Séance du 12 octobre 1999







M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 572, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, ma question a trait à l'accompagnement financier éventuel de l'Etat à la mise en oeuvre de la départementalisation des services d'incendie.
Selon la loi du 3 mai 1996, relative à cette départementalisation, le corps des sapeurs-pompiers doit proposer les mêmes conditions d'accès aux services qu'il dispense.
A mesure que le corps des sapeurs-pompiers assure de plus en plus de services qui incombent plus particulièrement à l'Etat - par exemple, la sécurité civile, médicale et sanitaire des habitants, les soins aux victimes d'accident de la route -, que leurs sorties se font de plus en plus fréquentes, plus longues et plus coûteuses, les charges se font de plus en plus lourdes pour les collectivités locales. Les conseils généraux et les communes, au moment même où on leur demande d'investir, de faire preuve d'initiative, sont très inquiets devant l'augmentation des coûts.
Or ce domaine de la sécurité civile est une compétence partagée entre l'Etat et les collectivités locales, le préfet restant responsable et grand organisateur des secours en cas de catastrophe importante ou de catastrophe naturelle.
Il paraîtrait donc logique que l'Etat s'investisse davantage dans le financement du fonctionnement de ce service d'assistance.
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait évoqué, au moment du vote de la loi, la création d'un fonds national pour cofinancer les charges induites par cette départementalisation.
Je voulais donc vous demander s'il était possible d'envisager un accompagnement financier pour permettre aux communes et aux départements de mettre en oeuvre cette départementalisation dans les meilleures conditions possibles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, la départementalisation des services d'incendie et de secours est issue, vous l'avez dit, de la loi du 3 mai 1996, qui, je le rappelle a été votée par la majorité parlementaire d'alors, et que je m'applique à mettre en oeuvre afin que notre pays puisse disposer d'un grand service public moderne d'incendie et de secours.
Je considère que les conséquences financières de la loi du 3 mai 1996 n'ont pas été suffisamment évaluées à l'époque. Je ne conteste pas que, à long terme, cette loi induira un réel progrès, une réelle modernisation de nos services d'incendie et de secours, mais il n'est pas douteux que ses implications financières ont été sous-estimées.
En particulier, l'absence de comptabilité analytique a abouti, à l'époque, à une imprécision des données budgétaires, le total des dépenses n'étant évalué qu'à 12 milliards de francs.
Or, il faut bien constater la croissance très forte des budgets des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Elle tient certes à la mise en oeuvre des mesures prises pour améliorer la situation des sapeurs-pompiers, aux recrutements induits par la départementalisation, aux négociations sur le régime indemnitaire. Mais elle tient surtout à l'effort de mise à niveau des services, des équipements et des casernements, lorsque cela n'avait pas déjà été engagé. Le financement des SDIS, vous le savez, relève traditionnellement de la compétence des seules collectivités locales, l'Etat prenant en charge les unités d'intervention de la sécurité civile, la flotte aérienne des bombardiers d'eau et d'hélicoptères du ministère de l'intérieur, ainsi que les renforts nationaux.
Dès lors se pose la question de l'affectation de ressources nouvelles au financement de la réforme, question largement évoquée lors des débats parlementaires de 1996, mais aucunement concrétisée à l'occasion du vote de la loi.
J'ai donc demandé que certaines pistes soient explorées. A cet égard, la clarification des relations entre le secteur hospitalier, l'assurance maladie et les SDIS est engagée avec le ministère de l'emploi et de la solidarité. La contribution des entreprises à risques et des assurances est également analysée avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne veux cependant pas vous cacher que ce dossier se heurte à de fortes objections, liées notamment au souci de ne pas alourdir la fiscalité des entreprises et de ne pas déstabiliser un secteur des assurances en situation concurrentielle en Europe.
S'agissant de l'Etat, une piste intéressante serait l'attribution, à côté de la dotation globale d'équipement communale et de la dotation globale d'équipement départementale, d'une dotation globale d'équipement spécifique, au moins pour la période de remise à niveau. La création de cette DGE spécifique demande une concertation avec les représentants des communes et des départements au sein du comité des finances locales. Je vais m'efforcer de la promouvoir.
Par ailleurs, pour le financement des investissements immobiliers, une enveloppe de prêts à long terme pourrait être mise en place au profit des SDIS, proposition dont je me suis ouvert auprès du président de la Caisse des dépôts et consignations.
Ces mesures devraient faire l'objet d'une très prochaine concertation avec les présidents des conseils d'administration des SDIS, regroupés dans une association nationale au congrès de laquelle je me suis rendu, voilà quelques jours, à Marseille.
D'autres problèmes se posent, notamment celui de l'indemnité de fonction des présidents de SDIS.
J'espère qu'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale permettra de parvenir à une solution équitable.
La réforme du 3 mai 1996 a entraîné des bouleversements. Elle est aujourd'hui à mi-chemin, car les conseils d'administration des SDIS ont été constitués dans tous les départements. D'ores et déjà, 60 % des sapeurs-pompiers professionnels relèvent des corps départementaux. Près de la moitié des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, les SDACR, ont été approuvés. Compte tenu des conséquences financières de cette réforme, j'installerai prochainement, avec l'accord du Premier ministre, une commission de suivi et d'évaluation. Celle-ci aura pour mission d'analyser les conditions de mise en oeuvre de la réforme de 1996 et de me faire des propositions. J'attends ces propositions pour le début de l'année prochaine, l'installation de cette commission devant avoir lieu au cours des toutes prochaines semaines.
Voilà ce que je peux vous dire, monsieur le sénateur, pour répondre à la préoccupation que vous avez très légitimement exprimée.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je suis heureux de constater que, comme moi, vous considérez que les conséquences financières de la réforme n'avaient peut-être pas été évaluées en 1996, qu'elles sont devenues tellement lourdes pour les collectivités qu'il faut peut-être envisager de nouvelles mesures. Vous avez évoqué une DGE spécifique. J'en prends note et je vous en remercie. Peut-être des conventions pourraient-elles être conclues avec les caisses de sécurité sociale, puisque les sapeurs-pompiers assurent largement le travail des ambulanciers, et avec les assurances ?
Le coût actuel approche les 250 francs par habitant. S'agissant de la Nièvre - la situation doit sans doute être la même pour le territoire de Belfort, monsieur le ministre - le budget de fonctionnement du SDIS est passé de 33 millions de francs à 90 millions de francs en quelques années, et les prévisions sont tout aussi alarmantes.
Je vous remercie d'avoir souligné que l'Etat devait intervenir, car cela est absolument nécessaire. Il vous appartient de déterminer les modalités de cette intervention.

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