Séance du 27 octobre 1999







M. le président. « Art. 7. _ La section 2 du chapitre II du titre Ier de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée est complétée par un article 15-4 ainsi rédigé :
« Art. 15-4 . _ L'accès d'un sportif à une formation dispensée par un centre de formation sportif peut être assorti de l'obligation de conclure un premier contrat d'engagement sportif d'une durée maximale de trois ans avec l'association sportive ou la société qu'elle a constituée dont relève ce centre.
« Les modalités de cet engagement sont fixées par les fédérations délégataires ou les ligues professionnelles qu'elles constituent, selon des dispositions précisées par un décret en Conseil d'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Lors de la discussion générale, j'ai annoncé que j'étais très circonspect sur la proposition de la commission à l'article 7.
J'aurais voté contre l'article 7 tel qu'il venait de l'Assemblée nationale. L'amendement de la commission ne nous donnant pas satisfaction non plus, mon groupe votera également contre.
M. le président. Par amendement n° 9, M. Bordas, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi cet article :
« Il est inséré, après l'article 15-2 de la loin° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, un article 15-4 ainsi rédigé :
« Art. 15-4. - Toute personne ayant bénéficié d'une formation dispensée par un centre de formation sportif relevant d'une association sportive ou d'une société mentionnée à l'article 11 et agréé par la commission nationale du sport de haut niveau prévue à l'article 26 peut être tenue de rembourser le coût de cette formation :
« - lorsqu'elle a refusé de conclure avec l'association ou la société dont relève le centre de formation un contrat de travail défini au 3° de l'articleL. 122-1-1 du code du travail ;
« - et lorsqu'elle a conclu un tel contrat, en vue de l'exercice professionnel de la même discipline sportive, avec une autre association ou société sportive.
« Le remboursement n'est dû que s'il a été prévu par une convention conclue préalablement à l'accès de l'intéressé au centre de formation. Les stipulations de la convention relatives aux conditions d'exigibilité et au montant de ce remboursement, qui ne peut en aucun cas excéder celui des dépenses d'entretien et de formation effectivement supportées par l'association ou la société, doivent être conformes à des stipulations types définies par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. James Bordas, rapporteur. Il s'agit de l'article relatif à la protection des intérêts des clubs formateurs.
Il nous paraît tout à fait légitime de prévoir une compensation des frais de formation lorsqu'un sportif est engagé par un autre club.
L'UEFA a mis en place un « pool de solidarité » qui permet de rémunérer les clubs ayant formé les joueurs amateurs de quatorze à vingt-quatre ans quand ils sont engagés comme professionnels dans un autre pays membre de l'UEFA. Cela s'ajoute aux pratiques qui ont déjà lieu entre clubs.
La commission européenne estimerait quant à elle envisageable la formule d'un contrat de formation prévoyant que le joueur rembourse au club les frais de formation.
C'est une formule de ce type que nous vous proposons, en permettant à un club d'obtenir le remboursement de ces frais sous certaines conditions.
Premièrement, il doit s'agir d'un centre de formation agréé.
Deuxièmement, l'obligation éventuelle de remboursement, le mode de calcul de celui-ci et les conditions d'exigibilité doivent être prévus par un contrat comportant des clauses types.
Enfin, troisièmement, le remboursement ne pourra être envisagé que si le sportif a refusé de signer un contrat de joueur professionnel avec le club formateur et s'il en a signé un avec un autre. C'est donc en fait le club qui l'engagera qui remboursera. Il n'est en tout cas pas question, comme le permet le texte de l'Assemblée nationale, que le jeune puisse être obligé de payer simplement parce qu'il ne veut pas - ou qu'il ne veut plus - devenir joueur professionnel.
Comme je l'ai dit, madame la ministre, il s'agit en quelque sorte d'un système de « pantoufle ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le Sénat comme l'Assemblée nationale ont essayé de résoudre un problème complexe. Nous devons protéger nos clubs formateurs, car la formation de ces jeunes sportifs est un atout pour le sport français.
Aujourd'hui, les clubs formateurs sont dépourvus de toute possibilité juridique de garder un jeune qu'ils ont formé. En revanche, les clubs non formateurs, à l'étranger ou en France, ont toute latitude d' « acheter », si je puis me permettre cette expression, le jeune à la fin de sa formation, et n'auront pas de peine à rembourser le coût de la formation !
Il est vrai que l'article 7, tel qu'il vient de l'Assemblée nationale, ne prend pas vraiment en compte l'intérêt du jeune lui-même, quoiqu'un contrat de trois ans représente, il faut le noter, un progrès pour les jeunes qui sortent de ces centres de formation par rapport à la situation actuelle, qui leur impose des contrats de six ans ou de sept ans.
Il faut certainement engager un travail commun pour aboutir à un article qui non seulement protège les clubs formateurs, mais donne des garanties aux jeunes. Il convient de réfléchir à une forme d'indemnisation pour un jeune à qui, au bout d'un an ou de deux ans de formation, on conseillera de reprendre ses études, ou à qui l'on ne proposera aucun contrat à la sortie de ses années de formation. Bien que je ne sache pas si cela peut figurer dans la loi, il faut prendre en compte la responsabilité morale du club à l'égard du jeune qui pensait devenir un sportif professionnel et qui ne pourra pas faire carrière dans cette voie, parce qu'il n'en est peut-être pas capable d'ailleurs... mais le problème n'est pas là. Il faut l'accompagner au moment de la sortie de sa période de formation au sein d'un club professionnel.
Nous devons par conséquent travailler encore sur la base de ces deux exigences.
Pour ma part, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat, en espérant que les deux assemblées trouveront une solution.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. L'amendement n° 9 propose une nouvelle rédaction de l'article 7.
L'article qui nous vient de l'Assemblée nationale prévoit d'assortir la formation d'un sportif de l'obligation de conclure un contrat avec la société dont relève le centre de formation afin d'éviter le transfert des joueurs à l'issue de leur formation vers un club concurrent.
La nouvelle rédaction revient, selon nous, à légitimer le transfert des joueurs moyennant paiement. Même si, nous en convenons, la rédaction initiale de cet article contrevient aux orientations de la Commission européenne, nous la pensons plus favorable aux clubs et - mais cela en découle - plus favorable également à la formation des sportifs, qu'elle encourage. C'est pourquoi nous ne sommes pas contre cet amendement.
Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je voudrais rebondir sur les propos de Mme la ministre, car elle pose une vraie question, à savoir sur quels critères peut-on juger qu'un jeune, entrant dans un centre de formation à seize ans pour en sortir à dix-huit ou dix-neuf ans, n'est pas apte à accomplir une carrière professionnelle dans le sport auquel il s'est formé ?
Beaucoup d'exemples nous confirment que ces jugements à l'emporte-pièce sont pris pour des raisons qui tiennent plus aux relations entre le jeune et le club, ou l'environnement du club, qu'aux véritables qualités physiques et sportives du jeune.
Puisque nous allons travailler ensemble sur une vraie bonne loi, nous devons faire très attention à cet aspect des choses concernant les jeunes et leur environnement. Parfois, c'est très compliqué.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. La sagesse serait, selon moi, de supprimer l'article 7 car, comme je l'ai dit dans la discussion générale, le problème est extrêmement complexe, ainsi qu'a pu le constater notre groupe. En effet, des tas de critères entrent en ligne de compte. Il en est ainsi des oppositions entre le syndicat des joueurs, en particulier dans le football, et les clubs. Or résoudre ce problème n'est pas facile et je ne pense pas qu'au cours de la navette nous puissions y parvenir.
Je souhaite, comme l'a dit Mme la ministre, que la question soit réexaminée au cours de la discussion du projet de loi qu'elle prévoit de nous présenter en l'an 2000.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Nous avons bien compris, madame la ministre, mes chers collègues, qu'il s'agit là d'une disposition importante, en ce qu'elle touche non seulement au fonctionnement des clubs et des centres de formation, mais aussi à l'éthique et au respect de la personne humaine - sans vouloir employer de trop grands mots, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Je voudrais simplement, pour ma part, appeler l'attention de nos collègues sur la nécessité, si l'on veut que la discussion se poursuive, de voter l'amendement de la commission. En effet, si vous ne votez pas cet amendement, mes chers collègues, c'est la rédaction de l'Assemblée nationale qui sera définitivement adoptée. Or je crois que nous sommes unanimes - du moins m'avait-il semblé que nous l'étions - pour considérer qu'elle ne peut nous satisfaire et qu'elle ne répond pas aux exigences auxquelles nous sommes tous attachés.
J'ai pris la parole uniquement pour vous dire que si vous souhaitez que la discussion se poursuive, il faut que la commission mixte paritaire soit saisie d'un texte, et il vous faut par conséquent voter l'amendement n° 9 de la commission !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.

Article 7 bis