Séance du 20 décembre 1999
M. le président. « Article 32. - I. - Le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'Etat aux emprunts que la Société de gestion de participations aéronautiques pourrait émettre pour financer l'acquisition des titres détenus par la société DaimlerChrysler Luft - und Raumfahrt Holding AG dans la société issue du rapprochement d'Aerospatiale Matra et de DaimlerChrysler Aerospace AG, dans la limite de 30 % de la capitalisation boursière de cette société.
« II. - Le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'Etat à la Société de gestion de participations aéronautiques, dans la limite de 1,5 milliard d'euros, pour la couvrir des dépenses d'indemnisation de la société DaimlerChrysler - Luft und Raumfahrt Holding AG qu'elle pourrait supporter dans le cadre du rapprochement d'Aerospatiale Matra et de DaimlerChrysler Aerospace AG. »
Par amendement n° 66, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler que l'article 32, que nous souhaitons supprimer, autorise le ministre chargé de l'économie à accorder la garantie de l'Etat à différents emprunts que pourrait émettre - j'insiste sur ce conditionnel - la SOGEPA pour financer différentes opérations qui seraient issues de la fusion entre Aerospatiale Matra, d'un côté, et DASA, de l'autre.
Nous devons observer à ce sujet que le Parlement a été complètement ignoré dans cette affaire. Les conditions dans lesquelles a été introduit cet article 32 - par un amendement déposé au cours de la discussion du projet de loi à l'Assemblée nationale - témoignent d'une véritable négligence à l'égard du Parlement.
En l'état actuel de nos informations, il semble que, si ce dispositif était adopté, ce serait un blanc-seing donné au Gouvernement pour engager la garantie de l'Etat sur certains emprunts sans que des indications suffisantes soient fournies sur les conditions dans lesquelles cette garantie pourrait être octroyée et sur les montants correspondants.
On nous laisse entendre que les accords ainsi souscrits récemment entre les partenaires industriels contiendraient des clauses d'option de vente ou d'option d'achat susceptibles de faire obligation à la partie française de reprendre tout ou partie de la participation de la firme allemande, que l'opération nécessiterait un financement qu'il faudrait aller solliciter auprès des marchés financiers et qu'il ne pourrait être obtenu qu'avec la garantie de l'Etat. Mais on ne nous en dit pas plus, car la teneur des accords en question n'a pas été communiquée au Parlement, en tout cas pas à la commission des finances du Sénat.
Les emprunts qu'il faudrait ainsi réaliser ont un caractère totalement virtuel et viseraient à répondre à des situations dont nous ne connaissons pas la probabilité.
Il faut, en outre, rappeler que l'actionnaire public n'est pas le seul actionnaire, puisque Lagardère, société en commandite par actions, dispose d'une participation de 33 %. En l'état actuel de nos informations, il n'est pas possible de savoir si les engagements que l'on demande au Parlement de souscrire seraient partagés avec Lagardère, tant à l'égard de l'option de vente de la participation allemande et de l'option d'achat des participants français qu'à l'égard des engagements qu'il faudrait prendre en matière de garantie d'emprunts éventuels.
Monsieur le ministre, je poserai une question simple à ce sujet : la garantie de l'Etat ici sollicitée doit-elle également être apportée par l'autre actionnaire français, Lagardère, à proportion des intérêts respectifs dans le capital de la nouvelle société fusionnée ? Pouvez-vous nous en dire plus sur ce montage ?
Dans l'état actuel des informations dont nous disposons, il n'est possible que de préconiser la suppression de l'article 32.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En fait, par l'amendement n° 66, M. Marini souhaite obtenir plus d'informations sur ce grand projet industriel qu'est la création d'EADS.
Monsieur le rapporteur général, aussi bien le secrétaire d'Etat à l'industrie, Christian Pierret, que moi-même sommes en permanence à la disposition de la commission des finances si elle souhaite être plus amplement informée sur telle ou telle opération.
Pour être plus précis, je tiens à souligner que le Gouvernement a fait preuve de transparence à l'égard du Parlement sur tous ces grands dossiers industriels. Ainsi, dès juin 1997, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons voulu informer les assemblées de l'ensemble des engagements de l'Etat, qu'ils aient été pris avant ou après l'installation du Gouvernement.
Je n'évoquerai pas ici les dossiers complexes de la Compagnie du bâtiment et des travaux publics, du Crédit martiniquais, du Comptoir des entrepreneurs, du Groupe des assurances nationales ou de la Société marseillaise de crédit, afin de centrer mon propos sur les engagements pris par l'Etat à l'égard de la SOGEPA dans EADS.
De quoi s'agit-il ? Je ne reviendrai pas sur la création d'EADS, grande opération industrielle que le Président de la République lui-même a saluée, qui permet de constituer le premier constructeur aéronautique européen et l'un des tout premiers mondiaux, en regroupant dans une même société l'ensemble des activités aéronautiques, civiles et militaires, d'Aérospatiale Matra, de DASA et, plus récemment, de la firme espagnole CASA. J'en viens maintenant, monsieur le rapporteur général, aux questions précises qui sous-tendaient l'amendement que vous avez présenté.
Il existe, en effet, une option de vente à l'Etat des titres détenus par l'entreprise DaimlerChrysler Aerospace AG dans EADS. Cette option peut être levée par DaimlerChrysler Aerospace AG en cas d'exercice par le secteur public de son droit de veto sur les décisions stragégiques majeures d'EADS. La genèse de cette option de vente est donc claire. Celle-ci porte sur au maximum 30 % de la capitalisation bousière d'EADS, c'est-à-dire sur la participation de DaimlerChrysler Aerospace AG, et les engagements qui sont pris par la SOGEPA sur l'apport des activités d'Aerospatiale Matra sont plafonnés, quant à eux, à 1,5 milliard d'euros.
S'agissant du prix éventuel, la réponse traditionnelle, dans ce type d'opération, est que, si cette option de vente était exercée, il serait égal à la moyenne des cours boursiers d'EADS sur les six derniers mois.
Vous m'avez également demandé, monsieur le rapporteur général, si le groupe Lagardère prendra des engagements symétriques à ceux de l'Etat. Je peux vous dire très clairement à cet égard que, en cas d'exercice de l'option de vente ou de mise en jeu de la garantie de passif, le groupe Lagardère supportera le montant de l'engagement à la hauteur de sa participation.
Vous voyez donc, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement n'a rien à cacher et que sa volonté de transparence est totale. Ainsi, nous indiquons à l'avance la possibilité d'exercer une garantie d'emprunt pour l'entreprise SOGEPA. Je pense avoir complètement répondu à vos questions, et je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, je serai au regret de préconiser son rejet.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 32.
(L'article 32 est adopté.)
Article additionnel après l'article 32