Séance du 21 octobre 1999
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
Il est capital d'éviter la prolifération nucléaire et la reprise de la course aux armements. C'est pourquoi nous souhaitons l'entrée en vigueur du traité sur l'interdiction totale des essais nucléaires.
Or, la semaine dernière, le Sénat américain a pris la lourde responsabilité de rejeter ce traité.
Certes, ce vote n'entraîne pas obligatoirement une reprise par les Etats-Unis de leurs expérimentations, - l'administration américaine actuelle y est totalement opposée - mais on peut légitimement s'alarmer des conséquences internationales de cette décision, qui a provoqué, ainsi que l'a souligné le président Jacques Chirac, la consternation des pays européens.
En effet, elle donne d'excellents arguments à ceux qui, comme l'Inde et le Pakistan, ont refusé jusqu'à présent de signer ce traité. De plus, elle complique les relations entre les Etats-Unis et leurs alliés au sein de l'OTAN.
En ce qui la concerne, la France a tenu tous ses engagements. Elle a démantelé ses installations de recherche dans le Pacifique. Elle serait moralement fondée à s'étonner du silence de ceux qui, jadis, nous stigmatisaient et qui semblent aujourd'hui bien moins sévères à l'égard du Sénat américain.
Cependant, l'arrêt de nos essais nucléaires était lié à la mise en place de procédures de simulation.
Le budget de 1999 précise que, concernant le programme Laser Mégajoule, les travaux sont centrés cette année sur la préparation de la mise en service de la ligne d'intégration laser.
Les récentes déclarations du ministre de la recherche concernant la réduction des crédits pour les grands équipements et son idée selon laquelle il n'y aurait pas d'avenir pour eux en dehors du partenariat européen nous inquiètent si elles devaient s'appliquer à la modélisation et à son application pour la dissuasion.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, si les crédits consacrés au programme Laser Mégajoule dans le prochain projet de loi de finances permettront à la France de se doter des moyens nécessaires au maintien de sa capacité de dissuasion, et ce dans les délais prévus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Comme vous l'avez très justement résumé, monsieur le sénateur, le refus par le Sénat américain de ratifier le traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires constitue un coût d'arrêt très préoccupant à un processus de désarmement et de contrôle de la prolifération des armes nucléaires dans lequel la France, associée heureusement à de nombreux Etats amis, a joué un rôle moteur.
Il faut souligner, sans commenter plus avant, que ce refus est aussi l'illustration d'un désaccord profond entre l'administration et le Président, qui se sont clairement prononcés en faveur de ce traité, d'une part, et la majorité du Congrès, qui a manifestement placé ses motivations sur un tout autre plan, d'autre part. En tout cas, c'est un signe négatif qui peut avoir des conséquences dans de nombreux domaines.
Je ferai observer que, parmi les arguments employés devant le Sénat américain pour combattre ce traité, certains sont scientifiquement inexacts. Ainsi, le contrôle des essais de faible puissance est réalisable par les installations que les Etats-Unis, comme nous, maîtrisons.
Notre programme de simulation doit se poursuivre. Je veux attester devant la Haute Assemblée de la crédibilité scientifique de ce programme, qui nous permet d'être assurés à long terme de la vérification de la fiabilité, des conditions de vieillissement de nos armes.
Le recoupement avec la dernière campagne d'essais fait l'objet de travaux de calcul extrêmement poussés qui se déroulent bien.
En ce qui concerne les moyens financiers, ce programme est doté au total, dans la programmation actuellement en cours et en prévision de la loi de programmation suivante, de 15 milliards de francs. Les lois de finances successives sont en concordance avec ce programme.
La dotation prévue dans le projet de loi de finances pour 2000, qui va vous être présenté dans quelques semaines, est de 808 millions de francs. Elle permet la mise en service à la date prévue de la ligne d'intégration laser, qui est en quelque sorte le premier étage du dispositif physique de simulation ; Laser Mégajoule, qui est en cours de développement, pourra être mis en service dès le milieu de la prochaine décennie, c'est-à-dire largement à temps pour que les prochaines armes puissent être vérifiées.
J'affirme, comme l'a fait M. le Président de la République voilà quelques jours avec le plein assentiment du Gouvernement, que la France conservera sa position en faveur d'un programme d'arrêt des essais qui soit plurilatéral, accepté par tous. Elle a pris les moyens de concilier la solidité de son engagement pour le désarmement avec le maintien de la fiabilité de son arme de dissuasion, qui est un facteur d'équilibre stratégique. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
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