Séance du 26 janvier 2000
M. le président. Par amendement n° 170 rectifié, MM. Diligent, Richert, Hérisson et Branger proposent d'insérer, avant l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Tout produit audiovisuel, quels qu'en soient la nature, le support, la durée et la dénomination, donne lieu pour sa réalisation, de la part de tout employeur, à l'établissement exclusif d'un contrat de travail de réalisateur à objet et à durée déterminés ou à durée indéterminée ; elle est rémunérée intégralement par un salaire. »
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Cet amendement, ainsi que le suivant, vise à attirer l'attention sur la profession de réalisateur.
La réalisation est en effet, actuellement, l'un des fondements de l'industrie cinématographique et télévisuelle. Or, le métier de réalisateur est véritablement dans le brouillard : soixante procès ont eu lieu récemment pour essayer de trouver une jurisprudence.
L'un des problèmes, notamment, est celui des salaires : nombre de réalisateurs sont rémunérés sous forme de droits d'auteur et perdent ainsi le bénéfice social qu'ils avaient auparavant. L'amendement n° 170 rectifié vise donc à ce qu'ils soient rémunérés par le versement d'un salaire.
Le Gouvernement s'honorerait par ailleurs en engageant une concertation avec les représentants de la profession, en déposant un rapport dans les prochains mois en vue d'éclairer les esprits sur des difficultés qui n'avaient pas été prévues voilà un certain nombre d'années, et en déposant un projet de loi instaurant une convention collective nationale de cette profession. Tel est l'objet de l'amendement n° 171 rectifié qui viendra ensuite en discussion.
Il nous faut, à mon avis, profiter de la discussion de ce projet de loi pour éclairer une profession qui est en plein désarroi, malgré tous les mérites qu'elle a et les services qu'elle rend.
MM. Michel Pelchat et Louis de Broissia. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commisson s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, qui n'a manifestement pas l'ambition de créer un statut législatif du réalisateur ni d'aboutir à l'inscription de dispositions nouvelles dans la loi de 1986, mais qui a le grand mérite de poser devant le Parlement les problèmes que connaît la profession de réalisateur.
Madame la ministre, il serait utile que le Gouvernement éclaire le Sénat sur la façon dont il envisage l'avenir d'un métier qui semble confronté à de graves problèmes, provoqués notamment par l'évolution des techniques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je suis sensible aux motifs du dépôt de cet amendement, qui vise à assurer aux réalisateurs une situation juridiquement et économiquement plus favorable qu'elle ne l'est actuellement.
Certains producteurs, jouant sur la double qualité d'auteur au sens du code de la propriété intellectuelle et de technicien, au sens du code du travail, ont tendance, semble-t-il, à ne pas verser le salaire que le réalisateur est en droit d'attendre de cette seconde qualité. Ils qualifient l'ensemble de la rémunération de « droits d'auteur », lesquels droits étant, chacun le sait, liés aux aléas du succès.
Toutefois, il me semble que la réponse se trouve dans l'application du code du travail, sans qu'il soit besoin d'inclure dans la loi de 1986 une nouvelle disposition. De surcroît, la rédaction proposée me paraît contraire aux intérêts des auteurs. En effet, il est fait mention de l'établissement exclusif d'un contrat de travail et d'une rémunération intégrale sous forme de salaire, ce qui pourrait être interprété comme la possibilité de ne plus faire référence, dans les relations entre le producteur et le réalisateur, aux règles prévues par le code de la propriété intellectuelle, qui prévoit une rémunération liée aux recettes de l'oeuvre et à laquelle nombre de réalisateurs ne sauraient, à juste titre, renoncer.
Je ne peux donc qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 170 rectifié.
M. André Diligent. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Madame le ministre, vos explications sont sans doute justes, et le rapport dont je souhaite l'élaboration permettra précisément de le démontrer : toute la lumière sera faite.
Par conséquent, nous ne risquons rien en votant cet amendement !
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je remercie notre collègue André Diligent d'avoir déposé cet amendement car, effectivement, la profession de réalisateur souffre d'un vrai malaise.
Certes, je ne méconnais pas le risque que Mme le ministre vient de nous exposer : les donneurs d'ordre auront tendance à tout inclure dans la rémunaration forfaitaire et à supprimer les droits d'auteur, ce qui, en cas de succès, engendrera effectivement un préjudice important pour les intéressés.
Dans ces conditions, une rédaction précise devrait permettre d'éviter ce risque tout en prévoyant une rémunération salariale au réalisateur quel que soit le succès, quels que soient les éventuels droits ultérieurs, qu'il faut préserver.
Je voterai donc l'amendement de M. Diligent, afin qu'une solution convenable soit trouvée face au malaise de la profession, les réalisateurs devant pouvoir continuer d'exercer leur travail dans notre pays.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Comme M. Pelchat, je remercie notre collègue M. Diligent d'avoir déposé cet amendement. J'avais d'ailleurs envisagé de proposer moi-même un tel dispositif, mais je ne l'ai pas fait lorsque l'amendement de M. Diligent m'a été transmis.
Dans la mesure où nous examinons un projet de loi sur la communication audiovisuelle, il est tout à fait légitime que nous nous penchions sur le malaise que connaissent les réalisateurs en France, mais aussi en Europe.
L'explication de Mme le ministre est effectivement tout à fait justifiée : le code du travail répond en large partie à ce problème. Néanmoins, je reste un peu sur ma faim et le rapport souhaité par M. Diligent pourrait nous éclairer non seulement sur la question délicate des droits des auteurs, des interprètes, des artistes, des solistes, mais aussi sur la situation exacte des réalisateurs.
Nous avons été très largement sollicités depuis au moins une dizaine d'années sur ce sujet. J'aimerais donc que ce rapport soit établi, tant sur le plan français que sur le plan européen.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. La rédaction de cet amendement n'est pas claire. En effet, dans la quatrième et dernière ligne, il est indiqué : « elle est rémunérée intégralement par un salaire ». Je vois pas bien à quoi ce pronom féminin se rapporte !
M. André Diligent. C'est la parité ! (Sourires.)
M. Michel Pelchat. A la réalisation !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Si la réalisation est rémunérée intégralement par un salaire, cela supprime les droits d'auteur !
M. Henri Weber. Absolument !
M. André Diligent. Dans ces conditions, supprimons le mot : « intégralement » !
M. Michel Pelchat. Et écrivons : « notamment » !
M. André Diligent. Oui ! Je rectifie mon amendement dans ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 170 rectifié bis, présenté par MM. Diligent, Richert, Hérisson et Branger, et tendant à insérer, avant l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Tous produit audiovisuel, quels qu'en soient la nature, le support, la durée et la dénomination, donne lieu, pour sa réalisation, de la part de tout employeur, à l'établissement exclusif d'un contrat de travail de réalisateur à objet et à durée déterminés ou à durée indéterminée ; cette réalisation est rémunérée notamment par un salaire. »
Quel est l'avis de la commission après cette rectification ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission ne modifie pas son avis : elle s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement demeure défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 170 rectifié bis , repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 30.
Par amendement n° 171 rectifié, MM. Diligent, Richert, Hérisson et Branger proposent d'insérer, avant l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur la situation des réalisateurs et présentera un projet de loi relatif au statut du réalisateur et instaurant une convention collective nationale de cette profession. »
M. Diligent a déjà défendu cet amendement précédemment.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. L'injonction qui est faite au Gouvernement de déposer un projet de loi n'apparaît pas conforme à la Constitution.
Cela étant, la commission pourrait reconsidérer sa position si M. Diligent se contentait de demander un rapport et non le dépôt d'un projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je n'ignore pas que la revendication d'un statut législatif pour la profession de réalisateur est récurrente. J'ai déjà eu l'occasion, d'ailleurs, de me prononcer à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment en réponse à une question écrite en juin 1999.
Je rappelle toutefois que l'édiction d'un statut législatif au bénéfice d'une catégorie de professionnels déterminée doit rester une procédure exceptionnelle, motivée par la nature particulière du travail ou par des considérations d'intérêt général.
Par ailleurs, comme je l'ai précédemment expliqué, diverses dispositions législatives prennent déjà en compte la situation du réalisateur audiovisuel.
S'agissant du problème de la convention collective, je rappelle que, s'il appartient à la loi de déterminer les règles de la négociation collective et le régime juridique des conventions qui en sont issues, la loi ne saurait aller au-delà et instaurer une telle convention.
J'ajoute que des négociations ont été engagées entre les partenaires concernés pour l'élaboration d'une convention nationale des techniciens de la production audiovisuelle, qui intéresse directement les réalisateurs.
Enfin, M. le rapporteur a lui-même indiqué que cet amendement comportait une injonction du législateur au Gouvernement, et je ne peux donc qu'y être défavorable, ne serait-ce que pour cette dernière raison.
M. le président. Monsieur Diligent, Mme le ministre n'a pas invoqué l'article 41 de la Constitution, mais, si elle le faisait, je serais obligé de consulter M. le président du Sénat, et donc de suspendre la séance dans l'attente de sa réponse.
Dans ces conditions, acceptez-vous de rectifier votre amendement ?
M. André Diligent. Je ne voudrais pas prolonger ce débat et mettre mes collègues dans l'embarras !
Par conséquent, j'accepte de rectifier mon amendement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 171 rectifié bis, présenté par MM. Diligent, Richert, Hérisson et Branger, et tendant à insérer, avant l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur la situation des réalisateurs. »
Quel est l'avis de la commission compte tenu de cette rectification ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 171 rectifié bis, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. Michel Pelchat. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 30.
(M. Guy Allouche remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE,
vice-président
Article 30