Séance du 20 novembre 1998
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66
(1998-1999).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Peyrefitte.
M. Alain Peyrefitte.
Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous achevons donc ce matin la discussion générale du budget, le budget d'une
France lancée dans la mondialisation, c'est-à-dire dans le défi de la
modernité.
Or, ce budget - on l'a démontré hier - manque à la fois de prudence et
d'audace.
De prudence, car il s'expose, sans possibilité d'ajustement, à un retournement
de conjoncture. Qui peut assurer que, cette année, la croissance sera, comme le
Gouvernement l'estime, de 2,7 % ? L'an dernier, vous estimiez à 3 % la
croissance moyenne de 1998, monsieur le secrétaire d'Etat. Au second semestre,
elle est passée sous cette barre. Qu'en sera-t-il l'an prochain ?
Mais, surtout, ce budget manque d'audace, car les fruits de la croissance un
peu témérairement annoncés - 75 milliards de recettes supplémentaires pour
l'Etat, c'est loin d'être négligeable ! - qu'en fait-il ? Il les distribue
allègrement - à l'Assemblée nationale, on dirait « démagogiquement », mais nous
sommes au Sénat
(Sourires)
- sans engager les réformes structurelles qui devraient
s'imposer, sans réduire les dépenses publiques, sans réduire la dette, sans
réduire le déficit.
Tout cela, le rapporteur général et le président de la commission des
finances, ainsi que plusieurs orateurs, hier soir, l'ont vigoureusement
démontré.
Ce que je voudrais faire ressortir, ce sont les considérations idéologiques
qui ont visiblement présidé à l'établissement de ce budget.
En fait, ce budget, empreint de réminiscences marxistes,...
M. Paul Loridant.
Oh !
M. Alain Peyrefitte.
... se complaît dans la mystique de l'Etat omnipotent.
Il est trop clair que ce budget n'a de cohérence que si l'on a présentes à
l'esprit les différentes composantes de la majorité dite « plurielle », qui
doit se livrer à un numéro permanent d'équilibriste : à l'une des composantes
on accorde la progression rapide et forte de la fiscalité, à l'autre on concède
l'alourdissement de la taxation du gazole. Arbitrage médiocre, à vrai dire,
entre des verts et des communistes qui se disputent la palme des utopies.
(Mme Odette Terrade s'esclaffe.)
Pour masquer l'incohérence d'une majorité écartelée entre des choix
idéologiques opposés, on sacrifie sur l'autel de la coalition électorale la
cohérence d'un budget, le budget de la France.
Mais s'agit-il encore du budget de la France, ou plutôt du budget de l'Etat ?
Ce budget place l'Etat au coeur du dispositif économique. Dans ce village
planétaire qui est désormais notre horizon, croyez-vous vraiment que ce soit là
le moyen de nous préparer à la terrible concurrence qui nous assaille déjà,
alors que les seules entreprises françaises qui créent tant bien que mal du
profit, et donc de l'emploi rentable, les seules entreprises qui ne soient
pratiquement pas atteintes par des grèves sont les entreprises privées, alors
que les seules entreprises qui soient régulièrement en déficit et régulièrement
perturbées par des grèves récurrentes sont des entreprises publiques ?
Croyez-vous vraiment qu'il faille de nouveau appliquer les vieilles recettes
marxisantes qui ont fait pourtant la preuve de leur échec : toujours plus
d'impôts prélevés sur la partie marchande de l'économie, qui est la véritable
force vive de la nation, toujours plus de dépenses publiques, au nom d'une
redistribution fallacieuse des richesses ?
On bride les élans générateurs d'emplois, on décourage les prises de risques,
celles-là mêmes qui font une économie prospère, une économie jaillissante.
Car le budget que vous présentez est bien révélateur d'une conception
idéologique : un Etat dominateur, un « mammouth », pour reprendre l'image chère
à l'un de vos collègues, qui pèse d'un poids à nul autre pareil en Europe
puisqu'il absorbe plus de 54 % de la production nationale, selon les plus
récentes statistiques fournies par l'Union européenne.
On pourrait aussi bien le comparer à cet animal fabuleux, le catoblépas, qui
se dévore lui-même
(M. le rapporteur général sourit)
; il n'a même pas
la force de lever la tête, celle-ci traîne à terre, et il dévore ses propres
jambes. De toute façon, on peut le comparer à un mastodonte qui stérilise
l'activité économique alors qu'il devrait la stimuler.
Cette conception, dont on sait bien ce qu'elle recèle de pure idéologie, est
seule à même de cimenter votre majorité plurielle, monsieur le secrétaire
d'Etat.
L'omnipotence de l'Etat, telle qu'elle apparaît dans votre budget, est comme
un dernier vestige d'une pensée marxisante qui depuis longtemps n'a plus cours
en Europe, y compris dans les pays dits sociaux démocrates, mais, heureusement
pour ceux-ci ! convertis depuis longtemps aux lumières de l'économie de
marché.
La France fait figure de fossile, si l'on veut bien la comparer à la
Grande-Bretagne de Tony Blair ou à l'Allemagne de Gerhard Schröder.
Le budget que vous présentez, c'est celui d'un Etat qui se pare des oripeaux
d'une prétendue croissance solidaire, alors qu'il y a tout lieu de penser qu'il
risque de la brider davantage encore.
Il est curieux, mais il est significatif de remarquer que la structure de nos
prélèvements obligatoires et de notre épargne privée représente l'image
inversée d'un pays que l'on dit communiste depuis un demi-siècle : la Chine.
Chez nous, plus de 54 % de la production nationale est absorbée en
prélèvements obligatoires et moins de 14 % reste aux mains de l'épargne privée.
En Chine, il y a 14 % de prélèvements obligatoires, impôts et charges sociales
confondus, tandis que 45 % de la production nationale va à l'épargne privée. De
quoi rêver !
Et la Chine a entrepris de réduire de moitié le nombre de ses fonctionnaires
!
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Eh oui !
M. Alain Peyrefitte.
De quoi rêver aussi !
Chez nous, quand on a fait la décentralisation, en transférant aux
collectivités locales des fonctions exercées jusque-là par l'Etat, on n'a pas
diminué d'un seul fonctionnaire les différents services, les différents
effectifs déconcentrés de l'Etat : DDA, DDASS, constructions scolaires, etc. On
ne les a pas diminués, on les a doublés par autant de fonctionnaires locaux
d'abord contractuels et vite titularisés !
Là-bas, dans ce pays qu'on prétend communiste, on a compris comment on fait
maigrir le mammouth ; ici, on s'obstine à l'engraisser.
Pour payer à grand prix les illusions d'un Etat pourvoyeur d'emplois, les
impôts vont, quoi que vous prétendiez, augmenter en termes réels. Ils vont
augmenter plus rapidement que la richesse nationale puisqu'on prévoit une
augmentation du PIB de 3,8 % en valeur et une augmentation des recettes
fiscales nettes de 4,3 %.
L'impôt sur le revenu s'alourdit avec un nouveau supplément de 4 milliards de
francs supporté par les familles ; 600 000 familles sont concernées par la
baisse du quotient familial de 16 000 à 11 000 francs. Naturellement, ce sont
des considérations idéologiques, là encore, qui conduisent à taxer ainsi la
famille, et donc l'avenir de la nation.
On pourrait dire que ces considérations ne manquent pas de cohérence avec
cette autre offensive contre la famille qu'est votre étrange projet de PACS.
Notez bien que si les droits de succession n'étaient pas chez nous aussi
lourds, les difficultés des couples homosexuels seraient déjà réglées pour une
bonne part. Mais c'est une solution qui ne vous vient pas naturellement à
l'esprit ; elle n'est pas dans votre logique. Vous préférez construire une
nouvelle mécanique étatique, une nouvelle usine à gaz dont le contrôle et le
fonctionnement même vont obliger à recruter de nouveaux fonctionnaires.
Admirons au passage le tour de passe-passe que constitue la baisse,
vigoureusement claironnée, de 4 milliards de francs de la TVA que la croissance
de l'impôt sur le revenu vient exactement compenser. Or, là encore, vous vous
êtes livrés à un effet d'annonce fallacieux.
Il en va de même de la très médiatique baisse de l'impôt sur les entreprises !
Combien de fois nous a-t-elle été vantée ? Il est vrai qu'elle fait très
socialisme-libéral, très nouvelle gauche, après les errements du
socialisme-populisme.
C'est un fait nouveau, en effet, chez les socialistes, que de se préoccuper de
la seule cellule de la société qui soit créatrice d'emplois, créatrice de
richesses : l'entreprise.
On pourrait se réjouir devant cette conversion. Mais elle n'est que de façade
et n'a que des incidences dérisoires, car la réforme phare de votre budget,
monsieur le secrétaire d'Etat, je veux parler de celle de la taxe
professionnelle, pénalise bien des entreprises et aussi les collectivités
territoriales.
La compensation budgétaire que vous prévoyez révèle bien la volonté jacobine
de centralisation étatique qui est la vôtre.
Face à cette pression fiscale de plus en plus écrasante, face à cette volonté
croissante de nivellement, il n'est guère étonnant que nos jeunes diplômés
prennent la clé des champs, s'échappent vers des pays plus hospitaliers : la
Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Canada, dont les
gouvernements s'affichent volontiers sociaux-démocrates mais dont la politique
fiscale est délibérément libérale.
Cet exil de l'intelligence française est dramatique à bien des titres.
Au même moment, nous sommes envahis par une main-d'oeuvre d'immigrants non
qualifiée pour laquelle nous n'avons pas d'emploi mais que nous n'avons pas la
générosité d'aider à trouver du travail chez elle par une politique
contractuelle et volontariste de codéveloppement.
Non seulement l'exil de nos élites obère l'avenir de notre nation mais, en
outre, il sert ces pays attractifs à l'heure où la guerre économique se fait
impitoyable et où les entreprises étrangères désertent notre sol.
Le travail à haute valeur ajoutée nous échappe dans le même temps et le même
mouvement que les évasions de fonds à cause des effets cumulatifs d'un
égalitarisme à courte vue et d'une fiscalité suicidaire qui favorise
simultanément la fuite des cerveaux et la fuite des capitaux.
Les orientations de votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat,
hypothèquent la santé économique de notre pays. Aucune marge de manoeuvre ne
permettra de renverser une conjonture changeante. Les dépenses engagées par les
hausses de salaires et les emplois-jeunes sont définitivement fixées sans que
l'on puisse les geler en cas de coup dur et, à plus long terme, en 2002, que
dire à cette jeunesse sous perfusion victime de l'illusion socialiste des
emplois-jeunes ? Car les résultats en matière d'emploi, dont le Gouvernement se
flatte, ne sont imputables qu'à un leurre, celui des emplois-jeunes - sans eux,
la courbe du chômage resterait inchangée - leurre provisoire qui tiendra
seulement jusqu'aux échéances électorales. Et qu'y a-t-il là de surprenant,
alors que le Gouvernement se complaît dans l'indemnisation du chômage, sans
avoir le courage de mener à bien les réformes de fond qui s'imposent pour
combattre le fléau en stimulant les créations d'entreprises ?
A plus forte raison, les nombreuses formes de CDD qui permettent de faire
sortir des demandeurs d'emplois des statistiques de l'ANPE ne sont qu'une
réponse sociale à la tragédie du chômage et non une réponse économique aux
besoins de créations d'emplois.
Certes, il est plus payant, en matière électorale du moins, de satisfaire des
revendications catégorielles, d'annoncer à son de trompe des baisses d'impôt,
de masquer l'ampleur du chômage par des mesures anesthésiantes ; il serait plus
efficace d'oser placer l'entreprise au coeur du dispositif économique, cela
exigerait, plus que de la lucidité, du courage.
Entendons-nous bien, à nos yeux comme aux vôtres, monsieur le secrétaire
d'Etat, je ne veux pas en douter, l'Etat est seul à même de préserver la
souveraineté de la nation, et notamment son influence à l'extérieur ; mais,
précisément, cette action est menacée par l'amputation considérable du budget
des affaires étrangères et de la coopération car, en laissant libre cours aux
dépenses publiques, aux creusements des déficits dans les domaines
électoralement payants, l'Etat se limite dans les moyens, dans les ambitions
et, à plus long terme, dans l'existence même de son pouvoir régalien.
Quand plus de 54 % du produit national est employé à la dépense publique, fait
unique en Europe, faut-il s'étonner que les investisseurs nationaux et
internationaux fassent preuve de défiance face à un Etat aussi glouton ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
C'est complètement faux !
M. Alain Peyrefitte.
J'espère que vous pourrez nous le démontrer, monsieur le secrétaire d'Etat,
mais l'analyse objective de votre projet de budget me conduit hélas ! à cette
conclusion : l'Etat est glouton et les investisseurs nationaux et
internationaux marquent de la méfiance devant lui.
La voie à emprunter est tout autre : par des mesures plus audacieuses, en
matière de retraite notamment dont la réforme, une fois de plus, est remise à
une date ultérieure,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On fait de nouveaux rapports !
M. Alain Peyrefitte.
... l'Etat devrait se recentrer sur ses missions essentielles pour être
efficace, lutter contre le chômage, préserver la souveraineté nationale, faire
entendre la voix de la France dans le monde.
Non, ce budget ne nous réserve pas des lendemains qui chantent, il hypothèque
lourdement l'avenir.
Non, il ne permettra pas de combattre le chômage...
M. Marc Massion.
Si !
M. Alain Peyrefitte.
... sinon par des artifices ponctuels.
Non, il se sert pas les intérêts réels de l'Etat, de la nation, des
Français.
Voilà pourquoi nous voterons contre lui ; voilà pourquoi nous voterons pour le
budget alternatif préparé avec soin et avec réalisme par la commission des
finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Excellent !
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
vais m'exprimer sur le mode mineur après M. Peyrefitte.
Ce budget est un budget charnière : c'est le budget de la France dans la zone
euro. Nous entrons nécessairement dans une période où la compétition fiscale et
budgétaire entre les pays européens va s'intensifier. Ce sont les Etats qui
réduiront le poids des prélèvements ; ce sont les Etats qui géreront de façon
efficace les dépenses publiques, qui pourront en tirer profit pour l'emploi et
pour l'investissement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget ne va pas vraiment dans
cette voie : après l'effort - que je reconnais - poursuivi pour la
qualification à l'euro, vous suivez une pente plutôt de facilité qui donne la
priorité à la croissance de la dépense publique au lieu de profiter, comme le
suggère notre excellent rapporteur général, de l'embellie conjoncturelle pour
réduire le déficit.
Cette discussion budgétaire, finalement, sous-tend trois débats.
Le premier, qui, pourtant, est essentiel, c'est le débat sur la coordination
dans la politique monétaire et budgétaire dans l'Euroland.
J'ai entendu le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, hier,
plaider pour une politique budgétaire rigoureuse et une politique monétaire
expansionniste. Je serais assez d'accord avec lui, à une nuance près : j'aurais
souhaité qu'il ajoute quand même, à la liste des exemples de mauvaise
coordination, ce qui est arrivé entre 1990 et 1992 avec Pierre Bérégovoy : on
ne peut pas dire que la politique budgétaire ait alors été très rigoureuse et
la politique monétaire très expansionniste.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'était exactement le contraire !
M. Yves Fréville.
C'était le quatrième contre-exemple qu'il aurait peut-être fallu donner. Mais
il faudra passer aux actes pour la rigueur.
Le deuxième débat est celui du taux de croissance prévu, qui est également un
objectif, de 2,7 %. Je me rallierai tout à fait à la position de la commission
des finances et de notre rapporteur général selon laquelle, dans les
circonstances actuelles, quelles que soient les incertitudes, nous allons
retenir votre objectif, mais il faudrait savoir - je voudrais que vous puissiez
nous le dire - ce qu'il faudra faire, si, dans un mois, dans un an, un
retournement de conjoncture se produisait. Augmenteriez-vous l'investissement
pour le contrebattre ? Quelle politique mèneriez-vous dans cette incertitude
?
Le troisième débat qui m'intéresse est celui du partage de la marge de
maoeuvre de quelque 70 milliards de francs de recettes fiscales et non fiscales
supplémentaires que nous apporte l'embellie actuelle de croissance. Elle fera
payer aux ménages quelque 40 milliards de francs de plus de TVA et 15 milliards
de francs de plus d'impôt sur le revenu.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je considère que ces 70 milliards de francs
représentent la marge de manoeuvre disponible avant toutes les augmentations ou
diminutions de droits prévues dans le projet de loi de finances.
Hier, j'ai entendu M. le ministre de l'économie dire que l'on pouvait partager
cette masse disponible en trois tiers, un tiers affecté à la réduction du
déficit, un tiers à la réforme fiscale et le dernier tiers à la progression
prioritaire des dépenses dans des directions qui satisfont naturellement la
majorité soutenant le Gouvernement, mais qui ne m'agréent pas.
J'ai essayé d'évaluer ces trois tiers ; et j'ai trouvé trois tiers un peu à la
Pagnol. Je vais soumettre les résultats de mes travaux, artisanaux, dirais-je,
à votre critique, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vais vous faire part de
mes doutes.
Sur ces 70 milliards de francs, seuls 17 milliards de francs représentent
réellement une réduction du déficit ; la réforme fiscale absorbe 5 milliards de
francs, ou 10 milliards de francs si l'on tient compte en sus des recettes non
fiscales ; le gonflement des dépenses constitue les deux tiers de votre marge
de manoeuvre.
La réduction du déficit, pour moi, c'est le service minimum que vous nous
proposez, avec une réduction du déficit des opérations définitives de 17
milliards de francs. Vous proposez certes une réduction plus forte de 21
milliards de francs. Mais vous avez joué, comme c'est très souvent le cas, sur
le compte d'avances sur impositions locales, équilibré cette année, alors qu'il
était déficitaire de 4 milliards de francs l'année dernière. Je souhaiterais
que vous me disiez pourquoi l'équilibre est obtenu cette année.
Par ailleurs, comparons les 236 milliards de francs de déficit au niveau des
investissements. L'Allemagne, comme nos collectivités locales, s'accorde le
droit d'emprunter pour financer des investissements, pour faire payer aux
générations futures les services qu'ils rendent.
Que trouvons-nous dans votre projet de budget ? Nous y trouvons quelque 160
milliards de francs d'investissement. Faisons bonne mesure - cela ne plaira pas
tout à fait à M. le rapporteur général - et disons même que le fonds de
compensation pour la TVA est une subvention à l'investissement : vous disposez
de 180 milliards de francs ; le déficit est donc supérieur d'au moins 50
milliards de francs à nos investissements.
Mais nous devons conserver aussi, dans l'Europe, la maîtrise de l'arme
budgétaire, je le disais tout à l'heure, à des fins conjoncturelles. Or cette
arme sera totalement émoussée, inutilisable en période de récession si nous
accumulons des déficits en période d'expansion.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est tout le problème !
M. Yves Fréville.
Vous avez - vous ou vos services - dit des choses très justes lors du débat
d'orientation budgétaire : « Pendant les phases d'expansion, le budget doit
pouvoir reconstituer ses réserves. » Vous ajoutiez qu'« il est nécessaire que,
en période de croissance, le déficit soit substantiellement et rapidement
résorbé ».
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pas assez !
M. Yves Fréville.
Cela est excellemment dit. Mais pourquoi ne le faites-vous pas ?
De 1990 à 1993, le déficit a augmenté de 250 milliards de francs,
grosso
modo
. De combien a-t-il été réduit depuis 1993 ? De seulement 110 milliards
de francs, et encore, à hauteur de 80 milliards de francs grâce à nous, et
simplement, comme je le disais, de 17 milliards de francs par vous cette année.
Vous n'observez donc pas les règles que vous vous fixez à vous-mêmes.
Enfin, dernière ligne de défense que vous nous avez avancée hier pour
expliquer cete faible diminution des déficits, vous dites qu'en période de
conjoncture incertaine il ne faut pas baisser la garde, mais il faut soutenir
la demande globale. A cet effet, vous proposez d'augmenter la masse salariale
des fonctionnaires !
Moi, je me réfère à une idée plus ancienne peut-être, selon laquelle,
lorsqu'on veut soutenir la demande globale, on augmente l'investissement. Je
pense que c'est cela qu'il faudrait faire, d'autant plus que cette demande est
réversible : lorsqu'on l'a accru, on peut revenir en arrière.
Ainsi, le déficit n'est pas suffisamment réduit.
Je crois, en second lieu, que votre réforme fiscale est inefficace pour
l'emploi.
Vous nous annoncez des réformes de structures, mais, en dehors de la réforme
de la taxe professionnelle, ajoutée d'ailleurs un peu en catastrophe dans le
paquet, j'ai surtout trouvé dans votre projet de budget un paquet de mesures,
très habilement ficelées d'ailleurs, je le reconnais, pour satisfaire à bon
compte toutes les composantes de votre majorité plurielle : une bonne
augmentation de l'ISF, un peu de TVA en moins - 5 milliards de francs - une
TIPP un peu plus propre, un peu plus de taxe sur les allumettes - je ne sais
pas pourquoi - ...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Nous avons supprimé la taxe sur les allumettes !
M. Yves Fréville.
... et un peu moins de timbres fiscaux, ce qui est très bien.
Tout ce paquet réduit-il sensiblement les prélèvements ? J'ai disséqué le
fascicule des voies et moyens pour y trouver 19 milliards de francs
d'allégements d'impôts locaux, des augmentations de 16 milliards de francs de
droits hors indexation du barème de l'impôt sur le revenu - parce que c'est
normal - et, par ailleurs, des réductions de droits de 7 milliards de
francs.
Le total fait apparaître que la masse utilisée pour la réduction des impôts
est de 10 milliards de francs. Mais si l'on tient compte des 5 milliards de
francs prélevés sur les fonds propres des caisses d'épargne, on s'aperçoit que
la réduction de la charge n'est que de 5 milliards de francs.
Vos choix sont-ils au moins pertinents ?
Je n'aurai pas le temps de dire tout le mal que je pense de la réforme du
quotient familial.
J'approuve sans réserve la réduction des droits de mutation, même si elle a
certaines conséquences néfastes pour les collectivités locales, et il était
peut-être bon d'abaisser le poids de la taxe professionnelle.
Toutefois, la suppression des salaires dans les bases de la taxe
professionnelle constitue une mauvaise idée qui conduit à une mauvaise réforme.
En le disant, je ne me placerai pas sur le terrain de savoir comment les
collectivités locales seront remboursées, des choses excellentes ayant été
dites par le rapporteur général et par de nombreux orateurs.
C'est sur le fondement de la réforme que je voudrais insister.
Quand on voit ce qu'est l'évolution de la taxe professionnelle depuis vingt
ans que ce chantier existe, on essaie, au fond, de résoudre une contradiction.
On veut une assiette qui soit localisable, mais qui soit aussi la plus proche
possible de la valeur ajoutée, parce que celle-ci est garante de la neutralité
de l'impôt sur le plan des choix économiques. Or, qu'observons-nous depuis
quinze ans, sinon une surimposition de plus en plus forte des outillages et des
machines dans la part des bases de la taxe professionnelle ?
Il existe dans mon département une grande usine automobile qui emploie dix
mille salariés, ce qui n'est pas négligeable. La part des outillages représente
85 % des bases de la taxe professionnelle de cet établissement. C'est cette
surimposition des machines par rapport au travail qui freine considérablement
l'investissement, dont nous connaissons le caractère totalement défaillant dans
notre économie depuis 1990. D'ailleurs, j'entendais M. le ministre dire hier
que c'était encore votre inquiétude la plus forte pour l'année prochaine.
Il aurait mieux valu, pour les entreprises, réduire le taux d'incorporation
dans les bases des nouveaux outillages et, pour l'emploi, réduire, comme cela a
été proposé, les cotisations de charges sociales, et non pas intervenir sur la
base salaires de la taxe professionnelle.
De plus, le mécanisme compensateur que vous mettez en place - puisque vous
allez majorer pour toutes les grandes entreprises la cotisation minimale sur la
valeur ajoutée - confine à l'absurde, car vous allez reprendre d'une main ce
que vous donnez de l'autre !
En effet, les salaires que vous avez exonérés d'un côté, vous allez les
réimposer de l'autre pour toutes les entreprises qui seront assujetties à cette
cotisation minimale assise sur la valeur ajoutée. Comment faire marcher un
système fiscal avec un impôt à double assiette, dont l'une contredit l'autre ?
Telle est, je pense, la contradiction majeure de votre projet.
J'ajouterai une dernière critique de fond s'agissant du fonctionnement de nos
collectivités locales.
Si nous voulons une taxe locale sur les entreprises, c'est pour que les
collectivité locales aient les moyens de fournir des services à leurs salariés,
pour qu'elles aient intérêt à susciter des créations d'emplois chez elles. Mais
si vous supprimez le lien entre les collectivités locales et les salariés, si
vous supprimez donc les bases salaires, si vous ne taxez plus que les
outillages, alors la taxe professionnelle disparaîtra comme impôt local,
n'ayant plus de raison d'être.
A l'intention de nos collègues des villes et d'ailleurs de nombreux collègues
de la majorité, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai qu'il suffit de
regarder dans quel département la part des salaires est la plus élevée. C'est
toujours dans les départements les plus urbains, comme le Val-de-Marne ou la
Seine-Saint-Denis. Il y a par conséquent une certaine contradiction entre votre
politique de la ville et votre politique de suppression de cette part des
salaires dans les bases de taxe professionnelle.
Je terminerai par l'augmentation des dépenses qui, dans ce projet de budget,
est mal contenue.
Vous vous donniez comme objectif 1 % de plus que la hausse des prix. J'ai bien
entendu l'argumentation de M. le ministre de l'économie hier. S'il en est
ainsi, la part des dépenses de l'Etat dans le PIB diminuera, puisque la
croissance prévue est de 2,7 %. Je ne suis pas du tout sûr que la hausse des
dépenses ne soit très supérieure à celle que vous venez d'indiquer.
D'abord, si la hausse des prix est inférieure à ce qu'il est prévu, à savoir
1,2 %, et reste, comme aujourd'hui, à 0,5 % ou 0,6 %, la part des dépenses
augmentera nécessairement, mécaniquement, de 0,6 %, parce que vous n'allez pas
diminuer les dépenses une fois qu'elles auront été votées.
Par ailleurs, en étudiant les données de ce projet de budget, les 37 milliards
de francs de dépenses supplémentaires me paraissent un peu minorés. Je trouve 8
milliards de francs de plus ! Je vais vous dire où je les ai trouvés.
Premièrement, il m'a semblé très curieux que vous éliminiez de cette liste des
dépenses les 4 milliards de francs que vous reprenez au titre de l'allocation
de parent isolé à la CNAF. Vous dites qu'on peut l'éliminer à périmètre
constant. Toutefois, vous savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que,
pour financer ces mesures, vous avez augmenté de 3,9 milliards de francs les
impôts du fait du plafonnement du quotient familial.
Alors, pouvez-vous, d'un côté inscrire les 3,9 milliards de francs dans votre
budget, et, de l'autre, dire que, à périmètre constant, on ne tient pas compte,
pour calculer la croissance des dépenses, des 4 milliards de francs de
l'allocation de parent isolé ? Cela me paraît manquer de rigueur. J'y ajouterai
- mais cela est plus discutable - les 4 milliards de francs des crédits
d'article. Je fais allusion à l'article 5 !
Vous disposiez pourtant de circonstances qui vous auraient permis de faire
beaucoup mieux. Je prendrai simplement l'exemple de la charge de la dette :
cette année, elle augmente peu, du fait de circonstances tout à fait
favorables.
Si cette charge de la dette n'augmente que de 1 % même si elle représente
encore quelque 236 milliards de francs, c'est tout simplement parce que - et ce
n'est là qu'un phénomène transitoire - lorsque les emprunts à taux élevé
arrivent à échéance, vous les remplacez, sans les rembourser, par des emprunts
à taux beaucoup plus bas. De ce fait, vous gagnez quelque 8 milliards ou 10
milliards de francs par an.
Naturellement, ce processus aura une fin. Il est bien évident que, dans
quelques années, si rien n'est fait pour mettre un terme au déficit budgétaire,
l'augmentation de la dette reprendra son cours normal, si je puis m'exprimer
ainsi, de 8 milliards à 10 milliards de francs.
En vérité, si l'on veut réduire les dépenses, une fois que l'on a épuisé les
gisements traditionnels des dépenses militaires, qui ne peuvent plus être
diminués...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Elles sont en hausse !
M. Yves Fréville.
Effectivement, elles augmentent, cette année, de 5 milliards de francs.
Si l'on veut réduire les dépenses, une fois que l'on a épuisé les possibilités
de réduction des 50 milliards de francs représentant le train de vie de l'Etat,
il faut s'attaquer aux deux masses essentielles que sont les dépenses de
personnel, d'une part, et les dépenses d'intervention, d'autre part.
S'agissant des dépenses de personnel tout d'abord, je poserai deux simples
questions.
Vous fixez une norme suivant laquelle les effectifs de fonctionnaires ne
doivent pas varier. C'est une décision
a priori
. Ils pourraient aussi
bien diminuer de 1 000 ou augmenter de 2 000. Ce qu'il faudrait nous prouver,
c'est que la décision de ne pas faire varier les effectifs de fonctionnaires se
révèle efficace.
Ma seconde question est la suivante : les progrès de la productivité dans le
secteur public sont-ils tels que les rémunérations dans le secteur public
peuvent continuer à progresser plus vite que les rémunérations dans le secteur
privé, comme c'est le cas depuis le début de la décennie ?
S'agissant des dépenses d'intervention, ma question concerne les crédits
d'intervention pour l'emploi.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'amélioration de l'emploi,
que je reconnais, ne devrait pas, dans une certaine mesure, entraîner une
réduction de ces crédits globaux ?
On observe tout de même un « effet de ciseaux ». On ne pourra pas maintenir un
système dans lequel les dépenses pour l'emploi augmenteront continuellement si
l'emploi s'améliore !
Je sais très bien que ce sont là deux politiques difficiles à mettre en
oeuvre, mais c'est en s'attaquant - ce qui est le cas du projet alternatif de
la commission des finances - à ces deux piliers de la croissance des dépenses
publiques - les interventions et les dépenses de personnel - que l'on
parviendra réellement à réduire le déficit et, finalement, à suivre les
conseils de rigueur que vous vous étiez donnés à vous-mêmes. C'est pourquoi je
voterai, bien entendu, le projet alternatif.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Claude Estier.
Ce n'est pas une surprise !
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
centrerai mon intervention sur les collectivités locales. C'est en effet, vous
le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, une des particularités du Sénat
que de traiter en profondeur ce qui touche aux collectivités. Or le projet de
loi de finances a de nombreuses conséquences sur l'élaboration des budgets
locaux.
J'ajouterai que les choix budgétaires effectués par le secteur local ont
également une profonde influence sur l'économie de notre pays. En effet, il me
faut rappeler que les budgets des collectivités locales représente la moitié du
budget de l'Etat, soit environ 10 % du PIB.
Elles emploient 1 350 000 personnes, entretiennent un patrimoine de 2 300
milliards de francs, réalisent plus de 75 % des investissements publics. Les
collectivités locales sont également des acteurs prioritaires dans de
nombreuses missions publiques, par exemple la lutte contre l'exclusion, l'aide
sociale, la cohésion territoriale et j'en oublie bien d'autres.
A partir de 1993, les collectivités locales ont eu de plus en plus de mal à
poursuivre leurs missions et à remplir leurs rôles, pris dans un « effet de
ciseaux » entre des dépenses de fonctionnement en croissance plus rapide et des
recettes de plus en plus malmenées. du fait des difficultés économiques et
d'une évolution largement insuffisante des concours de l'Etat, car à peine
supérieure à celle des prix.
Pour les concours
stricto sensu
regroupés dans l'enveloppe du pacte de
stabilité, il s'agissait même d'une baisse en volume, puisque l'augmentation
sur la période n'a été que de 7,4 %.
Le résultat est particulièrement mauvais pour les concours d'équipement qui
accusent une baisse de 12,8 % et il n'est guère brillant pour les concours de
fonctionnement. La DGF notamment, principal concours de l'Etat, n'aura ainsi
augmenté que de 2,2 % par an en moyenne contre une augmentation annuelle
moyenne de 5,6 % lors de la législature précédente. Enfin, les compensations
d'exonérations et de dégrèvements auront été largement ponctionnées de 1993 à
1997.
Comme leur gestion est restée fondamentalement saine, les collectivités
locales ont dû restreindre leurs efforts d'investissements de 3,7 % en 1995 et
de 6,1 % en 1996. Parallèlement, n'ayant pas d'autres choix, elles ont dû
augmenter régulièrement et vivement la fiscalité locale : de 1991 à 1997, le
produit voté des quatre taxes a dépassé l'évolution du PIB.
La situation est désormais en voie d'amélioration. L'épargne disponible des
collectivités s'accroît et, surtout, accélère la relance des investissements
enregistrant ainsi une augmentation de 1,3 % en 1997 et de 4,5 % cette année,
selon les prévisions.
Trois raisons expliquent cette amélioration.
La première réside dans la mise à profit par les collectivités locales des
éléments conjoncturels favorables, tels que la baisse des taux d'intérêt, donc
des frais financiers, le dynamisme de la fiscalité grâce à la croissance, et
l'élargissement des marges de manoeuvres budgétaires qui en résultent.
La deuxième raison se justifie par la progression désormais plus modérée des
dépenses de gestion et des dépenses d'aide sociale.
Enfin, la troisième raison, c'est que le nouveau gouvernement, s'il a dû
poursuivre la mise en oeuvre du pacte de stabilité pour cette année 1998, n'a,
contrairement aux gouvernements précédents, réservé aucune mauvaise surprise à
nos budgets locaux.
Mais il est fondamental que cette amélioration se poursuive.
En effet, si les collectivités locales sont les premières bénéficiaires de la
reprise économique amorcée et conduite par le gouvernement de Lionel Jospin,
elles y contribuent également. De même, elles jouent un rôle utile dans la
réduction des déficits publics. Même si leur besoin de financement n'a jamais
dépassé 1 %, il est aujourd'hui positif.
Elles sont aussi des acteurs importants de la reprise de l'emploi, notamment
du fait de leur implication dans la mise en oeuvre des « emplois-jeunes ».
Par ailleurs, elles doivent et devront faire face à des charges
importantes.
Tout d'abord, la croissance des frais de personnel devrait s'intensifier
légèrement, du fait de la hausse des traitements des agents de la fonction
publique.
Ensuite, des participations financières importantes sont demandées aux
collectivités locales, dans des domaines qui n'ont pas fait ou ont fait
insuffisamment l'objet de transferts financiers : secteur sanitaire et social,
logement, équipement, éducation.
Enfin, se pose la question des dépenses à engager pour permettre le respect
des nouvelles normes environnementales. Je pense notamment à l'application de
la directive du 21 mai 1991 relative aux traitements des eaux urbaines
résiduaires, à l'application des plans départementaux de gestion des déchets
prévus par la loi du 13 juillet 1992 et à la mise aux normes des bâtiments
scolaires. Au total, selon une étude du Crédit local de France, c'est 200
milliards de francs par an qu'il nous faudrait investir pour respecter ces
normes.
Il est donc important que la loi de finances pour 1999, premier budget
réellement élaboré par le gouvernement actuel, permette de répondre aux besoins
des collectivités locales et encourage la poursuite de l'amélioration de leur
situation.
Cela nous semble le cas. En effet, ce projet se caractérise d'abord par
l'élaboration, à l'issue d'une longue concertation avec les représentants des
élus locaux - ce que je tiens à souligner - d'un nouveau cadre pluriannuel
nommé « contrat de croissance et de solidarité » pour la période 1999-2001. Il
permet une lisibilité des évolutions des dotations. Les collectivités locales,
pour s'engager durablement, notamment dans l'optique de programmes
d'investissements pluriannuels, doivent être assurées de leurs ressources.
J'ajouterai que cela permet de rétablir la confiance entre l'Etat et les
collectivités locales, confiance qui avait été atteinte par les promesses non
tenues et le pillage organisé de 1993 à 1997, que j'ai dénoncé. Toutefois, pour
restaurer totalement cette confiance, il est indispensable que la stabilité des
relations financières soit globale, c'est-à-dire qu'aucune charge obligatoire
nouvelle ne vienne, j'allais dire par surprise, ou plutôt sans réelle
concertation, « polluer » cette lisibilité. Mais j'ai confiance dans le
gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, pour qu'il
n'en soit pas ainsi.
Mais, surtout, l'indexation de l'enveloppe normée est largement améliorée. En
effet, l'indice des prix à la consommation, qui était l'ancienne indexation,
sera majoré d'une fraction du produit intérieur brut en volume de l'année
précédente : 20 % en 1999, 25 % en 2000, 33 % en 2001.
La demande que le groupe socialiste du Sénat, mais il n'était pas le seul,
faisait sur la nécessaire prise en compte de la croissance a donc été entendue.
Nous aurions souhaité un peu plus, monsieur le secrétaire d'Etat, mais l'effort
effectué représente tout de même pour cette année 1999 une amélioration par
rapport à l'ancien pacte de un milliard de francs. Ce n'est pas rien !
En outre, la prise en compte de la croissance sera de plus en plus importante
chaque année.
Je voudrais sur ce point exprimer mon désaccord avec la position prise par
notre commission des finances. Celle-ci va en effet nous proposer de relever
l'indexation à 33 % dès 1999 et à 50 % pour les annnées 2000 et 2001. Il est
certain qu'un élu local ne peut que souhaiter l'évolution la plus forte
possible des dotations que sa collectivité reçoit de la part de l'Etat et,
comme je l'ai dit, nous aurions souhaité plus.
Mais la commission, en tout cas sa majorité, aurait été plus crédible si elle
n'avait rejeté, il y a deux ans, cette même indexation que nous proposions déjà
alors. J'ajoute que le contexte de nos finances publiques ne permet peut-être
pas encore d'aller trop loin. Cette appréciation aurait dû être, me
semble-t-il, celle de la majorité de la commission des finances. En effet, elle
avait approuvé le pacte précédent, qui était beaucoup plus drastique. De plus,
elle juge ce projet de loi de finances trop dépensier et pas assez réducteur
des déficits.
Il y a là de fortes contradictions !
A l'intérieur de ce pacte, la principale dotation, la dotation globale de
fonctionnement, la DGF, augmentera de 2,78 %, soit beaucoup plus que les
évolutions des dernières années. La dotation de solidarité urbaine, la DSU,
recevra 500 millions de francs en plus des évolutions prévues, ce qui
l'augmentera de 45 %. La dotation globale d'équipement, la DGE, qui avait
baissé de 1993 à 1997, connaîtra une croissance de 3,8 %. Enfin, les pertes de
dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, sont compensées
pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et les
bourg-centres éligibles à la première fraction de la dotation de solidarité
rurale, la DSR.
Les évolutions paraissent donc positives pour l'année prochaine.
Mais ce projet de loi de finances pour 1999 lance également un grand chantier,
celui de la fiscalité locale.
Enfin, nous allons avoir le dernier volet de la décentralisation, la profonde
rénovation des finances locales.
Les impôts locaux, tout le monde l'a souligné, sont à la fois injustes et
archaïques. Une profonde inégalité subsiste entre les ressources fiscales de
nos collectivités, les prélèvements ne sont pas répartis équitablement entre
les contribuables, que ce soit les ménages ou les entreprises, les assiettes
sont inadaptées et, dans le cas de la taxe professionnelle, elles pénalisent
l'emploi et l'investissement.
Les lignes directrices de cette indispensable réforme découlent de ce constat.
Les impôts locaux doivent être plus justes, plus simples, plus clairs, ils
doivent permettre une réelle solidarité et contribuer à un développement
solidaire des territoires.
Dans ce cadre, la réforme de la taxe professionnelle apparaissait comme
prioritaire, puisque cette taxe est, de loin, la principale responsable des
écarts de ressources entre collectivités locales et puisque ses fondements
actuels sont unanimement considérés comme compliqués, injustes et inadaptés.
Pourtant, aucun gouvernement jusqu'à présent n'avait osé s'attaquer à une
réforme globale. Si la remise à plat de la taxe professionnelle faisait
clairement partie des objectifs de la loi sur l'aménagement du territoire de
1995, rien n'était venu. Si M. Juppé avait souligné, le 23 mai 1995, dans sa
déclaration de politique générale, la nécessité d'une réforme de la taxe
professionnelle, si M. Lamassourre avait encore déclaré, en février 1996, à
Europe 1, que le Gouvernement proposerait « cette année même une réforme de la
taxe professionnelle, en regardant comment on peut changer l'assiette », rien
n'était venu non plus. Et je ne rappellerai pas ici les diverses déclarations
émanant tant de M. Pasqua, de M. Sarkozy que de M. Arthuis dénonçant l'assiette
de la taxe professionnelle, notamment dans sa partie salaire.
Le gouvernement Jospin vient de décider de réformer cette taxe en profondeur.
Le choix opéré par le Gouvernement est le bon, c'était d'ailleurs celui de
notre groupe, il prévoit la suppression de la base salaire et, même si cela
devrait figurer dans un autre texte, un encouragement à la perception de la
taxe dans le cadre intercommunal.
La suppression de la base salaire en cinq ans apportera une réduction de
charges substantielle pour les entreprises, essentiellement pour les PME et les
secteurs à forte main-d'oeuvre. L'objectif est donc clairement l'emploi. Et le
Gouvernement prévoit que l'impact de cette mesure sera un allégement du coût du
travail de 4 % à 5 %, 25 000 créations d'emplois l'an prochain et 100 000 à
terme.
Cette réforme entaînant des pertes importantes de recettes fiscales pour les
collectivités locales, le Gouvernement a prévu une compensation. Pour chaque
collectivité, cette compensation sera égale au produit des taux de taxe
professionnelle pour 1998 par les pertes de bases résultant de la réforme. Elle
sera indexée sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement à partir
de l'an 2000. Puis, au terme de la période, en 2004, les dotations seront
totalement intégrées dans la DGF.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comprenons les justifications de ce
dispositif de compensation. Il apparaît équitable. En effet, une comparaison
entre les évolutions de la base salaire depuis 1992 et de l'indexation le
montre. Il apparaît également de nature à renforcer la péréquation des
ressources de taxe professionnelle, qui est l'un des objectifs de notre
groupe.
Néanmoins, il est indispensable que les modalités de compensation soient
indiscutables et de nature à compenser totalement les pertes de recettes
induites par cette réforme pour les collectivités locales.
Or il existe des interrogations provenant, d'abord, du fait des transferts de
ressources
a priori
locales vers l'Etat - je pense à la hausse au profit
de l'Etat des cotisations de péréquation et de cotisation minimale de taxe
professionnelle - ensuite, du fait de l'indexation sur la DGF, qui pourrait
être moindre que l'évolution de la masse salariale si celle-ci évolue
positivement, comme nous l'espérons. Ainsi pour 1999, la progression pourrait
être de 2,5 %, alors que la masse salariale croîtrait de 4,2 %.
D'autres interrogations subsistent également du fait, d'abord, des
interactions avec la loi sur l'intercommunalité, ensuite, d'une base de
remboursement qui pourrait être de plus en plus fictive - le précédent de la
compensation de la suppression de 16 % des bases en 1987 a montré les
injustices qui en découlaient enfin, de l'intégration en 2004 de la
compensation dans la DGF.
C'est pourquoi il nous semble indispensable qu'un rapport sur l'application de
la réforme, sur l'emploi, sur les entreprises, sur les collectivités locales,
sur l'Etat soit réalisé pour nous éclairer. Cela sera fait pour l'année
prochaine. Mais peut-être faudrait-il également reculer à l'année prochaine les
choix définitifs des modalités de la compensation, faute de quoi l'intérêt de
ce rapport serait moindre.
L'autre chantier de la réforme des finances locales concerne la taxe
d'habitation. Là encore, l'assiette doit être modifiée : les valeurs locatives
sont obsolètes, la taxe d'habitation ne reflète aucunement les capacités
contributives des habitants et est dégressive par rapport au revenu, en dépit
des aménagements effectués depuis 1981 pour une meilleure prise en compte des
capacités contributives du redevable dans le calcul de la taxe d'habitation.
Le Gouvernement semble avoir fait le choix de l'application de la réforme des
valeurs locatives. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous soutiendrons dans
la réalisation de cette réforme.
Les difficultés sont nombreuses, nous le savons, et s'il faut des
aménagements, des étalements, des plafonnements, faisons-les ! Mais la réforme
doit être appliquée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de terminer mon propos, je voudrais
évoquer quelques points qui, sans relever de la loi de finances, pénalisent les
collectivités locales. Certains de ces points dépendent d'ailleurs de votre
ministère, d'autre pas, mais tous ont une incidence sur les finances de nos
communes.
C'est ainsi que la M 14 continue à nous poser des problèmes. En effet, on nous
avait promis clarté et transparence dans nos budgets ; or il n'en est rien. La
nomenclature change sans cesse, les comparaisons d'une année sur l'autre sont
impossibles, et bon nombre de maires ne peuvent que s'en référer aux
techniciens comptables.
M. Yves Fréville.
C'est exact !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est vrai !
M. Michel Sergent.
Certes, les receveurs-percepteurs peuvent nous conseiller mais, outre
l'indispensable séparation entre le comptable et l'ordonnateur, force est de
constater, et ce sera ma deuxième remarque, que les recettes-perceptions sont
de plus en plus pauvres en personnel. Les départs en retraite ne sont plus
totalement compensés. Les maires ne trouvent donc plus toujours l'indispensable
collaboration qu'ils souhaiteraient.
Autre point qu'il me paraît indispensable d'évoquer : le fonctionnement et le
coût des services départementaux d'incendie et de secours. Partout, nous sommes
confrontés, avec l'application de la mauvaise loi du 3 mai 1996, à une
augmentation des coûts. La sécurité est une compétence partagée entre les
collectivités et l'Etat. Or, l'Etat n'assure aucune charge financière. Est-ce
bien normal ?
D'une façon générale, je le répète, chaque fois qu'une charge financière est
générée par une décision de l'Etat ou par une nouvelle réglementation, il est
normal qu'elle soit compensée. Pouvez-vous nous confirmer la volonté du
Gouvernement d'aller dans ce sens, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Dans le même ordre d'idée, je pourrais évoquer les dépenses d'aide sociale,
les nouvelles conditions d'embauche des CES - contrats emploi-solidarité - et
des CEC - contrats emplois consolidés - les obligations liées à l'environnement
dont j'ai parlé tout à l'heure.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques remarques que je souhaitais
faire.
En conclusion, après ce tour d'horizon des implications pour les collectivités
locales de cette loi de finances et un peu au-delà, je voulais, monsieur le
secrétaire d'Etat, vous dire que le cap a été redressé par votre Gouvernement.
Il va maintenant dans le bon sens, et, de cette approche plus positive, les
collectivités locales sortiront plus prospères pour le bien de leurs
administrés et de notre pays tout entier.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
vais vous présenter succinctement les principales conclusions des travaux de
projection et de simulation macroéconomique réalisés, comme chaque année, par
la délégation du Sénat pour la planification et qui font l'objet du rapport
d'information mis en distribution tout récemment.
Il me semble, en effet, que ces travaux présentent un double intérêt dans le
cadre de cette discussion budgétaire : d'une part, de replacer l'analyse du
projet de loi de finances dans une perspective pluriannuelle ; d'autre part,
d'analyser la cohérence de l'évolution des finances publiques, décrite par ce
projet de budget, avec les évolutions macroéconomiques.
J'évoquerai ainsi, à la lumière des travaux de modélisation réalisés notamment
par l'observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, et dans une
moindre mesure par l'INSEE, trois questions : l'environnement international de
l'économie française ; les perspectives à moyen terme pour l'économie française
; enfin, la persistance du chômage et la question des cotisations sociales.
Sur l'environnement international, je me contenterai de deux observations
principales.
La première ne vous surprendra pas, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque
c'est une préoccupation qui est évoquée souvent par votre collègue du
Gouvernement : l'évolution du dollar est l'incertitude majeure pour la
croissance en Europe, une dépréciation de 5 % du dollar ayant un effet
restrictif sur l'activité en Europe de l'ordre de 0,5 point de croissance. Une
nouvelle baisse du dollar de 5 % au cours des prochains mois pourrait donc
avoir un effet négatif sur la croissance de l'Europe, équivalent à celui de la
crise des pays émergents - Asie du Sud-Est, Russie, Amérique latine - et du
Japon réunis.
C'est dire l'importance que va recouvrer la politique de change menée en
Europe durant les années à venir et l'incertitude que fait peser sur l'économie
mondiale le poids de l'endettement extérieur des Etats-Unis, puisque c'est lui
qui est à l'origine de la volatilité du dollar et, finalement pour l'essentiel,
de la plupart des crises financières que nous connaissons.
Ma deuxième observation portera sur les prévisions à court terme pour
l'économie européenne présentées dans ce rapport. Selon les travaux réalisés
par l'OFCE pour le Sénat, la croissance de l'Europe serait de 2,7 % en 1998 et
de 2,5 % en 1999. En première analyse, ce scénario peut paraître très
raisonnable : en effet, passer de 2,7 % à 2,5 % semble cohérent, d'une part,
avec la crise mondiale, qui affecte l'activité en Europe, d'autre part, avec la
bonne résistance de l'Europe en raison du dynamisme de la consommation.
Néanmoins, il faut savoir que, pour atteindre 2,5 % de croissance en 1999,
l'Europe devra connaître une forte accélération de l'activité dans le courant
de l'année 1999. En effet, depuis le début de 1998, l'Europe est en
ralentissement : le PIB croît sur un rythme annualisé de 2 % environ. Pour
parvenir à 2,5 % de croissance en 1999, il faudrait donc une vive reprise à
partir du second semestre sur un rythme annualisé de 3 %.
En deuxième analyse, on voit bien que l'OFCE, rejoignant d'ailleurs le
consensus partagé par tous les économistes, qu'ils soient français ou qu'ils
appartiennent à des organisations internationales, nous présente une prévision
pour l'Europe qui est plus optimiste que raisonnable. Cela ne veut pas dire,
dans notre esprit, qu'elle ne se réalisera pas. C'est néanmoins une
considération que l'on ne doit pas oublier au moment où nous nous posons
quelques questions sur l'orientation de votre politique budgétaire ; j'y
reviendrai dans un instant.
J'en viens aux perspectives à moyen terme pour l'économie française, telles
qu'elles résultent des travaux réalisés pour le Sénat.
Je me contenterai de formuler trois remarques.
Premièrement, les perspectives de croissance semblent relativement favorables
: après avoir connu une croissance de 3 % en 1998 et de 2,7 % en 1999,
l'économie française croîtrait en moyenne de 2,5 % par an de 2000 à 2003. Je
rappelle qu'entre 1990 et 1997 la croissance n'a été que de 1,2 % par an en
moyenne. Cet optimisme sur la croissance de moyen terme est partagé par la
plupart des économistes. Il s'explique essentiellement par l'évolution très
favorable à court terme de l'emploi et du chômage, évolution engagée depuis la
mi-1997, qui se traduit par l'accroissement du revenu des ménages,
l'amélioration de leur moral et des comportements de consommation qui tranchent
avec la prudence que l'on avait pu constater au cours des années
précédentes.
Néanmoins - et ce sera ma seconde observation - malgré cette évolution
favorable de l'emploi, le chômage resterait, en 2003, à un niveau élevé,
c'est-à-dire autour de 11 %.
Dans d'autres projections, comme celle de l'INSEE, le taux de chômage
baisserait aux alentours de 10 %.
Même si ces travaux n'ont pas cherché à simuler l'impact de la réduction du
temps de travail, on voit bien qu'au terme d'une période de croissance soutenue
du PIB et de l'emploi, en « phase haute » du cycle, comme disent les
économistes, le taux de chômage se situerait encore autour de 10 % en 2003.
Cela pose le problème du taux de chômage structurel dans notre pays,
c'est-à-dire du chômage imputable aux modes de fonctionnement profond du marché
du travail, qui est beaucoup plus élevé qu'au début des années soixante-dix ou
que chez la plupart de nos partenaires. C'est pourquoi je reviendrai tout à
l'heure sur la question des charges sociales et du financement de la sécurité
sociale, qui est certainement un facteur essentiel de cet accroissement du
chômage structurel.
Ma troisième observation concerne les finances publiques.
Si je pouvais résumer de manière triviale les tendances d'évolution des
finances publiques, je dirais que la croissance arrange tout, tant dans le
scénario à court terme que vous nous proposez au travers de ce projet de budget
que dans le scénario de moyen terme élaboré par les experts de l'Observatoire
français des conjonctures économiques l'OFCE.
En effet, en se fondant sur les hypothèses de dépenses publiques contenues
dans le projet de loi de finances pour 1999 et en les prolongeant sur le moyen
terme, c'est-à-dire en simulant un relâchement notable des contraintes sur le
budget de l'Etat et sur les dépenses de santé par rapport aux trois dernières
années, le déficit budgétaire serait réduit de 3 % en 1997 à 1,2 % en 2003. Il
en résulterait une diminution de la dette publique exprimée en pourcentage du
PIB, à partir de 2000.
Néanmoins, ce résultat ne peut être considéré comme tout à fait rassurant pour
deux raisons.
Tout d'abord, comme l'a expliqué M. le rapporteur général, ce résultat est
plus le fait du retour de la croissance que de la rigueur budgétaire ; si la
croissance n'était pas au rendez-vous, le résultat serait évidemment beaucoup
moins favorable. C'est pourquoi je crois qu'une bonne politique budgétaire,
dans une phase de reprise espérée de la croissance, aurait consisté à fixer un
objectif de maîtrise des dépenses et de réduction des déficits publics plus
ambitieux, quitte à s'écarter légèrement de cet objectif si la conjoncture se
révélait ensuite différente. C'est en tout cas ainsi que doit se concevoir une
politique budgétaire active.
Par ailleurs, j'ai indiqué que le déficit public serait de 1,2 % en 2003,
c'est-à-dire au terme d'une période de croissance soutenue. Il faut rappeler
qu'à la fin des années quatre-vingt, c'est-à-dire, là encore, en phase haute du
cycle, le déficit était également de 1,2 % et que cette situation n'a pas
permis de faire face à la récession de 1993 dans les meilleures conditions.
C'est pourquoi il me semble que la contrainte budgétaire n'est pas derrière
nous, comme on a tendance à l'entendre, maintenant que nous avons passé la «
barrière » des critères de Maastricht, mais qu'elle est au contraire encore
devant nous.
Il ne s'agit pas de « faire de la rigueur pour la rigueur » ; il s'agit de se
rappeler tout simplement que, si l'on veut que la politique budgétaire puisse
avoir un effet contracyclique dans une période de ralentissement, il faut
également qu'elle s'assigne cet objectif dans une période d'accélération de la
croissance.
J'en viens maintenant à la question du financement de la sécurité sociale et à
un inventaire des différentes questions qui se posent lorsqu'on simule, à
l'aide de modèles macroéconomiques, les effets d'une réforme de l'assiette ou
d'un allégement des cotisations sociales.
Comme je l'indiquais un instant auparavant, ces questions sont liées à la
persistance du chômage. Nous savons que c'est un sujet qui fait l'objet
d'importants débats, y compris au sein même de votre Gouvernement et qui a
également donné lieu à un rapport demandé par M. le Premier ministre à M.
Edmond Malinvaud, ancien directeur de l'INSEE et économiste, dont la compétence
est peu discutée.
Il résulte de ce rapport et de l'ensemble des études scientifiques une
conclusion claire : les baisses de prélèvements les plus favorables à l'emploi
sont celles qui sont lisibles, pérennes et ciblées sur les bas salaires.
Je regrette donc que les marges de manoeuvre budgétaires pour 1999 soient pour
partie utilisées par une mesure : l'allégement de la part des salaires dans la
taxe professionnelle, qui ne remplit guère ces conditions.
A mon sens, il aurait mieux valu amplifier les dispositifs d'allégement des
charges sociales tels qu'ils ont été mis en place depuis 1993, tout en les
adaptant pour les rendre plus rationnels.
Les analyses économiques suggèrent également qu'il n'existe pas de structure
miracle pour le financement de la protection sociale et que les effets à
attendre sur l'emploi d'une modification de l'assiette des cotisations sociales
sont modestes au regard de l'ampleur du chômage. Je fait notamment référence au
projet d'extension de l'assiette des cotisations sociales à la valeur ajoutée
des entreprises.
Ce constat ne doit pas conduire à renoncer à des réformes de fond, qu'il est
par ailleurs indispensable d'articuler avec les allégements du coût du travail
prévus dans le cadre de la loi sur les 35 heures.
Ce constat signifie toutefois que l'on ne peut faire l'économie ni d'une
réflexion sur l'efficience du système de protection sociale, ni d'une démarche
de rationalisation des dépenses. A mon sens, elles n'ont toujours pas été
engagées, et ce n'est pas l'analyse du projet de budget que nous avons menée au
sein de la commission des finances qui pourrait me conduire à nuancer ce
jugement.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je vais bien évidemment
répondre aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale.
Au préalable, je dirai à M. Girod, qui s'inquiétait de l'emploi du temps de M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que celui-ci est
actuellement à l'Assemblée nationale où a lieu la discussion d'une proposition
de loi visant à mettre un terme à ce qu'on appelle la rétroactivité des lois
fiscales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Un bon objectif !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est la raison pour laquelle M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie - il le regrette, mais c'est un cas
de force majeure - n'est pas parmi nous ce matin.
Je répondrai aux différentes interventions en suivant l'ordre dans lequel
elles ont lieu en commençant par m'adresser à M. de Villepin, qui, avec la
connaissance extrêmement fine et l'expérience considérable qu'on lui connaît de
l'économie mondiale, a posé un certain nombre de questions fort intéressantes.
J'en retiendrai deux portant, d'une part, sur la conjoncture internationale,
notamment la conjoncture asiatique, d'autre part, sur les contraintes que la
construction européenne pourrait faire peser sur notre fiscalité.
A propos de la conjoncture internationale, je vais d'abord, monsieur de
Villepin, corriger une légère inexactitude qui figurait dans vos propos. En
effet, monsieur le sénateur, les hypothèses que le Gouvernement a retenues pour
l'environnement international ne sont pas celles du printemps dernier, que l'on
pourrait considérer comme dépassées en raison de toutes les turbulences que le
monde a traversées dans le domaine financier durant l'été et l'automne et dont
Mme Beaudeau a fort bien parlé. Les hypothèses retenues ont été établies au
mois d'août, à partir des informations récentes.
Selon ces informations, au moins certains des pays émergents d'Asie - je pense
notamment à la Corée - qui sont passés par des moments extrêmement difficiles,
avec une chute de leur production très marquée, entrevoient maintenant la
perspective d'un redémarrage de la croissance dans le courant de l'année
1999.
Bien entendu, je ne prétends pas pour autant que ces pays sont complètement
tirés d'affaire, ne serait-ce qu'eu égard à l'ampleur des crises sociales,
voire des crises politiques qui les agitent aujourd'hui. Il demeure que, par
rapport au typhon qui a dévasté leurs économies entre l'été 1997 et le
printemps 1998, ces pays ont passé le pire, au moins pour le plus grand nombre
d'entre eux.
Reste l'inconnue japonaise.
Je sais, monsieur de Villepin, que vous avez conduit, et encore récemment,
différentes missions au Japon ; je me suis moi-même rendu dans ce pays au mois
de septembre. Lors de ces voyages, nous avions, je crois pouvoir le dire, l'un
et l'autre, une double préoccupation : d'une part, le Japon vivait une crise
bancaire aiguë, et il semblait aux observateurs étrangers que la solution
tardait vraiment à venir ; d'autre part, le Japon subissait une baisse de sa
production qui ressemblait, il faut bien le dire, à une dépression.
Que s'est-il passé depuis ?
Le sentiment que je peux exprimer, au nom du Gouvernement, c'est que,
in
extremis,
le Japon a mis en place un dispositif de sauvetage de son système
bancaire, qui rend beaucoup moins probables, voire improbables les turbulences
internationales qu'aurait pu entraîner une crise bancaire majeure au Japon.
Pour ce qui est des aléas de la production japonaise, je me permettrai de
faire un parallèle, que certains trouveront peut-être étrange, entre le Japon
et la France. Il se trouve que la chute de la production au Japon est venue,
pour partie, de la mise en place, au début de l'année fiscale 1997 -
c'est-à-dire au 1er avril 1997 - d'un plan de redressement de la fiscalité qui
était décalqué trait pour trait sur le plan Juppé : deux points supplémentaires
de TVA, des hausses massives d'impôts sur les ménages. Les mêmes causes
produisant les mêmes effets, même aux antipodes, ces mesures ont cassé la
croissance du Japon, qui était auparavant de l'ordre de 3,6 %, parce que le
pouvoir d'achat...
M. Michel Sergent.
On l'a échappé belle !
M. Philippe Marini.
rapporteur général.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le
secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de M. le
secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous faites un parallèle extrêmement intéressant, et
même captivant, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il ne serait sans doute pas
inutile de rappeler à nos collègues ce que l'on peut appeler l'« endogamie »
entre structures administratives et structures économiques qui existe au Japon
et qui y a atteint un véritable sommet. Ce phénomène explique peut-être que le
Japon rencontre de grandes difficultés pour opérer les réformes de structures
dont il aurait grand besoin, notamment pour moderniser son système
financier.
On peut évidemment aller puiser dans l'exemple japonais toutes les
illustrations que l'on souhaite, mais il n'est guère envisageable de passer
sous silence ce qu'il peut y avoir d'excessif dans l'organisation du système
d'Etat au Japon. Au demeurant, ne peut-on repérer, sur ce plan aussi, quelques
ressemblances ?
(Sourires.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, nous n'allons pas
ouvrir un débat sur ce point. Il ne s'agissait pour moi que d'une incidente.
Mais je note que vous suivez l'exemple de M. Peyrefitte, qui a dressé devant
nous un théâtre d'ombres chinoises particulièrement captivant.
(Nouveaux sourires.)
Je reprends maintenant le fil de ma réponse à M. de Villepin.
Nous nous sommes demandé quelle était la nature de cette crise financière qui
a frappé le monde entre l'été 1997 et l'automne 1998. C'est une crise sérieuse,
et Mmes Beaudeau et Luc ont rappelé les propos de M. le Premier ministre sur ce
sujet. Il semble toutefois que, grâce à une intervention internationale
coordonnée, grâce à de meilleures échanges d'information, nous soyons plus près
d'une crise du type de celle de 1987 que d'une crise profonde du type de celle
de 1929.
Par conséquent, à condition que la vigilance internationale que cette crise a
déclenchée débouche sur des résultats concrets - la France a fait en la
matière, et d'une même voix, des propositions importantes -, nous pouvons
penser qu'en 1999 l'Asie connaîtra une situation économique meilleure qu'en
1998 et que l'Europe - j'y reviendrai tout à l'heure conservera une croissance
soutenue. C'est d'ailleurs ce que M. Bourdin nous a expliqué dans son
exposé.
Au regard de la conjoncture internationale, le pire n'est donc pas sûr.
Dans ce contexte, le taux de croissance prévisionnel que nous avons retenu, à
savoir 2,7 %, apparaît comme un objectif raisonnable. Il se situe entre celui
que l'Union européenne prévoit pour notre pays, soit 2,6 %, et celui
qu'envisage le Fond monétaire international, un organisme qui n'est pas réputé
pour son optimisme, soit 2,8 %.
S'agissant des prélèvements obligatoires, monsieur de Villepin, vous avez
développé une argumentation fort intéressante, selon laquelle l'unification du
marché des produits, qui a elle-même déjà provoqué une certaine homogénéisation
en matière de TVA, l'unification du marché des capitaux et la libre circulation
de la main-d'oeuvre devraient donner lieu, à terme, à une convergence des
fiscalités.
Il convient, d'abord, de ne pas perdre de vue que les comparaisons dans le
domaine de la fiscalité sont délicates.
Ensuite, il est un point sur lequel le Gouvernement - et il n'est pas le seul
- est très déterminé : l'harmonisation européenne de la fiscalité ne doit pas
se faire sur le pays le moins taxant. Il ne faut pas que l'Europe devienne une
sorte de grand paradis fiscal, compte tenu des besoins d'impôts pour assurer
les services publics, qui sont un élément majeur du modèle européen, du contrat
social qui différencie, comme l'a très bien dit M. Massion, le continent
européen du continent américain, sans parler des relations sociales en Asie.
Actuellement, dans le domaine de la fiscalité au sein de l'Europe - je
reviendrai plus tard sur la TVA - nous nous battons sur deux chantiers.
La France, parmi d'autres, souhaite que, d'ici à la fin du premier semestre de
1999, soit mis au point un code de bonne conduite en matière de fiscalité des
entreprises, de façon à éviter les surenchères de baisse d'impôts destinées à
attirer les sièges sociaux ou les unités de production. Dans cette perspective,
avant la fin de l'année, sera dressé un inventaire des mauvaises pratiques
étant entendu que tous les pays, ont quelque chose à se reprocher à cet égard.
C'est un travail qui est d'ores et déjà engagé et auquel je participe
personnellement.
Le second chantier concerne la fiscalité de l'épargne. Il est clair que,
l'épargne étant de plus en plus mobile, il ne faut pas qu'existe, au sein de
l'Europe, un contraste trop fort entre la taxation de l'épargne des résidents
dans un pays et la taxation de l'épargne des non-résidents dans un autre
pays.
C'est pourquoi la France s'est employée, avec ses partenaires européens, à
faire en sorte que soit opéré, sur l'épargne non résidente anonyme, un
prélèvement à la source. Celui-ci est actuellement de 20 %, et nous espérons
que, d'ici à la fin du premier semeste de 1999, une directive en la matière
sera publiée.
Cela n'empêche absolument pas les épargnants français de placer leur épargne à
l'étranger, y compris dans des pays qui pratiquent le secret bancaire, lequel
n'est pas en cause. Ils auront simplement le choix entre deux solutions.
S'ils souhaitent que leur épargne soit anonyme - les bons du Trésor au porteur
par exemple, subissent en France un prélèvement important, de l'ordre de 40 % à
50 % - les épargnants français pourront décider de placer leur argent à
l'étranger, notamment dans les pays où le secret bancaire existe, et ils
subiront une retenue à la source au bénéfice du pays d'accueil.
S'ils acceptent que leur épargne ne soit pas anonyme mais considèrent que la
rémunération qui leur est proposée à l'étranger est meilleure, la taxe sera
prélevée dans le pays d'origine d'une façon tout à fait transparente.
J'en viens à l'intervention de M. du Luart, qui a notamment évoqué la notion
de croissance espérée. Je crois que cette expression reflète une différence de
conception entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement.
Il existe en effet une conception quasiment météorologique de la croissance,
selon laquelle celle-ci est un phénomène importé de l'étranger : il fait beau
ou il pleut, cela dépend des anticyclones ou des dépressions venant du grand
large. C'est la conception de la croissance espérée ou de la croissance
imposée, conception passive de l'économie.
(M. le rapporteur général
manifeste son désaccord.)
Nous, nous avons une autre conception, celle de la croissance voulue. Cela ne
signifie évidemment pas, à nos yeux, que le taux de croissance puisse être
décrété par la politique économique. Cela veut dire qu'il existe des moyens de
renforcer les ferments de croissance présents dans notre pays.
Ainsi, il nous semble que nous pouvons et devons tirer parti du basculement
qui s'est opéré à partir de l'été 1997 et qui nous a fait passer d'un moteur
extérieur fluctuant et fort incertain - M. de Villepin y a insisté - à une
croissance tirée par la demande intérieure : demande de biens de consommation
et surtout de logements de la part des ménages, demande de biens d'équipement
de la part des entreprises, notamment des PME.
Deux philosophies sont, je crois, en présence : celle qui fonde la croissance
sur la demande intérieure et celle qui en voit plutôt la source dans des pays
lointains, comme les pays émergents d'Asie ou d'Amérique latine, la Russie,
etc., c'est-à-dire des pays qui se trouvent traverser une crise.
Pour M. de Luart, nous risquons de devoir acquitter une facture européenne de
plus en plus importante. Il est vrai que, de la façon dont le budget est
présenté, la contribution européenne est, en quelque sorte, située en creux, de
même que les prélèvements au profit des collectivités locales, j'y
reviendrai.
Sachez que le Gouvernement s'est engagé totalement dans la négociation sur
les finances européennes de 2000 à 2006, dite négociation de l'Agenda 2000. En
la matière, il entend, premièrement, que le budget européen croisse de façon
aussi rigoureuse que le budget français ; deuxièmement, que nos intérêts vitaux
dans le domaine de la politique agricole commune soient respectés au regard,
notamment, de tout ce qui concerne l'exploitation familiale. Je rappelle
qu'elle fait aussi partie de notre culture et du modèle social français, d'où
l'attention particulière portée à la production laitière et à la production de
viande bovine.
Enfin, troisièmement, le Gouvernement tient à ce que les fonds structurels
viennent apporter un coup de pouce financier important aux territoires de notre
pays qui en ont le plus besoin.
Cette négociation sera difficile en raison de la forte pression des besoins et
de la disparité des points de vue entre certains Etats. Cependant, sachez-le,
nous entendons avoir, à l'échelon européen, la même approche en termes de
budget rigoureux et de priorités clairement affirmées, bref nous avons la
volonté, à l'échelon tant européen que français, de dépenser mieux plutôt que
dépenser plus.
M. du Luart comme M. Peyrrefitte estiment que les cadres français vont fuir en
masse notre pays. J'ai lu récemment dans un hebdomadaire britannique qu'il
était trop tard pour venir en Grande-Bretagne, que l'expansion britannique
était en train de ralentir, alors que l'expansion en Europe continentale était,
au contraire, en voie de consolidation.
Je suis prêt à en faire le pari, un certain nombre de ces jeunes qui ont
acquis une expérience internationale précieuse vont désormais trouver sur le
marché français de quoi faire la preuve de leurs capacités. A cet égard, les
entreprises, je le rappelle, ont créé 300 000 emplois en un an !
M. Fourcade est intervenu particulièrement sur les relations entre l'Etat et
les collectivités locales, notamment sur la sortie du pacte de stabilité et la
réforme de la taxe professionnelle.
Même si M. Fourcade, qui a employé des termes modérés, n'a pas parlé
d'injustice fondamentale dans les relations entre l'Etat et les collectivités
locales - M. Sergent a eu, sur ce point, des propos tout à fait excellents - je
voudrais communiquer à la Haute Assemblée les résultats d'un premier sondage,
véritable baromètre financier des communes. Rassurez-vous, il a été établi non
par l'Etat, mais par l'Association des maires de France et les caisses
d'épargne.
Il ressort de cette enquête que, si l'on demande aux communes d'apprécier leur
situation financière, 80 % d'entre elles considèrent qu'elle est soit
excellente ou bonne, soit acceptable. De même, si on les interroge sur
l'évolution de leur situation financière au cours des trois dernières années,
71 % des communes de France déclarent dans ce sondage, qui est donc « SGDG »,
c'est-à-dire sans garantie du Gouvernement,
(sourires)
que leur
situation s'est améliorée ou qu'elle a été stable. Enfin, s'agissant de leur
capacité d'investissement en 1998, 65 % des communes de France déclarent
qu'elles a été soit tout à fait satisfaisante soit assez satisfaisante.
Quels enseignements tirer de ce sondage ?
M. Jean Chérioux.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, avec l'autorisation de M. le secrétaire
d'Etat.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous citez une statistique, fort intéressante
au demeurant, qui, semble-t-il, a été publiée par l'Association des maires de
France. Or il s'agit, si j'ai bien compris, de pourcentages en nombre de
communes.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Jean Chérioux.
Par conséquent, sur le plan économique, je me demande si cette enquête a une
très grande valeur car, si les 80 % de communes qui se déclarent satisfaites
comprennent toutes les petites communes de France, cela ne veut pas dire pour
autant que, dans les grandes villes et dans un certain nombre de communes dont
les charges financières et économiques sont très lourdes, la situation soit
aussi brillante que l'on pourrait le croire.
(M. Michel Sergent
proteste.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Remarque très judicieuse !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Chérioux, il me semble que la Haute Assemblée
n'est pas indifférente à la situation financière des communes rurales.
(Sourires.)
Notre pays compte, certes, des grandes villes, mais il ne
faut pas oublier de très nombreuses communes rurales.
Je vous conseillerais volontiers de vous adresser à l'Association des maires
de France pour plus d'éclaircissements, monsieur Chérioux, mais je crois savoir
que cette enquête a été faite sérieusement, avec les pondérations nécessaires.
Certes, peut-être telle ou telle grande ville de notre pays s'estime dans une
situation délicate...
M. Jean Chérioux.
Demandez à M. Sueur, président de l'Association des maires de grandes villes
!
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je ne vois pas à quelles grandes villes vous pouvez
faire allusion, monsieur Chérioux, mais nous vérifierons.
Toutefois, d'ordinaire, ce sont plutôt les communes rurales qui sont censées
être en difficulté financière. En citant cette étude, je n'avais d'autre
ambition que de montrer que la situation financière des communes de France
n'est pas mauvaise. Et je m'en réjouis, car cela signifie qu'elles ont des
projets d'investissement. D'ailleurs, certains d'entre vous ont souligné
l'importance des investissements civils des collectivités locales.
Ces investissements ont, je crois, connu une hausse de 3,8 % en 1998, et les
communes vont certainement continuer à investir de la même façon en 1999.
Ces chiffres montrent que, dans le combat pour la croissance, pour l'emploi et
contre le chômage, les collectivités locales, loin d'être opposées à l'Etat,
vont exactement dans le même sens.
Je ne résiste pas à la tentation de rappeler à M. Fourcade et à la Haute
Assemblée, comme l'a fait excellemment M. Sergent, que, s'agissant du pacte de
stabilité, on est passé d'un pacte unilatéral à un contrat concerté et d'une
indexation sur la seule inflation - elle a pesé sur les collectivités locales
de façon significative - à une indexation partielle sur la croissance. Le
Gouvernement proposait 15 % ; la majorité plurielle à l'Assemblée nationale a
retenu, elle, 20 %, et cela n'inclut pas l'effort particulier fait en matière
de dotation de solidarité urbaine.
La majorité précédente a démoli - il n'y a pas d'autre expression - la
dotation de compensation de la taxe professionnelle. Cette pauvre DCTP, comme
disent les spécialistes, a été inventée une mauvaise année, en 1987, et
massacrée en 1995, dans ce fameux pacte de stabilité.
Nous avons fait un effort et l'Assemblée nationale l'a encore accru en
première lecture pour épargner cette réduction, consubstantielle à la réforme
de 1995, de la dotation de compensation de la taxe professionnelle aux communes
éligibles à la dotation de solidarité urbaine, d'une part, et aux communes
bourgs-centres, d'autre part. Cela prouve que le Gouvernement s'intéresse à la
fois aux villes en difficulté et aux territoires ruraux dans lesquels certaines
villes assument des charges de centralité trop importante.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il y a encore quelques progrès à faire !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Certes, mais je suis très heureux, monsieur le
rapporteur général, que vous encouragiez le Gouvernement à poursuivre dans la
direction positive que je viens de rappeler.
M. Michel Sergent.
On vient de loin !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Fourcade, président du Comité des finances locales,
s'est penché sur la question de la taxe professionnelle.
S'agissant de l'effet de cette réforme, je tiens à préciser qu'il s'agit
d'aider l'emploi, tous les emplois, et je voudrais corriger une idée répandue
dans l'opinion publique, mais pas dans cette assemblée, qui est sage et
éclairée, idée selon laquelle les industries modernes auraient besoin de
beaucoup d'équipements et de peu de main-d'oeuvre.
Certains d'entre vous aiment citer les Etats-Unis. Eh bien, on voit là-bas,
que les secteurs d'avenir, que ce soit les télécommunications, l'informatique
ou l'audiovisuel, ont relativement peu d'équipements, mais sont consommateurs
de main-d'oeuvre qualifiée.
La réforme de la taxe professionnelle que le Gouvernement entreprend sur cinq
ans va donner une impulsion nouvelle à ces industries modernes de main-d'oeuvre
qualifiée.
M. Fourcade estime que l'on n'y voit pas très clair entre le coût brut et le
coût net. En somme, nous reprendrions d'une main ce que nous donnons de
l'autre. L'analyse est erronée. La hausse de la taxe minimale de taxe
professionnelle portera principalement sur les activités financières, je le
précise pour Mme Beaudeau, qui s'est inquiétée de ce que les activités
financières ne faisaient pas l'objet d'une grande sollicitude de la part du
Gouvernement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est plutôt la commission des finances qui devrait
s'inquiéter !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Un certain nombre de ressources additionnelles sont
prévues, mais il y a un coût net, c'est-à-dire un transfert net vers les
entreprises, qui s'élèvera à 7 milliards de francs pour 1999 et à 20 milliards
de francs au bout de cinq ans.
Selon M. Fourcade, plutôt que d'alléger la part salariale de la taxe
professionnelle, il faudrait alléger la part sur le capital. Chacun ses options
politiques mais, pour l'heure, je m'en tiens à l'économie.
M. Fourcade nous suggère de déduire de l'assiette de la taxe professionnelle
les amortissements alors que, actuellement, et les experts que vous êtes le
savent, la taxe professionnelle est assise sur les investissements -
c'est-à-dire les bâtiments, les outillages - à leur coût d'achat, à leur coût
historique. L'idée n'est pas neuve, le Conseil national des impôts l'avait déjà
émise en proposant une taxe professionnelle nationale. Le Gouvernement comme,
je le crois, la Haute Assemblée n'y sont pas favorables, car elle serait d'une
mise en oeuvre très compliquée. Et mettez-vous un instant à la place des maires
bénéficiaires de la taxe professionnelle : ils n'auront plus aucune
prévisibilité de la taxe professionnelle sur laquelle ils pourront compter, car
celle-ci variera au gré des régimes d'amortissement. Cela n'est ni pratique, ni
vraiment opérationnel.
Je note, monsieur le rapporteur général, que M. Fourcade propose d'accroître
les transferts de l'Etat aux collectivités locales en retenant, dès l'année
1999, une croissance non pas de 20 %, comme le Gouvernement l'a fait, poussé
par sa majorité parlementaire, mais de 50 % ! Selon mes calculs, cela
correspond à 1 milliard de francs supplémentaire.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission des finances demande 33 milliards de
francs !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, dans votre oeuvre de
Procuste, vous avez amputé de façon forfaitaire toutes les dépenses tout en
épargnant, pour une raison que je n'ai pas bien comprise, les transferts de
l'Etat aux collectivités locales.
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Question de priorité ! Toute dépense n'est pas
mauvaise par nature.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous avez fait des coupes dans le budget de
l'éducation, et dans celui de la recherche mais, en ce qui concerne les
transferts de l'Etat aux collectivités locales, M. Fourcade a été partisan non
pas de dépenser moins mais de dépenser plus.
M. Michel Sergent.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est hors Maastricht ! C'est neutre !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, c'est un raisonnement
comptable !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous sommes tous là pour faire des comptes,
malheureusement !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Sergent a bien montré que le rythme de DGF
doublera. Je constate simplement que, selon vous, il n'y a jamais assez
s'agissant des transferts de l'Etat aux collectivités locales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut investir plus pour le bien-être de nos
concitoyens !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Or, j'ai bien souligné que les communes de France, en
moyenne et dans leur majorité, ne connaissent pas une situation aussi pitoyable
que certains l'affirment.
M. de Rohan a d'abord parlé de la SEITA à Morlaix. Je voudrais en dire un mot
car il s'agit d'une crise sociale importante. Il a évoqué une tradition qui
remonte à deux siècles s'agissant de la manufacture des tabacs implantée dans
cette ville. Or la rupture avec ces deux siècles de tradition a eu lieu en
1995, lorsqu'un certain gouvernement a privatisé cet établissement.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Si je comprends bien, l'Etat qui détient actuellement
5 % du capital devrait assumer 95 % des difficultés sociales. En effet, dès
qu'une difficulté se présente, ceux qui approuvent les privatisations, les
entreprises qui gagnent de l'argent, ce que je trouve tout à fait bien, se
tournent vers l'Etat pour lui demander de la résoudre.
Plusieurs sénateurs socialistes.
Eh oui !
M. Michel Sergent.
Les limites du libéralisme sont vite atteintes !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Donc, si je comprends bien, vous allez garantir
l'emploi à Morlaix !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
L'usine de Morlaix pose un problème d'aménagement du
territoire. L'Etat a la fibre sociale, peut-être plus que certains de ceux qui
développent l'idée d'un individualisme à tous crins, mais assurément il n'y en
a pas au sein de la Haute Assemblée. Conscient de ses responsabilités sociales,
soucieux d'aménagement du territoire, l'Etat, qui n'a pas de pouvoir en tant
qu'actionnaire puisqu'il ne détient que 5 % du capital, va voir comment il est
possible de trouver des solutions.
Ensuite, M. de Rohan a évoqué la croissance. Il s'est quelque peu inquiété de
voir la croissance française établie à un rythme plus rapide que celui de la
croissance européenne. Il s'est demandé si un taux de croissance de 2,7 % est
possible alors même que nos partenaires européens prévoient un taux inférieur.
M. Bourdin, lui-même, a parlé de 2,5 %. La croissance peut-elle véritablement
être plus importante en France que dans les autres pays ? Certains d'entre vous
s'en souviennent, entre 1958 et 1973, la France affichait 1 % de croissance de
plus que l'Allemagne.
Si la croissance de la France peut et doit être plus rapide que celle de nos
partenaires, c'est parce que nous avons une meilleure démographie, nous avons
donc un plus grand nombre de jeunes à employer. En outre, nous possédons une
capacité d'épargne et une capacité technologique largement équivalentes à
celles de nos voisins. Enfin, ainsi que cela a été souligné, par M. Fréville,
je crois, nous avons accumulé un retard de croissance entre 1991 et 1997. Il
est possible et souhaitable de rattraper ce retard. Telle est bien l'intention
du Gouvernement.
Donc, nous en revenons au thème de la volonté de croissance. Je dirai à M. de
Rohan qu'à une époque on parlait d'« ardente obligation » de l'Etat, on
considérait que l'Etat pouvait avoir, dans le jeu économique, non pas un rôle
asphyxiant, comme certains d'entres vous l'ont prétendu, mais un rôle incitant
à la croissance et à l'innovation.
M. de Rohan m'a interrogé sur le secteur public, sur l'aéronautique et sur
l'avenir des places financières. Je n'apporterai pas une réponse trop détaillée
à cet égard. Lorsque nous sommes arrivés en juin 1997, nous avons trouvé
beaucoup de dossiers non traités. C'était le cas aussi bien dans le domaine
bancaire traversé par les crises de plus en plus profondes du Crédit foncier,
du Crédit Lyonnais ou de la Société marseillaise de crédit que dans le domaine
aéronautique où prévalait l'immobilisme parfait.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Profitez bien de cet argument, il ne durera pas
longtemps !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
S'il est valable aujourd'hui et dans les années à
venir, j'y vois déjà un signe encourageant !
M. Michel Caldaguès.
Evoquer l'affaire du Crédit Lyonnais contre la droite, il faut vraiment le
faire ! C'est une trouvaille !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je reviendrai sur le Crédit Lyonnais lorsque je
répondrai à Mme Beaudeau.
Depuis l'été 1997, le Gouvernement aborde tous ces problèmes de structures
avec la volonté de respecter les engagements qui ont été pris à l'égard de
l'Europe. Nous entendons développer une logique industrielle, sociale et
patrimoniale, afin que les contribuables bénéficient le plus possible de
l'argent qu'ils ont investi dans ces entreprises.
Quant à l'éveil boursier, je me réjouis que la Bourse française mène une
action nouvelle et importante en vue de nouer des alliances européennes.
A en croire M. Adnot, le Gouvernement financerait des dépenses de
fonctionnement par l'emprunt, ce qui serait mauvais. Pour la première fois
depuis 1991, nous avons atteint l'équilibre primaire. Cela signifie qu'en 1999
l'Etat français n'empruntera pas pour payer les intérêts de sa dette, le
recours à l'emprunt dans ce domaine étant le signe d'une très mauvaise
gestion.
Quant au déficit de fonctionnement évoqué par M. Adnot, je me permettrai de
rappeler les chiffres. Il a fait état d'un écart de 70 milliards de francs
entre les dépenses de fonctionnement et les recettes fiscales au titre de
l'année 1999. Cet écart était de 99 milliards de francs en 1998, de 115
milliards de francs en 1997, et je vous fais grâce des chiffres concernant les
années précédentes.
Nous sommes engagés dans une politique résolue, mais équilibrée - ni trop
rapide, ni trop lente - de réduction des déficits.
On a beaucoup parlé des fruits de la croissance. Je rappellerai que, dans le
présent projet de budget, 30 milliards de francs de dépenses nouvelles sont
financés par des redéploiements, soit près de la moitié des fameux 70 milliards
ou 75 milliards de francs de fruits fiscaux de la croissance.
Mme Luc a posé une question précise sur le mouvement des lycéens. Je lui
confirme que, au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale, le
budget de l'éducation nationale a été augmenté de 431 millions de francs, somme
qui permettra de mettre 14 000 adultes de plus dans les lycées, de recruter 1
000 assistants de langue. Elle permettra aussi de faire en sorte que des
enseignants qui devaient partir au service national soient dans leur classe.
Conformément à la politique constante du Gouvernement, ces moyens sont bien sûr
particulièrement accentués en direction des zones d'éducation prioritaire.
Mme Luc a parlé de pas en avant dans la réforme fiscale. Je la remercie de ce
commentaire. Des pas en avant ont été faits durant l'élaboration du projet de
budget. Je soulignerai qu'il a fait l'objet, avant son élaboration, d'une
discussion avec les commissions des finances des deux chambres du Parlement.
D'autres pas en avant ont été faits lors de la première lecture. Je
rappellerai pour mémoire la TVA sur les terrains à bâtir, la diminution de la
TVA sur les abonnements à EDF et GDF. A cet égard, certains ont ironisé sur le
fait que cette diminution représente une économie de 130 francs par an. Certes,
mais comme l'a dit M. Massion, lorsque des réductions fiscales concernent
l'ensemble de la population, cela représente par personne une moindre somme que
quand elles sont concentrées sur un petit nombre de bénéficiaires, comme ce fut
le cas dans le passé. Enfin, je n'omettrai pas de citer la majoration de la
fiscalité concernant l'impôt de solidarité sur la fortune.
Nous avons le souci d'aller de l'avant dans le domaine fiscal, en particulier
en ce qui concerne la justice fiscale.
Mme Luc m'a interrogé à propos de la taxe professionnelle sur les actifs
financiers. Je ferai deux remarques.
Tout d'abord, la taxe professionnelle est un impôt qui porte sur les
établissements de production, et non sur les entreprises. Or les avoirs
financiers se situent au niveau des entreprises.
Ensuite, la taxe minimale qui sera relevée à 1 % puis à 1,5 % - et je crédite
la majorité précédente d'avoir inventé ce taux minimal pour la taxe
professionnelle -...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Un impôt à un taux faible et dont l'assiette est
large est toujours un bon impôt, qui incite les ministres à en abuser !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... portera principalement sur le secteur
financier.
Enfin, cela a été dit, le régime de l'avoir fiscal entre les entreprises tend,
précisément, à inciter les entreprises à investir plus dans l'investissement
productif, l'innovation et la création d'emplois que dans des placements
financiers.
M. Angels a fait un exposé vaste, lucide et volontaire sur les progrès qui ont
été réalisés depuis dix-sept mois grâce à un effort collectif du Gouvernement
et de sa majorité - et j'ajouterai : de l'ensemble du pays - pour améliorer
l'emploi et la justice fiscale.
Il a aussi, avec beaucoup de clarté, mesuré le chemin qui reste à parcourir
d'ici à la fin de la législature.
Je soulignerai que les 300 000 emplois qui ont été créés depuis un an par les
entreprises représentent deux fois plus - M. Angels a eu raison d'y insister -
que le nombre d'emplois créés par les entreprises durant la période glorieuse
des années soixante, trois fois plus que ce qui a été créé, en moyenne, au
cours des années soixante-dix et six fois plus que pendant les années
quatre-vingt.
Par conséquent, s'agissant de l'emploi - et il faut saluer les entreprises -
nous avons changé de régime de croissance, et c'est excellent.
M. Angels a également interrogé le Gouvernement sur la TVA et sur les baisses
ciblées qui ont été demandées à Bruxelles.
Comme chacun le sait, la liste des produits qui sont taxés au taux réduit de
TVA est une liste limitative dite « annexe H », que les spécialistes
connaissent bien. On ne peut faire passer du taux normal au taux réduit des
produits ou des services qui ne figurent pas sur cette fameuse liste.
Le Gouvernement a procédé en deux temps.
D'abord, à la suite du sommet sur l'emploi qui a eu lieu à Luxembourg en
décembre 1997, voilà un an, la France a rédigé un programme d'action nationale
pour l'emploi, dans lequel figure le souhait d'instaurer une baisse du taux de
TVA applicable aux services rendus à domicile. En effet, c'est un domaine où le
contenu en main-d'oeuvre, comme disent les spécialistes, est particulièrement
important. Il s'agissait en quelque sorte d'une demande générale, qui
s'inscrivait dans l'intention de la Commission européenne d'utiliser
éventuellement la TVA comme un levier parmi d'autres pour développer l'emploi
dans les activités de main-d'oeuvre.
Depuis, nous avons présenté deux demandes plus spécifiques. L'une porte sur
les réseaux de distribution chaleur. En effet, si l'on diminue le taux de la
TVA sur les abonnements à EDF et GDF, un problème se pose pour les réseaux de
distribution de chaleur. Cette question a été formulée à Bruxelles. L'autre
interrogation qui a été exprimée concerne la restauration. En effet, on
constate une discordance puisque le taux de TVA est de 20,60 % dans la
restauration traditionnelle alors qu'il est de 5,5 % pour la restauration
collective et les ventes à emporter.
Je voudrais confirmer à M. Angels que, à Bruxelles, le Gouvernement s'efforce
d'obtenir le passage au taux réduit de TVA des activités à fort contenu de
main-d'oeuvre.
Mais, il ne suffit pas de demander. Il faut ensuite que la Commission propose
un projet de directive, qui doit être voté à l'unanimité par les quinze pays.
Nous travaillons donc dans le sens que vous souhaitez, monsieur le sénateur.
M. Badré a évoqué de nombreux sujets : la dette, la famille et l'impôt sur le
revenu.
S'agissant de la dette, je voudrais simplement citer deux chiffres
incontestables, qui figurent d'ailleurs dans les rapports des commissions des
finances. La dette publique, en 1994 - je ne cite pas le chiffre de 1993, car
il existe toujours des litiges sur le partage des responsabilités - s'élevait à
3 572 milliards de francs. Elle était de 4 359 milliards de francs en 1996. La
hausse de la dette publique entre 1994 et 1996, hausse dont la responsabilité
est clairement définie, a été de 22 %. Plus précisément, elle s'est élevée à 13
000 francs par Français en deux ans. Il y a donc une pente à corriger, ce à
quoi nous nous employons : en 2000, la dette cessera de progresser en
pourcentage de la production nationale avant de commencer à décliner. Compte
tenu de la limitation, en 1999, du déficit, et des taux d'intérêt actuels, en
partie grâce à l'euro auquel il faut, sur ce point, rendre un hommage
particulier, la charge de la dette en pourcentage des recettes de l'Etat - le
chiffre de 20 % a été cité - a diminué de près d'un point, passant de 17,6 % en
1998 à 16,6 % en 1999.
M. Badré s'est étonné de la diminution du quotient familial qui pèse sur 600
000 familles. A ce sujet, j'apporterai deux éléments de réponse.
Cette diminution résulte directement d'une convention sur la famille que M. le
Premier ministre a tenue au printemps de cette année avec les associations
familiales. Le Gouvernement a mis exactement en oeuvre le dispositif que
souhaitaient ces dernières, c'est-à-dire la suppression du plafonnement des
allocations familiales et, en contrepartie - il faut bien équilibrer le régime
famille - la diminution du quotient familial.
Sur ces 600 000 familles, 225 000 d'entre elles gagneront à ce changement et
425 000, c'est vrai, y perdront. Pour relativiser les choses, je dirai que,
pour un couple avec deux enfants, le problème ne commencera à se poser qu'à
partir de 48 200 francs de revenus par mois. Convenons que ces familles sont
parfaitement respectables mais pas vraiment modestes.
La politique familiale du Gouvernement est connue : outre le quadruplement de
l'allocation de rentrée scolaire, le relèvement des minima sociaux, les
emplois-jeunes et la relance de la croissance, qui ont permis une baisse
significative du chômage des jeunes, citons le plan social étudiants qui
permettra aux jeunes de toutes origines sociales de poursuivre des études
supérieures.
M. Badré m'a également interrogé sur les concubins. Je lui rappellerai les
propos de M. de Courson, qui est un orfèvre en la matière : 5 millions de
couples concubins ont 2 millions d'enfants à charge. Je crois donc que le
Gouvernement a raison de se soucier de ces familles dont le statut juridique
n'est pas celui du mariage.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais enfin formuler une remarque à propos du
système allemand, qui a été cité par beaucoup d'entre vous. Puisque la
fiscalité allemande est supposée être exemplaire, je voudrais simplement faire
observer que l'impôt sur le revenu rapporte à l'Etat 1 000 milliards de francs
en Allemagne et 335 milliards de francs en France. L'impôt sur le revenu est
donc trois fois plus lourd en Allemagne.
M. Jean Chérioux.
Il faut ajouter la CSG !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vais y venir, monsieur Chérioux, mais permettez-moi
encore un instant de centrer mon propos sur l'impôt sur le revenu.
Un couple marié avec deux enfants, dont le revenu annuel est d'un millions de
francs, paiera au titre de l'impôt sur le revenu 185 000 francs en France et
350 000 francs en Allemagne.
Vous avez raison, monsieur Chérioux, de dire qu'il faut tenir compte des
prélèvements sociaux ; mais même dans ce cas, l'avantage, si je puis dire,
reste à la France. En effet, le couple que j'ai évoqué acquittera 360 000
francs dans notre pays, contre 415 000 francs en Allemagne. Ne cherchons donc
pas à l'étranger des références trop faciles ; il suffit de constater que les
travailleurs frontaliers d'Alsace préfèrent de loin être imposés en France
plutôt que dans le pays où ils exercent leur activité professionnelle.
J'en viens maintenant à l'intervention de M. Paul Girod, qui a parlé
principalement de la taxe professionnelle. Il a estimé que nous retenons une
référence injuste, celle de 1997. Je voudrais rectifier ce point : dans le
système proposé pour ancrer la compensation dont nous avons déjà longuement
débattu, on prend les chiffres les plus récents, c'est-à-dire les bases de 1999
et les taux de 1998. Je crois que cela répond en partie à la critique de M.
Girod.
Bien entendu, la compensation sera versée franc pour franc en 1999.
Cela étant, M. Girod est inquiet pour l'avenir. Je ne reprendrai pas ici la
comparaison que j'ai faite entre les différentes références pour la taxe
professionnelle sur la période 1992-1997. Je répète simplement que, si l'on
avait appliqué le dispositif gouvernemental entre 1992 et 1997, ce dernier
aurait été plus avantageux que le système qui est en cours de remplacement.
M. Oudin s'est inquiété du sacrifice des investissements. Après l'intervention
de M. Girod, qui a parlé d'hystérèse, c'est-à-dire du fait que l'on regarde le
présent avec les yeux du passé, cela constitue une heureuse transition.
M. Oudin me semble s'être trompé de période : les investissements de l'Etat
sont en hausse de 2,8 % en 1999, après une baisse de 13 % entre 1993 et 1997.
Il est donc clair que l'investissement de l'Etat a été sacrifié entre 1993 et
1997, et que tel n'est pas le cas en 1999. Quand vous discuterez du budget des
transports, vous pourrez vous en rendre compte.
M. Adnot a regretté la fin des quirats, dont je dirai qu'elle est intervenue
dans la transparence démocratique la plus complète.
Chacun sait que le système des quirats avait pour objet de permettre à ceux
qui investissaient dans les parts de navire de tirer un avantage considérable
en matière de réduction d'impôts, et ce pour favoriser le développement de
notre flotte de commerce et de nos chantiers navals. Chacun connaît aussi les
critiques que ce système a suscitées : nos chantiers navals n'en étaient pas
sytématiquement les bénéficiaires ; en outre, institué en 1996 pour un coût
fiscal de 400 millions de francs, ce système a rapidement coûté cinq fois plus
! Il y avait donc là une vraie difficulté.
Nous avions promis de mettre en place un système de remplacement : il a été
négocié avec les professionnels puis inscrit dans le projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier. Je crois que tout le
monde en est satisfait, sauf semble-t-il, M. Adnot...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Présentation très tendancieuse !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Eh bien, interrogez les professionnels de bonne foi
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les professionnels se satisfont de ce qu'on leur
donne !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Regardez, pour citer un exemple, le redressement des
chantiers de l'Atlantique !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ceux du Havre, c'est moins exceptionnel !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Les chantiers navals du Havre coûtent 100 millions de
francs par mois aux contribuables ! Le lien avec les quirats me semble
relativement faible !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est vous qui nous y conduisez !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je répondrai à M. Adnot sur un dernier point : la taxe
générale sur les activités polluantes, la TGAP.
M. Adnot est attentif au développement de la lutte contre les pollutions. De
ce point de vue, je suis entièrement d'accord avec lui.
L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, verra ses
moyens augmenter - vous le vérifierez dans le projet de budget qui vous est
soumis - puisqu'ils passeront de 1,3 milliard de francs à 1,9 milliard de
francs hors TGAP. L'ADEME aura donc plus de moyens pour développer son
activité, et le bénéfice de la TGAP telle qu'elle vous est proposée pour 1999
ira évidemment à l'ADEME, laquelle pourra développer, dans le cadre d'un
contrat d'objectifs pluriannuel, une lutte contre les pollutions beaucoup mieux
coordonnée que par le passé.
M. Adnot a imaginé que nous allions capter toutes les redevances des agences
de l'eau. Cela ne figure pas dans le budget qui vous est présenté. C'est un
sujet sur lequel Mme le ministre de l'environnement et de l'aménagement du
territoire a engagé une concertation approfondie. Ce n'est pas un sujet
d'actualité. Le Gouvernement est attaché au rôle que les agences de l'eau joue.
Il y aura donc une concertation dont il ne faut pas tirer des conclusions
prématurées.
Mme Beaudeau a nourri un débat franc et positif au sein de la majorité. Elle a
fait d'heureuses citations de M. le Premier ministre. Il en est une que j'aime
particulièrement : « Oui à l'économie de marché, non à la société de marché. »
Cela me semble véritablement la philosophie qui inspire le projet de budget qui
vous est proposé.
Mme Beaudeau m'a posé trois questions.
La première portait sur la TVA, notamment la TVA sur le chocolat et sur les
équipements sportifs. Il est effectivement compatible avec les règles
européennes de baisser la TVA sur le chocolat. Mais une telle décision
représenterait une dépense relativement coûteuse - plusieurs centaines de
millions de francs - alors que le chocolat de ménage, par opposition au
chocolat bénéficiant d'additifs, est déjà assujetti au taux réduit de 5,5 %.
En ce qui concerne les équipements sportifs, vous le savez, madame la
sénatrice,...
(Exclamations sur les travées de l'Union centriste)
...
vous me permettrez de vous appeler ainsi, madame ?...
(Mme Beaudeau fait un
signe d'assentiment.)
Madame la sénatrice, comme vous le savez, seules les entreprises offrant des
prestations sportives, qu'il s'agisse de clubs de golf, de clubs d'équitation,
de clubs de gymnastique, paient la TVA. Les associations à but non lucratif
exerçant dans le domaine sportif ne l'acquittent pas. Dans ces conditions, je
ne suis pas sûr qu'il soit absolument prioritaire d'alléger la TVA sur ces
entreprises offrant des prestations sportives.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous y reviendrons dans ce débat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Effectivement !
S'agissant des associations, je signale simplement au passage le fait que le
Gouvernement a tranché un noeud gordien : par une circulaire du 15 septembre,
il a fait clairement le partage entre les associations à but non lucratif et
les associations ayant des activités commerciales. J'ai d'ailleurs écrit à ceux
d'entre vous qui avaient attiré mon attention sur des cas dramatiques pour dire
que les contentieux fiscaux du passé sont annulés et que les associations, avec
des règles précises, ont du temps - jusqu'au 1er avril prochain - pour mettre
leurs statuts en conformité avec des règles fiscales qui soient claires.
Vous avez en outre, soulevé des interrogations quant à l'impact de la taxe
professionnelle sur l'emploi, madame Beaudeau. Le Gouvernement s'est engagé à
produire, pour le 30 septembre de l'an prochain, un rapport sur ce point à
destination du Parlement.
Nous pensons que cette réforme pourrait - j'emploie à dessein le conditionnel
- entraîner la création de 25 000 emplois en 1999, tant il est vrai que cette
réforme est ciblée sur les petites et moyennes entreprises des secteurs de
main-d'oeuvre, c'est-à-dire sur les entreprises ayant créé le plus d'emplois
dans le passé ; mais nous pourrons le vérifier ensemble d'ici à un an.
Vous m'avez également interrogé sur le Crédit Lyonnais. Il est vrai que le
produit de la privatisation de cet établissement, qui nous a été imposée par
l'Union européenne, n'est pas versé au compte d'affectation spéciale qui
recueille les produits des cessions de participation. Toutefois, cela ne
signifie pas que le Crédit Lyonnais ne sera pas privatisé ; cela veut dire,
madame la sénatrice, que, comme le Gouvernement s'y est engagé, le produit de
cette privatisation ira directement à l'établissement qui a pris en charge la
dette du Crédit Lyonnais, et que les spécialistes appellent l'EPFR.
Enfin - c'était votre dernière question - vous m'avez demandé s'il y aurait,
avant le débat sur les caisses d'épargne, un débat sur le secteur financier. Ce
débat a été promis par M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, et il aura lieu comme promis.
M. Massion a présenté d'une façon que je ne vais pas commenter longuement -
mais que j'approuve complètement - le contraste entre la croissance molle et
inégalitaire du modèle libéral et la croissance vigoureuse et solidaire du
modèle que le Gouvernement défend avec sa majorité plurielle.
M. Massion a fort bien exposé - et je ne le plagierai pas - les différences
qui existent entre nous et la majorité sénatoriale. Il y a effectivement deux
logiques et j'observe que celle dans laquelle je me situe correspond tout à
fait à celle qu'il a mise en évidence, après M. Angels et avant M. Sergent.
Vous m'avez interrogé sur la taxe d'habitation. Il s'agit d'un impôt
particulièrement injuste, d'autant que les bases des impôts locaux ont été
fixées en 1970 pour la taxe d'habitation et l'impôt foncier, et même en 1961
pour l'impôt foncier non bâti. Il faut donc réformer ces impôts et les asseoir
sur des bases plus récentes. Un important travail a été accompli sur ce point
en 1990, à la demande du Parlement.
Le Gouvernement entend - M. le Premier ministre l'a confirmé devant
l'Association des maires de France - que cette réforme juste soit menée à son
terme. Il souhaitait initialement l'introduire dans le projet de loi de
finances rectificative, mais - et je fais appel à votre expérience de
parlementaires - s'agissant d'une trentaine d'articles fiscaux tous assez
compliqués dans la mesure où ils constituent, en fait, les fondements de tous
les impôts locaux, la taxe professionnelle dépendant elle-même de ces bases
locatives, le temps de débat extrêmement court dont nous aurions disposé
n'aurait pas été suffisant : le collectif budgétaire doit être examiné en une
quizaine de jours.
L'examen de cette réforme sera donc repoussé à l'année prochaine, ce qui nous
permettra de réaliser, ainsi que les parlementaires de l'Assemblée nationale
nous l'ont demandé, de plus nombreuses simulations, afin d'étudier les
éventuelles distorsions que cette réforme pourrait provoquer. S'il est clair,
en effet, que, pour chaque commune, pour chaque département et pour chaque
région, le produit de la taxe d'habitation sera le même qu'auparavant, il y
aura, à l'intérieur de chaque commune mais aussi, dans un certaine mesure, à
l'intérieur de chaque département et de chaque région, des transferts de taxe
d'habitation.
Le Gouvernement, qui est éclairé en la matière par les travaux réalisés en
1996 par le Comité des finances locales, va donc étudier ce dossier en détail
avec les parlementaires qui le souhaitent, de façon que les hausses et les
baisses que les contribuables auront à supporter s'effectuent prudemment, sans
que, dans le même temps, l'Etat soit amené à y consacrer trop d'argent.
Enfin, monsieur Massion, vous êtes, je crois, le seul à avoir insisté sur le
dispositif de lutte contre la fraude fiscale qui figure dans le projet de loi
de finances.
L'intention du Gouvernement est claire en la matière : il s'agit de mieux
lutter contre la grande fraude fiscale internationale. C'est tout à fait
important. Il ne s'agit pas de tourmenter les salariés ou l'immense majorité
des contribuables, mais de lutter contre l'évasion fiscale, contre la fraude
fiscale et contre un certain nombre de souplesses offertes par des dispositifs
très complexes et par des perméabilités croissantes au sein de l'Europe - et
pas seulement de l'Europe, d'ailleurs.
Vous aurez l'occasion d'étudier cette question, car l'Assemblée nationale a
adopté, en première lecture, un dispositif assez complet à ce sujet, à partir
d'un rapport parlementaire de M. Brard.
M. Peyrefitte a développé un exposé que je respecte entièrement dans sa forme
brillante, mais un peu moins sur le fond. Il a évoqué une sorte de mystique de
l'Etat omnipotent. J'ai eu le sentiment, à l'écouter, qu'il pratiquait une
sorte de dogmatisme de l'Etat absent et du chacun pour soi.
Dans le modèle européen, dans lequel nous nous reconnaissons tous, il y a un
rôle pour l'Etat, qui doit stimuler l'activité économique et assurer un minimum
- sinon un maximum - de solidarité sociale. Je ne vois pas en quoi il serait
conforme aux défis de la modernité, que M. Peyrefitte a évoqués à juste titre,
de réduire le budget de l'éducation nationale ou celui de la recherche, comme
tend à le faire le budget alternatif qui a été élaboré patiemment,
courageusement et rigoureusement par votre commission des finances.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas bien se préparer à la bataille de
l'intelligence que de réduire le budget de la recherche ou celui de l'éducation
nationale, que de brimer le budget de la culture. Les dépenses que l'Etat
prévoit dans ces trois domaines - que je cite parmi d'autres - sont utiles pour
l'avenir : ces domaines ne relèvent pas d'une conception ambitieuse du rôle de
notre pays au xxie siècle.
M. Fréville m'a interrogé sur la croissance et sur les déficits. Je crois
avoir déjà répondu sur ces deux questions.
Il nous a présenté des calculs extrêmement subtils tendant à montrer qu'il n'y
avait pas de véritable baisse du déficit ni de réelle réduction d'impôt ou de
vraie priorité dans les dépenses. Or, même avec toute la subtilité du monde, on
ne peut pas ne pas constater que le projet du Gouvernement fait vraiment
baisser les déficits, allège vraiment les impôts et accroît les dépenses avec
mesure, en tout cas beaucoup moins que vous le souhaiteriez.
Cela étant, j'ai relevé deux points positifs dans son intervention.
Vous avez tout d'abord considéré, monsieur Fréville, que la baisse des droits
de mutation était une bonne idée. Il est trop rare de recevoir des compliments
de la majorité sénatoriale pour ne pas vous remercier d'en avoir formulé un
!
Vous avez aussi évoqué la réintégration des crédits d'article, c'est-à-dire
l'effort de transparence - à hauteur de 45 milliards de francs - réalisé par le
Gouvernement pour présenter, ce qui était souhaitable depuis 1958, le projet de
budget de la façon la plus sincère possible.
Vous m'avez interrogé à propos de la taxe professionnelle et de la
surimposition de l'outillage. Il me semble avoir déjà répondu sur ce point : la
taxation de ce que vous appelez « l'outillage » est l'élément de plus dynamique
de la taxe professionnelle. Même entre 1992 et 1997, alors que l'investissement
des entreprises a été réellement médiocre pendant cette période, la base de la
taxe professionnelle a crû de 30 %. Je ne pense donc pas que cet impôt
décourage la modernisation. De toute façon, il a un rendement suffisant.
Quant au choix que vous avez évoqué, en citant M. Malinvaud, entre baisse des
cotisations sociales sur le travail peu qualifié et taxe professionnelle, je
crois que les mesures que nous prenons en matière de taxe professionnelle
portent pour l'essentiel sur des activités de main-d'oeuvre qui concentrent une
forte proportion d'emplois non qualifiés.
En ce qui concerne la dette - je vous prie de m'excuser si je condense mes
réponses - vous avez indiqué qu'il faudrait encore quelques années pour la
stabiliser. Nous serons, en 1999, à 2,3 % de déficit public en pourcentage du
produit intérieur brut, toutes administrations confondues. Or les travaux des
spécialistes montrent que la dette est stabilisée lorsque le déficit s'établit
à 2,1 %.
Je vous promets que, dès l'an 2000, la dette commencera à diminuer en
pourcentage du produit intérieur brut, et nous aurons l'occasion alors
d'enregistrer un événement exceptionnel puisque cela fait vingt ans que nous
l'attendions.
M. Sergent a évoqué les collectivités locales et il a dit sur ce sujet tout ce
qu'il fallait dire. Je n'ai donc rien à ajouter. Il a bien montré, notamment,
que nous nous orientions vers la restauration d'un climat de confiance entre
l'Etat et les collectivités locales, climat qui avait été profondément corrodé
par le pacte de stabilité.
Je ne veux pas prolonger le débat, mais je considère comme M. Sergent que
l'Etat et les collectivités locales sont côte à côte dans la bataille pour la
croissance.
S'agissant du développement des emplois-jeunes, je rappelle que 17 000
contrats avaient déjà été conclus par les communes fin septembre. C'est le
début d'un processus qui est tout à fait positif.
L'Etat et les collectivités locales sont également côte à côte dans la
bataille pour l'aménagement rural et pour le développement de la politique de
la ville.
Par ailleurs, M. Sergent a évoqué le fonds de compensation de la TVA. Cela
fait très longtemps que les élus attendaient que les travaux d'aménagement des
berges de torrents puissent bénéficier de ce fonds, même lorsque ces travaux
sont entrepris sur des berges inondables qui n'appartiennent pas aux
collectivités locales maîtres d'oeuvre. Le Gouvernement a accepté ce
principe.
Enfin, monsieur Sergent, s'agissant de la M 14, c'est-à-dire du changement du
système compable des collectivités locales, je souhaite rendre hommage aux élus
qui ont réalisé cette transition avec beaucoup de courage et d'abnégation.
J'indique que de nouvelles maquettes budgétaires ont été publiées ce mois-ci.
Elles résultent d'un travail piloté par M. Frécon au sein de l'Association des
maires de France, conjointement avec l'Etat.
Aujourd'hui, nous allons marquer une pause en la matière ; les maquettes
budgétaires qui viennent d'être publiées vont maintenant vivre leur temps sans
que l'on change perpétuellement les systèmes comptables.
M. Bourdin a conclu son intervention par une observation qui aurait pu être
placée en exergue de notre débat. En effet, il s'est fait l'écho des travaux
qui ont été menés par le Sénat avec des organismes économiques très sérieux sur
trois sujets : l'évolution de l'environnement international, les perspectives à
moyen terme de notre pays et l'évolution du financement de la sécurité
sociale.
Je dis au nom du Gouvernement qu'il me paraît bon que le Sénat soit doté - ce
qui est le cas depuis quelques années - de sa propre capacité d'analyse et de
prévision dans le domaine économique. En s'appuyant sur les meilleurs
partenaires français possibles en France, la Haute Assemblée est ainsi en
mesure d'apporter des arguments pertinents au débat.
S'agissant de l'environnement international, vous avez parlé du dollar, qui
constitue effectivement un paramètre important de la croissance européenne. J'y
vois une raison supplémentaire pour que nous parvenions, au niveau européen, à
une bonne coordination des politiques budgétaires et à une bonne harmonisation
entre celles-ci et la politique monétaire qui sera menée par la Banque centrale
européenne à partir de 1999.
Vous avez confirmé, pour l'essentiel, que la croissance européenne atteindrait
l'an prochain 2,5 % au lieu de 2,7 %, la France étant un peu en avance à cet
égard. Ces chiffres me paraissent tout à fait raisonnables. Vous avez attiré
notre attention sur le fait, à mon sens essentiel, que, même si la croissance
est forte - 2,7 % en 1999 et 2,5 % entre 2000 et 2003 - le taux de chômage
demeurera à un niveau encore difficilement supportable : de l'ordre de 10 % à
11 %.
Personnellement, j'en tire la conclusion que la politique de lutte contre le
chômage, c'est un peu, pour prendre une image, comme la fusée Ariane : il y a
le corps de la fusée, la croissance, croissance sans laquelle il y aurait une
explosion du chômage ; mais il y a aussi, parce que la croissance doit être
consolidée, soutenue, deux fusées annexes, deux
boosters,
si vous me
permettez d'employer ce terme, qui sont, d'un côté, la politique de réduction
du temps de travail, de l'autre, la politique des emplois-jeunes.
Il est important, à mes yeux, que la politique de l'emploi soit une politique
de croissance complétée - il n'est pas question de substitution ! - par une
politique ambitieuse en matière de réduction négociée du temps de travail - les
premiers résultats sont tangibles alors que les textes ne sont parus qu'au mois
de juillet - et en matière d'emplois-jeunes, où les choses se passent fort
bien, puisqu'on en sera à 150 000 emplois-jeunes à la fin de l'année et que
l'on vise les 250 000 à la fin de l'année suivante.
Les emplois-jeunes, qui n'ont pas très bonne presse au sein de la Haute
Assemblée, ne sont pas - je tiens à le dire - de faux emplois publics. C'est un
sas qui permet à des jeunes en grande difficulté ou au chômage de retrouver
confiance en eux-mêmes et en l'avenir. Ils ont en effet cinq ans devant eux
pour apprendre à travailler, pour perfectionner leur formation, après quoi ils
partiront dans les entreprises ou passeront des concours administratifs.
Avec à peine un an de recul, on constate déjà que les jeunes ayant bénéficié
des premiers emplois-jeunes sont nombreux à profiter des embauches offertes par
les entreprises, laissant ainsi leur place dans le dispositif à d'autres
jeunes. Ce dispositif est donc bon non seulement du point de vue social mais
également du point de vue économique.
En matière de finances publiques, selon vous, si nous continuons l'effort
grâce à la croissance - je ne vous contredirai pas sur ce point, me contentant
d'ajouter que ce n'est pas seulement grâce à la croissance - nous devons
cependant dépenser mieux, et donc redéployer. C'est la tâche à laquelle je
m'emploie.
Si la croissance est là, si elle arrange beaucoup de choses, elle n'arrange
pas tout. L'exemple américain, que M. Strauss-Kahn a cité hier, est à cet égard
significatif, me semble-t-il.
Si nous avions - mais ne rêvons pas ! - six à sept années de croissance
continue, grâce à une bonne politique budgétaire et à une bonne politique
monétaire, nous arriverions peut-être à supprimer complètement les déficits
publics, comme les Etats-Unis y sont parvenus.
La croissance est donc bien - vous l'avez dit - la bonne manière, accompagnée
de politiques structurelles patientes de redéploiement des dépenses vers les
véritables priorités, d'arriver à une situation meilleure des finances
publiques.
S'agissant du financement de la sécurité sociale, monsieur Bourdin, vous avez
cité le rapport de M. Malinvaud. Le débat est en cours. Il n'est pas facile de
modifier l'assiette des cotisations patronales. Divers scénarios existent, y
compris dans le rapport de ce grand économiste que vous avez cité.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité va mettre à profit les
premiers mois de l'année 1999 pour étudier - le Gouvernement aime débattre
avant de décider - les meilleures solutions en matière de diminution des
cotisations patronales.
Monsieur le président, j'ai tenu à répondre aussi précisément que possible à
tous ceux qui ont bien voulu participer à ce débat de politique générale, en
prélude à l'examen, article par article, du projet de budget pour 1999 qui vous
est soumis par le Gouvernement.
Depuis hier, nous avons échangé des arguments à l'appui de deux logiques : la
logique qui inspire le projet gouvernemental et celle qui inspire le projet
alternatif de la commission. Nous aurons encore l'occasion de débattre. En
conclusion, ce dont je me félicite, c'est que, si il y a deux logiques, il n'y
ait qu'un seul dialogue républicain.
(Applaudissements.)
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, chacun des intervenants aura sans doute
apprécié votre réponse dense, riche et argumentée, dont la Haute Assemblée dans
son ensemble n'a pu que tirer profit.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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