Séance du 25 juin 1999
M. le président. Par amendement n° 49, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 21 sexies , une division additionnelle ainsi rédigée : « Chapitre III quater . - Dispositions relatives aux conséquences d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la réserve de cet amendement, monsieur le président, jusqu'après l'examen de l'amendement n° 51 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Par amendement n° 50 rectifié, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 21 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 177-1 du code de procédure pénale, un article 177-2 ainsi rédigé :
« Art. 177-2. - Lorsqu'il rend une ordonnance de non-lieu à l'issue d'une information ouverte sur constitution de partie civile, le juge d'instruction peut, sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, s'il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, prononcer contre la partie civile une amende civile dont le montant ne peut excéder 100 000 F.
« Cette décision ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de vingt jours à compter de la communication à la partie civile et à son avocat, par lettre recommandée ou par télécopie avec récépissé, des réquisitions du procureur de la République, afin de permettre à l'intéressé d'adresser des observations écrites au juge d'instruction.
« Cette décision peut être frappée d'appel par la partie civile dans les mêmes conditions que l'ordonnance de non-lieu.
« Si le juge d'instruction ne suit pas les réquisitions du procureur de la République, ce dernier peut interjeter appel dans les mêmes conditions. »
« II. - L'article 88-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 88-1. - La consignation fixée en application de l'article 88 garantit le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée en application de l'article 177-2.
« La somme consignée est restituée lorsque cette amende n'a pas été prononcée par le juge d'instruction ou, en cas d'appel du parquet ou de la partie civile, par la chambre d'accusation. »
« III. - L'article 91 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 91. - Quand, après une information ouverte sur constitution de partie civile, une décision de non-lieu a été rendue, la personne mise en examen et toutes personnes visées dans la plainte, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, peuvent, si elles n'usent de la voie civile, demander des dommages-intérêts au plaignant dans les formes indiquées ci-après.
« L'action en dommages-intérêts doit être introduite dans les trois mois du jour où l'ordonnance de non-lieu est devenue définitive. Elle est portée par voie de citation devant le tribunal correctionnel où l'affaire a été instruite. Ce tribunal est immédiatement saisi du dossier de l'information terminée par une ordonnance de non-lieu, en vue de sa communication aux parties. Les débats ont lieu en chambre du conseil ; les parties, ou leurs conseils, et le ministère public sont entendus. Le jugement est rendu en audience publique.
« En cas de condamnation, le tribunal peut ordonner la publication intégrale ou par extraits de son jugement dans un ou plusieurs journaux qu'il désigne, aux frais du condamné. Il fixe le coût maximum de chaque insertion.
« L'opposition et l'appel sont recevables dans les délais de droit commun en matière correctionnelle.
« L'appel est porté devant la chambre des appels correctionnels statuant dans les mêmes formes que le tribunal. L'arrêt de la cour d'appel peut être déféré à la Cour de cassation comme en matière pénale.
« Lorsqu'une décision définitive rendue en application de l'article 177-2 a déclaré que la constitution de partie civile était abusive ou dilatoire, cette décision s'impose au tribunal correctionnel saisi dans les conditions prévues aux alinéas précédents. »
« IV. - Le second alinéa de l'article 392-1 du même code est ainsi rédigé :
« Lorsque le tribunal correctionnel, saisi par une citation directe de la partie civile, prononce une relaxe, il peut, par ce même jugement, sur réquisitions du procureur de la République, condamner la partie civile au paiement d'une amende civile dont le montant ne saurait excéder 100 000 F s'il estime que la citation directe était abusive ou dilatoire. Les réquisitions du procureur de la République doivent intervenir avant la clôture des débats, après les plaidoiries de la défense, et la partie civile ou son avocat doivent avoir été mis en mesure d'y répliquer. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables devant la cour d'appel, lorsque le tribunal correctionnel a, en premier ressort, relaxé la personne poursuivie et statué sur des réquisitions du procureur de la République tendant à la condamnation de la partie civile en application des dispositions du présent alinéa. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Dans le droit actuel, lorsqu'une personne bénéficie d'un non-lieu à la suite d'une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile, le procureur peut citer l'auteur de la plainte devant le tribunal correctionnel, afin que les plaintes abusives soient sanctionnées.
Dans la pratique, cette disposition n'est jamais utilisée, car les procureurs n'aiment pas encombrer les rôles avec des questions de ce type.
Toutefois, cette disposition est très utile dans la mesure où elle équilibre notre système judiciaire, qui donne à la partie civile la possibilité de forcer une information.
Cet amendement tend à permettre au juge d'instruction de prononcer lui-même une amende civile, sur réquisition du procureur, lorsqu'il estime une plainte abusive. Il s'agirait de l'application du principe selon lequel le juge d'instruction instruit à charge et à décharge.
Naturellement, les droits de la défense seraient respectés : la personne concernée pourrait formuler des observations et pourrait faire appel de la décision du juge d'instruction.
Corrélativement, la personne mise en examen qui aurait obtenu un non-lieu pourrait engager une action en dommages et intérêts.
Enfin, lorsque le tribunal correctionnel prononcerait une relaxe après une citation directe par la partie civile, il pourrait également prononcer une amende contre le plaignant s'il estime que la plainte était abusive.
Aujourd'hui, dans la pratique, les plaintes abusives ne sont pas sanctionnées !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis contre le paragraphe I de cet amendement.
Depuis que nous avons commencé ce débat, nous avons décidé que le juge d'instruction avait pour seul rôle d'instruire à charge et à décharge. Toutes les possibilités qui lui avait été données jusqu'à présent par la loi de prononcer lui-même des amendes lui ont été retirées, avec l'accord unanime du Sénat et de sa commission des lois.
Nous avons ainsi décidé que le juge d'instruction ne pourrait sanctionner la violation du contrôle judiciaire : c'est le rôle du juge de la détention provisoire. De même, le juge d'instruction ne pourrait pas prononcer une amende contre le témoin qui ne comparaîtrait pas ou qui refuserait de comparaître.
Or voilà que, avec cet amendement, vous prévoyez que le juge d'instruction pourra infliger une amende à la partie civile qui aurait eu l'outrecuidance de le faire travailler pour rien. Non !
Que le tribunal puisse prononcer une amende, oui ! Ce sera à la suite d'un débat, où la défense aura été éventuellement représentée. Mais, ici, il n'y aurait même pas de débat ! On permettrait à l'intéressé d'adresser ses observations écrites au juge d'instruction...
M. Hubert Haenel. Il y a possibilité d'appel !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, mon cher collègue, à vous entendre, il n'y aurait plus besoin de procédure ni de débat devant le tribunal de grande instance ou devant le tribunal correctionnel, puisque l'appel est possible ! Votre argumentation ne tient pas !
Il n'y a pas de raison de donner au juge d'instruction lui-même la possibilité de prononcer une amende, fût-elle civile, à l'encontre d'une partie civile, notamment parce qu'il pourrait avoir des raisons personnelles d'être fâché contre celui qu'il serait amené à condamner.
Dans ces conditions, je demande la disjonction du I, parce que, si j'accepte le II, le III et le IV, qui prévoient que le tribunal statue, après un débat normal et avec possibilité d'appel, monsieur Haenel, je refuse, en revanche, les dispositions figurant dans le I.
Je demande donc un vote par division sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets donc aux voix le I de l'amendement n° 50 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les II, III et IV de l'amendement n° 50 rectifié, acceptés par le Gouvernement.
(Ces textes sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'amendement n° 50 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21 sexies.
Par amendement n° 51 rectifié, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 21 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 800-1 du même code, un article 800-2 ainsi rédigé :
« Art. 800-2. - A la demande de l'intéressé, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement peut accorder à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci.
« Cette indemnité est à la charge de l'Etat. La juridiction peut toutefois ordonner qu'elle soit mise à la charge de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par cette dernière.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit simplement de déplacer cet article très important qui a été inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale.
Cette disposition, qui concerne les personnes mises en cause et obtenant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, a plus sa place au sein des dispositions concernant la présomption d'innocence que dans celles qui concernent les droits des victimes.
Une question importante reste en suspens, celle du moment où la personne devra demander l'indemnité. Devra-t-elle la demander avant le non-lieu ou pourra-t-elle le faire après ? Le décret d'application devra trancher.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ferai la même observation que précédemment !
Je suppose que le mot « juridiction » vise le juge d'instruction, puisque celui-ci peut prononcer un non-lieu. Nous sommes donc très exactement dans le même cas que tout à l'heure.
Le Sénat se contredirait sans doute en refusant cet amendement alors qu'il a accepté l'amendement n° 50 rectifié. Mais, personnellement, je me contredirais en acceptant cet amendement alors que j'ai combattu le paragraphe I de l'amendement n° 50 rectifié.
Je voterai donc contre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21 sexies.
Nous en revenons à l'amendement n° 49, qui a été précédemment réservé.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 21 sexies.
Article additionnel avant l'article 22
ou après l'article 24