nicolas About. Il est effectivement nécessaire qu'un texte de ce genre, avec un schéma, règle les situations les plus graves.
Qu'il existe une contrainte sur les maires avec l'arme absolue que constitue le fait pour le préfet de décider à leur place, je peux le concevoir et cela ne me choque pas profondément.
Toutefois, je ne crois pas que ce dispositif permettra de résoudre l'ensemble des problèmes d'accueil.
D'abord, les gens du voyage veulent se retrouver par famille et n'acceptent pas la répartition sur de petites aires. Je pense donc que le dispositif ne fonctionnera pas forcément.
Ensuite, on l'a vu, il existe des difficultés d'entretien et il est malaisé d'éviter les saccages. Quant à la perception des droits de place, personne n'y arrivera, cela sera très compliqué. En tout cas, le préfet ne sera pas là pour nous aider ni à percevoir les droits ni à réglementer le fonctionnement de ces aires d'accueil.
Par ailleurs, je suis scandalisé par le fait que l'obligation normale et la contrainte du préfet sur les communes pour les inciter à réaliser ces aires d'accueil n'aient pas comme contrepartie le soutien du préfet, et pas uniquement sur le plan financier. Les communes ont l'habitude de payer pour l'Etat et on sait le faire. Il s'agit de nous apporter la puissance de la force publique pour obtenir le respect des interdictions de stationner en dehors de ces secteurs.
Tous les policiers savent bien que le bon dispositif consiste à créer un délit, ce que prévoyait l'amendement de notre collègue. Certes, cet amendement n'était pas acceptable en l'état car il portait sur l'ensemble du territoire. Cependant, quand on pénètre dans une propriété privée par effraction, à l'aide de véhicules, d'engins, en coupant des clôtures ou des arbres, cela constitue un véritable délit, qui ne pourra être sanctionné que le jour où il sera reconnu comme tel. Pour autant, on ne peut pas dire, sur l'ensemble du territoire d'une commune, que le fait pour une personne de ne pas stationner sur l'aire d'accueil constitue un délit.
Nous devons donc disposer de ce contrepoids. Il faudra nous donner ce pouvoir qu'est le flagrant délit. A l'heure actuelle, nous nous opposons physiquement à la pénétration sur des lieux privés, à l'aide de nos propres engins, en prenant des risques considérables, sans obtenir l'appui des pouvoirs publics. Les élus locaux et les policiers municipaux font ce qu'ils peuvent pour protéger les citoyens, mais en vain ! Le texte que vous nous proposez aujourd'hui ne permettra pas ce travail de terrain qui est très difficile et au cours duquel des policiers municipaux sont blessés et les élus ainsi que les citoyens prennent de grands risques.
Ce texte, dans son esprit, est nécessaire car il faut réaliser des aires d'accueil, sachant que le nombre de gens de voyage augmentera dans les années à venir avec les personnes venant de l'Europe de l'Est. Toutefois, il ne prévoit aucune des protections que nous demandons en compensation. Aussi, pour ma part, je ne pourrai le voter.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Comme nous l'avons dit dans la discussion générale, les amendements de nos collègues de la majorité sénatoriale ont amoindri ce texte, pourtant attendu s'agissant de la réalisation en plus grand nombre d'aires d'accueil pour les gens du voyage. En conséquence, nous voterons contre.
Nous ne pouvons qu'espérer en l'esprit constructif de la commission mixte paritaire pour rétablir le sens du texte du Gouvernement et permettre la mise en oeuvre de ces dispositions le plus rapidement possible, dans l'intérêt des collectivités et de l'ensemble de nos concitoyens, itinérants ou sédentaires.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne reprendrai pas les propos que j'ai tenus au cours de la discussion générale.
Nous ne voterons pas le texte qui résulte des travaux de notre assemblée.
Le texte tel qu'il avait été présenté par le Gouvernement est indispensable et urgent. Il visait à mettre en place un système efficace, même si l'on ne peut absolument pas garantir que son succès aurait été total.
En revanche, je suis sûr que, si nous votons le texte dans la rédaction que la majorité du Sénat propose d'adopter, les dispositions qui sont nécessaires après l'échec de 1990 ne seront pas mises en oeuvre. Certes, et c'est une critique que l'on peut faire à ce texte, les contraintes représentent un recul de la décentralisation, mais, en l'occurrence, cela ne me semble pas très grave. Mais si des contraintes ne sont pas prévues, la loi ne sera pas appliquée, et nous retomberons dans les errements de la non-application de dispositions qui étaient pourtant de nature à résoudre ce grave problème dès 1990.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je souhaiterais faire écho à quelques propos.
Bien évidemment, le Gouvernement ne se retrouve pas devant un texte équilibré comme il le souhaite. Il espère donc que les points de vue pourront se rapprocher en commission mixte paritaire et que nous parviendrons à conjuguer le respect des droits et des devoirs de tous, par tous et partout.
Les dégâts pouvant survenir à des propriétés privées et que décrivait M. About constituent, bien sûr, déjà un délit. Ce qu'il s'agissait de ne pas qualifier de délit, c'était le stationnement illicite. Mais si celui-ci est précédé par les faits dénoncés par M. About...
M. Nicolas About. C'est impossible à dissocier !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... nous sommes bien sûr en présence d'un délit qui est prévu, et qui peut donc, éventuellement, être réprimé.
Les dispositions de ce projet de loi constituent un grand progrès, et je remercie M. le rapporteur de l'avoir dit. Le juge statuant en la forme des référés, c'est la plus rapide des procédures civiles. Nous avons retenu la contribution de votre commission avec le référé d'heure à heure, qui garantit l'obtention d'une décision dans la journée. L'exécution est possible par provision, c'est-à-dire sans attendre l'expiration des délais d'appel. Elle peut avoir lieu au seul vu de la minute, ce qui évite la procédure de signification du jugement et les frais qui en résultent.
Par ailleurs, je l'ai déjà indiqué et je le confirme, ma collègue garde des sceaux prendra une circulaire à destination des juridictions, afin de faciliter l'application de l'ensemble de ces dispositions.
Quant au préfet, il a comme cadre d'intervention, pour le concours de la force publique, l'article 16 de la loi du 16 juillet 1991 sur les procédures civiles d'exécution. Il conserve bien sûr cette capacité d'appréciation du risque pour l'ordre public, qui ne lui a jamais été retirée dans aucune circonstance. Toutefois, en matière d'occupation illégale de terrain par les gens du voyage, le ministre de l'intérieur m'a donné l'assurance que les préfets seraient particulièrement sensibilisés aux nouvelles dispositions de la loi.
Tel est l'ensemble des éléments et des assurances que je peux donner.
Voilà un instant, M. le président de la commission des lois est intervenu pour émettre des regrets quant aux possibilités d'intervention de l'Etat par substitution. Il n'avait pas entendu ma réponse à M. About ; il n'entendra pas ma réponse maintenant puisqu'il a déjà dû quitter l'hémicycle. Je souhaite que la Haute Assemblée puisse inscrire dans sa réflexion cette question qui nous préoccupe tous : la loi doit-elle pouvoir s'appliquer partout ou doit-on prévoir des accommodements pour que tel ou tel puisse se dispenser d'en appliquer les dispositions, auquel cas il en charge les autres à sa place ?
Le Gouvernement reste attaché à la voie du volontariat et du contrat et il souhaite qu'elle prévale dans toutes les circonstances, mais, pour que cela puisse être le cas, il faut que, dans l'hypothèse où cette assurance ne serait pas donnée, la loi puisse rester la dernière voie.
Tout parlementaire conscient de la dignité de sa fonction, de l'importance de la loi, ne peut, sur ce point, que rejoindre le Gouvernement. C'est le dernier souhait que j'exprimerai devant la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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