Séance du 13 octobre 1999
PARTIE LÉGISLATIVE DE CERTAINS CODES
Adoption d'un projet de loi d'habilitation
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 438, 1998-1999)
portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption
de la partie législative de certains codes. [Rapport n° 4 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous allons débattre aujourd'hui de deux projets de lois
complémentaires : le projet de loi d'habilitation relatif à la codification,
puis le projet de loi dit DCRA relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations, qui vient au Sénat en deuxième lecture. Ce
dernier projet de loi, pour donner aux citoyens un accès simple au droit,
instituait l'obligation de codifier les textes juridiques. Vous aviez partagé
l'objectif, mais vous aviez émis des doutes, sur la volonté du Gouvernement de
l'atteindre, en lui reprochant de n'avoir soumis, dans les derniers mois, aucun
code à l'adoption des assemblées.
Le projet de loi d'habilitation qui vient devant vous aujourd'hui concrétise
la volonté du Gouvernement de remédier au retard pris. Le programme de travail
des assemblées ne permet pas de faire aux codes la place qu'ils méritent alors
que nombre de codes sont déjà prêts grâce à la persévérance de la commission
supérieure de codification. Mais à mesure que des modifications interviendront
dans les domaines concernés, on risque de voir certains codes se périmer et le
travail important fait en amont en quelque sorte gâché. A titre de solution, le
Gouvernement vous demande donc de l'habiliter à adopter la partie législative
des neuf codes d'ores et déjà prêts.
Il est bien entendu que cela ne constitue pas une codification définitive de
la procédure : l'adoption de la partie législative des codes appartient au
Parlement, et le projet de loi DCRA le réaffirme. L'habilitation que nous
sollicitons vise les codes dont la liste va vous être présentée par M. le
rapporteur ; certains sont déjà déposés devant l'une des assemblées, voire déjà
étudiés par sa commission compétente, d'autres sont en cours d'examen devant le
Conseil d'Etat, et tous ont été adoptés par la commission supérieure de
codification, qui veille sur chaque code et sur la cohérence d'ensemble de la
codification.
Avant de vous inviter à adopter le projet de loi, je voudrais préciser
brièvement trois points.
Le premier est relatif au principe du droit constant. Il est clair pour tout
le monde que l'élaboration d'un code n'est pas l'occasion de modifier le droit
existant : il s'agit d'en classer les éléments selon un plan logique et
accessible à un lecteur non spécialiste, c'est ce que l'on appelle la
codification à droit constant. Mais le droit applicable a été élaboré à des
périodes différentes, parfois fort anciennes. Aussi le texte d'origine peut-il
mériter des adaptations : les termes eux-mêmes évoluent et la hiérarchie des
normes, déterminée par la Constitution actuelle, n'a pas toujours été
identique. Il faut donc fixer les règles qui encadrent le droit constant : ce
projet de loi les précise.
Par prudence, s'agissant d'ordonnances, la rédaction de l'article 1er du
projet de loi, dans sa version initiale, est légèrement en retrait sur la
définition générale donnée à l'article 3 du projet de loi DCRA. Votre
commission des lois préfère aligner les deux définitions, afin que la
codification soit harmonieuse et aussi parfaite que possible, quel que soit le
mode d'adoption des codes. Cet amendement améliorera la cohérence du travail
des codificateurs et le Gouvernement le soutient.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur les neuf codes concernés.
Certains traitent une matière à ce jour jamais rassemblée en un seul ouvrage,
comme le code de l'environnement, domaine de régulation relativement récent.
C'est aussi le cas du code monétaire et financier, qui organise pour la
première fois des textes dont la portée est de plus en plus décisive dans notre
vie économique.
D'autres, en revanche, rassemblent une information déjà traitée, mais cette
fois selon un système complet et cohérent. C'est le cas du code de l'éducation
: il offre le premier panorama complet, d'accès aisé, de l'ensemble du système
éducatif, et concerne tous les enseignements, donnés sous l'égide de
l'Education nationale ou non. C'est aussi le cas du code des juridictions
administratives, qui réunit des textes déjà rassemblés par les soins des
éditeurs mais y instaure un ordre logique qui en facilite grandement la
lecture. Dans certains cas, il faut passer de la compilation au code.
Enfin certains codes déjà utilisés de longue date méritaient une révision ou
une refonte : les codes de la santé publique, de l'action sociale, le code
rural, le code de la route ou encore le code de commerce.
Enfin, j'évoquerai brièvement la ratification des ordonnances.
Dans le projet de loi gouvernemental, il est fait mention d'une loi de
ratification, déposée au plus tard quinze mois après la publication de la
présente loi. La commission - je le sais - préfère que de tels projets soient
déposés deux mois après la publication de chaque ordonnance. Le Gouvernement se
range à cette position, qui rapprochera, pour chaque code, le moment de son
adoption définitive.
Nous avons aujourd'hui les meilleurs supports d'information : les nouvelles
technologies de communication participent grandement à la diffusion des textes
juridiques. Les sites Internet des ministères - pour prendre un exemple - sont
complets, utiles, largement fréquentés. Encore faut-il que les documents
diffusés soient lisibles. A ce jour - reconnaissons-le - mieux vaut être
spécialiste pour se retrouver parmi des textes adoptés à des périodes diverses
et modifiés plusieurs fois. La possibilité de consulter sur Internet la table
des matières d'un code permettra, en revanche, de trouver bien plus facilement
l'article dont on a besoin.
Notre pratique de la codification est une oeuvre importante, issue de nos
traditions, notamment de notre vision cartésienne du droit. Comme le Premier
ministre l'a tout récemment rappelé, le rôle de l'Etat est de réguler les
activités sociales, et la société en la matière n'adresse pas moins de demandes
à l'Etat que par le passé, bien au contraire. Puisque la modification des lois
reste un support essentiel des politiques, puisqu'aucun effort pour limiter
cette tendance n'a jamais abouti à ce jour, nous avons le devoir de rendre tout
cela plus clair. La codification nous permet d'atteindre cet objectif.
Notre pratique en la matière a conquis nos voisins européens, dont plusieurs
ont entrepris, à leur tour, de codifier leur droit. Nous pouvons nous féliciter
de ce succès de nos méthodes de simplification. Il s'agit de continuer l'oeuvre
entreprise, et le prochain pas que je vous propose de faire consistera en
l'adoption de ce projet de loi
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous
convaincus de l'intérêt de la codification. Il s'agit d'ailleurs d'une
tradition française imitée quasiment dans le monde entier et qui remonte loin
dans le temps puisque dès Henri III, puis sous Louis XIV et encore sous la
Révolution française, notre pays a entrepris cette vaste tâche,...
M. Emmanuel Hamel.
Donc, avant le code Napoléon !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... développant un modèle qui s'est largement exporté.
La codification me paraît utile, voire indispensable, et cela à différents
égards.
Elle l'est d'abord au niveau des praticiens du droit, dont nous sommes. Nous
avons en effet besoin de retrouver facilement les textes juridiques applicables
pour faciliter nos recherches, bien sûr, mais aussi pour éviter de laisser de
côté un texte qui n'aurait pas été répertorié et que nous aurions beaucoup de
mal à retrouver.
En tout cas, la codification simplifie singulièrement notre tâche de
législateur, lorsque nous sommes amenés à modifier tel ou tel ensemble de
dispositions, qu'elles soient anciennes ou plus récentes : nous n'avons plus
besoin de rechercher dans les archives des textes disséminés et souvent
difficiles d'accès.
Mais la codification a pour mission essentielle de rendre le droit accessible
à tous. C'est la différence majeure entre notre système continental et le
système des pays anglo-saxons, où le droit n'est accessible qu'à des experts,
des professionnels, et non à l'ensemble des citoyens. Cet accès direct au droit
est un mérite fondamental de la codification.
La codification française jouit en outre, le ministre l'a rappelé tout à
l'heure, d'un grand prestige international, observable non seulement en Europe
mais également bien au-delà, en Amérique latine, en Afrique ou en Asie. Même
certains pays de
common law
recourent d'ailleurs également, pour les
branches les plus modernes du droit, à la codification.
Il reste que, si le programme gouvernemental est mené à terme, nous serons le
seul pays du monde à disposer d'une codification totale de l'ensemble du droit.
Cela signifie que, dorénavant, aucun législateur, dans aucun pays, ne fera la
moindre réforme sans se référer à ce que les Français ont fait.
Cela est pour moi une source de réconfort, sachant que la
common law
fait des progrès grandissants dans nos institutions européennes ou dans les
cours de justice internationales. Ainsi, par la codification, le droit français
continue encore de jouer un rôle exemplaire.
M. Emmanuel Hamel.
Pour combien de temps ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
M. le ministre l'a souligné, cette oeuvre de codification,
nous l'avons entamée voilà fort longtemps.
La codification a été pratiquée sous la IVe République, puis sous la Ve, mais
selon une méthode assez discutable puisque, généralement, il s'agissait de
codifier par décret, ce qui ne manquait pas de susciter des interrogations chez
les juristes : quelle est, en effet, la portée juridique exacte d'un texte
d'origine législative codifié par décret. Il y a eu une jurisprudence sur cette
question.
Heureusement, nous avons changé notre fusil d'épaule en instaurant, en 1989,
la commission supérieure de codification, et je tiens ici à rendre hommage à
son actuel vice-président, M. Guy Braibant, dont le sérieux, l'intelligence, la
constance ont permis de faire en sorte que le travail de codification ait
avancé à ce point.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
J'ajoute que, grâce à la commission supérieure de
codification, où le Sénat est représenté, à côté de l'Assemblée nationale, des
plus hautes juridictions et de toutes les administrations, une partie de la
codification a été faite selon une nouvelle méthode : élaboration par la
commission supérieure de codification, contrôle par le Conseil d'Etat et
discussion puis vote par le Parlement.
Ont été ainsi adoptés : le code de la propriété intellectuelle, le code de la
consommation, les livres I, III, VI et VIII du code rural, les livres I, II et
III du code des juridictions financières - il me plaît ici de saluer le travail
qu'a accompli, au sein de la commission supérieure de codification, notre
collègue Philippe Marini - et enfin le code général des collectivités
territoriales. S'agissant de ce dernier code, il faut souligner la qualité du
travail qu'a effectué notre collègue Michel Rufin, tant au sein de la
commission supérieure de codification que comme rapporteur devant le Sénat.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part d'un regret à propos
du code général des collectivités territoriales. Alors qu'il est vraiment un
modèle du genre pour la partie législative, nous attendons toujours que la
partie réglementaire soit prête car, pour l'heure, faute de cette autre partie,
ce code est en panne !
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Le législateur avance mais il serait heureux que le pouvoir
réglementaire suive également, faute de quoi la codification n'atteint pas
pleinement son but.
La procédure est maintenant bloquée sans que personne soit totalement
coupable. En vérité, chacun a sa part de culpabilité.
Dans sa déclaration de programme, je le rappelle, le Premier ministre avait
fait figurer la poursuite du travail de codification parmi ses priorités. On
s'aperçoit que, malheureusement, depuis le code général des collectivités
territoriales, tout est bloqué.
Ce blocage tient, certes, pour partie, à l'encombrement du travail
parlementaire. Il est vrai que le Parlement a été mis à rude épreuve au cours
des dernières années en raison de la masse et de la complexité des textes
législatifs que nous avons eu à discuter.
De ce fait, il n'a pas été facile au ministre chargé des relations avec le
Parlement de trouver une niche pour placer ici ou là la discussion de tel ou
tel projet de codification, alors même que tout le travail de préparation était
achevé.
Mais l'encombrement n'est pas seul en cause. Certains blocages sont dus au
Parlement lui-même : soit qu'il ait estimé que le code qu'on lui présentait
n'était pas satisfaisant du point de vue de son périmètre, soit qu'il y ait eu
des divergences d'interprétation sur la notion de droit constant, soit enfin
que le travail parlementaire se soit trouvé compliqué par quelques
comportements stupides de la part des uns ou des autres. Je pense là,
notamment, au fameux problème des alinéas, le Gouvernement, suivi par le
Conseil d'Etat, et le Parlement ayant deux conceptions différentes de ce qu'est
l'alinéa ; cela a conduit, par exemple, s'agissant du code général des
collectivités territoriales, au dépôt d'un grand nombre d'amendements portant
sur ce seul point.
Ont déjà été ainsi bloqués certains livres du code rural, le code de commerce,
qui a été adopté par notre assemblée mais qui n'a pas été accepté par
l'Assemblée nationale.
On peut également observer que ce blocage a entraîné la « grève », si j'ose
dire, du Conseil d'Etat. Ce dernier a en effet décidé d'arrêter l'examen des
codes, alors même que la commission supérieure de codification avait achevé sa
propre tâche, en constatant que le travail ne débouchait pas au niveau
parlementaire.
Aussi la solution qui a été proposée par le Gouvernement - et, je dois le
dire, en constante concertation avec les commissions des lois des deux
assemblées - est-elle, je le crois, celle de la sagesse. Il s'agit d'autoriser
le Gouvernement à adopter les codes par voie d'ordonnances, étant entendu que
le Parlement pourra exercer la plénitude de ses attributions lors du débat sur
la ratification.
Nous avons déposé quelques amendements, et je remercie M. le ministre de nous
avoir d'ores et déjà fait part de son accord sur ces derniers. Il est vrai que
nous avons mis en place une sorte de commission mixte paritaire préalable
puisque c'est en accord avec mon homologue de l'Assemblée nationale qu'ont été
rédigés ces amendements. Cela nous permettra d'adopter rapidement un texte dont
la nécessité est évidente.
Il faut que le chantier de la codification reprenne. Une trentaine de codes
sont encore à venir : c'est un très gros travail, dont il était initialement
prévu qu'il s'achèverait en 2004. Eh bien, si nous continuons au rythme de neuf
codes par an, je suis convaincu, monsieur le ministre, que la tâche que les
gouvernements successifs se sont fixée sera remplie. Elle le sera, en
particulier, si la commission supérieure de codification et son vice-président
poursuivent leur remarquable travail comme ils l'ont entamé, en parfaite
coïncidence, pour ne pas dire complicité, avec la Haute Assemblée.
M. Emmanuel Hamel.
Coopération plutôt que complicité !
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
codification correspond à un souhait exprimé depuis longtemps par de nombreux
et bons esprits. Certains sont allés jusqu'à dire que tous les textes qui ne
seraient pas codifiés avant l'an 2000 devraient être considérés comme caducs.
Ce serait là, face à l'inflation législative - et ne parlons pas de l'inflation
réglementaire ! - une solution tout à fait radicale !
On a même imaginé que certaines lois qui ne seraient pas revisitées par le
Parlement au bout de cinq ou dix ans seraient caduques. Cela nous éviterait
peut-être de voter des lois pour découvrir ensuite trop souvent qu'elles
recèlent des contradictions les unes par rapport aux autres. De ce point de
vue, la codification contribue indiscutablement à une clarification.
M. Patrice Gélard, dans son excellent rapport, a indiqué que la codification
française était un modèle, et notre code civil représente à l'évidence une
étape majeure dans l'histoire du droit. Mais, en vérité, c'est un modèle encore
plus ancien puisque les Latins aussi avaient su codifier.
M. le rapporteur a bien décrit les difficultés, les atermoiements expliquant
qu'on ne peut plus guère avancer, en matière de codification, par la voie
législative ordinaire. Cette situation tient peut-être aussi au fait que notre
ordre du jour est encombré par des textes qui occupent beaucoup du temps mais
qui, par la suite, se révéleront peut-être moins importants qu'il n'y
paraît.
S'agissant du code des collectivités locales, on peut regretter que la volonté
affirmée du Gouvernement ne l'ait pas incité, jusqu'à présent, à publier la
partie réglementaire. On ne peut pas à la fois nous demander d'accélérer sur le
plan législatif et ne pas faire ce qu'il faut sur le plan réglementaire, lequel
relève strictement du Gouvernement.
Doit-on craindre qu'il n'en aille de même pour le code de l'éducation, où la
partie réglementaire devrait être également très importante ?
Il faut, bien entendu, saluer les efforts de la commission supérieure de
codification et de tous ceux qui ont contribué à cette oeuvre de codification :
tous ont fait un travail remarquable.
Qu'on me permette de relever un problème. Entre le moment où le projet relatif
au code de l'environnement a été déposé et le moment où il est venu en
discussion, sept textes législatifs intéressant l'environnement sont
intervenus, ce qui a conduit à reprendre le travail presque entièrement. Il y a
là une vraie difficulté, monsieur le ministre, sur laquelle je reviendrai lors
de la discussion des articles.
Je suis très favorable à la procédure qui est proposée, mais à condition que,
comme le suggère M. le rapporteur, le délai de dépôt des lois de ratification
ne soit pas trop long. D'ailleurs, à partir du moment où les ordonnance auront
été prises, on ne voit pas quels obstacles pourraient se dresser devant la
ratification par le Parlement. C'est une simple question d'organisation, qui
relève de la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et des
ministères ; il n'y aura évidemment plus de problèmes d'examen des textes.
Cela permettra effectivement à la codification de progresser et on peut
espérer qu'elle sera achevée, sinon en l'an 2000 - c'est, bien sûr, impossible
! - mais au moins au cours des prochaines années.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu'être favorable à ce projet de
loi, monsieur le ministre, sous une réserve que j'exprimerai tout à l'heure.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
Gouvernement nous demande, avec ce projet de loi, de l'autoriser à adopter par
ordonnances la partie législative de neuf codes.
Je pense que personne, dans l'hémicycle, ne me contredira si je dis que la
codification ne comporte que des avantages. Elle permet de trouver rassemblées
en un texte unique toutes les dispositions se rapportant à un domaine
particulier.
Cela donne à ces dispositions une présentation cohérente et ordonnée. Cela
répond aussi à un souci de sécurité juridique. Cela permet un accès plus simple
des citoyens aux règles en vigueur, ce qui est l'un des objectifs de la réforme
de l'Etat engagée par le Gouvernement.
La modernisation de l'Etat et de la vie publique a largement été entamée
depuis le début de la législature, notamment avec les textes traitant de
l'intercommunalité de l'aménagement du territoire, du mode de scrutin pour
l'élection des conseillers régionaux, du référé administratif et, bien sûr,
avec le texte que vous allez nous présenter, monsieur le ministre, relatif aux
droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Le projet de
loi prévoit « de rendre les administrations plus accessibles, plus proches,
plus transparentes, plus simples, plus efficaces ».
Lors des débats en première lecture, les parlementaires sur toutes les
travées, tout comme le Gouvernement, d'ailleurs, s'interrogeaient sur la
viabilité des dispositions de l'article 3 qui prévoyait l'adoption d'une
dizaine de codes d'ici à la fin de la législature. Si aucun d'entre nous ne
contestait le principe de la codification, tous soulevaient la question du
calendrier.
Le groupe communiste républicain et citoyen avait d'ailleurs proposé
d'allonger le délai. Mais vous avez préféré, mes chers collègues de la majorité
sénatoriale, supprimer l'article qui prévoyait la codification dans son
ensemble.
Cet article a ensuite été réintroduit par l'Assemblée nationale, mais sans
condition de délai. Il ne s'agit plus que d'une disposition de principe qui
nécessite d'être examinée de façon pratique et contrainte.
Le texte portant habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnances à
l'adoption de la partie législative de certains codes vient résoudre ces
difficultés de calendrier et d'application.
Le Gouvernement propose, pour répondre à la nécessité impérieuse de la
codification, de déroger au principe de la séparation des pouvoirs posé par les
articles 34 et 37 de la Constitution.
Le Parlement est législateur, c'est donc à lui que ce rôle est imparti.
Au regard de l'utilité et de l'accessibilité aux règles de droit qu'offre la
codification, il ne m'apparaît nullement choquant de déroger, en l'espèce, au
principe de la séparation des pouvoirs et d'autoriser ainsi le Gouvernement à
adopter, par ordonnances, les parties législatives des neuf codes, d'autant que
tous ces textes ont déjà été adoptés, qu'il ne s'agit que d'une refonte, d'une
réorganisation, et que, par conséquent, le Parlement et les législateurs que
nous sommes ont déjà eu à se prononcer sur ces textes.
L'article 1er du présent projet de loi donne, outre la liste des codes
concernés, une définition de la codification à droit constant : « Les
dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication des
ordonnances, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues
nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence
rédactionnelle des textes ainsi rassemblés. »
Cette définition est complète, mais nous ne sommes pas opposés à la
proposition de la commission visant à ajouter l'harmonisation de l'état de
droit à la liste des modifications éventuellement nécessaires.
Les autres amendements sont d'ordre rédactionnel ou tendent à appliquer à
Saint-Pierre-et-Miquelon, au même titre qu'à la Nouvelle-Calédonie, aux
territoires d'outre-mer et à Mayotte, les dispositions codifiées.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux
de rendre le droit plus accessible et plus lisible, et ce le plus vite
possible, votera ce texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
abordons là le premier des deux textes qui concernent la modernisation de
l'Etat, dont les maîtres mots sont transparence et accessibilité des règles de
droit, simplification et accélération des procédures, rapprochement des
citoyens de leur administration.
Ce projet de loi est typiquement pragmatique : quarante codes doivent voir le
jour d'ici à peu de temps ; cinq ont été adoptés et neuf le seront très
rapidement, leur rédaction étant achevée.
Si, d'une manière générale, le recours aux ordonnances suscite les réticences
du législateur, force est de constater que, dans le cas présent, il est urgent
d'accélérer le processus de codification. Compte tenu notamment d'un ordre du
jour chargé, le Parlement a retardé quelques projets de codes. Dans ces
conditions, nous devons arriver rapidement à la publication de codes qui
rendront un grand service à l'ensemble de nos concitoyens.
Je rappelle que les codes sont mis en forme par la Commission supérieure de
codification. A cet égard, un excellent travail a été réalisé. Ce projet de loi
prévoit que le Gouvernement procède par ordonnances à l'adoption de la partie
législative des neuf codes, à savoir le code rural, le code de l'éducation, le
code de la santé publique, le code du commerce, le code de l'environnement, le
code de la justice administrative, le code de la route, le code de l'action
sociale et le code monétaire et financier. Le rôle du Parlement est préservé
puisqu'il votera une loi de ratification pour chaque ordonnance.
Je me réjouis de voir ainsi avancer le dossier de la codification, qui
constitue l'un des grands chantiers de la réforme de l'Etat.
Le regroupement des quelque 8 000 lois en vigueur dans des codes thématiques
facilitera leur lecture et leur compréhension par le citoyen mais aussi par les
décideurs publics, comme l'a montré l'exemple du code général des collectivités
territoriales, que je feuillette souvent en tant qu'élu local, qui répondait à
une véritable attente. La codification est l'instrument idéal d'une meilleure
accessibilité aux normes.
Rappelons que la relance de la codification est intervenue en 1989 sous
l'impulsion de Michel Rocard. Elle a été poursuivie par les gouvernements
successifs et figure en bonne place dans la circulaire du Premier ministre
relative à l'organisation du travail gouvernemental en date du 6 juin 1997.
Dans ces conditions, le groupe socialiste, en se félicitant de son dépôt,
votera ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er