Séance du 22 juin 1999
LICENCIEMENT DES SALARIÉS
DE PLUS DE CINQUANTE ANS
Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de
loi (n° 390, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
[Rapport n° 431 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous voici réunis en nouvelle lecture, après l'échec de la
commission mixte paritaire et le rétablissement par l'Assemblée nationale des
dispositions de la proposition de loi du groupe communiste visant à mieux
protéger les fins de carrière des plus âgés de nos concitoyens.
La commission des affaires sociales du Sénat a, comme en première et en
deuxième lectures, suggéré à votre assemblée le rejet des trois articles de la
proposition de loi.
Les termes de ce débat étant désormais connus de chacun d'entre vous, je ne
m'exprimerai que très brièvement en ne revenant que d'un mot sur le contenu
d'une proposition de loi dont chacun connaît désormais les mérites.
Il s'agit tout à la fois de mieux protéger les salariés âgés qui ont peu de
perspectives de retrouver un emploi et d'éviter que les entreprises ne fassent
des licenciements de salariés âgés un mode de gestion des ressources humaines
en rejetant sur la collectivité le coût des ajustements auxquelles elles
procèdent.
Ainsi, la présente proposition de loi complète et renforce l'efficacité de la
« contribution Delalande » en supprimant les deux principaux cas d'exonération
- les conventions de conversion et les refus de préretraite - qui permettaient
aux entreprises d'éviter de s'acquitter de la contribution sans que les
salariés licenciés en tirent un quelconque avantage.
Cette proposition de loi tire les leçons de l'application du dispositif et
n'est en rien constitutive d'un quelconque procès d'intention aux
entreprises.
L'attitude de la majorité sénatoriale est d'autant plus paradoxale - je
l'avais d'ailleurs souligné en deuxième lecture - qu'elle reproche à cette
proposition de loi de stigmatiser le comportement des entreprises alors qu'elle
a voté le texte issu de la majorité nationale de 1987 instituant la
contribution elle-même.
Ce principe d'une contribution des entreprises qui mettent fin aux contrats de
travail de salariés âgés n'a d'ailleurs rien d'exceptionnel.
Les entreprises s'acquittent également d'une contribution pour les
préretraites, ainsi que, depuis janvier dernier, pour le dispositif de
préretraite contre embauche de l'UNEDIC, l'ARPE, l'allocation de remplacement
pour l'emploi, à la suite d'une décision unanime des partenaires sociaux.
Comme le rapport de votre commission m'y invite, je répondrai à l'inquiétude
soulevée par l'affectation des recettes supplémentaires que le Gouvernement
attend de la majoration et de l'extension de la contribution Delalande.
Je rappellerai simplement que les partenaires sociaux ont été informés, dès le
mois de septembre, des intentions du Gouvernement en la matière, y compris de
l'affectation au budget de l'Etat des ressources correspondantes. Cette
discussion a d'ailleurs permis d'aboutir à la mise en place de mécanismes pour
garantir la neutralité financière de l'opération pour l'UNEDIC.
Il aurait, certes, été possible de ne pas passer par l'UNEDIC en créant un
nouveau circuit de prélèvement, de nouvelles formalités pour les entreprises.
Mais le Gouvernement, par souci de simplification administrative, a considéré
qu'il s'agit, dans la pratique, d'un simple changement de barème de la
contribution actuelle, qui n'entraîne aucune charge de travail supplémentaire
ni pour les ASSEDIC ni pour l'UNEDIC.
La loi de finances pour 1999, dont vous avez débattu à l'automne dernier, a
prévu une augmentation de la contribution de l'UNEDIC aux préretraites du Fonds
national de l'emploi, le FNE, pour un montant correspondant exactement au
produit de la contribution supplémentaire, soit 1,15 milliard de francs en
1999. Je note qu'à cette époque le Parlement n'avait émis aucune réserve.
Un arrêté du 1er avril 1999 a confirmé le dispositif ; c'est cet arrêté dont
l'UNEDIC conteste la légalité.
Quelle que soit l'issue de cette procédure engagée par l'UNEDIC, que je ne
veux pas préjuger, nous devrons trouver, par souci de cohérence et d'efficacité
de l'action publique, les moyens pour que cet organisme continue de gérer cette
mesure protectrice des intérêts des salariés âgés.
Ces éléments apportés, j'en reviens en quelques mots au texte même de la
proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise, pour regretter une
nouvelle fois que l'ensemble des explications et des éléments d'information que
le Gouvernement a pu donner au cours des deux lectures précédentes n'ait pas
permis à votre commission de revenir sur ce que nous pensons être des
a
priori.
Le Gouvernement vous engage donc à voter conformes les dispositions adoptées
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, réunie le 12 mai 1999 au
Sénat, la commission mixte paritaire n'a pas été en mesure d'adopter un texte
commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
Cela ne surprendra personne, tant étaient fortes les divergences de fond qui
séparaient nos deux assemblées et qui avaient conduit le Sénat à rejeter à deux
reprises, le 9 février et le 11 mai 1999, le texte adopté par l'Assemblée
nationale.
Le 27 mai 1999, l'Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture le texte
qu'elle avait adopté en première et deuxième lectures. Lors de ce débat, aucun
élément n'a été apporté permettant de justifier le bien-fondé de cette
proposition de loi et susceptible de faire évoluer la position adoptée par le
Sénat.
Avant de vous inviter à maintenir cette position, mes chers collègues, je
souhaite rappeler brièvement quelles raisons ont conduit le Sénat à rejeter ce
texte.
Cette proposition de loi, déposée par M. Alain Belviso et les députés membres
du groupe communiste et apparentés, vise à étendre le champ de la contribution
Delalande due pour le licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans.
Elle soumet à cette contribution les ruptures des contrats de travail des
salariés ayant adhéré à des conventions de conversion - tel est l'objet de
l'article 1er - et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de
la préretraite dans le cadre du Fonds national de l'emploi, le FNE - c'est
l'objet de l'article 2.
Elle prévoit, dans son article 3, que ces dispositions seront applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier
1999, c'est-à-dire de manière très rétroactive.
En première et deuxième lectures, le Sénat a jugé que cette proposition de loi
reposait sur des fondements fragiles et contestables : les prétendus
contournements de la contribution Delalande par les conventions de conversion
ou par les refus de conventions de préretraite n'apparaissent en effet pas
prouvés.
La simple constatation d'une augmentation de la part des salariés de plus
cinquante ans dans les entrées en convention de conversion semble très
insuffisante à démontrer, un contournement massif et un abus généralisé
justifiant une intervention du législateur.
Il nous a en outre paru contradictoire de faire porter la contribution
Delalande, qui procède d'une logique de sanction, sur les conventions de
conversion qui ont précisément pour objectif de faciliter le reclassement du
salarié dont le licenciement n'a pu être évité.
S'agissant des refus de préretraites FNE, les affirmations concernant
d'éventuels abus ne reposent pas davantage sur des éléments précis. Sur une
moyenne de 20 000 entrées en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus
est extrêmement faible et porte sur une soixantaine de salariés par an
seulement. Dans ces conditions, nous nous sommes interrogés sur le bien-fondé
d'une intervention du législateur pour réprimer un nombre effectif d'abus
probablement infinitésimal : c'est prendre un marteau pour écraser une fourmi,
dit-on dans ma région !
(Sourires.)
Le Sénat a jugé inacceptable le procès d'intention fait aux entreprises,
globalement considérées par les initiateurs de cette proposition de loi comme
ayant un comportement frauduleux.
Il a dénoncé la logique de sanction et d'accroissement des charges des
entreprises qui animait cette proposition de loi. Là où des dispositifs
positifs, dynamiques et imaginatifs sont nécessaires, la proposition de loi ne
met en place que des mesures pénalisantes et contraignantes pour les
entreprises.
Nous avons exprimé la crainte que cette proposition de loi, qui entend
préserver l'emploi, ne constitue en définitive un véritable frein à l'emploi,
notamment pour les salariés âgés de quarante-cinq ans à cinquante ans.
Dès lors, nous nous sommes interrogés sur la cohérence de la politique que
mène le Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus âgés. Il est en
effet paradoxal d'augmenter la contribution Delalande, afin de sanctionner les
entreprises qui licencient des salariés de plus de cinquante ans, tout en
encourageant simultanément certaines entreprises à rajeunir leur pyramide des
âges par des départs massifs, anticipés et coûteux de salariés « âgés ».
Le Sénat s'est également inquiété de l'affectation des recettes
supplémentaires que le Gouvernement attend de la majoration et de l'extension
de la contribution Delalande ; j'ai d'ailleurs bien senti au travers de votre
propos, madame le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'un des points faibles de
notre système.
Alors que l'UNEDIC est, en application de l'article L. 321-13 du code du
travail, le seul bénéficiaire des sommes prélevées au titre de la contribution
Delalande, le Gouvernement avait indiqué, par la voix de Mme Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité, que ces recettes supplémentaires iraient à l'Etat
si les partenaires sociaux se refusaient à améliorer l'indemnisation du chômage
des salariés précaires.
Vous nous avez dit voilà un instant, madame le secrétaire d'Etat, que les
partenaires sociaux avaient été informés des intentions de l'Etat ; je doute
que cela soit suffisant.
Nos craintes ont été, hélas ! confirmées par un arrêté du 1er avril 1999 qui
prive
de facto
l'UNEDIC du produit du doublement de la contribution
Delalande.
Cet arrêté vise en effet à augmenter, la participation de l'UNEDIC au
financement des préretraites FNE d'un montant équivalent au produit attendu du
doublement de la contribution Delande, soit 1,15 milliard de francs en 1999. La
participation de l'Etat au financement de ces préretraites en est bien sûr
réduite d'autant ; il n'y a pas de petit bénéfice !
Cet arrêté a été vivement critiqué par l'UNEDIC, qui a dénoncé « une remise en
cause unilatérale des engagements de l'Etat » et a souligné que les
dispositions de l'accord de 1987 pouvaient être modifiées non par un arrêté
ministériel, mais par les seuls signataires de l'accord.
Comme vous nous l'avez rappelé voilà un instant, madame le secrétaire d'Etat,
lors d'une réunion du bureau de l'UNEDIC, le 3 juin dernier, l'ensemble des
organisations syndicales et patronales ont décidé de déposer un recours contre
l'Etat pour protester contre cette décision du Gouvernement.
Avant de conclure, j'exprimerai un regret. Si je conçois naturellement que
l'Assemblée nationale ait souhaité, en nouvelle lecture, reprendre dans son
texte de première lecture les articles 1er et 2 qui constituent le coeur de la
proposition de loi, je déplore qu'elle n'ait pas, parallèlement, modifié
l'article 3, qui prévoit une entrée en vigueur rétroactive de cette proposition
de loi au 1er janvier 1999.
Dans la mesure où la proposition de loi ne sera vraisemblablement promulguée
qu'au début du mois de juillet prochain, je reste convaincu que cette
rétroactivité soulèvera, même s'ils sont peu nombreux, de redoutables problèmes
pratiques et des risques de contentieux.
Dans ces conditions, mes chers collègues, la suppression de l'article 3 que
vous proposera la commission revêt une double signification : elle constitue,
d'une part, une disposition de coordination avec la suppression des articles
1er et 2 ; elle permet, d'autre part, à l'Assemblée nationale, comme l'article
45, alinéa 4, de la Constitution lui en laisse la possibilité, de reprendre, en
lecture définitive, cet amendement voté par le Sénat et de supprimer par
conséquent cet article. La suppression de l'article 3 se traduirait par une
entrée en vigueur de la loi selon les règles de droit commun, c'est-à-dire à
compter de sa promulgation.
Telles sont les différentes raisons pour lesquelles la commission propose au
Sénat de maintenir la position adoptée par le Sénat en première et en deuxième
lecture. Elle vous invite à supprimer les trois articles de ce texte, et donc à
rejeter la proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
texte d'origine parlementaire revient donc pour la troisième fois devant la
Haute Assemblée, après trois votes favorables successifs de l'Assemblée
nationale et deux votes de rejet successifs par la majorité sénatoriale. Les
positions respectives sont donc clairement établies et viennent d'être
rappelées par M. le rapporteur. Elles ne sont pas susceptibles d'accord ni même
de négociation.
Il s'agit pourtant d'un texte de portée limitée : il ne vise en effet qu'à
étendre l'application de la contribution Delalande, créée en 1997 sur
l'initiative d'un député du groupe du RPR, après la suppression de
l'autorisation administrative de licenciement par Philippe Séguin, alors
ministre des affaires sociales et de l'emploi.
Dès l'origine, la majorité de l'époque avait donc conscience que les salariés
de plus de cinquante ans allaient rencontrer de grandes difficultés et que leur
retour à l'emploi serait plus que problématique. Ne les appelle-t-on pas
d'ailleurs des « salariés âgés », formule en elle-même ségrégative qui fait
trop vite fi de leur expérience, de leurs capacités et de tout ce qu'ils
peuvent apporter à notre économie ?
La situation des salariés de plus de cinquante ans depuis la création de la
contribution Delalande n'a pas évolué de manière significative, ce qui justifie
pleinement le maintien et l'élargissement de cette disposition. En effet, on
constate que la proportion des chômeurs de longue durée est deux fois plus
élevée parmi les chômeurs de plus de cinquante ans que chez les autres.
Cela tient, sans doute, à l'état d'esprit que je viens d'évoquer, mais plus
encore au fait que les salariés expérimentés sont, en général, bien placés dans
la grille de classification et bénéficient d'une ancienneté dans l'entreprise
qui leur permet de percevoir un salaire correct. Certains employeurs, lorsque
les circonstances s'y prêtent, sont donc disposés plus facilement à s'en
séparer, même si l'on sait combien cette politique à courte vue peut être
handicapante pour l'entreprise, à long terme. L'introduction massive des
technologies nouvelles au cours des vingt dernières années n'a fait
qu'amplifier ce phénomène de retrait des salariés n'ayant connu que les modes
de travail précédents.
Mais les choses évoluent et, aujourd'hui, ces départs massifs de salariés de
plus de cinquante ans se justifient de moins en moins. Nous arrivons à une
situation dangereuse : la France est le pays d'Europe qui connaît la durée de
vie active la plus courte, en raison de l'utilisation massive des préretraites.
Certes, la mise en préretraite n'est pas en général préjudiciable au salarié,
et nous savons que nombre de travailleurs, aux abords de la soixantaine, y
aspirent. Il s'agit néanmoins d'une drogue douce, mais pernicieuse pour notre
économie et pour nos systèmes d'indemnisation. Nous aurons l'occasion de
revenir plus amplement sur le sujet des retraites - plus précisément sur les
modalités de la fin d'activité - dans les prochains mois, et je n'y insiste
donc pas maintenant.
Néanmoins, le groupe socialiste, par ma voix, profite de cette occasion pour
faire part au Gouvernement de l'intérêt qu'il porte à ce qu'une solution soit
trouvée rapidement pour mettre un terme au conflit opposant les services de
l'Etat aux régimes ARRCO - Association des régimes de retraites complémentaires
- et AGIRC - Association générale des institutions de retraites des cadres - au
sujet des préretraites FNE. Il n'est en effet pas concevable que dure plus
longtemps la situation actuelle. Des salariés partis en préretraite FNE voient
les points acquis durant cette période gelés par les régimes complémentaires et
leur retraite amputée d'autant lorsqu'ils basculent en régime de retraite.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est la justice !
M. Roland Huguet.
Nous souhaitons que les parties en présence trouvent rapidement un accord afin
que les retraités victimes de ce conflit perçoivent très vite la retraite à
laquelle ils ont droit dans son intégralité.
J'en reviens maintenant au texte de la proposition de loi proprement dit. Il
est de fait - cela n'est pas contesté par M. le rapporteur - que les demandes
d'entrée des salariés de plus de cinquante ans en convention de conversion ou
dans le dispositif de préretraite FNE connaissent une croissance exponentielle
depuis plusieurs années. Certains employeurs particulièrement au fait des aides
et allégements auxquels ils peuvent prétendre, mais aussi des pénalités
auxquelles ils s'exposent, utilisent les failles du dispositif Delalande.
Celui-ci prévoit, en effet, que la contribution n'est pas due en cas de départ
du salarié en convention de conversion ou de refus d'une préretraite. Ils
organisent donc le départ du salarié vers une convention de conversion, où
profitant de son ignorance et, éventuellement de son désarroi, ils lui
proposent une préretraite qu'il lui demandent en même temps de refuser.
Ce n'est pas faire un procès d'intention à l'ensemble du monde patronal que de
constater ces dérives et ce contournement de l'esprit de la loi.
Au contraire, il est nécessaire de revenir à une situation saine et équitable
entre les employeurs. Surtout, il importe que les salariés ne soient pas
abusivement dirigés vers le licenciement sec ou vers une convention de
conversion. On sait, par expérience, que cette dernière débouchera pour eux sur
le chômage de longue durée entrecoupée, peut-être, de quelques emplois
précaires dans la meilleure hypothèse.
C'est vers plus d'honnêteté que tend cette proposition de loi : honnêteté des
employeurs - il nous appartient d'user de nos prérogatives pour contraindre les
moins scrupuleux - mais aussi honnêteté en direction des salariés, qui ne
doivent pas être mis en situation de penser que la loi ne les protège pas et
que les puissants l'emportent toujours à leur détriment.
C'est avec cet objectif que le groupe socialiste votera la proposition de loi
telle qu'elle nous est transmise par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, suite
à l'intransigeance de la majorité sénatoriale, totalement opposée à un texte
commun visant à mieux protéger les fins de carrière des salariés les plus âgés,
la commission mixte paritaire, réunie le 12 mai dernier, a échoué.
Une nouvelle fois, nous sommes réunis ce matin pour examiner, en troisième
lecture, une proposition de loi déposée par le groupe communiste de l'Assemblée
nationale, afin de dissuader les licenciements des salariés de plus de
cinquante ans, en responsabilisant les employeurs.
Comment, en effet, rester passif alors que certains employeurs, même s'ils
sont minoritaires, utilisent, nous le savons, les licenciements secs ou
déguisés comme variable d'ajustement ?
Il est impératif que chacun prenne la mesure du coût social et financier que
représentent pour la collectivité de telles décisions.
En 1987, vous avez voté, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, le
principe d'une contribution pour les entreprises qui mettent fin au contrat de
travail de salariés âgés. C'était la contribution Delalande.
Certaines entreprises ont alors développé de véritables stratégies
d'évitement, de contournement de ladite contribution. Certains dispositifs,
tels que conventions de conversion ou préretraites FNE, mesures phares des
plans sociaux dès les années quatre-vingt, ont été dévoyés par les entreprises
qui ont réalisé ainsi, à moindre coût, une grande partie de leurs
licenciements. Le secteur automobile en fournit un excellent exemple !
Aujourd'hui, il s'agit de corriger les imperfections de la législation en
étendant la contribution Delalande aux ruptures de contrats de travail des
salariés ayant adhéré à une convention de conversion - c'est l'objet de
l'article 1er - et aux licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de
la préretraite dans le cadre du Fonds national de l'emploi - c'est l'objet de
l'article 2.
Il s'agit aussi de renforcer le caractère dissuasif de cette contribution qui,
à juste titre, a vu son barème doubler par voie réglementaire le 28 décembre
1998.
La lutte contre le chômage, notamment contre le chômage de longue durée, ainsi
que la protection des personnes les plus exposées à ce fléau et à la grande
précarité doivent être une priorité.
Pour le groupe communiste républicain et citoyen, les dispositions
législatives relatives aux licenciements économiques doivent être réformées,
complétées et étendues. Là encore, les employeurs profitent de la moindre
carence des textes. Il faut protéger davantage les salariés contre le risque de
licenciement, permettre à chacun, individuellement ou collectivement, de se
défendre. Des solutions alternatives doivent pouvoir être élaborées.
Dénonçant la logique de sanction et d'accroissement des charges des
entreprises, le frein à l'embauche que représenterait cette contribution pour
les demandeurs d'emploi qui atteignent cinquante ans, vous rejetez la présente
proposition de loi. A aucun moment vous n'avez cherché à la parfaire, alors
qu'elle pourrait utilement contribuer à une meilleure justice sociale. Bien que
je n'en sois pas surpris, je regrette que vous ne fassiez pas ce choix !
Partageant pleinement les objectifs de cette proposition de loi, nous voterons
contre les amendements qui sont proposés par la majorité sénatoriale, car ils
réduisent à néant un texte utile et ils retirent au législateur son pouvoir
d'intervention.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - Protestations sur les
travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er