Séance du 2 juin 1999
M. le président. « Art. 33. - I. A. - Après la première phrase du I de l'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Cette carte constitue un élément et un instrument de la politique de santé. Elle doit permettre d'exprimer de manière précise l'accord du titulaire ou de son représentant légal pour faire apparaître les éléments nécessaires non seulement à la coordination des soins mais aussi à un suivi sanitaire. »
« I. - Le II de l'article L. 161-31 du même code est ainsi rédigé :
« II. - Cette carte comporte un volet de santé défini à l'article L. 162-1-6, destiné à ne recevoir que les informations nécessaires aux interventions urgentes ainsi que les éléments permettant la continuité et la coordination des soins. »
« I bis. - Après la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 161-33 du même code, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Cette carte doit répondre à plusieurs impératifs afin de s'assurer de son efficacité, mais également de la sécurité des données médicales. Outre l'accord explicite du patient, cette exigence se retrouve en particulier au niveau de l'accès, de la confidentialité et de la traçabilité des données. »
« II. - L'article L. 162-1-6 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-6. - I. - Chaque professionnel de santé habilité conformément au 2° du IV du présent article porte sur le volet de santé de la carte d'assurance maladie mentionnée à l'article L. 161-31, dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables, les informations nécessaires aux interventions urgentes, ainsi qu'à la continuité et à la coordination des soins.
« Ces mentions sont subordonnées, s'agissant des majeurs non placés sous un régime de tutelle, à l'accord du titulaire de la carte et, s'agissant des mineurs, à l'accord du ou des parents exerçant l'autorité parentale, ou, le cas échéant, du tuteur.
« Les personnes habilitées à donner l'accord mentionné à l'alinéa précédent peuvent conditionner l'accès à une partie des informations contenues dans le volet de santé à l'utilisation d'un code secret qu'elles auront elles-mêmes établi.
« II. - Le titulaire de la carte, ou son représentant légal, s'il s'agit d'un majeur sous tutelle, peuvent avoir accès, y compris à des fins d'exercice d'un droit de rectification, au contenu du volet de santé de la carte, par l'intermédiaire d'un professionnel de santé habilité de leur choix et pour les informations auxquelles ce professionnel a lui-même accès. S'agissant d'un mineur, ce droit appartient aux parents exerçant l'autorité parentale ou, le cas échéant, au tuteur de l'intéressé.
« Les personnes habilitées à donner l'accord mentionné au deuxième alinéa du I du présent article sont informées par le professionnel de santé des modifications du contenu du volet de santé auxquelles ce professionnel a l'intention de procéder. Ces personnes peuvent s'opposer à ce que des informations soient mentionnées sur le volet de santé de la carte. Elles peuvent obtenir d'un médecin habilité la suppression d'informations qui y auraient été inscrites.
« III. - Les professionnels de santé qui effectuent des remplacements disposent des mêmes droits de consultation, d'inscription et d'effacement que le professionnel qu'ils remplacent.
« Les internes et résidents en médecine, odontologie ou pharmacie sont habilités à consulter, écrire et effacer des informations sous la responsabilité et dans les mêmes conditions que les médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens sous la responsabilité desquels ils sont placés.
« IV. - Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis public et motivé du Conseil national de l'Ordre des médecins et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe :
« 1° La nature des informations portées sur le volet de santé et les modalités d'identification des professionnels ayant inscrit des informations sur le volet de santé ;
« 2° Les conditions dans lesquelles, selon les types d'information, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, auxiliaires médicaux et directeurs de laboratoire d'analyses de biologie médicale sont habilités à consulter, inscrire ou effacer ces informations, et les modalités selon lesquelles ces opérations sont exécutées à l'occasion de la dispensation des soins ou de la délivrance des prestations ;
« 2° bis Les conditions dans lesquelles l'accès aux informations non liées aux interventions urgentes nécessite l'usage de la carte de professionnel de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33, ainsi que l'accord explicite du patient concerné par ces informations ;
« 3° Les catégories d'informations dont l'accès peut être conditionné à l'utilisation d'un code secret établi par le titulaire ;
« 4° Les catégories d'informations dont il ne peut être délivré copie.
« IV bis. - La date à partir de laquelle le volet de santé doit figurer sur la carte d'assurance maladie est fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé.
« V. - Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication d'informations portées sur un volet de santé en violation des dispositions du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.
« Le fait de modifier ou de tenter de modifier les informations portées sur un volet de santé en violation des dispositions du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. »
« III. - La dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 8 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins est supprimée. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. A plusieurs reprises, depuis quelque temps, j'ai manifesté mon inquiétude devant les problèmes posés, dans l'état actuel des choses, par le processus de mise en oeuvre de la carte Sésame Vitale, tant du point de vue médical que de celui des libertés.
Mon inquiétude porte en particulier sur le volet médical de cette carte, qui repose sur le codage systématique et obligatoire des pathologies.
Si un certain nombre de situations ne soulèvent pas de problèmes notables à cet égard, une part très importante de la pratique médicale, prépondérante dans certaines disciplines - par exemple en médecine générale, en pédiatrie de ville, en psychiatrie - ne relèvent pas d'un diagnostic précis de pathologie ou d'état morbide bien défini, parce que doivent être pris en compte le contexte, la raison du recours, le symptôme, les motifs psychologiques, les réalités sociales, tout autant qu'une éventuelle pathologie proprement dite.
La Société française de santé publique indique d'ailleurs, dans un document de travail : « Une finalité de contribution à l'intérêt de la santé publique a été attribuée au codage des pathologies sans que leurs relations soient explorées. Aucune publication ne fait état de tels rapports à travers les expériences étrangères. » C'est pourquoi j'ai souhaité qu'une véritable expertise publique précède toute mise en oeuvre de ce codage.
Si nous nous prononçons en faveur d'une informatisation respectueuse des libertés, en particulier pour la mise en place du volet n° 1 et d'un volet n° 2 limité aux données de l'urgence, nous pensons que, dans l'état actuel des choses, l'informatisation associée au codage des pathologies, bien que présentée comme une panacée pour la réforme du système de santé, doit être ramenée à sa juste place, celle d'un outil dont l'efficacité, même s'il est bien maîtrisé, ne doit pas servir à alimenter l'illusion d'une mise en perspective, prétendument universelle, de l'ensemble des enjeux épidémiologiques, sociologiques et économiques. Elle ne peut exempter de développer des études statistiques et épidémiologiques, qui sont en nombre très insuffisant en France.
D'ailleurs, autant les doutes concernant une véritable efficacité médicale sont nombreux, autant la crainte de voir ce dispositif devenir un instrument de maîtrise comptable aux mains des assurances, comme dans d'autres pays, paraît fondée.
J'aurais d'ailleurs souhaité que ces questions donnent lieu à un débat parlementaire et, plus généralement, à un débat accessible à l'ensemble des citoyens. Je regrette que cela n'ait pas été le cas.
C'est donc sur le respect des libertés et l'établissement d'un volet n° 2 limité à l'urgence que nous centrerons, pour l'instant, nos amendements.
Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, même s'il représente un progrès par rapport au texte initial, est loin d'emporter notre conviction.
Le fait de subordonner la mention sur la carte de données de santé à l'accord des malades et de leur donner la possibilité de verrouiller l'accès à une partie des données enregistrées au moyen d'un code secret qu'ils définiront eux-mêmes constitue une garantie importante, certes, mais celle-ci ne doit pas être surestimée. Comment, en effet, s'assurer que l'information est cloisonnée ?
Les éventuels désaccords entre le patient et le médecin sur l'intérêt de mentionner une information risqueront d'aboutir à de véritables conflits. Ne sous-estime-t-on pas le risque de perturber la relation entre patient et praticien de santé, jusqu'alors fondée sur la confiance et la garantie du secret médical ?
Car, hors situation d'urgence médicale, la relation du praticien avec le patient et avec les autres professionnels de santé que celui-ci a consultés, le dialogue entre les uns et les autres demeurent primordiaux pour assurer la qualité de l'information nécessaire à la prise de décision médicale.
Nos amendements s'inscrivent dans la logique de ce que je viens d'évoquer, et nous nous expliquerons également sur les amendements de la commission, qui, pour certains, vont dans le même sens.
M. le président. Par amendement n° 62, M. Huriet, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le paragraphe I A de l'article 33.
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. La rédaction qui a été retenue par l'Assemblée nationale ne nous satisfait pas dans la mesure où elle fait de la carte santé un élément de la politique de santé. Or, selon notre conception, il s'agit d'abord d'un instrument créé dans l'intérêt de la santé du patient lui-même.
Cette différence entre les deux approches, l'une n'excluant d'ailleurs pas l'autre, nous conduit à proposer la suppression du paragraphe I A.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je m'en remets à l'infinie sagesse du Sénat. (Sourires.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cet hommage rendu à notre assemblée. (Nouveaux sourires.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 63, M. Huriet, au nom de la commission des afffaires sociales, propose de rédiger comme suit le début du texte présenté par le paragraphe I de l'article 33 pour le II de l'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale : « Dans l'intérêt de la santé du patient, cette carte comporte ».
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cet amendement exprime l'idée que je viens d'exposer, et c'est un amendement de précision.
Le volet médical est institué dans l'intérêt de la santé du patient plutôt que comme un élément d'une politique de santé. Il s'agit d'adapter la rédaction à l'objet que le Sénat veut privilégier dans la mise en place de cette carte de santé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 63.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je ne suis pas intervenu à propos de l'amendement n° 62, mais je me demande tout de même s'il y a véritablement contradiction entre le fait de voir dans la carte un élément d'une politique de santé, d'une part, et le fait de la considérer comme un instrument au service de l'intérêt du malade, d'autre part.
N'aurait-on pas pu conserver la formulation adoptée par l'Assemblée nationale en y ajoutant la proposition de M. le rapporteur ? Selon moi, il n'y a pas contradiction.
En effet, la mise en oeuvre d'une politique de santé impliquant la continuité des soins va, à l'évidence, dans le sens de l'intérêt du malade. La maîtrise médicalisée des soins vise aussi à l'intérêt du malade. Je ne souscris donc pas à la logique soutenue par M. le rapporteur parce que, à mes yeux, ce sont des objectifs qui ne sont pas contradictoires et qui auraient parfaitement pu figurer concomtamment dans le préambule de cet article.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Cette question ne mérite pas un long débat, mais je voudrais tout de même indiquer à M. Autain que cette différence va sans doute plus loin qu'il ne le pense.
Nous allons, à la suite de l'intervention de Mme Borvo, voir combien il est difficile de concilier l'utilité du volet santé de la carte au regard de la santé de la personne elle-même et la confidentialité. Or, si l'on privilégie la fonction de santé publique du volet santé de la carte, on risque d'être plus souvent confronté au dilemme que Mme Borvo a évoqué dans son intervention. C'est un argument de plus en faveur de la position de la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre maintenant nos travaux, afin de pouvoir les reprendre à vingt et une heures trente.
Auparavant, je dois vous informer que l'amendement n° 211 de M. Autain, relatif à l'ouverture d'officines de pharmacie, qui devait être appelé après l'article 37 en raison d'une discussion commune avec un amendement de M. Vasselle, sera discuté à sa place d'origine, c'est-à-dire après l'article 37 tervicies, l'amendement de M. Vasselle venant d'être retiré.
Cet amendement n° 211 sera donc discuté demain, et non pas ce soir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)