Séance du 27 novembre 1998
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour un rappel au règlement, en application de l'article
36 du règlement du Sénat.
M. le président.
Vous avez la parole pour cinq minutes, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Ma faible expérience du fonctionnement de cette assemblée ne m'a pas permis de
réagir « à chaud » aux remarques de M. le ministre lors de mon intervention.
Monsieur le président, veuillez m'excuser de le faire maintenant, après les
réponses des ministres.
M. le président.
C'est la place à laquelle elle doit se tenir, monsieur le sénateur.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le ministre, vous avez fait preuve d'une certaine nervosité -
peut-être est-ce dû aux récentes manifestations des lycéens - pendant les
interventions d'au moins deux membres de notre Haute Assemblée. Vous n'avez
cessé de les interrompre et vous ne leur avez pas permis de s'exprimer en toute
sérénité.
Vous avez employé des mots qui ne sont pas dignes du climat dans lequel nous
travaillons dans cette enceinte. Lors de mon intervention notamment, vous avez
parlé d'absurdités, de mensonge et d'incompétence. Si vous aviez été un peu
plus attentif à mes propos, monsieur le ministre, vous ne l'auriez pas fait.
Permettez-moi de relire la phrase en cause : Comment ne pas être déçu, alors
que les jeunes réclament dans leurs classes des enseignants compétents et que
vous ne savez que leur proposer des emplois-jeunes ? »
En disant cela, monsieur le ministre, je n'ai pas prétendu que vous aviez
remplacé des postes d'enseignants par des emplois-jeunes,...
M. René-Pierre Signé.
C'était ambigu !
M. Alain Vasselle.
... ni que vous aviez créé des emplois-jeunes pour faire face à l'insuffisance
du nombre des enseignants.
Je voulais simplement rappeler la demande des jeunes lorsqu'ils avaient
manifesté dans les rues et lorsqu'ils étaient venus vous interpeller en votre
qualité de ministre : « plus d'enseignants » réclamaient-ils, et votre réponse
a été des emplois-jeunes.
Je n'ai pas dit que c'était pour remplacer les enseignants, j'ai voulu
exprimer l'insatisfaction des élèves par rapport à la demande qu'ils avaient
émise. C'était cela, et rien d'autre.
En ce qui concerne votre conception du dialogue, monsieur le ministre, il
s'agit en fait d'une récidive. L'année dernière, en effet, avec courtoisie,
avec calme - je ne me souviens plus si vous étiez présent ou si seule Mme
Ségolène Royal était au banc des ministres - j'avais appelé l'attention du
Gouvernement sur les difficultés que nous rencontrions dans mon département en
matière d'expérimentation de l'enseignement des langues étrangères aux jeunes
enfants. J'attendais une réponse, mais il n'y a pas eu de dialogue, puisque
qu'aucune indication ne m'a été apportée.
Aujourd'hui, j'ai à nouveau appelé l'attention du Gouvernement sur le décalage
entre les déclarations généreuses qui ont été faites sur le plan national par
le ministère et ce que je constate sur le terrain. J'attends à nouveau des
réponses. C'est ce qui m'a conduit à affirmer qu'il y avait un manque de
dialogue entre vous-même, monsieur le ministre, et les parlementaires,
notamment le sénateur que je suis.
Enfin, en ce qui concerne les emplois-jeunes encore, vous avez précédé la loi
en lançant les recrutements dès l'annonce de leur création et en prenant un
certain nombre de décrets d'application les concernant.
Ces deux exemples justifiaient mes affirmations quant au manque de dialogue
avec les parlementaires et à propos des emplois-jeunes par rapport aux
enseignants. C'est tout.
J'espère que cette mise au point sera suffisante pour lever les ambiguïtés
éventuelles qui pourraient s'être glissées entre nous à travers les propos que
j'ai tenus, et je souhaite qu'enfin un peu plus de sérénité revenienne dans le
débat budgétaire entre vous, monsieur le ministre, le parlementaire que je
suis, et un de mes collègues que vous avez interpellé tout à l'heure et
interrompu à plusieurs reprises.
Vous remarquerez en outre, monsieur le ministre, que nous avons été
respectueux de vous-même, puisque vous avez été peu ou pas interrompu pendant
toute la durée de votre intervention.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, si j'ai mal compris votre phrase, je vous prie de m'en
excuser, c'est tout à fait anormal de ma part.
Par ailleurs, un décompte a été fait récemment par le ministre chargé des
relations avec le Parlement, qui montre que je suis le ministre qui a passé le
plus de temps au Sénat - il se trouve que c'est ainsi - entre les réunions de
commissions et les séances publiques. Je crois que personne, dans cette
assemblée, dans les commissions, ne m'a vu compter mon temps pour répondre à
toute question.
Si vous avez un problème particulier dans votre région, monsieur le sénateur,
sachez que nous sommes à votre disposition, quand vous voulez, pour en parler.
Pour ne pas prendre obligatoirement la forme d'une intervention, ce n'en sera
pas moins efficace. Beaucoup nous adressent un courrier et l'on étudie le
problème soulevé, que ces lettres émanent de parlementaires de la majorité ou
de l'opposition. C'est ainsi que fonctionne la République.
Parfois, l'administration ne réagit pas assez vite, ayant beaucoup de
problèmes à régler par ailleurs, mais nous répondons.
Si l'on n'a pas répondu sur un problème de ce type, s'il y a dysfonctionnement
à cet égard, c'est encore une fois parce que l'application à l'ensemble du
territoire d'une mesure prise nationalement, à partir de la rue de Grenelle,
est parfois difficile à mettre en oeuvre.
Enfin - je ne dis pas cela pour diminuer mes impatiences - je suis très calme
sur le sujet des manifestations. Vous avez constaté qu'elles ne m'ont pas fait
changer d'avis et qu'elles ne m'ont pas ému non plus.
Je vous fais remarquer que nous avions dit que nous prendrions des postes sur
les listes supplémentaires des concours, car je ne veux pas faire de dérogation
et recruter des maîtres auxiliaires ; nous avons recruté 480 professeurs
supplémentaires.
Je répète ce que j'ai dit à ce moment-là. Ma conviction est que, pour
l'enseignement secondaire, nous ne manquons pas globalement de professeurs,
mais que la répartition est mal faite et ne peut pas légalement être faite
autrement. J'y insiste bien devant vous, qui êtes les gardiens de la loi.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Des enseignants dans Paris-centre
n'ont pas d'affectation. Ils voulaient enseigner en Seine-Saint-Denis. Ils sont
donc allés voir le recteur de Paris en lui demandant de les affecter en
Seine-Saint-Denis. Le recteur leur a dit : « Je n'ai pas le droit, je n'ai pas
de dossier de gestion de personnel. La réglementation ne me permet pas de vous
affecter dans cette académie. Si je vous affecte en Seine-Saint-Denis et qu'il
vous arrive un accident, vous n'êtes pas couverts. »
Nous avons dû recourir à une procédure spéciale pour donner cette
autorisation. La loi dispose en effet qu'il appartient à la direction du
personnel de la rue de Grenelle de gérer les enseignants du second degré et que
les recteurs n'ont pas l'autorisation, ce qui crée bien des
dysfonctionnements.
A partir du mouvement de l'an prochain, je crois que nous pourrons ajuster
quelque peu, mais cela prendra un certain temps pour l'enseignement secondaire.
En revanche - je cite toujours ces exemples - dans le primaire, qui est
déconcentré depuis longtemps, et dans l'enseignement supérieur, les universités
étant autonomes, il y a proportionnellement beaucoup moins de tensions
d'ajustement que dans le secondaire, parce que les dossiers sont gérés
localement.
Je ne prétends pas que la déconcentration soit la solution à tous les
problèmes, mais elle permettra un meilleur ajustement.
Vous avez enfin évoqué les comités locaux d'éducation, auxquels Mme Royal
tient beaucoup.
Je vais vous parler très franchement : dans certains endroits, cela se passe
très bien, et, dans d'autres, des personnels éprouvent une certaine réticence à
l'idée de travailler avec les élus. Ils travaillent avec les élus sous une
forme bilatérale, mais ils ont du mal à l'accepter sous une forme
institutionnelle. Ce n'est pas l'habitude dans notre « maison » et travailler
avec des élus au sein de certains organismes apparaît souvent comme un manque
de neutralité de l'éducation nationale.
Mme Royal et moi-même sommes tous les deux extrêmement attachés à cette forme
de collaboration. Nous expliquons inlassablement l'avantage que représentent
pour chacun le dialogue, le rapprochement des acteurs de terrain. Nous y
réussissons plus ou moins bien.
Pour ma part, je suis prêt à le reconnaître, monsieur Demuynck, je ne pense
pas que nous ayons tout résolu. Mais je vous assure que ma collègue qui a lancé
cette idée la première et moi-même, nous y travaillons en permanence. Nous
disons : il faut travailler avec les élus, les consulter. Certains recteurs et
inspecteurs d'académie le font, d'autres sont plus réticents. Dans cette
maison, on a en effet toujours l'impression que, quand on leur demande de
dialoguer avec les élus, on leur demande de se vendre à je ne sais quel diable
; c'est d'ailleurs un sentiment largement répandu au sein de la fonction
publique française. Je leur demande pourtant non pas d'obéir aux élus, mais de
dialoguer avec eux.
Mme Hélène Luc.
Ça c'est vrai !
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