Séance du 14 mai 1998
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de lutte contre les exclusions doit, comme s'y est engagé le Gouvernement, relancer une politique de santé dans les écoles et les établissements scolaires, qui articule prévention, accès aux soins et éducation à la santé. Le 11 mars, Mme Ségolène Royal déclarait qu'il fallait améliorer l'état de santé des élèves qui en ont le plus besoin, souhaitant que l'école renforce ses liens avec les autres services publics et le système de soins pour suivre particulièrement, tout au long de la scolarité primaire, leurs déficits spécifiques, notamment dans le domaine de l'hygiène bucco-dentaire.
Les parlementaires communistes soutiennent pleinement ces orientations.
Or, l'Institut de prophylaxie dentaire infantile de Paris, qui, en 1996, a dépisté 53 000 enfants et soigné 6 000 enfants souvent d'origine modeste, est une structure médico-sociale en liaison avec les écoles maternelles et primaires du nord-est parisien qui permet de combattre chez les élèves les plus fragiles - ils sont nombreux dans les arrondissements concernés - une mauvaise hygiène et le manque de soins bucco-dentaires. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit à la fois d'un problème sanitaire et d'un problème social.
Interpellé le 20 janvier dernier à l'Assemblée nationale sur cette question, vous avez déclaré être attaché à la pérennité de tels établissements.
On le voit, les activités de cet institut peuvent contribuer à confirmer les orientations gouvernementales dans le domaine de la lutte contre l'exclusion.
Aussi, je ne peux que m'inquiéter de la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris qui a fait connaître à une vingtaine de dentistes des services de soins et de prévention de cet institut leur licenciement à compter du 15 mai au soir. Ces mesures, si elles étaient appliquées, correspondraient à un abandon total des soins dentaires infantiles de l'institut et à une diminution de son activité de prévention, ce qui est en contradiction avec les objectifs affichés.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, à un moment crucial pour la réussite de l'application des orientations gouvernementales, dont le projet de loi sur la lutte contre les exclusions est un aspect important, je vous demande ce que vous comptez faire pour que l'on débouche enfin sur une table ronde avec tous les acteurs qui permette de maintenir les diverses activités de cet institut, et donc de surseoir à la décision de licenciement des praticiens. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - MM. Braye et Hamel applaudissent également.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous rappelle que le temps dont vous disposez pour répondre est limité à deux minutes et demie.
Vous avez la parole.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je veillerai à respecter le temps qui m'est imparti, monsieur le président, et je vous prie de m'excuser de ne pas avoir été présent à l'ouverture de la séance.
Madame le sénateur, j'ai déjà répondu, par deux fois, à l'Assemblée nationale à une telle question et vous avez raison de la poser ici. En effet, l'Institut de prophylaxie dentaire infantile de Paris était et demeure utile ; il a pris en charge un grand nombre d'enfants, dans les conditions que vous avez rappelées.
Toutefois, ce type de structure doit évidemment répondre à un nombre de critères bien définis, qui échappent au Gouvernement et qui sont l'apanage des partenaires sociaux. J'ai déjà dit et je le répète : l'activité orthodontique de cet institut doit être maintenue.
Vous avez fait allusion à la mise en oeuvre d'un plan social, à compter du 15 mai prochain, et je sais qu'une partie du personnel a reçu des lettres à ce propos. Ce plan social, au dire des partenaires sociaux, répond à la situation financière difficile dans laquelle se trouve, vous ne l'ignorez pas, cet institut. L'application de ces mesures ira de pair - nous l'espérons et nous y veillerons, madame le sénateur - avec une redéfinition, qui est en cours de négociation, de la mission de celui-ci. Nous ne pouvons pas intervenir sur ce point, mais nous avons déjà fait connaître notre sentiment, et l'autorité de tutelle veillera de très près à ce que la santé des enfants, notamment des quartiers est, soit préservée.
Quant au personnel concerné, nous avons obtenu l'assurance qu'il serait entièrement reclassé, et qu'il n'y aurait pas de licenciements individuels. S'agissant des chirurgiens dentistes, treize d'entre eux ont refusé les propositions qui leur ont été faites : dix recevront les indemnités de licenciement prévues par la convention collective des agents de la sécurité sociale - un mois de salaire pour une année de présence - tandis que trois seront licenciés dans les conditions normales. Par ailleurs, trois chirurgiens dentistes ont demandé et obtenu le bénéfice de la préretraite, cinq autres recevront une indemnité d'installation, un a accepté le nouveau contrat - qui prévoit moins de vacations - et enfin le dernier hésite.
Au-delà, nous serons bien évidemment, je le répète, très attentifs. N'oubliez pas, madame le sénateur, que le projet de loi de lutte contre les exclusions, auquel vous avez fait référence, sera, nous l'espérons, efficace dans le domaine de la santé bucco-dentaire. Cela signifie que non seulement à Paris et dans les quartiers difficiles, mais aussi à partir des expériences régionales menées dans tous les départements, des dispositifs seront mis en oeuvre pour mettre à la portée des enfants, en particulier des plus défavorisés d'entre eux, les soins nécessaires en matière d'hygiène bucco-dentaire.
Mais vous comprendrez, madame le sénateur, que nous devions, pour le moment, laisser faire les partenaires sociaux, dans ce domaine, en veillant de très près à l'application de cette stratégie de réduction des dépenses, mais aussi à ce que, comme cela est prévu, les enfants qui n'auront pas accès à cet institut soient répartis entre les dentistes libéraux des quartiers concernés afin qu'ils n'en pâtissent pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Applaudissez !
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