M. le président. La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 236, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question, quelque peu inhabituelle venant de ma part dans la mesure où, comme chacun le sait, je ne suis pas homme à marcher tellement au pas (Sourires) , vise un point vraiment très particulier.
Depuis des décennies, la musique du 43e régiment d'infanterie de Lille fait partie intégrante de l'histoire du département du Nord.
Cette véritable institution est menacée de disparition en l'an 2000, pour deux raisons liées à la réforme des armées.
La première résulte de la fin de la conscription. La musique du 43e régiment d'infanterie est composée à 90 % d'appelés et a servi jusqu'à présent d'excellente filière « musique » pour les élèves de conservatoires ou pour les musiciens désireux de poursuivre leur apprentissage durant le service militaire.
La seconde raison tient dans la réorganisation des régions militaires : le redécoupage en cinq régions militaires se traduit par le maintien d'une seule formation musicale d'envergure par région ; celle de Metz remplacera donc celle de Lille.
Derrière ce qui pourrait passer pour une conséquence anodine de la réforme des armées, il y a, monsieur le ministre, la disparition d'une institution musicale de qualité profondément enracinée dans la vie régionale.
La musique du 43e régiment d'infanterie est une formation de qualité, composée de quatre-vingts musiciens professionnels dont l'activité ne se limite pas à des défilés ou à des parades. En effet, elle est capable de donner de grands concerts et d'interpréter des répertoires variés et elle assure, par exemple, cent quatre-vingts apparitions annuelles, des tournées importantes, des enregistrements. La musique du 43e régiment d'infanterie est partie intégrante du paysage musical et symbolise, avec ses spécificités, le lien entre l'armée et la nation. Il faut d'ailleurs savoir que le département du Nord est depuis très longtemps un vivier pour la musique militaire, puisque nombre de ses élèves de conservatoires ou d'écoles de musique sont venus grossir les rangs non seulement de la musique du 43e régiment d'infanterie, mais aussi des autres formations.
Le maintien d'une structure de musiciens professionnels se justifie donc à plus d'un titre.
Tout d'abord, une batterie fanfare - c'est ce qui est proposé - ne remplacera jamais en qualité la formation actuelle.
Ensuite, cette formation pèse peu, à mon avis, dans le budget des armées. Le souci d'économies est en effet mis en avant pour justifier cette suppression : il faudrait payer quatre-vingts musiciens professionnels, alors que les appelés ne coûtaient naturellement presque rien.
L'Amicale des anciens du 43e, qui défend avec passion la musique à Lille, a avancé quelques arguments de bon sens, que je me permettrai de reprendre.
Ainsi, les musiques représentent 0,002 % du budget des armées. On ne fera donc que de très petites économies, qui risquent d'ailleurs d'être englouties en raison des coûts importants occasionnés par les manifestations qui imposeront la venue de musiciens et de formations extérieurs.
Mais je ne manquerai pas, monsieur le ministre, avant d'en terminer, de vous faire part également du sentiment d'injustice que ressentent les très nombreux amis et défenseurs du 43e, ainsi que toute la population. En effet, la zone s'étendant de Brest à Metz risque d'être, dans deux ans, un désert sans musique militaire, alors que d'autres régions, comme l'Ile-de-France, par exemple, regrouperont neuf formations. Il s'agit non pas de déshabiller l'un pour habiller l'autre, mais de garantir plutôt une certaine égalité par un « rhabillage » général.
Ne pourrait-on pas faire autrement, monsieur le ministre, pour garantir le maintien d'une formation de qualité à Lille ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je tiens à rendre hommage à votre attachement à la vie culturelle de votre département et de votre région, et à vous indiquer que, comme vous, je suis persuadé de la nécessité du maintien et même du développement du lien armées-nation, auquel contribuent assurément les formations musicales des armées.
Cela dit, la professionnalisation des armées que nous sommes tenus de conduire maintenant entraîne bien évidemment de profondes réformes, qui ne peuvent pas laisser à l'écart les musiques militaires.
Les effectifs de nos armées, je vous le rappelle, vont diminuer au total de 25 %, et l'armée de terre, à laquelle se rattache la majorité des formations musicales, verra ses effectifs baisser plus encore. C'est d'ailleurs ce qui explique que, à terme, une armée de terre dont les effectifs auront diminué de près du tiers n'aura plus que cinq régions de commandement au lieu de neuf aujourd'hui, et Lille, en effet, est l'une des villes qui perdra le commandement d'une région de l'armée de terre.
En revanche, nous n'avons pris aucune option en ce qui concerne la réduction du nombre des circonscriptions militaires de défense, qui sont interarmées.
Le nombre des musiques professionnelles doit donc baisser environ de moitié - trente-trois musiques militaires pour l'ensemble du territoire national au lieu de soixante-quatre - et leur effectif en professionnels uniquement spécialisés dans la musique baissera quasiment dans les mêmes proportions, passant de 2 700 à 1 200 d'ici à 2002.
De ce fait, la musique du 43e régiment d'infanterie, qui est aujourd'hui composée de huit professionnels uniquement musiciens et de quarante-sept appelés, doit évoluer au rythme de la professionnalisation puisque, d'ici à quatre ans, il n'y aura plus d'appelés.
Cela dit, le 43e régiment d'infanterie ne perdra pas sa musique puisque, à l'occasion de sa professionnalisation, les personnels appelés seront remplacés par des personnels professionnels à double qualification, qui auront donc à la fois une activité militaire - c'est tout de même cela qui doit être le coeur de notre activité - et une formation musicale.
La musique du 43e régiment d'infanterie sera ainsi réorganisée avec trente professionnels, et Lille, contrairement à d'autres villes importantes, conservera donc une musique militaire.
En prenant en considération l'attachement de très nombreux habitants de l'agglomération lilloise et du département du Nord à la musique du 43e, nous apportons, me semble-t-il, une réponse qui à la fois tient compte de l'impératif de concentration des armées sur leur activité principale qu'est la préparation au combat et permet de maintenir le contact armées-nation.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, mon souci, vous le devinez bien, concerne ce que l'on appelait jadis le moral de l'arrière, qui est important à mes yeux.
En tant que président de l'Orchestre national de Lille, j'ai souvent de longues conservations avec Jean-Claude Casadesus, qui en est le talentueux chef. Or, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il y a non pas de la grande et de la petite musique, mais de la bonne et de la mauvaise. La musique du 43e régiment d'infanterie faisait de la bonne musique.
Monsieur le ministre, je crains que la population d'une région de 4 millions d'habitants, qui est attachée à cette musique, n'éprouve un sentiment d'injustice face à cette réduction des effectifs. En effet, si une fanfare est utile pour les parades, elle n'a pas cependant la valeur d'une musique dans la mesure où elle ne comprend qu'une partie des cuivres et des percussions. De plus, la musique du 43e régiment d'infanterie tenait une place très importante dans le lien armées-nation comme dans le lien social de la région. Je souhaiterais donc que l'on puisse perpétuer la musique du 43e régiment d'infanterie dans son intégralité.
Il convient également, s'agissant de la répartition des formations musicales sur l'ensemble du territoire, d'éviter de trop grandes disparités entre, d'une part, Paris et la région parisienne et, d'autre part, l'ensemble du territoire. En effet, le nouveau découpage débouche objectivement sur des inégalités. Mais je vous fais confiance, monsieur le ministre, pour régler les choses dans le meilleur sens possible.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Merci !
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