M. le président. Par amendement n° 103,Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 35, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les entreprises privées assurant un service de distribution d'eau et d'assainissement sont nationalisées.
« II. - L'indemnisation des actionnaires des entreprises concernées est effectuée par la distribution d'obligations à coupon zéro courant sur vingt ans, et une participation aux bénéfices constatés dont la part est fixée par décret. Le montant des sommes concernées ne peut être supérieur à la valeur de l'actif net desdites entreprises.
« III. - Les dispositions de l'article 39-1-5° du code général des impôts sont abrogées. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par notre amendement n° 103, nous proposons que les entreprises privées assurant un service de distribution d'eau et d'assainissement soient nationalisées.
La question du service public de l'eau doit, aujourd'hui, nous semble-t-il, être clairement posée.
En effet, alors même que de multiples directives européennes tentent depuis plusieurs années de remettre en question les choix que notre pays a pu opérer, à certains moments de son histoire, en matière d'approvisionnement en énergie ou de télécommunications - et chacun sait ici que cela a été suivi d'effet et que notre conception du service public à la française a été en quelque sorte battue en brèche - la Commission européenne n'a jamais, en matière d'eau, conçu d'autres directives que celles qui portaient sur la qualité du service et non sur l'organisation du marché.
La démarche, maintenant connue de longue date, de la Commission en ce domaine a été, dans les faits, de favoriser l'émergence de puissants groupes privés gestionnaires d'infrastructures de traitement et de distribution de l'eau, en élevant chaque fois un peu plus le niveau des spécifications techniques. Je ne reviendrai pas ici sur le débat traditionnel de savoir si l'on doit fournir une eau pure ou une eau purifiée ! L'une des conséquences a été de contraindre les collectivités locales à concéder, dans les conditions que l'on connaît, l'ensemble des opérations à ces groupes privés.
Il se trouve que l'état actuel de la situation est bien loin d'être satisfaisant.
J'observe, tout d'abord, qu'il existe manifestement des différences de traitement entre usagers des services d'eau et d'assainissement et qu'elles ont un effet dévastateur sur le niveau de prix pratiqué.
La péréquation tarifaire est une donnée absente de la gestion des concessionnaires et cette simple réalité motive a priori et a posteriori cette position de fond que je défends.
J'observe, ensuite, que la qualité du service est très inégale selon les régions du pays. On constate, en particulier, d'importantes déperditions dans les canalisations et réseaux, alors même que les conditions d'affermage prévoient en principe que les dépenses afférentes doivent être effectuées par les concessionnaires.
Le niveau des dépenses de recherche développement de la Compagnie générale des eaux - il s'agit du système Vivendi, dont nous avons tous entendu parler - est en effet particulièrement faible, puisqu'il atteint péniblement 360 millions de francs alors que le groupe réalise un chiffre d'affaires de plus de 150 milliards de francs.
Si une telle situation était rencontrée pour Gaz de France ou pour Electricité de France, nul doute que le débat que nous venons d'avoir sur l'article 35 n'aurait même pas eu lieu d'être.
En revanche, ce qui est certain, c'est que l'activité eau et assainissement, ou plutôt les bénéfices qui en sont tirés - et qui sont considérables, vous le savez - irriguent les comptes de l'ensemble des groupes dont nous faisons état.
Ils leur permettent de se positionner sur de nouveaux créneaux de rentabilité, comme le montre, par exemple, l'offensive de Vivendi sur le marché de la téléphonie mobile au travers de Cégétel.
A défaut de répondre aux besoins du service public, la concession de l'eau et de l'assainissement est au moins source de constitution d'un trésor de guerre utilisable pour tout projet d'investissement.
Nous estimons donc indispensable de poser aujourd'hui la question de la constitution d'un grand service public national de l'eau, qui répondrait enfin aux exigences d'un service public moderne que nos compatriotes sont en droit d'attendre.
Quant aux procédures, nous estimons que nous devons en ces matières opter évidemment pour une indemnisation de longue haleine des actionnaires actuels, selon les modes qui ont pu être utilisés lors de la constitution du service public du gaz et de l'électricité par le passé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen vient de vous proposer la nationalisation des entreprises de distribution d'eau et d'assainissement. La commission des finances ne vous recommande pas cette solution, mais elle vous invite à écouter avec beaucoup d'attention la réponse du Gouvernement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ma réponse à Mme Beaudeau sera brève. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n'a pas manifesté une quelconque intention de nationaliser les entreprises de distribution d'eau.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103.
M. François Lesein. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Je ne suis pas d'accord avec votre proposition, madame Beaudeau. En effet, vous ne visez dans cet amendement que les communes qui sont affermées. J'aimerais que vous nous parliez des communes qui se trouvent en régie. Pour ma part, j'en connais beaucoup. On n'est pas obligé d'affermer ! Puisque ces sociétés privées gagnent de l'argent en affermant dans nos communes et dans nos villes, pourquoi les collectivités locales seraient-elles moins susceptibles de gagner de l'argent ? Seraient-elles moins malines ? Il suffit de bien concevoir le service.
Prenez des contacts avec des communes qui ont leur régie : je vous garantis qu'elles gagnent de l'argent et qu'elles créent des emplois.
Par conséquent, je voterai contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 36