Séance du 7 avril 1999







M. le président. « Art. 10. - Dans le chapitre V du titre II du livre deuxième du code du travail, il est créé une section VI intitulée « Congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie » qui comporte les articles L. 225-14-1 à L. 225-14-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 225-14-1. - Tout salarié dont un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet de soins palliatifs a le droit, soit de bénéficier d'un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie, soit de réduire sa durée du travail dans des proportions définies par décret, s'il justifie d'une ancienneté minimale d'un an à la date de sa demande.
« Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, le choix du congé ou de l'activité à temps partiel appartient à l'employeur.
« Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou la période d'activité à temps partiel ont une durée maximale de deux mois. Cette durée peut être, le cas échéant, fractionnée. Ils prennent fin au plus tard à l'expiration de cette durée ou, avec l'accord de l'employeur, dans les trois jours suivant le décès de la personne accompagnée.
« Un mois avant le début de son congé ou de son travail à durée réduite, le salarié informe son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de sa volonté d'accompagner une des personnes définies au premier alinéa ; il doit lui transmettre un certificat médical attestant que la personne accompagnée fait l'objet de soins palliatifs.
« Art. L. 225-14-2. - Le salarié en congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou qui travaille à temps partiel ne peut exceder par ailleurs aucune activité professionnelle.
« Art. L. 225-14-3. - A l'issue du congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou de sa période d'activité à durée réduite, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.
« Art. L. 225-14-4. - La durée du congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie n'est pas prise en compte dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté. Le salarié conserve toutefois le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début de ce congé.
« Art. L. 225-14-5. - Toute convention contraire aux articles L. 225-14-1, L. 225-14-3 et L. 225-14-4 est nulle de plein droit.
« Art. L. 225-14-6. - L'inobservation par l'employeur des articles L. 225-14-1 à L. 225-14-5 peut donner lieu à l'attribution de dommages-intérêts au profit du bénéficiaire, en sus de l'indemnité de licenciement.
« En outre, lorsque, en application des dispositions précitées, le licenciement est nul, l'employeur est tenu de verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.
« Art. L. 225-14-7. - Les modalités d'application des articles L. 225-14-1 à L. 225-14-6 sont fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Cet article devrait être cher au coeur de M. le secrétaire d'Etat, qui l'a évoqué. Il s'agit d'un congé d'accompagnement qui existe dans d'autres pays, en particulier en Belgique.
Le Conseil économique et social a chargé son rapporteur, M. Decisier, d'étudier la question.
La mise en oeuvre de cette disposition ne coûterait pas très cher, compte tenu des économies induites, c'est-à-dire des hospitalisations et des pseudo-congés maladie, dont nous pourrions faire l'économie.
Par ailleurs, ce qui est très important, les partenaires sociaux ont discuté de l'attribution des congés au sein du Conseil économique et social et ils sont convenus qu'il fallait instituer des compléments à ces prestations par la négociation collective.
Mais il s'agit d'un domaine où le Gouvernement est maître du jeu !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. L'article 10 a pour objet d'introduire dans le code du travail un ensemble d'articles instituant « un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ». Le Gouvernement l'a demandé, puisque c'est la proposition que j'ai faite au Premier ministre qui a permis au Conseil économique et social d'étudier cette question. Nous partageons bien entendu la préoccupation de M. le rapporteur de trouver le moyen de permettre aux proches d'une personne malade d'accompagner celle-ci dans la dernière phase de sa vie.
Mais voilà, le Conseil économique et social a raisonné sur le même sujet. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, les partenaires sociaux ont voté à l'unanimité. Il s'agit désormais, l'avis du Conseil étant rendu, d'organiser la concertation interministérielle indispensable à la préparation d'un dispositif à la fois facile d'accès et adapté aux réels besoins dans ce domaine.
Cette concertation ne fait que commencer. Conduite notamment par le délégué interministériel à la famille, elle devrait pouvoir déboucher sur de premières propositions à l'occasion de la prochaine conférence sur la famille.
Elle doit naturellement associer, outre le ministère de l'emploi et de la solidarité, celui de l'économie et des finances, mais aussi celui de la fonction publique, car il ne paraît pas envisageable de ne prévoir un tel congé que pour les salariés du secteur privé.
Outre les financements éventuels, que les rédacteurs de cette proposition ne prévoient pas et qu'ils ne peuvent pas prévoir en l'état du travail mais qu'ils appellent de leurs voeux, cette concertation interministérielle devra permettre de se prononcer sur la pertinence de la création d'un seul congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou sur celle d'un congé aux visées plus larges, incluant notamment l'assistance à une personne dépendante.
Par ailleurs, la concertation devrait contribuer à préciser les modalités de prise en charge de ce congé - le délai de prévenance, la possibilité ou non pour l'employeur de s'y opposer, le fractionnement, etc. - afin de concilier les besoins qui s'expriment dans ce domaine et les impératifs de fonctionnement des entreprises, notamment des plus petites d'entre elles.
Telles sont les raisons qui me conduisent à proposer à la Haute Assemblée le rejet de cet article en attendant de proposer une version plus aboutie issue de la concertation qui ne fait que débuter.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Nous avons longuement entendu le président et le rapporteur du Conseil économique et social. Les objections que vous avez soulevées l'ont déjà été.
Vous avez pu constater, mes chers collègues, dans les conclusions et le rapport du Conseil, que celui-ci tient à ce que la loi existe. Il est bien évident que toute loi a besoin de décrets d'application, de certains aménagements pour pouvoir être appliquée. La loi existant, il appartiendra par la suite à la concertation de la rendre pratiquable.
Je me suis renseigné, moi aussi, sur les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale - et elles sont nombreuses ! J'ai noté que l'une d'elles, présentée par M. Perrut et certains de ses collègues, va dans le sens du congé d'accompagnement, dont vous avez déjà parlé voilà un certain temps, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article additionnel après l'article 10